L'heure bleue


TW : Viol


Les prisonniers appelaient ce moment l'heure bleue. Ce moment unique où ils pouvaient sortir pour une heure et contempler le bleu du ciel. Rien d'autre. Les gardes vous entourait de si près que même apercevoir le blanc de la neige à leur pieds était difficile. Et la plupart d'entre eux pouvait la voir cette neige de leur cellule qui tombait. Ils voulaient la sentir et cette heure le permettait aussi. Pendant l'heure bleue lui pensait à Malin, à ses yeux de la même couleur que le ciel.

En voyant s'approcher Hans et Bengt Lars attendit son tour, comme tous les autres prisonniers. Sa journée était rythmée par l'attente de l'heure bleue. De ça et du verre de sang qu'on lui offrait chaque soir. Il n'y avait rien à faire d'autres dans sa cellule. Il y avait était enfermée depuis suffisamment longtemps pour compter le nombre de brique dans le mur, il s'amusait parfois à se transformer en loup ou chauve souris mais l'espace restreint de sa cellule ne lui permettait pas d'en profiter vraiment. A quoi bon être loup quand on ne pouvait pas courir sur ses pattes puissantes ? A quoi bon être chauve-souris si on ne pouvait voler porté par le vent dans la nuit ? Il était déjà difficile d'être un vampire enfermé en cage mais une créature sauvage c'était encore pire.

Magnus pourtant lui restait toujours sous forme de loup. Lars ne pouvait même pas être sûr qu'il s'appelle Magnus, il ne faisait que grogner ou hurler. Anders qui avait été là bien avant eux lui avait dit qu'il s'appelait Magnus et les gardes le nommaient ainsi quand ils l'appelaient pour l'emmener à son heure bleue. Personne ne savait pourquoi il avait décidé de rester loup ou pourquoi il était enfermé ici. Per prétendait qu'il devait préférer sentir la neige sous ses pattes de loup, comme il pouvait vraiment la sentir, plutôt que sous ses bottes comme eux tous. Immédiatement il repensait alors à Malin qu'il avait allongé dans la neige pour lui faire l'amour la première fois. Il avait embrassé ses larmes glacés pendant qu'il allait et venait en elle, il sentait encore la neige qui s'était accroché à sa douce chevelure, qui avait épousé la forme de sa silhouette parfaite autant que ses doigts. Jan le ramenait à la réalité en supposant à son tour que ce serait pour sauter à la gorge de Hans et Bengt dès qu'il en aurait l'occasion et pouvoir s'échapper. Tous pourtant savaient qu'ils ne toucheraient jamais un garde. Ils étaient tous biens plus puissants qu'eux, bien plus dangereux et ils pouvaient leur supprimer l'heure bleue et le verre de sang.

Cette dernière idée terrifiait le pauvre Martin, le seul humain de la cellule, qui serait leur dîner si cela arrivait. Apparemment il était venu à Haldar pour une femme, une belle vampire au nom d'Ulla-Britt qui lui avait ravie son cœur et celui de nombreux hommes. La belle chanteuse avait tant d'homme qui lui tournaient autour que Martin n'avait eu aucune chance. Pourtant il avait continué d'espérer, il n'avait jamais cessé d'espérer, même actuellement en prison. Lars ne pouvait que compatir. Il espérait encore lui aussi que Malin l'épouserait. Pour le plus grand malheur de Martin personne n'avait voulut engager un mire humain dans un pays de vampire. Sans argent pour séduire sa dulcinée il avait fini par voler un précieux bijou qui lui avait valut son incarcération. Pauvre petit qui rêvait encore que celle pour qui il s'était fait emprisonné l'attende dehors. « Je me suis retrouvé en prison pour elle moi ! Aucun autre de ces prétendants n'est allé jusque-là ! Ca doit l'impressionner ! ». Lars lui savait que ça n'avait pas impressionné Malin, ça l'avait terrifiée. Mais quand il sortirait peut-être qu'elle aurait fini par comprendre qu'il avait juste fait une petite erreur et qu'il avait payé. Jan criait alors à chaque fois à Martin que s'il parlait encore une fois de cette Ulla-Britt il le viderait de son sang et pouvait être sûr de ne jamais la revoir.

