Chapitre 20. Love
« Look at you kids, you know you're the coolest
The world is yours and you can't refuse it
Seen so much, you could get the blues
But that don't mean that you should abuse it
Though it's enough just to make you go crazy, crazy, crazy
I know, it's enough just to make you go crazy, crazy, crazy »
Comme un parfait abruti, j'ai promis à Iris que nous irions voir Sneazz samedi. Et j'ai invité Sofia à sortir samedi soir.
Or, je sais parfaitement qu'Iris aura envie que je reste avec elle après l'hôpital.
Quel boulet.
Pour une fois il va falloir que je sois solide et que je dise non à Iris.
Ce samedi est une journée particulièrement chargée, le tournage du clip d'Amir le matin, la visite à Sneazz, mon rendez-vous avec Sofia.
Toujours un plaisir de se lever à 6h30 un samedi. J'émerge lentement du sommeil après la sonnerie de mon réveil, lorsque je me prends conscience que je ne suis pas seul dans mon lit.
Iris.
Qu'est-ce qu'elle fait ici ? Je ne l'ai pas vu la veille au soir, elle dînait chez ses parents.
— Pourquoi tu te lèves aussi tôt ? marmonne-t-elle dans un demi sommeil.
— Je dois rejoindre Amir et Arthur pour le petit-dej avant le tournage. Pourquoi t'es dans mon lit ?
Elle se tourne vers moi et entrouvre les yeux.
— J'arrivais pas à dormir, alors je suis venue. Tu m'as dit que je pouvais.
C'est totalement faux, je ne savais même pas qu'elle était là.
— Je t'assure Naël, appuie-t-elle, je t'ai demandé si je pouvais dormir avec toi, t'as grogné un « ouais » tu m'as fait de la place et tu m'as même pris dans tes bras. Et tu m'as fait un bisou... là.
Iris désigne l'angle de sa mâchoire. Elle doit mentir, je n'ai aucun souvenir de cet épisode. Mais passons, je n'ai pas le temps d'argumenter. Je me lève difficilement pour m'assoir sur le lit.
Je frissonne, la chaleur de la couette n'enveloppe plus mon torse nu et il n'y a pas de pire sensation au réveil.
Alors que je baille une dernière fois, je sursaute en sentant les doigts brulants d'Iris glisser sur la peau de mon dos. Après un temps de réaction proportionnel à mon état d'éveil, j'intercepte sa main qui suit ma colonne vertébrale en saisissant son poignet.
Je lui jette un regard interrogateur par-dessus mon épaule, elle me fixe bizarrement. Puis la jeune fille se redresse à son tour et dégage son poignet de mon emprise.
— Qu'est-ce que tu veux ? je marmonne.
Elle ne répond pas et se rapproche de moi pour laisser tomber sa tête contre mon omoplate et entourer ma taille avec ses bras.
— Je peux venir ? demande-t-elle finalement.
Je fronce les sourcils, depuis quand Iris s'intéresse-t-elle au travail d'Amir et à celui de son frère ? Depuis quand a-t-elle envie de passer du temps avec nous ? Ça sent le plan foireux.
— Pourquoi ?
— J'ai pas envie de rester toute seule et j'ai rien à faire ce matin.
Je ne lui fais pas du tout confiance, et puis j'imagine déjà la tête d'Amir et même celle d'Arthur si je me pointe accompagné par notre pimbêche nationale.
— Je ne crois pas que ce soit une bonne idée, demande plutôt à Maman si elle a envie de faire un musée ou une expo, il y a Kandinsky au Grand Palais. Je reviens à 14h pour aller voir Mohammed de toutes façons.
Si vous commencez à connaître Iris, vous vous doutez bien qu'elle ne va pas lâcher l'affaire et que je vais avoir le droit à un petit caprice de princesse de bon matin.
— Naël... S'il te plaît, je ne vais pas réussir à me rendormir... Et je te rappelle que tes parents ne sont pas là.
Ah oui... j'avais complètement oublié qu'ils étaient en Normandie tout le week-end. Ania passe d'ailleurs le sien chez les Lellouche.
