Chapitre 2. Nique les clones pt. II

« Je ne suis pas prêt de me taire
De la primaire au lycée, déprimé, je me sentais prisonnier
Parce que les professeurs voulaient toujours me noter
Pourtant, j'aimais les cours, j'étais différent
De tous ceux qui me disaient
"Soit tu subis, soit tu mets les coups" »

J'ai envie de balancer mon portable quand un son de rap me réveille à 7h du mat'.

La rentrée, ça a dû être inventé pour rappeler aux humains qu'ils sont justes des sous-merdes. Ce sentiment de devoir se lever pour faire un truc que tu détestes, alors que la veille tu pouvais glander tranquille sans que personne te casse les couilles, y'a rien de pire sur terre.

Je chope dans la penderie un jog' et un maillot de foot, enfile vite fait mes Nike, et descend avec la tête dans le cul pour grailler un truc vite fait.

— Bonjour mon chéri.

Ma mère est habillée, maquillée, coiffée, un café à la main elle me détaille avec un regard un peu désespéré.

N'importe qui se demanderait comment une femme aussi classe peut avoir un fils sapé comme une petite racaille.

Mon regard se pose sur mon père. Cherchez par plus loin.

— Je crois que ta mère t'a dit bonjour, grogne-t-il.

On est pas super aimables chez les Akrour le matin.

Est-ce qu'on est aimables parfois ?

Ma mère, un sourire un peu moqueur aux lèvres, frotte mes cheveux avec affection.

— C'est la rentrée laisse-le tranquille, c'est un jour de deuil pour lui. Bon allez, je file j'ai plein de parents à voir pour inscrire leurs gamins.

Elle est directrice d'une école de ballet. À la base c'était un truc que pour les pauvres, sauf que l'enseignement est tellement de qualité que toutes les petites bourges de Paname veulent y prendre des cours. Du coup elle fait raquer les riches, et les plus pauvres ont des cours quasi gratuits. Et si les gens se plaignent, elle leur montre la porte de sortie en disant qu'il y a plein d'autres écoles de danse où tout le monde paye pareil.

Je la regarde récupérer ses affaires, perchée sur ses talons, en même temps Amir entre dans la pièce à son tour, les cheveux en bataille et la mine endormie.

— Salam, grogne-t-il en s'affalant sur la chaise à côté de moi.

Mon daron a l'air d'apprécier le fait que mon reuf fasse un effort pour dire bonjour, car il lui répond aussitôt. Finalement ma mère revient vers nous, son parfum envahit mes narines quand elle pose ses mains sur chacune de nos épaules et embrasse nos joues tour à tour.

— Vous êtes habillés comme des ploucs, heureusement que vous êtes beaux. J'aurai pas tout raté.

On lève les yeux au ciel en même temps quand elle s'éloigne pour embrasser mon père. Je jette un regard à Amir et à la vision de la trace conséquente de rouge à lèvres sur sa joue, je frotte la mienne en poussant un soupir.

— Putain, fait-il en m'imitant.

La porte claque et on se tourne vers mon père qui est en train de reproduire exactement le même geste.

— Votre mère...

*****

Trente-deux dans une classe, que des branleurs dans mon genre, y'a quatre nanas. Elles sont même pas belles. Y'en a deux leurs cheveux on dirait que c'est de la paille tellement ils sont raides, elles sentent le parfum bon marché et ça pollue l'odeur de la salle.  En plus elles sont mal sapées, trop de bijoux en plastoc et de fond de teint sur la gueule. Les deux autres, aucun intérêt, elles se sapent comme moi, gueulent plus fort que les trois quart des gars de la salle, et parlent super mal.

Je suis où ?

Au moins à Paul Bert y'avait que des cons, mais j'étais un peu différent des autres, là ils sont tous comme moi, voire pire, c'est quoi ce bordel ?

Les profs s'en branlent de nous, zahma ils ont l'air encore plus déprimés de reprendre les cours. On dirait des travailleurs pénitentiaires.

Sauf la prof de français, elle doit avoir vingt-deux/vingt-trois piges, askip c'est son premier poste. Ça a pas arrêté pendant tout le cours, les gars c'est grave des chiens, on croirait qu'ils ont jamais vu une meuf bonne de leur vie.

Elle est belle de ouf, je suis pas forcément un modèle dans le respect de la femme, mais j'ai pas trop kiffé les réactions des mecs de la classe. Zahma ils mimaient des pénétrations et des fellations, dès qu'elle posait une question ils levaient la main pour dire « Tu suces ? » ou « Tu t'touches ? ». Bsahtek les puceaux. C'est vraiment un truc de baltringue d'agir comme ça, je comprends pas le délire.

Le pire c'est que ce serait leur sœur, ils niqueraient leurs shab pour moins que ça.