Jan était un vampire violent. Lars avait longtemps cru qu'il était là pour un crime atroce. Il ne parlait que pour les menacer eux ou parler des sévices qu'il aimerait faire subir aux gardes. Ingla la responsable des gardes était celle qu'il semblait le plus détester, il professait à qui voulait l'entendre ou non qu'il la ferait se noyer dans son propre sang en la qualifiant de nombreuses insultes. Jamais lui n'avait parlé ainsi d'une femme, pas même quand Malin lui avait brisé le cœur. Hans et Bengt qui venaient les emmener et les ramener de l'heure bleue était les deuxièmes victimes favorites de Jan. Et il y avait la reine qu'il conspuait elle aussi à base de langage des plus orduriers. Un soir qu'il était reparti sur une diatribe Lars soupira. :

— Je crois que je préfèrerais qu'il m'assassine moi que de supporter une minute de plus ses jérémiades.

— Tu risques d'attendre longtemps. Jan crie beaucoup mais il ne ferait pas de mal à une mouche, affirma Anders.

— Il est ici pour une raison.

— Oui il est ruiné, il a des dettes colossales qu'il ne peut pas payer. Et du coup les autorités l'ont mis sous les verrous.

— Alors on va le supporter encore longtemps ! se résigna-t-il.

Per lui tapota le genou par compassion.

Lui ne se plaignait jamais. De rien ni de personne. C'était un ancien troubadour qui avait eu suffisamment de succès pour être régulièrement invité à la cour. Quand il chantait pour eux Lars revoyait la belle robe de Malin qui tournoyait au son d'une balade à la saint-Jean, la musique faisait virevolter les jambes gracieuses de sa belle, son jupon volait autour d'elle, sa chevelure aussi et la première fois qu'elle avait accepté de danser avec lui, elle avait rit si gracieusement, le même rire qu'elle avait offert à Mats. Ce sale rat de Mats qui pouvait faire voler son jupon et s'engouffrer entre ses si jolies jambes ! Ce requin de Mats qui sentait ses cheveux caressait sa joue et de qui il avait voulut la sauver. Elle avait dû comprendre désormais que ce monstre ne l'aimerait jamais. Que lui seule l'aimait et la méritait. La vie était si injuste ! Pour lui et pour Per que quelques vers de ses chansons avait propulsé ici et d'où il ne sortirait probablement pas du vivant de la reine Karita.

On emmena Anders et Lars trépigna d'impatience. C'était son tour après Anders. Enfin il respirerait de l'air frais. Il s'imagina Anders et son calme olympien qui savourait ce moment et s'étonnait comme à chaque fois de s'être attacher à ce vampire. Difficile de ne pas s'attacher à lui pourtant, il était doux, gentil, toujours prêt à les aider. Parce qu'il était là avant eux et ne sortirait jamais. Parce qu'il avait assassiné quinze personnes. Des femmes, des enfants, des pauvres gens qui n'avaient rien fait. Il aurait dû s'inquiéter d'être enfermer avec un tel monstre. Il songea à Malin, ça aurait pu être elle qu'il avait assassiné. Ca pourrait toujours être elle s'il sortait. Il imagina son corps nu, allongé sans vie, la poitrine percé par une lame. Même ainsi elle serait magnifique. Elle l'avait rendu fou lui, elle ne pourrait que rendre fou un meurtrier comme Anders. Il devrait demander à lui écrire, il fallait qu'il lui dise de faire attention. Il demanderait à Ingla quand on l'emmènerait pour son heure bleue. Et pourtant il n'avait jamais rencontré un type aussi attachant qu'Anders. Lui ne volait pas les amoureuses des autres, lui ne le fuyait pas, il lui avait tendu la main.

Faisant les cents pas à la porte en songeant à sa belle qu'il reverrait d'ici quelques années, il rêvassa. Il la serrait alors dans ses bras avec force pour qu'elle ne lui échappe plus, baiserait ses lèvres avec douceur, se perdrait dans ses yeux bleu comme le ciel. Une fois libre il connaîtrait de nouveau l'heure bleue, mais une heure bleue différente, une heure entière où il se perdrait dans son regard en lui susurrant des mots doux, une heure entière où perdu dans le bleu de ses iris où il ne sentirait que son corps nu contre le sien pendant qu'il lui ferait comprendre le plaisir d'être posséder de lui, une heure entière où le bleu deviendrait la couleur de l'amour.