— Pourquoi tu vas pas voir Ilyes ?
Iris me dévisage comme si j'étais débile.
— Hakim. Il veut pas qu'on se voit en dehors des « repas de famille » et du lycée... À croire qu'Ilyes a besoin de moi pour faire des conneries.
— Vous vous tirez vers le bas, c'est un fait, réponds-je pour défendre mon oncle.
Elle secoue la tête de droite à gauche, comme si j'avais dit une énorme bêtise.
— Pas du tout, sans moi il ferait bien pire. Crois pas, je veille sur lui hein...
Permettez-moi d'être parfaitement dubitatif, j'ai du mal à voir dans quelle mesure Iris « protège » mon cousin. Enfin ça les regarde.
— Comment tu peux veiller sur quelqu'un alors que tu n'arrives pas à veiller sur toi même une matinée pendant que je ne suis pas là Iris ?
Elle pousse un soupir, je sens son souffle courir le long de mon dos et frissonne légèrement, sa joue est toujours appuyée derrière mon épaule, elle ne répond pas pendant quelques secondes et je sens ses doigts se balader sur mon ventre.
— J'ai passé la semaine à aller en cours, je fais plein d'efforts en ce moment Naël... J'aurai rien à raconter à Moh... Alors que si je vous accompagne je pourrai lui parler du clip et puis... J'aimerais bien voir comment Arthur s'en sort.
Évidemment qu'elle joue la carte de l'attendrissement, je suis parfaitement conscient de la manipulation, d'autant plus lorsque je sens ses lèvres se poser à plusieurs reprises sur mon épaule et ses bras se resserrer autour de moi.
— Ok, je lâche, Mais si Amir ou Arthur ne veut pas de toi sur le tournage, je ne pourrai rien faire pour toi.
Iris pousse un petit cri de victoire et embrasse rapidement ma joue avant de se détacher de moi et de sauter sur ses pieds. Je la retiens de justesse par le poignet et la fait assoir à côté de moi sur le lit.
— T'as intérêt à te faire discrète, au premier débordement, s'il faut qu'on te mette dehors, on le fera. Tu seras gentille avec Jade, elle est stressée par le tournage, donc interdiction de la mettre mal à l'aise, compris.
Les yeux d'Iris me sourient avec amusement au diapason avec ses jolies lèvres. Elle dégage ses cheveux en arrière et hoche la tête.
— Pas besoin de me menacer comme un daron Nayel, je veux juste voir. Fais-moi confiance.
— Surement pas, je t'aurai à l'œil.
Elle éclate de son rire le plus agaçant et lève les yeux au ciel. Je déteste quand elle fait ça. C'est excessivement agaçant. Je lâche son poignet et me lève à mon tour, elle va finir par me mettre vraiment en retard.
****
— Qu'est-ce qu'elle fout là celle-là ? grogne aussitôt Amir quand nous le rejoignons dans un petit café de Montparnasse.
Arthur lève les yeux de son ordinateur et fronce les sourcils en voyant sa sœur.
— Papa et Maman t'ont coupé les vivres c'est ça ? demande-t-il, Rêve pas, tu toucheras pas à mon P.E.L.
Je pourrais presque rire, mais le regard assassin que me lance mon cousin m'en dissuade.
— Elle voulait venir voir le tournage.
On sent au ton de ma voix que j'essaie de me justifier, parce que je n'assume pas trop d'être aussi faible avec Iris.
— C'est mort, tranche Amir, J'veux pas qu'y ait heja sur mon clip. Le bahut nous a donné qu'une matinée de tournage, on n'a pas de temps à perdre
Iris me jette un regard implorant, mais je n'ai pas très envie de la défendre, elle peut plaider sa cause toute seule. Le problème c'est qu'elle sait très bien que ce qui fonctionne avec moi ne marchera pas avec Amir.
— Promis je me tiendrai tranquille... Je peux même aider.