Ma mère, elle aurait chopé chacun des mecs par le col pour leur dégager deux tartes dans la gueule. Elle est pas spécialement féministe mais le respect c'est grave important pour elle, dès qu'Amir et moi on parle mal d'une nana et qu'elle est dans les parages... On se fait incendier.

Pour l'instant j'ai dit walou parce que c'est le premier jour et que j'ai pas forcément envie de me foutre toute ma classe sur le dos, mais si ça continue je vais avoir du mal à fermer ma gueule. Même si c'est pas trop ma nature de porter secours à la veuve et l'orphelin.

T'façon la prof a bien géré franchement, elle a pas chialé, elle a répondu avec calme, sans faire la choquée. J'espère pour elle que ça va aller mieux.

Les deux meufs aux cheveux raides pas naturels elles sont venues me voir à l'intercours j'ai rien capté à leur manège.

— T'es nouveau ? m'a fait la moins moche des deux.

J'ai pas répondu, juste un signe de tête, elle connaissait déjà la réponse à sa question j'allais pas gaspiller ma salive.

— T'étais où avant ?

— Paul Bert.

Là elles sont parties dans un délire genre « ah mais nan trop fou ! Tu connais machin ? ». Elles m'ont brisé les couilles pendant dix minutes, jusqu'à ce que je finisse par me barrer à l'autre bout de la salle pour plus les entendre jacter.

Au moins maintenant je connais leurs prénoms : Océane et Ilona.

Je suis sorti à midi pour manger dehors et fumer un teh, j'avais envie de mourir. Là ça fait vingt minutes que j'hésite à retourner dans ce bahut de merde.

Comment-ils veulent qu'on s'en sorte dans la vie en nous foutant tous dans des classes comme ça ?

Je me roule un deuxième joint, je crois que c'est la seule chose qui va me permettre de supporter cet aprem de cours. Mes khos me manquent.

Une main me tape sur l'épaule et je me retourne violemment, dans un réflexe de défense un peu exagéré.

— Whooo calme toi mec ! T'as l'air tendu.

Je reconnais un mec de ma classe, un renoi assez grand et baraque, il a les deux oreilles percées et un maillot du barça. Deux mecs l'accompagnent.

— T'es nouveau ici, dit-il.

Merci Einstein.

Je hoche la tête.

— Tu fumes ? demande-t-il.

Ah ouais brillant le mec. Je viens de rouler mon stick et il me demande si je fume.

En plus je suis quasi sûr que 90% des gars de cette classe consomment.

Je lui montre mon joint l'air de dire « T'es con ou quoi ? »

Il rigole un peu et sort de quoi s'en rouler un à son tour.

— Moi c'est Prince. Lui c'est Cheikh et lui c'est Samir.

Prince ?

Comme il me tend la main, je le check et fais de même avec ses deux potes, un rebeu et un autre renoi.

— Moi c'est Ilyes, finis-je par dire.

Je suis pas là pour me faire des amis, mais bon visiblement ils ont décidé de me coller.

— Ce bahut c'est grave de la merde, me fait Prince, T'étais où avant ?

On va me poser cette question combien de fois ?

*****

Ça fait trois semaines que j'ai repris les cours, trois semaines que je suis dans ce putain de lycée. L'ambiance de ma classe est toujours autant pourrie, les profs sont toujours autant des victimes. Les nanas sont toujours aussi moches. Y'en a quelques unes pas trop mal dans le bahut, mais bon, elles ont toutes des frères ou des cousins dans ma classe, pour le coup, flemme de m'embrouiller.

D'ailleurs une des plus bonnes c'est la sœur de Cheikh, et comment dire qu'il est tout le temps en train de se hagar avec d'autres gars qui ont tenté un truc. Maintenant je traîne toujours avec Prince, lui et Samir, d'autres gars un peu aussi.

Grâce à eux je commence à me faire des thunes un peu. Cheikh bicrave pas mal. Du coup j'ai monté un petit système plutôt cool. Je revend sa came deux fois plus chère aux ienclis de mon ancien bahut. Vu qu'ils me connaissent ils ont pas trop peur de venir me voir, et il ont pas conscience de se faire enfiler à mort.

Je vois un peu moins Nabil et Anthony, parce que mon petit business me prend pas mal de mon temps libre. Et puis Prince fait tout le temps des soirées chez lui, évidemment j'ai pas le droit de sortir mais je fais le mur.

En fait depuis qu'Iris est plus là, dans mon entourage y'a plus que des gars, je pécho un peu moins, mais j'ai pas forcément envie.

Je vois de moins en moins la mif aussi, juste mon reuf, ma sœur et mes darons. Les autres je les vois juste s'ils viennent à la maison.

Naël en vrai, il a l'air assez mal, je crois qu'il était vraiment en kiffe sur Iris. Mais bon, il est payé pour étudier dans son école d'intello, le génie de la famille continue d'être un génie. Tout va bien.

