Chapitre 19. Bridge over troubled water

« Sail on silver girl
Sail on by
Your time has come to shine
All your dreams are on their way
See how they shine
Oh, if you need a friend
I'm sailing right behind
Like a bridge over troubled water
I will ease your mind
Like a bridge over troubled water
I will ease your mind »

Naël n'a capté aucun des signaux que je lui ai lancé depuis deux semaines lorsque je tentais de lui signifier que je désirais passer du temps seul avec lui. Et puis il faut dire qu'Arthur est un sacré pot de colle. Ils dorment dans la même chambre, je n'ai donc même pas pu tenter une escapade nocturne.

Mais ce matin je me suis levée décidée. Je veux absolument prendre du temps avec Naël, j'en ai besoin. Je veux lui parler de mes progrès, de ce que je prépare pour la suite, aussi.

Mon salut est venu d'Ania, l'adolescente a trouvé le moyen d'attraper une sérieuse insolation. Aussitôt ses parents se sont mis à paniquer et nous avons annulé les activités de l'après-midi. Ma mère a dit qu'elle n'avait pas envie de faire l'Acropole sans Lucie. À peine sortis de table, je n'ai pas attendu que mon frère prenne Naël en otage. Le croisant dans le couloir, je l'ai attrapé par le poignet et avant qu'il n'ait le temps de réfléchir, je l'ai tiré dans ma chambre.

Et maintenant je cherche la suite du plan.

— Qu'est-ce qui t'arrive ? demande-t-il alors que je referme la porte derrière lui.

— J'en ai marre que tu me fuies.

Ses sourcils se haussent rapidement, il se passe la main dans les cheveux, l'air un peu mal à l'aise.

— Je ne te fuis pas, répond-Il, je garde mes distances.

— Pourquoi ?

Naël me lance un regard genre « c'est évident voyons. »

— Parce que je suis respectueux.

— Respectueux de quoi ?!

Je sens qu'il s'agace un peu, il lève les yeux au ciel et pousse un soupir.

— Nous sommes chez tes parents, ton père n'a manifestement pas envie de nous voir trop proches, je ne tiens pas à abîmer votre nouvel équilibre familial. Et je le respecte.

Cette fois c'est moi qui suis un peu énervée. Je me rapproche de lui. Il fronce les sourcils.

Son polo bleu ciel fait ressortir sa peau bronzée et les traits fins de son visage. Comme d'habitude ses yeux sont à moitié cachés par ses épaisses boucles brunes.

Il me dévisage en se frottant le menton, j'ai la sensation qu'il a un peu menti.

— C'est parce que t'es respectueux ou parce que tu as peur de mon père ? Ou même peur tout court, parce que mon père n'a pas fait une seule remarque depuis deux semaines.

— Écoute Iris, si tu crois que c'est facile pour moi tu...

Il s'interrompt lorsque nous entendons la voix de mon frère dans le couloir.

— Naël t'es où ?

Il manquait plus que lui. On ne sera jamais tranquille si on reste ici.

— Attends moi là, dis-je, t'as pas intérêt à bouger.

Je quitte la chambre et ne prenant pas la peine de répondre à Arthur qui me demande si je n'ai pas vu Naël, fonce jusqu'au jardin. Mon père est en train de lire, affalé sur un transat, une casquette enfoncée sur le crâne et un vieux cure-dent entre les lèvres.

— Papa...

Il relève les yeux vers moi, je lui adresse mon sourire le plus charmeur. Il plisse les paupières.

— Tu veux me demander quelque chose ?

À son sourire en coin, je vois qu'il est impatient de dire oui mais qu'il va me faire mariner un peu.

— Est-ce qu'on peut avoir les clés de la voiture avec Naël pour aller faire un tour ? J'ai repéré des spots de ouf pour des photos. S'il te plaît.

Il me fixe quelques secondes, l'air soudain un peu moins à l'aise.

— Euh... hum Naël est pas assuré sur la bagnole... Tu veux que je vous emmène ?

Je m'assoie sur le bord du transat et pose ma main sur son bras en lui adressant mon regard le plus implorant.

— S'il te plaît... Naël conduit bien. J'ai un peu envie d'être toute seule avec lui... Mais si tu veux demain on y va tous les deux.