La porte s'ouvrit sur Anders et Hans et Bengt l'appelèrent. Il se serait presque jeté dans leurs bras tant il avait hâte. On lui passa les menottes qui restreignirent sa magie et chacun se saisit d'un de ses bras. On passa une première porte derrière laquelle attendait une équipe de garde qui l'encercla de près. Puis ils avancèrent ainsi serré vers la sortie sous l'œil vigilent d'Ingla. Enfin l'air froid le percuta. Il respira avec gourmandise la fraicheur de l'atmosphère et avança encore de quelques pas. La neige s'enfonça sous ses bottes et il observa le ciel.

Bleu.

Malin et la chaleur de son corps. Malin qui frissonnait quand il caressait ses seins. Malin qui hurlait tandis qu'il la possédait. Malin aux yeux si écarquillée pendant ses moments de délices où il était en elle. A coup sûr cet idiot de Mats ne devait voir que des paupières fermés quand il accomplissait son devoir conjugal. Il ne savait pas quel splendide spectacle il ratait. Il ignorait tout de cette sensation exquise d'un corps tremblotant et agité quand on le cueillait pour le posséder, qui finissait par se soumettre à l'amour qu'on lui offrait anéanti par la force de son désir. Cette sensation de puissance quand son appétit vorace dévorait passionnément le corps dont il s'était fait maître après une longue bataille. Avec lui l'amour devait être vide de sens, sans combat, un partage, un don, il n'y avait rien à arracher, rien de jouïssif. En réalité c'était lui Lars qui s'en était le mieux sorti. Et Malin ne pourrait que s'en rendre compte, quand il sortirait elle ne pourrait que lui offrir enfin ce qu'il avait dérobé avec tant de force. Et sinon il se battrait encore pour goûter son corps qu'elle lui refusait avec acharnement, lui faisant rendre les armes pour une heure bleue perdue dans des yeux à l'azur si profond qu'il les confondait avec ce ciel.

Bientôt.

Si aucun assassin ne lui avait enlevé sa belle. A l'idée que devant eux aussi son corps devait frémir et ses yeux s'écarquiller il était malade. Elle était sienne et seul lui pouvait avoir le privilège de savourer sa peur.

Il se tourna alors vers Ingla qui ne le quittait pas des yeux.

— Est-ce que je peux écrire à quelqu'un ? Envoyer juste une lettre ?

— Non !

Sa réponse d'un ton ferme semblait sans appel. Il insista pourtant :

— Mais Malin est en danger ! Il faut que je la prévienne.

La garde fronça les sourcils.

— Malin ? Tu es le seul qui la met en danger.

— Pas du tout ! Vous ne comprenez pas !

— T'as foutue le feu à la maison de son fiancé.

— Vous avez bien dû être amoureuse madame. Vous savez que quand on aime on est prêt aux pires folies pour récupérer celle que l'on chérit. Je le regrette d'accord. Je me suis emporté. Mais jamais je n'aurais fait de mal à Malin.

— Pourtant tu l'as violé bâtard et plus d'une fois ! Ce n'est pas de l'amour ça !

— Si ! J'ai fais ça parce que je l'aimais. Parce qu'elle n'appartient qu'à moi ! Et c'est ce qu'elle voulait au fond. Je le sais. Elle avait bau hurler, pleurer, se débattre je sais que j'étais celui qu'elle désirait. Et maintenant qu'elle est mariée à cet idiot de Martens elle ne peut que savoir que je suis le seul qui la mérite.

— Mon gars si je lui transmets un message à cette fille c'est pour qu'elle fuit loin de toi avant que tu sortes d'ici.

— Vous ne pourrez rien faire contre notre amour ! Je la retrouverais qu'elle soit partie loin ou non et de nouveau je la prendrais et lui rappellerais ce que c'est que l'amour.

Ingla le regarda méchamment. Bien sûr elle ne comprenait pas. Personne ne comprenait. Même Malin n'avait pas compris. Mais il finirait à force d'assaut par la conquérir il en était certain.

Encore trois ans et il lui ferait se remémorer à Malin l'heure bleue. L'heure où il l'allongerait sous lui et qu'elle ne verrait que ce ciel de la même couleur que ses yeux tandis qu'elle ne sentirait rien d'autre que son amour dans toute sa puissance.

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