Chapitre 2 : Être et paraître

Et voilà la suite, comme un gros œuf en chocolat pour vous mes petits lapins de pâques (wtf, je ne sais même pas d'où elle est sortie celle-là). Passez un très bon lundi et bonne lecture !

Merci beaucoup @himeka pour le temps que tu prend pour me relire et me conseiller <3

***

Ce soir là, à table, ma mère me fixe et soupire avant de me dire.

- Tamaki, tu voudrais pas aller te faire couper les cheveux maintenant, ils sont un peu long, tu ne trouves pas ?

Je relève instantanément le nez de mon assiette, paniquée.

- C'est à la mode en ce moment maman, répliquais-je.

- Ah bon ? Je ne vois pas beaucoup de garçons de ton âge qui ont des cheveux aussi long pourtant...

- Mais laisse-le si ça lui plait ! intervient mon père. Laisse-le profiter, tu sais que ce soit dans ta famille ou dans la mienne on est tous chauves à 30 ans, ajoute-t-il en rigolant.

Ma mère soupire.

- Tu serais plus beau avec les cheveux courts Tamaki, ca ne ressemble plus à rien là... Tu sais il y a plein de coupes de cheveux "à la mode" qui sont plus courtes, dit-elle en faisant des guillemets avec ses doigts.

Mon coeur s'accélère. Je ne veux vraiment pas qu'on me force à me couper les cheveux, comment je ferais au collège ? Je réfléchissais déjà à une excuse du style, on m'a collé un chewing gum dans les cheveux...

- Ouais enfin, si c'est pour se balader avec une de ces coupes débiles que portent les footballeurs de nos jours, je préfère encore qu'il se balade avec un carré, réplique mon père.

Je déglutis, je n'ai plus très envie de manger.

- Maman, je peux remonter dans ma chambre, j'ai plus faim et j'ai un contrôle demain ?

- Tu es inquiet mon chéri ? Tu veux que je t'aide à réviser ? demande-t-elle, l'air concerné.

- Non, c'est bon, j'apprends mieux seul, merci maman.

- Prends ou moins un fruit et une barre de chocolat, tu as besoin d'énergie pour réfléchir et tu es si maigre !

Je me lève, attrappe une pomme dans le bol de fruit, prend un gâteau dans un placard, fais un bisous à mes parents en leur souhaitant bonne nuit et file. Au passage, je prend une friandise pour chien, Kami sur mes talons.

A l'instant où je passe le pas de ma porte, je pleure déjà. Je ferme, m'installe sur mon lit. Kami se hisse à côté de moi et gratte ma main afin d'avoir sa friandise. J'ouvre mon poing et il gobe le petit biscuit en forme d'os avant de me lécher le visage. Il fait toujours ça quand je pleure. Je repousse gentiment son museau avant de l'entourer de mes bras et caresser son dos poilu. Il dépose sa tête sur mon épaule. C'est étrange comme on peut se sentir compris avec un animal alors qu'il ne dit rien. Qu'il ne peut pas savoir ce qui me traverse l'esprit.

Je met mes écouteurs dans les oreilles et lance ma playlist préférée de Nightcore. Je vais me réfugier sur les réseaux sociaux, c'est là que je retrouve tous mes modèles. Des personnes fabuleuses et magnifiques qui partagent leur expériences et leur vécu.

Je fantasme en regardant des photos avant / après et en imaginant à quoi je ressemblerais quand j'aurais pu commencer les hormones.

Je lis ici et là que le passing n'est pas obligatoire, que le sexe n'a pas de genre et que ce que j'ai entre le jambes c'est un pénis de fille. Qu'on peut être une femme avec une barbe et des poils sur le torse, ça n'enlève rien à la légitimité de notre identité de genre.

Ca me fait du bien même si, c'est compliqué de me dire que mon corps est un corps de femme. C'est dur de ne pas le haïr quand il ne correspond pas à ce que la société attend de moi. Et bien que je comprenne ce que ces personnes disent, je suis plus qu'impatiente de prendre des hormones, même si c'est une médication à vie, même avec les effets secondaires.

Peut-être que je changerais d'avis un jour, parce qu'au fond de moi je pense que ce n'est pas moi qui ai un soucis avec mon corps, c'est plutôt la société. Je ne me sentirai pas mal, ni honteuse si leur regard sur moi était bienveillant et s'ils étaient capable de me voir comme je suis. Une fille et pas un homme qui essaie de se faire passer pour une fille.

Et quand je vois les insultes que certains reçoivent sur les réseaux sociaux, je me rends compte à quel point je me met en danger en choisissant de me montrer telle que je suis au collège. Si jamais on le découvrait à l'école, je crois que j'en mourrais. Je ne supporterais pas de me faire traiter comme une bête de foire. La meuf au pénis. Mais l'idée que je doive agir comme si j'étais un garçon, tout les jours, me rends encore plus mal.

J'avais menti à tout le monde, mes parents n'étaient même pas au courant. Les profs étaient surpris la première fois qu'ils faisaient l'appel, puis après plus rien. Il faut juste que je me change dans les toilettes avant d'aller en EPS prétextant que je suis très pudique.

J'ai quand même dû prévenir le collège que je ne parlais pas. J'ai fais un faux mot de mes parents pour prévenir les professeurs et les informer que je n'avais aucun problème à suivre un cours. Je me sers d'une petite ardoise pour écrire les réponses aux questions qu'on me pose. J'avais fait ça dans l'espoir que mes parents ne soient pas convoqués. C'était passé à mon grand soulagement.

Je n'avais pas ouvert la bouche depuis ma 5ème, pas au collège du moins. Même quand j'ai peur, ou que je suis surprise où que je me fait mal. L'angoisse que mes camarades découvrent la vérité, en entendant ma voix est bien trop forte pour que quoi que ce soit ne la surpasse. Mais entre mon mutisme et ma timidité je me sens très seule.

