Chapitre 52
Incapable de résister plus longtemps, Moana se précipita dans ses bras et l'embrassa passionnément. Certaine qu'il reculerait à tout instant, elle noua ses bras autour de son cou. Elle gémit de plaisir quand il répondit à son invitation. La retenue qu'elle adoptait depuis son passage en prison vola en éclats. Elle s'abandonna à la faim qui la consumait.
L'homme aux cheveux de jais détacha sa bouche de la sienne et, haletant, murmura contre ses lèvres :
— Tu dois cesser. Je ne peux pas me concentrer sur mon peuple si tu éveilles autant d'émotions en moi. Si je t'aimais pour ensuite te perdre.... confessa-t-il avant de secouer la tête. Je ne puis.
— Je ne te demande rien, répondit-elle doucement.
Elle refusait de détourner le regard de ses yeux saisis de panique.
— Je voulais seulement que tu saches ce que je ressens pour toi.
Il l'embrassa en retour. Ce fut un baiser violent où elle goûta son désespoir et crut y percevoir son amour. Elle se donna entièrement à lui, sans réserve, sans une once de remord quand à ses sentiments. Ce serait peut-être la première fois d'une multitude d'autres baisers. Les bras d'Emrys, ce guerrier fort et invincible, tremblèrent. Elle l'embrassa encore et encore, fondant son corps contre le sien. Ce qu'elle ressentait à cet instant n'était en rien passionnel.
Il s'agissait d'un amour acquis. Inscrit dans le temps et dans l'éternité, marqué au fer rouge dans l'essence même de l'univers.
Ce fut Moana qui s'écarta de lui. La sensation de picotements qui remontaient de ses jambes à son dos empirait. Déstabilisée, la jeune femme regarda vers la provenance de ses fourmillements. Un cri aigu déchira sa gorge. Son cri n'exprimait ni la peur ni même de la colère, c'était un cri de soulagement. Sa robe chevaline avait disparu.
— Il serait peut-être sage de ne pas l'encourager davantage, reprit Yain d'un ton grave.
Moana sursauta au son de sa voix, avant de s'immobiliser comme un animal pris par un piège. Sa voix était aussi froide et tranchante qu'une lame. Elle pivota, prête à se défendre. Puis soupira. Quoiqu'elle dise, cela ne ferait qu'envenimer la situation. Les regards des deux écossais se firent plus insistants.
Moana fut d'abord désorientée, mais dès qu'elle comprit la raison, elle rougit de honte. Elle essaya de se couvrir avec ses mains. Emrys défit la longueur habituelle posée sur ses épaules et d'un coup d'épée trancha le tissu. Désireux de protéger sa pudeur, il l'enroula autour de la jeune femme.
— Maintenant que la situation est réglée, quel est le plan ? Demanda-t-elle.
— Tu n'es pas fâchée ?
— Pourquoi le serais-je ?
— Ton séjour en Écosse ne s'est pas aussi bien déroulé que je le souhaitais.
Elle eut un rire sec.
— J'ai eu ma dose d'aventures, merci.
Emrys tressaillit mais elle ne le vit pas, distraite par les bruits de bataille.
— J'espérais avoir un peu plus de temps avant que ton oncle attaque, soupira le laird. Je ne peux pas te mettre moi-même en sécurité, alors écoute Yain. Il te mènera à notre Terre, notre véritable foyer.
Il caressa sa joue blanche avec ses longs doigts et murmura :
— Pars devant. Je te retrouverai là-bas.
— Et si j'essayais de lui parler ?
Emrys fronça les sourcils. Il n'aima pas l'idée. Elle se mouilla les lèvres.
— Le colonel voudra me protéger, en honneur à Colette. Quand il saura que je suis à moitié kelpie, il mettra fin aux hostilités.
— Ça ne marche pas ainsi.
— Mais...
— Tu es trop naïve, même si t'as vision de la vie évolue depuis quelque temps. Tu te trompes. Les dés sont jetés. Va-t-en !
Il lui tourna le dos. Elle eut envie de le contredire, mais elle aurait été de mauvaise foi. Elle n'était pas une guerrière. La seule habilité de ses doigts était la vitesse à laquelle elle tapait sur un clavier. Elle serra les dents, la colère irradiait de Moana par vagues. Contre lui, contre elle.
Emrys se tendit, son corps raide comme une plaque d'acier. Il n'eut toutefois pas le temps de s'appesantir sur la question. Réticente, repoussant avec l'énergie du désespoir le sentiment d'être piégée, Moana accepta, un trémolo dans la voix.
Avec une délicatesse dont Yain n'avait jamais fait preuve jusqu'ici, il la poussa hors du bureau, laissant Emrys seul avec ses craintes. Une fois les portes refermées sur eux, le laird d'Urquhart se laissa tomber au sol et pria Awilix de le laisser la revoir un jour.
