Chapitre 2


Moana se réveilla lorsque le taxi s'arrêta avec une douce secousse. Devant ses yeux embués de sommeil s'érigeait le château d'Urquhart. Une aura intimidante et sinistre enveloppait la rustique demeure féodale juchée sur une péninsule rocheuse au bord du Loch Ness. Au loin, l'horizon et le ciel se joignaient en une brume ondulante qui s'acheminait doucement mais sûrement vers eux. L'idée que le monstre du Loch Ness puisse se cacher derrière ce voile de brouillard, à seulement quelques brassées d'elle, fit violemment frissonner Moana. D'excitation, non pas de peur.

Depuis sa tendre enfance, Moana était fascinée par les créatures surnaturelles. Elle s'abreuvait de mythes et légendes, essayait de percée le voile de la vérité. Cela avait commencé par les contes que lui lisait sa grand-mère le soir. De vraies histoires et non celles dédiées aux enfants. Elle voulut devenir mythologue, mais la plupart enseignaient pour payer leurs recherches. Elle ne souhaitait pas cette vie-là. 

Néanmoins, malgré son futur incertain, Moana avait refusé de mettre sa passion de côté. Elle débuta donc une carrière en histoire des arts et se spécialisa dans la représentation de la mythologie dans les arts majeurs. N'ayant pas de préférence particulière, fascinée par l'origine de notre monde et voulant comprendre l'humanité, Moana continua d'étudier. 

Dix ans passèrent. Ses nombreux diplômes en poche, célibataire endurcie, fanatique du réglisse et de jus de fruits ; Moana se mit à la recherche d'un travail. Impatiente de prouver son savoir et son utilité. Quelle naïveté ! Deux ans plus tard, elle voguait entre petits boulots et ennui... Puis mamie Colette mourut.

Avant de prendre l'avion, la jeune femme avait lu de nombreux articles et regardé les photos granuleuses qui montraient une créature non identifiée, cachée dans l'immensité obscure du Loch Ness. Parfois, le cliché avait l'air si vrai que Moana se questionnait : était-il un reflet de sa fascination ou au contraire, un dinosaure vivait-il bel et bien en Ecosse ? Plus de mille récits de témoins oculaires et de nombreux signes inexpliqués déroutaient la communauté scientifique, et prouvaient son existence...

Le coffre claqua bruyamment, la sortant de sa contemplation.

— Nessie ...

— Chaque légende a une part de vérité en elle, interrompit le conducteur de taxi, devinant d'avance la question qu'elle allait formuler, à vous de savoir si cette vérité est réelle ou une version corrompue de la réalité.

Il lui tendit sa valise alors qu'il murmurait ses mots mystérieux.

— Vous comprendrez une fois que vous y serez, essayez simplement de rester en vie, ajouta-t-il en réponse à sa mine interloquée. Et le trajet vous est offert par la maison.

Tout d'abord surprise, Moana ne chercha pas à en savoir plus lorsque le taxi s'en alla. Les élucubrations d'un écossais superstitieux ne l'intéressaient pas. Que pouvait-il lui arriver de toutes manières ? Mais plus elle s'approchait d'Urquhart, plus Moana sentait que quelque chose clochait. Des bruits étouffés par la grosseur de l'appareil en pierre lui parvinrent. 

Prenant une forte inspiration, elle s'avança avant de s'immobiliser : le spectacle sous ses yeux paraissait tout droit sorti d'un film historique. Abasourdie, Moana se demanda si les voyages dans le temps étaient possibles. Était-ce un jour de fête pour s'habiller et se comporter comme au dix-huitième siècle ? Une sorte de célébration nationale pour appuyer cette indépendance jamais obtenue ? Elle regarda par-dessus son épaule, mais le chemin emprunté paraissait être le même.

A sa gauche se trouvait un petit marché où s'alternaient des étals aux marchandises variées et des enclos regroupant porcelets, moutons ou oies. Une forte odeur de pain chaud dominait les autres senteurs.

A droite, des hommes torses-nu s'entrainaient à l'épée, leur kilt embrassait le moindre de leurs mouvements. Le cliquetis sonore des armes, mêlé aux jurons et à l'odeur de sueur et de sang, l'assaillit. Quelque peu sonnée par la brutalité des échanges, Moana ne remarqua pas tout de suite les picotements sur sa nuque, signe qu'on l'observait. Lorsqu'elle se retourna, la jeune femme sentit son souffle se bloquer dans sa gorge.

Sa première pensée fut qu'il paraissait jeune. Et féroce. Ses cheveux longs, presque noirs, étaient retenus par une tresse ébouriffée qui cascadait sur sa poitrine. Sa chemise, trempée par l'effort, collait les contours de ses bras et ses épaules robustes. Moana vit les muscles saillants ondoyer sous le tissu d'un blanc crasseux alors qu'il croisait les bras, contrarié par son inspection. Mais la jeune femme n'arrêta pas. 

C'était la première fois qu'elle contemplait un highlander en chair et en os, et elle comptait bien se rassasier de la vue. Des courroies en cuir se croisaient sur sa poitrine, révélant la présence d'une claymore dans le dos. L'ensemble était complété par un kilt écossais rouge et vert qui laissait deviner ses cuisses fermes et musclées.

Sa seconde pensée fut qu'il était un homme difficile à oublier. Il n'était pas seulement mémorable, mais aussi extrêmement attirant malgré la froideur avec laquelle il la regardait. A un niveau qu'elle qualifia de viscéral.

— Que faites-vous ici, lassie ? demanda-t-il sans chercher à gommer son accent écossais.

Le plus surprenant était sans nul doute ses yeux, d'un outremer profond et indéchiffrable. Et bien plus que la méchante cicatrice qui lui barrait la joue, ils révélaient à quel point il était dangereux. Moana sentit l'excitation monter en même temps que la peur de la nouveauté.

— Je rends visite à un vieil ami de famille. Pouvez-vous me conduire au seigneur d'Urquhart ?

Et ce mélange se distillait dans ses veines, la rendait fébrile.

— Il est avec ses hommes. Nous n'avons pas le droit de déranger le laird pendant l'entrainement. Sauf en cas d'urgence. Et vous n'en n'êtes pas une...

Comment ça elle n'était pas importante ? Son orgueil mis à mal, Moana s'approcha et lui appuya le doigt sur le torse tandis qu'il fronçait les sourcils. Elle fut momentanément déconcentrée par la texture sous son doigt, dur comme le roc.

— Menez-moi immédiatement à lui ou je mets ce château sans dessus dessous pour le trouver.

Quand elle comprit qu'elle n'en tirerait rien, elle lui tourna le dos. Tant pis, elle se débrouillerait seule. Et quand il comprendra à qui il avait affaire, il s'en mordra les doigts. Elle étouffa un rire en l'imaginant ramasser les crottes de cheval et nettoyer l'écurie. Ça serait une punition parfaite pour un goujat comme lui.

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