Depuis le début des vacances, je sens qu'il a envie qu'on passe un moment lui et moi, mais qu'il n'ose pas me le demander. Je repousse toujours un peu parce que ça me fait peur de me retrouver seule avec mon père.

Il hésite quelques secondes en me dévisageant avec inquiétude.

— Pas de bêtises hein ? finit-il par dire en fouillant dans la poche de son short.

— Papa, on est majeurs.

— Ma puce, c'est pas parce qu'on est majeur qu'on fait pas de conneries. Crois moi sur parole. Mais c'est bon, allez-y.

Il me tend les clés avec une mine assez attendrissante. Alors je me penche vers lui pour déposer un rapide baiser sur sa joue. Quand je m'écarte, un peu gênée, il me retient par le poignet.

— Faites belek à vous deux. Tu m'appelles s'il y a le moindre problème.

Je hoche la tête, à la fois agacée et attendrie par son attitude protectrice. Puis je cours vers la maison pour retrouver Naël qui n'a pas bougé.

D'un air victorieux, je lui agite les clés sous le nez.

— Devine qui m'emmène en promenade ?

Les sourcils du jeune homme se haussent une nouvelle fois.

— Ton père t'a filé les clés ?

— Oui, il n'est plus une excuse.

Naël pousse un soupir et tend la main, j'y pose les clés.

— Vas chercher ton maillot de bain, une serviette et ton portefeuille et on se retrouve à la voiture.

Il acquiesce et disparais, je me dépêche d'enfouir dans un cabas mes propres affaires, de récupérer mon appareil photo et de me lancer en courant dans les escaliers.

Naël me rejoint quelques secondes plus tard et nous nous installons tous deux dans la voiture. J'ai envie de rire et je ne sais pas pourquoi, c'est comme une soudaine crise d'euphorie.

Lui, a l'air moins enthousiaste, voire un peu tendu.

— Tu veux aller où ? demande-t-il.

— Conduis, je te guide.

Il obéit et comme son profil reste sombre, je tente de le dérider un peu.

— Pourquoi tu boudes Nayel ?

Ça fait longtemps que je ne l'ai pas appelé comme ça, je sais que ça l'attendrit toujours, c'était ainsi que je l'appelais quand nous étions enfants.

— Je ne boude pas.

Quand il est froid comme ça, c'est soi qu'il est fâché contre moi, soit parce qu'il a peur et qu'il se bloque.

Je n'ai pas accès à son regard, fixé sur la route derrière ses lunettes de soleil. Mais je tente une nouvelle approche.

— T'es pas content de passer l'aprem avec moi ?

D'un signe de main, je lui indique de prendre à droite et nous nous engageons sur une route côtière absolument sublime.

— Si, c'est pas ça... commence-t-il.

Mais sa phrase reste en suspens et il fait mine de se concentrer sur la route. Un peu vexée, je décide d'attendre que ce soit lui qui s'intéresse à moi. Je mets de la musique et me concentre sur le paysage à couper le souffle qui s'étend sous nos yeux.

Mes seules paroles consistent à guider Naël qui répond par monosyllabes. Son attitude commence à jouer un peu sur mon moral.

— Gare toi là.

Je lui indique un parking improvisé sur le bord de la route, où seules deux voitures sont garées.

Naël obéit et quelques secondes plus tard, nous claquons nos portières sans échanger le moindre mot.

Mon Dieu qu'il m'agace.

Appareil autour du cou, je prends d'abord quelques clichés de la vue, puis m'engage sur un chemin un peu escarpé qui descend vers la mer. Naël me suit.

Après une petite quart d'heure de marche, nous nous retrouvons sur une petite crique. Le soleil me brûle la peau et les quelques minutes de descente ont suffi à me rendre la chaleur insupportable.

Une famille se baigne un peu plus loin et il me tarde de rejoindre l'eau pour me rafraîchir un peu.

— Tu veux te baigner ?

Naël ne répond pas, il me jette un regard des pieds à la tête. Cette fois je m'emporte.

— Putain mais qu'est-ce que t'as ? T'es vraiment pénible ! Ça fait quinze jours que tu agis hyper bizarrement avec moi, je sais pas ce que j'ai fait de mal. Tout ce que je voulais c'était passer un bon moment cet après-midi, pour une fois qu'on se retrouve que tous les deux ! Et tu gâches tout !