Mais le jeune rappeur n'a aucunement l'intention de changer d'avis, c'était couru d'avance. Amir est têtu comme une mule, pour le faire changer d'avis il faut se lever une semaine à l'avance, et encore, pas sûr que ça suffise.
Alors la jeune fille tente de convaincre son frère.
— Arthur, les parents voudraient que tu me laisses m'intéresser à ce que tu fais... S'ils apprennent que tu m'as repoussée...
Arthur descend ses lunettes dorées sur le bout de son nez et observe sa sœur par-dessus ses verres.
— Ce que tu es en train de faire ressemble à s'y méprendre à du chantage, fait-il, Or, je suis parfaitement incorruptible.
Ce n'est pas totalement faux, Arthur n'est pas du genre à céder aux menaces.
— Je ferai ce que vous voulez en échange, lâche alors Iris.
Amir échange un regard avec son meilleur ami, je comprends alors qu'une idée les a traversés en même temps.
— Tout ce qu'on veut ? demande mon cousin, Vraiment tout ce qu'on veut ?
Je le sens mal.
Iris hoche la tête, elle sait très bien que quoi qu'ils lui demandent, elle aura déjà fait pire.
— Amir a trouvé le moyen de se faire larguer la veille du tournage du clip dans lequel sa meuf devait figurer parmi les personnages principaux. On a besoin d'une remplaçante, tu seras parfaite pour le rôle.
Au moment où je vais demander à mon cousin pourquoi il s'est fait larguer, la porte du café s'ouvre sur Jade, un sourire timide aux lèvres. Je peux lire la surprise sur son visage lorsqu'elle prend conscience de la présence d'Iris. Amir lui explique aussitôt la situation.
— On avait besoin de quelqu'un pour remplacer Carla. Et euh... Encore désolé pour hier soir, dit-il plus bas.
Jade hoche la tête et lui adresse un sourire compréhensif, puis dis bonjour à tout le monde autour de la table. Quand vient mon tour, elle parait soudainement extrêmement gênée, je me rappelle alors le dîner du lundi et de la façon dont elle a quitté la table.
— T'inquiète, c'est oublié, je chuchote en pressant doucement sa main au moment où elle se penche vers moi pour me faire la bise.
Jade rougit violemment et s'éloigne de moi pour s'assoir près d'Amir qui vient de tirer une chaise.
— Du coup, je dois faire quoi exactement ? demande Iris.
— La connasse, répond aussitôt Amir, Ça devrait pas être trop compliqué pour toi.
Il dit ça, mais pour le coup, Iris n'a jamais vraiment été le genre de fille qui harcèle les autres. Une peste oui, quand elle était petite, mais au collège-lycée, elle s'est toujours contentée d'ignorer le commun des mortels et de ne s'intéresser qu'à certaines personnes triées sur le volet.
Arthur passe quelques minutes à expliquer à sa sœur ainsi qu'à nous tous le rôle exact que nous devons jouer. Je ne serai qu'un simple figurant et cela me convient parfaitement. Je ne cherche pas particulièrement à élargir ma popularité sur Instagram.
****
Le tournage bat son plein, Arthur a installé tout son matériel de professionnel, il y a une bonne centaine de figurants qu'Amir a recruté parmi les élèves du lycée. Il est passé en mode « patron », n'obéissant qu'aux indications du réalisateur qui lui a pour une fois, vraiment les pieds sur terre.
— Eh toi là ! fait justement ce dernier, Ouais la bouclette avec les lunettes moches ! Mets-toi plus dans l'angle, tu casses ma prise de vue.
Il va quand même falloir qu'il apprenne le tact, de ce côté-là les garçons de notre famille ont vraiment du boulot.
Je ne lâche pas Iris des yeux, il est hors de question qu'elle gâche le travail de mon cousin et les efforts que fait Jade.
Mais pour l'instant, rien à signaler. Elle s'applique à être crédible comme « connasse ». Comment vous dire qu'elle l'est à cent pour cent.