Soudain, son instinct l'avertit d'une présence étrangère. Emrys glissa sa main le long de sa hanche. D'un geste fluide, il dégaina sa claymore et la leva à l'instant où l'ombre silencieuse bondissait à découvert . Emrys pivota gracieusement. Emporté par son élan, son agresseur le dépassa. Des étincelles jaillirent du sol en pierre. D'une habile torsion de cheville, son agresseur contre-attaqua. Une pluie de coups d'épée fondit sur Emrys.
Son adversaire était plus petit, plus mince et ne portait pas d'armure. Un ado ? Une femme ? Certainement pas en mesure de l'égalisé au combat corps à corps. Et pourtant, le laird n'en menait pas large. L'inconnu dansait avec vélocité autour de l'imposant guerrier, ses cheveux couleur corbeau noués en une queue de cheval basse, son stylet à la main.
Qui est-il ? Pensa Emrys. Un frisson glacé lui parcourut l'échine. Depuis quand était-il là ? Pourquoi n'avait-il pas perçu sa présence ? Et plus important : qu'avait-il entendu ?
Son adversaire était leste, agile, terriblement précis. Ils multipliaient les enchaînements complexes, lui tenait tête sans laisser au découvert ses flancs. Au bout de quelques minutes, son adversaire fit un bond prodigieux suivi d'un coup de pied retourné vers sa poitrine. Le highlander l'esquiva et tenta un balayage, qui rata. À peine le mouvement amorcé, la douleur le saisit, le sang jaillit de son avant-bras. Il esquiva miraculeusement la seconde lame. Il tomba à genoux, roula et brandit son couteau kukri à toute vitesse. Avec la même efficacité, ils se désarmèrent mutuellement.
Le torse d'Emrys se soulevait rapidement. D'instinct, il voulut se projeter le plus loin possible de l'ennemi mais le silence qui régnait au-delà de son bureau l'inquiétait. Il essuya la sueur de ses yeux avec sa manche et se repositionna aussitôt pour chercher un angle d'attaque plus propice.
— Avez-vous peur, mon seigneur ?
C'était une voix de femme, jeune et dévote. Emrys fut surpris par la question. Ils s'étaient préparés à cette attaque. Elle-même devait savoir que ces dernières semaines, la discrétion n'avait pas fait parti de leur priorité. A quoi rimait cette petite comédie ? Où se trouvait le général Caster ? Pourquoi lui avoir envoyé cette enfant ?
— Vous devriez. Vous mourrez de mon épée.
Elle décrocha un coup de poing de revers, mais il le bloqua et la frappa rudement au coude. Ena recula en grognant, pour repasser brusquement à l'offensive. Son pied le toucha au flanc. Un crochet l'atteignit sur le côté du crâne, aggravant la migraine héritée de ses longues heures à attendre Moana. Emrys refoula la douleur et effectua un nouveau balayage. Ena tomba, puis roula sur elle-même pour éviter le coup de pied à la mâchoire et se redressa souplement.
— Pendant que vous meniez une vie protégée dans votre petit château, je me suis formée à la dure.
Ena avait anticipé la manœuvre. Son poing lui brisa le nez et l'envoya tituber en arrière. Emrys réussit à parer les coups suivants : plexus solaire, foie, rate. Il répliqua en la frappant aux côtes. Un bruit de branches cassées lui apprit tout ce qu'elle devait savoir. Le combat ne pouvait durer plus longtemps.
L'adrénaline neutralisait la douleur et lui permit de rester en mouvements. Folle de rage, elle courut pour ramasser son couteau et se jeta sur lui. Mais Emrys fit de même. Ripostant de son tranchant de lame, Ena profita de son élan. Elle fit diversion avec un coup de pied circulaire et enchaîna de l'autre jambe avec un coup latéral du flanc. Emrys recula en chancelant, ses mains descendirent sur sa hanche.
Ena cria de joie. Elle s'apprêta à porter le coup fatal mais Emrys l'anticipa. Il attrapa son poignet, le tordit d'un geste brusque, puis lui asséna un violent coup de pied. Une fois ses jambes cassées, Ena tomba comme une masse. Emrys avait profité de son contrôle exceptionnel pour transformer en plein combat son pied en sabot.
Ena gémit de douleur, essayant tant bien que mal de remplir ses poumons d'air malgré ses côtes cassées. Elle se sentit faible et se haït pour cela. Elle avait fait une promesse. Et cependant, les choses allaient bien au-delà de cette promesse, à présent. Des larmes brûlaient ses yeux et un sanglot tordit ses lèvres.
Le bruit de la porte se refermant résonna tel un coup de canon.
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