Chapitre 27
Le regard qu'échangèrent Emrys et Egon ne passa pas inaperçu auprès des membres du Conseil. L'espoir, étincelle fluette, luisait au fond de ses pupilles. Et ils n'apprécièrent pas cela. Ils voulaient voir un Emrys débarrassé de son orgueil. Ils voulaient le voir s'agenouiller et supplier. Ses cheveux collés par la sueur et le sang, ses yeux rougis par les pleurs, la mâchoire serrée sous l'humiliation. Était-ce trop demander ?
— C'est avec joie que je vous accueille sur mes terres, introduisit Emrys.
— Emrys Mackintosh, seigneur des Kelpies, laird d'Urquhart, énuméra Sony ; le Conseil se présente aujourd'hui pour l'accusation portée à ton encontre.
— Quelle est-elle ? demanda-t-il innocemment.
Morgan tiqua. Quel culot !
— Tu es accusé de mise en danger consciente de ton clan mais plus grave encore, de souhaiter briser le pacte signé avec les Humains.
A ces mots, une voix cria dans la foule : « Mensonge ! » et à l'instant, ce mot retentit de tous côtés.
— Je réfute les accusations portées à mon encontre.
— Tu réfutes, répéta Tallule.
Le rire sarcastique qui la secoua fit trembler son corps gélatineux.
— Derrière chacune de mes actions, continua Emrys, Mère guidait ma main.
— Comment ?! rugit Jeraï.
— Ne mêle pas Mère à cela. Je ne suis pas sûre qu'elle apprécierait ton offense. Ais au moins les couilles d'assumer tes actes sans te cacher derrière maman, ajouta Tallule d'un air méprisant.
— Je ne mens pas Tallule. (Emrys leva le menton et regarda fixement les neuf seigneurs). La jeune femme qui se trouve actuellement sur mes terres m'a été confiée par Aonghas et Mère a donné sa bénédiction.
Un murmure s'éleva de la foule.
— La promesse de la lune ? s'étonna Jeraï. Crois-tu vraiment que nous allons croire pareille sornette. Tu es son fils et successeur, Aonghas avait confiance en toi plus que personne d'autre. Je ne comprends pas pourquoi il aurait souhaité faire cette promesse avec toi.
— Il avait confiance, oui, mais cette promesse était un peu... particulière. Je n'ai pas seulement fait vœu de l'accueillir dans ma demeure et de la protéger, j'ai accepté de la considérer comme compagne une fois sa transformation accomplie.
Un hoquet de stupeur jaillit de la foule. En acceptant Moana comme femme, Emrys faisait une croix sur l'âme-sœur qui lui était destinée. Les liens qu'ils créeraient grâce à la Lune remplacerait la perte d'une âme-sœur mais ne la supplémenterait pas. C'était bien la première qu'on entendait parler d'un SAQUA qui renonçait à son âme-sœur. Que Mère y conçoive était d'autant plus étrange.
— C'est-elle transformée ? demanda Poema.
Emrys ne répondit pas tout de suite, et quand il le fit, sa voix était tendue, son cou raide.
— Non, selon mes calculs, elle ne devrait pas avoir lieux avant les deux prochaines lunes.
— Je me demande si le sang d'Aonghas est assez fort pour répondre à l'appel, dit Poema.
Bien que la phrase eût été dite dans un murmure, tout le monde l'entendit. Le doute fut planté dans les esprits. Que se passerait-il pour leur laird si Moana ne se transformait pas ? Devait-il malgré tout la réclamer comme compagne ? Quelles seraient les conséquences s'il ne le faisait pas ? Est-ce que la promesse sacrée était toujours valable dans ce cas-là ? Poema sourit intérieurement du grabuge qu'elle venait de créer.
— J'aimerai parler à l'humaine, annonça soudainement Sony.
La foule se tut. Emrys la chercha parmi ses gens amassés devant les trônes. Son regard s'arrêta enfin sur la française. Et ce qu'il vit ne lui plus guère. Située à proximité de la grotte, elle se tenait près d'un homme. Son langage corporel traduisait sa crainte. Emrys entama un pas, croyant qu'il l'ennuyait mais se ravisa rapidement lorsque, sous ses yeux surpris, Braïn lui caressa les bras tout en lui chuchotant quelque chose à l'oreille. Elle dût trouver du réconfort dans ce geste puisque ses épaules se relâchèrent.
Sentant le poids d'un regard, Moana se tourna vers lui. Leurs yeux se rencontrèrent, elle amorça un pas en arrière, honteuse—peut-être— qu'il ait assisté à cet échange. Elle rougit lorsque Sony l'appela à nouveau, concentrant l'attention des Mackintosh sur elle. Son regard s'arrêta à nouveau sur lui. Emrys hocha doucement la tête, relâcha ses poings et ses mâchoires, soudain fatigué.
Moana inspira à fond pour se donner du courage puis fendit la foule à longues enjambées. Braïn la suivait telle son ombre. Emrys savait que sa présence à ses côtés n'était pas le fruit d'une simple préoccupation amicale. Il le voyait, il le sentait. Dans chaque fibre de son corps, dans chaque pores de sa peau ; Braïn était un rival dangereux. En avançant avec elle, il se comportait comme Emrys avait refusé de le faire. Son aura s'étendait autour de Moana en une brume protectrice, décourageant quiconque de s'approcher. Et lorsqu'elle arriva à sa hauteur, Braïn le défia.
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