Chapitre 43
— Je n'ai jamais vendu mon peuple, moi ! s'exclama Emrys, fou de rage de son insinuation.
— Non, toi, quand tu arrives à ton point de rupture, tu arraches des têtes.
— Ce n'est pas comparable !
Le silence s'installa entre eux, seulement troublé par le chant des vagues. C'était un silence différent, semblable à ceux qu'il y avait entre Yaïn et lui avant... Avant. Ah, ça lui faisait penser qu'il devait lui parler à tout prix.
— Et la suite ? Que va-t-il arriver maintenant ?
C'était un silence qui appelait aux conseils et à la confiance. C'était le genre de silence qui poussait l'insécurité à pointer son nez.
— Je ne crois pas être prêt pour une autre guerre. Je...
La voix d'Emrys se brisa sur la dernière intonation, et il du visiblement se ressaisir pour poursuivre :
— Je ne m'imaginais pas qu'une étrangère allait encore foutre la merde.
— Langage, jeune homme ! le réprimanda Sony. Un laird ne parle pas comme un fermier.
Emrys se contenta de hausser les épaules.
Le vieux SAQUA le regarda longuement, toujours un peu surpris par le chemin qu'avait parcouru le garçon arrogant et audacieux qu'Aonghas présenta comme son héritier. La Grande Guerre l'avait fait mûrir rapidement. Il était devenu l'image de son âme animal : si sa robe azurite étincelante sous les rayons de la lune lui conférait une apparence presque féerique, il restait par nature un kelpie dangereux.
— Planifions étape par étape. Pourquoi est-ce que le gouvernement humain a-t-il un indic chez toi ? Qu'est-ce qu'il cherche à Urquhart ?
— Mon clan est le seul facilement accessible. Les barrières les empêchent d'entrer mais pas de nous voir. Avec ces oiseaux volants en métal, illustra Emrys en dessinant des formes dans l'air, il est facile pour eux de nous observer. Point positif : nous sommes le dernier clan de kelpies, dit-il avec fatalité. Ce qu'ils apprendront sur nous ne s'appliquera pas forcément aux autres.
Sony leva la tentacule pourpre pour se gratter la nuque. Un coquillage se désincrusta de sa peau dans un ploc spongieux. La caresse de la brise marine sur ce morceau de peau nouvellement nu le fit frissonner. A moins que ça ne soit la situation...
— Ils nous ont observé pendant des années, cherchant le moindre faux pas pour mettre fin à l'accord. Qu'est-ce qu'y a changé ?
— ...Moana. Je ne vois que ça. Si Colette avait des amis haut placé, ils ont sûrement cru que nous la gardions prisonnière.
— Attaquer trente ans plus tard, c'est tout de même...
Emrys se gratta le menton d'un air songeur.
— Si j'étais à leur place et qu'un membre de ma famille disparaissait sur les terres d'un clan ennemi mais que je ne pouvais pas la sauver pour diverses raisons, la colère et la vengeance auront eu tout leur temps du monde pour s'enraciner dans mon esprit.
— Et si une jeune femme ressemblant étrangement à une personne disparue faisait surface et qu'elle disparaissait dans des circonstances semblables...
— Je ferais tout pour découvrir la vérité, même si cela reviendrait à déclencher une guerre.
— Exact.
Sony enroula ses tentacules autour des épaules du jeune homme. La fatigue, la rage et les lourdes responsabilités pesaient sur ses épaules. Le vieux seigneur sentait son cœur se remplir de tristesse à la vue pitoyable que renvoyait le fils de son meilleur ami.
— Ne regrette jamais d'avoir trouvé ton âme-sœur, ton espèce a cette chance incroyable de pouvoir rencontrer l'association parfaite entre anam et cridhe.
— Père l'a-t-il regretté ? demanda Emrys du bout des lèvres.
— Il était incroyablement heureux avec elle. Il se comportait comme un véritable emmerdeur pour lui décrocher ne serait-ce qu'un minuscule rire. A Dhia ! Chaque fois que je le voyais, il avait ce foutu sourire accroché aux lèvres comme s'il était tombé sur le plus beau des trésors.
Son torse se secoua de rire. Il les chérissait ses souvenirs là. Sony sentit ses yeux s'humidifiés lorsque l'image décharnée d'Aonghas remplaça une version plus jeune de lui. Il se racla la gorge pour éviter d'en dire plus.
— Ne nous préoccupons pas de Moana pour l'instant. Les terres sacrées la protégeront des Humains et des SAQUAS.
Emrys hocha la tête.
— La première chose à faire, est de nous débarrasser définitivement des taupes sévissant à Urquhart.
Emrys hocha la tête.
— Tu t'es occupé de Braïn mais je crains que la prochaine taupe ne soit plus difficile à appréhender pour toi.
— Griselda ne posera aucun problème, se moqua-t-il en réponse à sa préoccupation.
— Pas elle. L'autre.
Emrys se tourna complètement vers Sony, se dégageant de son étreinte. Il plissa ses yeux, un air méfiant sur le visage.
— De qui s'agit-il ?
— De l'intendante, Lorna.
Les lèvres pincées, Emrys répondit d'une voix dénuée d'émotions :
— Je ferais le nécessaire.
— Non, je m'en occuperais, s'empressa-t-il de préciser.
— Je ferais le nécessaire, répéta Emrys. Lorsque le moment viendra, je la tuerais.
Sony n'aima pas l'éclat déterminé dans son regard.
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anam: « âme » / cridhe: « cœur »
A Dhia ! « oh mon Dieu » ou « pour l'amour du ciel »
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Les publications devraient être beaucoup plus régulières à partir de maintenant.
Mon Erasmus au Chili vient de se terminer.
C'était épuisant et compliqué.
Bref...
Je suis de retour !
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