Cependant, j'ai l'habitude de la solitude, je n'avais pas beaucoup de copains avant le collège, puis mes parents ont choisi de déménager à la fin de ma 6ème. Nouvel endroit, nouvelle école. C'est à ce moment là que j'ai pris ma décision. Mon année de 6ème avait été terrible, je m'étais sentie si mal que lorsque mes parents m'avaient annoncé la nouvelle, j'avais sauté sur l'occasion.

J'avais eu l'impression d'être un des personnages de mes romans, j'avais échafaudé un plan, réfléchissant à la moindre éventualité. J'avais attendu les soldes pour acheter quelques affaires plus féminines. J'avais dit à ma mère que mes habits ne m'allaient plus et j'avais réussis à lui faire acheter quelques jeans pour garçons à la coupe slim en lui assurant que c'était à la mode. Je me rappelle avoir regardé les magnifiques robes dans les vitrines, me demandant quand est-ce que je pourrais en mettre une.

Je me suis échappé de la maison pour acheter un soutien gorge et j'avais passé toute une journée à fabriquer mon rembourrage. J'étais encore étonnée que mes parents n'aient rien compris mais je me débrouillais bien pour mentir maintenant. Ou alors peut être ne voulaient-ils pas le voir ?

J'avais essayé de leur en parler en primaire. Mais les parents écoutent rarement les enfants. Et ils essaient encore moins de les comprendre, en tout cas c'est le sentiment que j'ai. Ca me dépasse. Sans même parler de mon genre, j'ai du mal à croire qu'ils aient été des enfants ou des ados un jour, ont-ils simplement oublié ce que c'était ?

Je leur avais dit que c'était bizarre pour moi d'être un garçon, que c'était pas ce que je ressentais au fond de moi. Que j'aimerais plutôt être une fille. Ils n'ont pas eu l'air du tout de comprendre et m'ont dit que ça me passerait.

Comment expliquer ça à quelqu'un qui ne le vit pas ? Comment une personne pourrait seulement comprendre ce qu'on peut ressentir ? La honte, le dégoût. La force et la violence du contre-coup, chaque fois que la nature me rappelle ce que je suis, ou plutôt comment les autres me considèrent.

Mon coeur qui se serre quand n'importe qui parle d'hommes et de femmes.

Le sentiment qui s'empare de moi chaque fois qu'on me dit "il" ?

Avez-vous seulement la moindre idée du nombre de fois où on est confronté à son genre dans une journée ? 30, 50, 100 ? C'est beaucoup je vous promet, surtout quand ca vous fait mal comme ça.

"Ca va te passer", "Arrête d'y penser". Comment on peut dire ça à quelqu'un ? Ne voient-il pas je vais devenir folle si il faut que je vive une minute de plus dans ce monde comme si j'étais un homme ? Je ne peux pas attendre que "ça passe", ou arrêter d'y penser. Je suis une fille. Alors laissez moi être ce que je suis...

J'avais laissé tombé avec mes parents, ils ne prendraient jamais ça au sérieux avant que je sois grande. J'essayais de me rappeler que j'étais moi avant tout. Cette personne qui aime lire et dessiner, qui adore son chien, qui ne range pas sa chambre.

Oublier toutes les fois où mon père m'appelle "bonhomme" et où ma mère me dit "mon fils chéri". Me mettre en mode "neutre" une fois que je suis rentré chez moi. Avoir l'impression que personne ne sait qui je suis vraiment.

Heureusement j'ai mon chien, heureusement j'ai mes bouquins et mes dessins. Et quand je serai grande, j'irai trouver d'autres personnes comme moi et je prendrais des hormones et je pourrais enfin vivre comme une femme aux yeux de tous et être aimée, comprise, avoir des amis...

Il me restait combien de temps à attendre, j'étais maintenant en 3ème alors, entre 4 et 6 ans ? Ca me semblait terriblement long, mais je savais que par rapport à tout le reste de ma vie ce n'est rien.

Je repense à ce qu'a dit ma mère ce soir. J'appréhende tellement le moment où je devrais annoncer à mes parents que je suis une femme et que je vais porter des robes car j'aime ça, me maquiller si j'ai envie, me laisser pousser les cheveux et prendre des hormones. Et en même temps si je pouvais, je voudrais commencer ce soir même.

Je me met sous les couvertures et me réfugie dans mon imagination. Je repense à Neito, le joli garçon aux cheveux blond et aux yeux bleus qui m'a fait rire aujourd'hui et essaie d'imaginer ce qu'aurait pu être la journée si j'étais née fille. Si j'avais pu parler avec lui, qu'est ce que je lui aurait dit ?

***

Petit lexique car il me semble que c'est important pour tout comprendre :

Transgenre : une personne dont le genre qui lui a été assigné à la naissance ne correspond pas à son véritable genre

Cisgenre : une personne dont le genre qui lui a été assigné à la naissance correspond à son véritable genre.

Passing (de genre) : Dans le contexte du genre, le passing réfère à la capacité d'une personne à être considérée, en un seul coup d'œil, comme une personne cisgenre.

Attention : Le passing n'est pas un critère de transidentité. Les goûts et la personnalité d'une personne tout comme son envie de correspondre aux stéréotypes associés à un genre ne sont pas des critères pour définir une personne transgenre. Le seul critère valable étant : une personne est transgenre quand son véritable genre n'est pas conforme au genre qui lui a été assigné à la naissance (par la société).

Vous en voulez plus ? Qui vous recommander de mieux qu' @aggressively_trans (à suivre sur instagram) pour mieux comprendre la transidentité !

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