Une amie d'Amir s'est occupée du stylisme et du maquillage, Iris n'est pas habillée comme d'habitude. Je me rends compte que cela fait des années que je ne l'ai pas vue porter autre chose que du noir. Elle a protesté au début, puis Amir lui a fait comprendre qu'elle se pliait aux règles ou quittait instantanément le lycée. Résultat, j'ai face à moi une Iris habillée en jolie petite parisienne à la pointe de la mode, genre « Mes parents habitent dans le VIème ».
J'avoue, j'aime bien.
Jade quant à elle, arbore un look beaucoup plus effacé. Qui correspond au personnage également.
C'était un peu dur pour elle au début, de devoir être le centre de l'attention, devant autant de monde. Mais Amir arrive vraiment bien à l'encourager. Il lui fallait un ami comme ça. D'ailleurs, elle semble vraiment bien intégrée dans la bande d'amis de mon cousin, tous les gars sont aux petits soins pour elle, même s'ils la chambrent tous généreusement.
— C'est quoi cette histoire de Carla ? je demande à Amir entre deux scènes.
— Bah tu sais la meuf que j'arrivais pas à serrer.
Je hoche la tête, me rappelant vaguement de cette histoire.
— On a fini par se mettre ensemble, franchement pour une fois j'ai essayé d'être plutôt sérieux. Et zahma hier elle me tape une crise en me disant qu'elle arrive pas à me faire confiance parce que je suis trop « sollicité » par les autres meufs. Abusé, je me fais tej' pour la première fois, par une racli que j'ai même pas trompé.
Eh oui.
Qui fait le malin...
C'est toujours comme ça, les gars qui font comme mon cousin à profiter un peu trop des filles, le jour où ils ont plus envie de profiter et qu'ils veulent un peu se poser, ils se font recaler.
— Tu l'aimes bien ?
— Ouais, enfin je sais ap', frère, elle est grave hnina et en même temps elle a un de ces caractères... J'aime bien ce genre de nana un peu... Genre tu la vois tu penses qu'elle est douce et gentille, et en fait c'est une putain de tigresse.
Mes sourcils pourraient presque rejoindre la racine de mes cheveux.
Il vient de décrire exactement le portrait de sa mère.
Comme quoi... Amir et moi avons tous les deux, besoin de couper le cordon.
— Eh les Akrour ! Je vous dérange pas j'espère ? Amir c'est pour toi que je bosse là ! T'es au courant qu'on a pas toute la journée ? Allez en place on fait la dernière. Cette fois Bouclette tu te poses au bon endroit ! Iris, lâche cet appareil photo et remets-toi à ta place.
La dernière phrase d'Arthur me fait l'effet d'une décharge électrique, je relève aussitôt la tête pour voir qu'effectivement, sa sœur tient un reflex dans ses mains, concentrée, elle capture quelques clichés.
Incroyable.
Je ne pensais plus la voir toucher un appareil de toute sa vie.
Mais qu'est-ce qui lui prend ces derniers temps ?
Une rédemption ?
Un sentiment de crainte se met alors à me tordre les entrailles, je le connais trop bien.
J'ai terriblement peur, c'est ça la vérité, j'ai peur de la gamine paumée qui se tient devant moi.
Parce que je vous ai menti, depuis le début.
La vérité, c'est que si je suis incapable d'aimer la moindre fille, c'est parce qu'une adolescente détruite a enterré mon cœur il y a un peu plus de deux ans.
Iris relève les yeux de l'appareil photo et son regard se plante dans le mien. Elle a l'air surprise elle aussi, de ce qu'elle est en train de faire.
Puis soudain, elle relève l'objet et le colle contre son œil. Je peux entendre d'ici le déclic qu'il produit lorsqu'elle me prend en photo.
J'aperçois l'ombre d'un sourire sur ses lèvres, je crois que malgré ma peur, les miennes se sont étirées aussi.
Arthur s'égosille à côté de nous, il va falloir s'y remettre.
C'est là que je vous quitte, après ce petit bout de chemin en votre compagnie.
La suite de l'histoire...
... Appartient à la princesse kamikaze bardée d'explosifs qui risque à tout moment de me faire péricliter avec elle.
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