Là je sors du foot, mon sac de sport sur le dos, je dois capter un client à Edgar Quinet et je sais pas ce qu'il fout.

J'aime pas rester longtemps avec des grosses doses sur moi, avec ma gueule je me fais souvent contrôler. Et franchement si mon daron doit venir me chercher en gardav', je peux dire adieu à ma vie. Et puis ça va encore plus décevoir ma mère.

Putain mais pourquoi je fais ça ?

Même pas par besoin de thunes. Je sais pas, un besoin de me prouver un truc.

Ah, enfin le mec arrive. Je lui fais un signe de tête, tout se passe comme prévu. Échange discret, je sais où sont les caméras. On fait genre on est potes. Bla bla bla.

Ça devient la routine.

— Ilyes ?

Je me retourne à une vitesse folle pour me trouver face à Jade, ses cheveux blonds au carré et son maquillage de fille sage.

Qu'est-ce qu'elle fout là ? Et depuis quand elle ose me parler ?

— Tu veux quoi toi ?

Elle rougit violemment et se passe la main dans les cheveux.

— Euh hum. Je suis avec mon père, il m'a dit de venir te proposer de te déposer chez toi.

Elle désigne une bagnole garée un peu plus haut sur le boulevard, je vois cet enfoiré de Deen nous jeter un regard derrière ses lunettes de soleil.

Quelque chose me dit qu'il est plus prudent d'accepter la proposition.

— Ouais, ok, je fais.

Jade sourit timidement et je la suis jusqu'à la mercos de son daron.

— Ilyes Akrour, fait-il quand j'arrive à sa hauteur, Toujours fourré dans des bails bresson. Monte.

Il me fait signe de m'installer à côté de lui sur le siège passager.

— Jadou chérie, ça te dérange pas de passer derrière quelques minutes ? dit-il à sa fille.

La petite blonde secoue la tête et file à l'arrière de la caisse, je m'installe à la place indiquée.

Il se met en route, je descends ma casquette un peu plus bas sur mon front.

— Alors gamin, c'est comment ton nouveau lycée ?

Je ne réponds pas. Il baisse la musique, et reprend rapidement la parole.

— J'aime bien quand on me répond quand je pose une question. Surtout avec ce que je viens de voir, t'as plutôt intérêt à me répondre histoire que je tire pas de conclusions hâtives. On sait jamais.

Le chantage ça me fait pas trop peur, mais j'ai pas envie d'avoir de problèmes avec mon daron en rentrant, vraiment pas.

— Ça se passe, je finis donc par dire.

— Tu t'es fait des potes ?

C'est quoi ces questions de merdes, limites celles de mes grands-parents sont plus intéressantes.

— Ouais vite fait.

— Et là tu voyais un de tes anciens potes de Paul Bert, c'est ça ? Ils doivent te manquer.

Je lui jette un regard en biais, il a un petit sourire amusé. Ce mec se prend pour je sais pas quoi, sah, j'ai rien à lui dire.

— Ouais. Et nan, ça va.

— Ça avait l'air sympa votre discussion, vous avez l'air proche.

La vie de ma mère j'ai envie de lui enfoncer ses branches de lunettes dans les yeux. Jade ne dit rien derrière, elle doit être un peu gênée.

— Vite fait, dis-je encore.

— « Vite fait » répète-t-il, Comme une transaction.

On y arrive.

— Exact, comme une transaction.

— Fais pas le malin, vous étiez pas en train d'échanger des cartes Pokémon. Écoute moi bien, je vais rien dire à ta mère pour cette fois, on va dire que j'ai pu me tromper. Mais si j'apprends, vois ou entends dire que t'as recommencé, je me ferai un plaisir de te balancer. Et crois moi, je finis toujours par tout savoir.

Je ne réponds pas, si je proteste il va penser qu'il a raison, si j'acquiesce il va penser qu'il a raison. Et puis de base, ce mec pense toujours qu'il a raison.

— Tu t'en branles de faire du mal à ta mère ? demande-t-il.

Encore une fois, il me semble préférable de rester silencieux, je fixe la route que je vois à moitié sous la visière de ma casquette.

— C'est bien au moins tu me sors pas l'excuse de faire ça pour elle, ça serait pas crédible elle est plus riche que moi.

Putain il me gave, mais il me gave. Je dois me retenir pour ne pas sortir de la voiture quand elle s'arrête à un feu.

— Tu penses que je suis un vieux con, mais tu verras gamin, le jour où tu la verras chialer à cause de toi, tu te diras que le vieux con avait peut-être raison.

Il se gare devant chez moi, je lui adresse un regard glacial.

— Ma mère chiale pas.

Deen ricane.

— Pour l'instant.

Encore une fois, je ne réponds pas et claque la porte avant de rentrer chez moi. Mon portable sonne déjà, je crois que Cheikh veut savoir comment s'est passée la vente.

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