Chapitre 9
Son cri plongea la salle dans le silence, une centaine de pair d'œil se tournèrent vers eux et se mirent à les observer. Surprise par son agressivité, Moana eut un mouvement de recul.
— Quoi ?
— Cette robe, montra Yain du doigt, ne vous appartiens pas. Enlevez-la ! Tout. De. Suite !
Moana se contenta de le regarder bouche-bée.
— Je... de quel droit vous....
— Calme-toi mon ami, intervient Emrys en posant doucement une main sur son épaule. Ce n'est pas Moana la fautive, n'est-ce pas ?
Le regard du laird se porta derrière elle et les traits de son visage se durcirent.
— Pourquoi as-tu fait cela Lorna ? Certains souvenirs sont mieux enterrés.
— Je refuse de me comporter comme si Elowen n'avait jamais existé, s'indigna l'intendante.
A l'entente de ce prénom, le highlander blond tressaillit. Il y a longtemps qu'il ne l'avait plus entendu. Son cœur lui faisait mal. Il ne voulait plus écouter sa belle-mère parler si librement d'elle, évoquer Elowen lui rappelait tout ce qu'il avait perdu. Il agrippa la carafe à proximité et se servit un copieux verre de vin. Boire lui permettrait de tomber dans l'inconscience, et d'oublier, même momentanément, le trou béant dans sa poitrine.
— Ce n'est pas ce que je te demande, répliqua calmement Emrys.
— Ah non ? Alors pourquoi est-ce que parler d'elle est taboue ? C'était ma fille Emrys !
— Et ma sœur ! révéla le laird sous l'étonnement de Moana.
Ainsi donc, cette femme dont lui parla Lorna était la sœur d'Emrys Mackintosh et l'épouse, si elle décelait l'affaire, du guerrier assit à ses côtés. Ses paupières tiquèrent. Lorna était la mère du laird. Le laird était son fils. Ses yeux décrivirent un rapide aller-retour entre les deux. Jamais elle n'aurait pu deviner leur lien de parenté. Sauf, peut-être, pour la couleur de leur iris. L'un d'un bleu fort, l'autre d'un bleu délavé.
Mais s'ils étaient membre de la même famille, pourquoi ne se parlaient-ils pas avec amour et tendresse ? Pourquoi Emrys ne l'appelait-il pas « maman » ? Pourquoi afficher cette froide indifférence alors qu'on évoquait la mort de sa sœur ? Une mort atroce aux vues des réactions. C'était-elle suicidée ? Un autre mystère à résoudre.
— Elowen n'aurait pas voulu que ses robes soient rangées dans un placard puis oubliées. Si elle était là...
— Mais elle ne l'est pas ! intervint Yain.
— Si elle était là, continua la vieille femme, elle n'aurait pas hésité à prêter une de ses robes à notre invitée. Surtout si le banquet donné est à son honneur.
Un éclat de rire l'interrompt net.
— Ma femme n'aurait jamais, jamais rien donné à une Humaine, cracha Yain. Elle ne nous apportera que des problèmes, dit-il en pointant Moana de son index.
Bouteille à la main, il s'approcha d'elle jusqu'à ce qu'elle puisse sentir les relents d'alcool dans son haleine.
— Écoute-moi bien petite garce, si Emry accepte ta présence au sein de ce château, ce n'est pas parce qu'il le souhaite mais parce qu'il y est obligé. Alors ne prends pas trop tes aises.
— Je ne comptais pas le faire. Je suis de passage, lui répondit-elle.
Ses manières de rustre lui déplaisaient au plus au point. D'accord, elle portait la robe de sa femme et ça ne devait pas être très agréable de voir une autre la porter. Mais était-ce une raison pour la menacer ? Son aversion était si évidente qu'elle lui irritait la peau. Et puis, c'était quoi cette histoire « d'humaine » ? Ne l'étaient-ils pas tous ? A moins que l'existence des kelpies soit connue, comme elle le supposait.
— Exactement. Alors la prochaine fois que tu te présenteras à nous, tu le feras avec des habits différents. Tes habits, c'est clair ? Pas avec ceux d'une morte, à moins que tu es une tendance à la nécrophilie.
— Yain !
— Vous dépassez les bornes !
Ils avaient parlé en même temps, tous deux eurent le réflexe de se taire pour laisser parler l'autre. Yain en profita pour décamper. Personne ne chercha à le rattraper. Emrys se força à sourire. Sa voix perça l'atmosphère lourde de la salle.
— Je m'excuse pour son comportement, Elowen est un sujet sensible.
— Je ne cautionne pas mais je comprends. Ça ne doit pas être facile pour lui, je suis tombée sur un de ses mauvais jours. C'est tout. J'espère seulement que ça ne se reproduira plus. (Emrys nia du menton). Bien. Je vais aller me changer.
— Restez ainsi, après tout, la robe vous va à ravir, lâcha-t-il.
Une légère rougeur colora les joues de la jeune femme.
Le laird l'invita à s'asseoir à ses côtés tandis que Lorna s'installait à quelques places d'eux. Moana ne fit aucune remarque. Le repas défila dans un calme olympien. Les conversations avaient repris, en sourdine d'abord, puis de plus en plus fort. On commentait ce qui venait de se passer, et à coup sûr, les absents ne tarderont pas à être au courant de l'énorme gaffe qu'elle avait commise.
Elle regarda du coin de l'œil son voisin de table. Il mangeait à peine, il se contentait d'observer son clan manger et rire tel un spectateur silencieux. Il ne paraissait pas vouloir lui parler et ce constat lui arracha un pincement au cœur. Elle murmura un « bonne nuit » étouffé par la déception et monta se coucher.
Le blondinet avait vu juste. Moana ne connaissait peut-être pas les raisons qui poussaient Emrys Mackintosh à l'accueillir pendant la durée de son deuil, mais elle était déterminée à les découvrir. Bien qu'elle s'en faisait déjà une petite idée....
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