Chapitre 47
Quant à Lorna... Un frisson glacé parcourut Richard. On avait fait passer sa mort pour un accident dès plus crédible, mais les détails le faisaient tiquer. Son instinct lui criait d'être vigilent et d'ouvrir l'œil.
Parcourant le bunker du regard, Richard tomba sur la plus jeune de ses recrues. Pierre était affalé sur une caisse en bois, ses fidèles écouteurs aux oreilles et une tablette à la main. Son pied battait la mesure à intervalles réguliers, ses grosses boucles anglaises se balançaient au rythme de la musique.
Sous ses airs bon enfant se cachait un génie de l'informatique. Son aisance était de l'ordre de l'inné. A dix ans, il se promenait entre les fichiers de l'ordinateur de ses parents et à quinze, il avait cracké le Pentagone pour connaitre l'ultime vérité. Depuis lors, il s'était déscolarisé pour passer le temps à assouvir sa passion du virtuel. Le surnom de Pierre était Chip.
Chip était le diminutif de Ripitchip, tiré du film Le Monde de Narnia. Une souris guerrière également connu comme étant l'une des plus fines lames de Narnia et jouant le rôle de Guide pour les élus. Drôlement pompeux, mais ça lui collait parfaitement à la peau.
Trois enjambées plus tard, Richard regardait la vidéo de surveillance du château d'Urquhart cachée dans le corps empaillé d'un oiseau perché à une cinquantaine de mètres de la fortification.
— Vous avez vu ça ? demanda-t-il.
Chip répondit en étouffant un bâillement.
— Vu quoi mon général ?
— L'estrade a été sabotée. Là ! pointa-t-il sur l'écran. L'estrade ne doit pas être très solide sur ce sol caillouteux et avec le pluie de ces derniers jours, le sol de l'estrade était glissant. Une personne âgée pourrait facilement perdre l'équilibre et se cogner contre le puit central.
Chip appuya sur la touche « Répéter » du programme de surveillance, ramenant l'horloge deux minutes en arrière.
— Le choc était violent. Elle a été prise au dépourvu et n'a pas pu se rattraper. La mort a été immédiate, devina Pierre. Mais qui voudrait assassiner cette pauvre vieille ?
L'homme âgé lui lança un regard torve. Ils regardèrent l'enregistrement défiler à nouveau.
— C'est plus qu'un meurtre commis à sang-froid, c'est un message qui m'est personnellement destiné, commenta Richard.
Les mots prononcés par le général attirèrent l'attention de ses hommes. Tout à coup, l'ambiance du bunker changea subtilement.
— Ils savent qu'on les surveille, énonça brusquement Adlan.
Chip lorgna les tatouages terrifiants qui s'étalaient des biceps aux poignets du chef d'artillerie. Des mots, en finlandais et en hongrois, se mélangeaient à des dessins issus de la mythologie magyare.
— Les drones ? demanda Chip.
— Découverts depuis belles lurettes, rejeta Adlan en grattant sa barbe épaisse. Jusqu'ici, nous n'avions jamais été très discrets. Le traité de paix signé, les écossais sont revenus à un mode de vie plus rustique et nous avons oublié leur nature. Les Mackintosh sont des sentinelles, ils sont dangereux et imprévisibles. Ces morts ne sont qu'un petit rappel de ce dont ils sont vraiment capables.
— Ça semble prometteur, commenta Chip, secrètement terrifié à l'idée d'aller sur le terrain. Il avait postulé pour travailler derrière un bureau après tout, bien loin, très loin des dangers militaires qui guettaient ses collègues. Mais, euh, qu'est-ce que ça signifie exactement ?
Adlan lui jeta un coup d'œil venimeux. Richard remarqua que plus Adlan était inquiet, plus son accent ressortait.
Ils avaient passé des heures à attendre des nouvelles de leurs espions pour finir abandonnés à leur destin. La tension était palpable parmi les membres de son unité.
— Comment comptez-vous agir mon général ?
— Nous continuons comme convenu, annonça-t-il fermement décidé.
Personne ne se manifesta, et même si Adlan paraissait prêt à en découdre, Richard se devait de poser la question :
— Soldats, êtes-vous avec moi ?
— Nous continuons, répondirent-ils en chœur.
Le général se sentit fier, confiant de l'avenir du monde s'il était entre leur mains. Le cœur de Richard se sentit apaisé, un poids s'enleva de ses épaules. Moana, je serais bientôt là...
— Je vous ferais traverser la barrière, déclara Goby. Nous sommes venus, nous sept, exprès pour mettre fin à leur petit jeu...
— Leur ? se moqua Cyclone.
— Ce n'est pas le moment de reculer, continua Goby, ignorant son interruption.
— Vous êtes libre d'arrêter, lui dit Richard.
Goby ébaucha un sourire narquois. Il était né avec une apparence monstrueuse. Sa mère, incapable de supporter son physique, le vendit au gouvernement humain. Il ne l'avait plus jamais vu, et au fils des années, son visage s'était effacé de sa mémoire.
Il avait grandi à la Clinique de l'Orangerie de Strasbourg où on l'avait traité comme un ennemi. Isolé dans un aquarium de cinq mètres de long et plongé dans la pénombre, il n'avait ni nom ni amour. Il attendait, tout simplement. Il attendait que les médecins et infirmières viennent le voir. Ils le sortaient alors de son aquarium et l'amenait dans le laboratoire où ils l'attachaient à un fauteuil inclinable. Ils ne lui parlaient pas beaucoup, ils n'en avaient pas besoin.
Goby était heureux. Malgré les piqures et expériences, malgré la douleur et la tristesse. Goby n'était plus seul. L'attente perpétuelle était finie, momentanément.
— Je remplirai ma part, répondit Goby. Dès que vous serezprêts, nous partirons. Je désire en finir au plus vite, je n'aime pas attendre.
Richard le scrutait comme s'il cherchait à lire en lui. Que pouvait-il bien s'imaginer ? On lui avait appris, avantmême qu'il ne sache parler, à être le parfait éclaireur. Cette mission, il allaitl'accomplir à la perfection. Parce qu'au bout du chemin se trouvait sa liberté.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top