Je vois sa mâchoire se serrer, mais encore une fois il ne répond pas, il tire son polo par dessus son crâne pour le retirer.

Interdite, je le regarde disparaître derrière un rocher pour enfiler son maillot de bain. Sérieusement ? Mais qu'est-ce qu'il a ? Où est le Naël qui m'a dit qu'il m'aimait ?

Une sourde rage commence à m'enflammer les entrailles. J'attrape mon propre maillot et entreprend de me changer discrètement.

Mes yeux se posent sur les cicatrices qui ressortent. Est-ce que j'assume devant Naël ?

Je pourrais, il sait très bien ce que je me suis infligé. Et le lui rappeler serait peut-être une façon de le faire réagir.

Hésitante, je contemple le short avec lequel je me baigne depuis le début des vacances.

— Les gens se posent plus de questions en te voyant te baigner avec un short qu'en voyant tes cicatrices, Iris.

Je sursaute violemment et me retourne vers Naël.

Encore une fois son regard descend jusqu'à mes pieds avant de se planter dans le mien.

— T'as retrouvé ta langue ?

Il soupire, puis tend la main vers moi pour chasser une mèche que le vent ramène sans cesse sur mon visage.

— Je suis désolé, fait-il finalement, C'est juste que... C'est tellement étrange pour moi de te voir comme ça. J'ai l'impression de retrouver l'ancienne Iris, celle des vacances à Chamonix. Ça me fait vraiment, vraiment très peur. Et puis tous les jours tu es sous mon nez, et tu ne te maquilles presque plus.

Je fronce les sourcils, quel rapport ?

— Regarde toi Iris. Tu n'as jamais été aussi belle. Comment je suis censé tenir le coup moi !?

— Tenir quel coup ? Qui te demande de tenir quoi que ce soit ?

J'ai très bien compris ce qu'il voulait dire. Mais je le force à tout extérioriser parce que je me rends bien compte que je ne suis pas la seule à bouillir depuis deux semaines.

— Moi ! Moi je me le demande. Parce que je balise comme un malade à l'idée de franchir encore les limites, que ça se passe mal, qu'on finisse encore une fois avec le cœur brisé et que je te perde encore. Pour de bon !

Il a élevé la voix, Naël me gueule dessus au milieu d'un paradis terrestre, comme si j'avais mis du sable sur sa serviette.

Il me rend folle, j'ai la sensation qu'il me reproche soudainement de ne plus faire de bêtises et d'aller mieux.

— Alors quoi ? Tu préférais quand ma seule ambition de vie, c'était la mort ? Là t'avais un peu plus envie de m'aimer ? Maintenant que je m'en sors mieux, je ne mérite plus que tu gaspilles tes précieux sentiments pour moi ?

Ses deux mains rejoignent son crâne, et il me fixe avec un air ahuri.

— Tu peux vraiment être d'une bêtise affligeante quand il s'agit de nous deux Iris. C'est tout l'inverse, ma peur est proportionnelle à mes sentiments ! J'ai jamais été autant amoureux de toi !

Comme mon cœur vient de brusquement dégringoler dans mon estomac et remonter aussi sec jusqu'à ma gorge, je peine à ne pas tituber sous cette phrase.

Le pire c'est qu'il a dit ça en m'engueulant.

— P-pour-quoi tu me b-balances ça c-comme un reproche, je bégaye soudainement.

Il soupire, j'ai vraiment la sensation qu'il lutte comme un fou contre lui même.

— Je sais pas ! C'est vrai, t'y es pour rien.

Son front se pose contre le mien en même temps que sa main sur ma joue.

— Naël...

— Quoi ?

— La douleur est moins forte quand on cesse de lui donner un intérêt qu'elle ne mérite pas.

Un pâle sourire se dessine sur ses lèvres.

— Tu me passeras le numéro de ta psy, elle est beaucoup trop efficace.

Ça ne vient pas de ma psy, mais de ma mère. Mais je me fiche pas mal de corriger Naël maintenant, j'ai juste envie qu'il m'embrasse.

Pour le lui signifier j'effleure rapidement ses lèvres. Évidemment, cela met aussitôt le feu aux poudre et il finit par craquer.

Mais son baiser reste assez bref, il finit par prendre ma main et m'entraîner vers la mer.

*****

— Iris, me dit-il un peu plus tard alors que nous lézardons sur nos serviettes respectives.

Je lève mes lunettes de soleil pour rencontrer son regard.

— Oui.

— Qu'est-ce qu'on est, nous deux ?

La question qu'on ne veut jamais se poser et qui portant occupe toutes nos pensées.

— J'en ai aucune idée.

Peut-être qu'on idéalise un amour enfantin, peut-être qu'on s'accroche l'un à l'autre à cause de notre vécu, peut-être qu'on ne s'aime pas réellement.

Comment discerner finalement, quand cette sensation incomparable vous dévore l'abdomen à l'instant où la personne et tout proche.

Je me penche vers lui pour l'embrasser, il y répond aussitôt. Ses lèvres sont salées par l'eau de mer, les grains de sables roulent contre ma peau quand sa main se pose sur ma taille dénudée par le maillot de bain.

Je n'arrive plus à m'interrompre et je sens mon bas ventre se contracter à mesure que notre baiser gagne en intensité.

Puis Naël écarte brusquement son visage du mien, à bout de souffle.

— Arrête s'il te plaît, murmure-t-il.

— Pourquoi ? C'est agréable non ?

Il ferme les yeux je laisse courir mes doigts le long de son épaule. C'est fou ce qu'il a bronzé, même moi qui ait la chance d'avoir une peau méditerranéenne qui prend facilement le soleil, je suis bien moins hâlée que lui.

— Oui c'est très agréable mais...

— Mais ? dis-je en voyant qu'il laisse encore sa phrase en suspens.

— Cesse de faire l'innocente, ça ne te va pas du tout. T'as très bien compris que j'avais envie de toi.

Un rire un poil moqueur m'échappe, Naël est si coincé avec ce genre de chose.

— J'aime pas quand tu essaies de me rendre mal à l'aise. Pour moi c'est quelque chose d'important, dit-il en fronçant les sourcils.

C'est fou l'importance qu'il accorde à quelque chose d'aussi nul et banal, finalement.

— Ne me regarde pas comme ça. Iris, si c'était rien du tout de coucher avec quelqu'un, ça ferait longtemps que le viol ne serait plus un crime. C'est un acte important. Il ne s'agit pas de partager une glace.

Je le sais bien au fond. La preuve c'est que jusqu'à maintenant, j'ai toujours eu un peu peur d'aller plus loin avec Naël. Comme si le fait de franchir cette étape pouvait me le faire voir avec autant de dégoût que les autres.

— Pardon, je murmure, Tu as raison.

Il écarquille grand les yeux.

— Qui êtes vous et qu'avez-vous fait à ma pimbêche ?

Cette fois je souris sans moquerie et il embrasse ma joue avant de bondir sur ses jambes.

— On va marcher un peu ? Je croyais que tu voulais prendre des photos.

*****

Naël éteint le contact, il fait nuit noire. J'ai appelé mon père un peu plus tôt pour lui dire de ne pas nous attendre pour dîner.

C'était bien, vraiment. On s'est promené, beaucoup, j'ai pris plein de photos, on s'est embrassés un peu aussi, on a mangé et discuté à n'en plus pouvoir.

Le claquement des portes résonne dans le garage lorsque nous sortons de la voiture. Je n'ai pas envie de retrouver les autres. Je suis bien avec Naël. Attrapant sa main je l'attire contre moi avant qu'il ne quitte le garage.

Il me serre contre lui de longues secondes.

— Qu'est-ce qu'on leur raconte ? murmure-t-il en déposant quelques baisers sur mon crâne.

Je relève le visage vers lui.

— Bah ce qu'on a fait, sans peut-être préciser le nombre exact de fois où tu m'as embrassée.

Il sourit.

— Ok, on s'en tient au nombre exact de fois où toi, tu m'as embrassé.

Je me mords la lèvre en lui rendant son sourire.

— Tu veux que mon père fasse un arrêt cardiaque ?

Il rigole et laisse son bras sur mon épaule alors que nous rejoignons la maison. Ils sont tous affalés devant un film.

— Aaah ! lance Idriss, On commençait à se demander si on allait bientôt être grands-parents.

Quelques « Ta gueule » qui traduisent très bien ma pensée viennent lui répondre. Ma mère l'assomme avec un coussin. Après un bref interrogatoire sur notre journée, je monte dans ma chambre tandis que Naël décide de rester pour finir le film avec eux.

*****

Cela fait des mois que je n'ai pas fait un cauchemar aussi violent. Je me réveille dans mes draps trempés de sueur, en larmes et tremblante, je tente de me calmer en buvant un peu. Mais des flashs de mes visions nocturnes me reviennent en mémoire et me donnent envie d'hurler de nouveau.

Une bonne douche me calmera.

Effectivement lorsque l'eau tiède coule sur mon visage brouillé, je sens que la tension violente qui contractait mes muscles jusqu'alors, s'apaise progressivement.

Après avoir enfilé un t-shirt propre, je regagne ma chambre et sursaute violemment en voyant Naël assis sur mon lit.

Pendant un instant je crois être de nouveau dans un cauchemar.

Ma respiration s'emballe et il se précipite vers moi.

— Eh... calme toi. Je t'ai entendue crier tout à l'heure. Je voulais juste m'assurer que ça allait.

Un peu rassurée, je me glisse entre ses bras et colle mon oreille contre son sternum. Le bruit apaisant des battements de son cœur, le rythme doux de sa respiration font le reste du travail. Petit a petit je me calme.

Ses doigts caressent doucement mes reins sous mon t-shirt. Quand mon corps s'est apaisé, je relève les yeux vers lui.

— Nayel...

Il me sourit dans la pénombre, me tire en arrière et s'assoit sur le lit.

Je crois que je suis prête à ce que tout change ce soir. Parce que quoi qu'il arrive c'est Naël, il ne pourra jamais être comme les autres.

Parce qu'au fond c'est le seul qui m'aime pour moi, ni pour mon corps, ni pour mon visage, ni parce que je suis la fille de Ken et Clémentine Samaras. Juste pour moi, Iris.

Il n'a pas l'air vraiment surpris quand je me jette sur ses lèvres. Peut-être qu'il est un peu venu pour ça aussi, du moins, sans doute espérait-il que les choses tournent ainsi. Mais je m'en fous, parce que je sais que si je le renvoyais dans sa chambre maintenant, il le ferait sans même une protestation.

Tout s'enchaîne rapidement, il est maladroit. Je le guide avec douceur. C'est d'ailleurs la première fois de ma vie que c'est moi qui suis celle qui sait, celle qui maitrise.

Je comprends très vite qu'il ne s'est rien passé quand il était avec Sofia, surtout lorsqu'il me murmure entre deux baiser fébriles :

— Je crois que j'ai toujours voulu que ce soit toi.

Certaines auraient pu en être blessées, mais quand on sait l'importance que Naël accorde à tout ça, cela prouve au contraire qu'il m'estime plus qu'aucune autre.

Je suis une traînée, et pourtant pour lui, c'est comme si j'étais vierge.

Et curieusement, de ce fait, j'ai l'impression étrange de retrouver une certaine pureté, naïveté, qui me fait découvrir qu'une étreinte charnelle peut aussi être un acte d'amour.

Évidemment ce n'est pas parfait, mais j'aime profondément ce moment où jamais je ne me suis sentie autant respectée dans mon corps meurtri.

— C'était pas trop horrible ? murmure-t-il après un moment de silence, T'as pleuré tout le long.

Il m'a demandé cent fois si je voulais arrêter, j'ai du lui dire de la fermer. Le pauvre a tellement peur de me faire du mal.

— Non Naël, je te promets que c'était loin, très loin, d'être horrible. C'était bien. Je n'attendais pas une performance... juste...

Juste de l'amour.

Glissant mon visage au creux de son cou, je murmure, presque en souhaitant qu'il ne m'entende pas.

— Moi aussi.

Mais il m'a entendue.

— Toi aussi ?

— Moi aussi.

— Toi aussi quoi ? demande-t-il encore, J'ai rien dit du tout.

Mal à l'aise, je me tortille un peu entre ses bras avant de demander :

— On peut faire comme si tu l'avais dit ? Et que j'avais répondu ?

Alors Naël comprend et je le sens rire un peu contre moi.

— On fait comme ça, chuchote-t-il, tu peux me dire « Moi aussi » n'importe quand.

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