Chapitre 15. Du mal

Probablement mon son préféré de Plkouille, beaucoup trop sous-côté. Désolée pour mon retard ❤️

"Avec un peu de chance, je m'en sortirai peut-être bien
Avec l'âge, j'espère devenir quelqu'un
Pour l'instant, j'fonce tout droit dans un terre-plein, oui
Plus j'pense, plus j'fume, plus j'perds des points de vie"

Jade bondit sur mon reuf que Deen vient de ramener de la gare. Après l'avoir serré dans ses bras quelques secondes elle lui plante un bisou sur chaque joue et il lui frotte la tête en se marrant.

Moi aussi je suis putain de content de le voir. Il s'approche de moi, on se check en se faisant une accolade.

— Et un Akrour de plus ! Lance Violette en arrivant pour embrasser mon frère.

Et puis Sylvie débarque pour s'extasier sur la beauté d'Amir et le fait qu'on se ressemble. En même temps si c'était pas le cas ce serait inquiétant.

— Comment vont tes parents Amir ?

Parfait, ça m'évite de poser la question.

— Ça va, ils vous embrassent d'ailleurs.

— Ça s'est bien passé à Chamonix ? demande Vio.

Amir me jette un regard et hausse les épaules.

— Ouais bah comme d'hab. La seule surprise c'est que Lucie a réussi son repas. Idriss était archi content il a pas arrêter de répéter « Ma femme est trop forte Wallah ». Ah et si, gros scoop ! Il faut que je vous dise ! Ces enfoirés se sont mariés !

— Hein ?

Deen, Vio, Jade et moi venons d'avoir la même réaction.

— Ouais, ils ont fait ça en scred, les parents étaient au courant parce que c'étaient eux les témoins. Mais Nej a bugué en voyant qu'ils avaient des alliances, moi j'avais rien capté t'sais.

— Eh bah, c'était pas trop tôt ! lance Deen, Depuis le temps que je leur dit que c'est plus simple pour les impôts.

Violette le foudroie du regard.

— Ah c'est le seul intérêt ? Les impôts ?

Sylvie prend sa belle fille par les épaules.

— Je serais toi, je demanderais le divorce, il te mérite pas.

J'échange un regard avec Amir pendant que Deen proteste et que le petit groupe se dirige vers la pièce à côté.

— Pourquoi ils se sont mariés ?

— Je sais pas, askip Id' s'est tapé une inspi soudaine et il a demandé Luce en mariage. Elle a explosé de rire en pensant qu'il se foutait de sa gueule, parce que bon ça fait vingt piges qu'ils sont ensemble et qu'elle a fait le deuil du mariage. Mais du coup il a dit qu'il était archi sérieux. Et voilà. Y'avait juste Naël et Ania et les parents. Ils m'ont montré des tofs, Idriss était habillé comme d'habitude et Lucie était putain de classe donc c'est assez golri.

C'est vrai que personne s'attendait à ça. C'était tellement le couple qu'on voyait jamais se marier.

— Naël et Ania en pensent quoi ? demande Jade.

— Bah Naël est archi content, je crois qu'il en a toujours rêvé. Et Ania bah... hum, elle était un peu chelou ces derniers jours. Alors je sais pas trop ce qu'elle en pense.

Jade a l'air un peu triste soudainement, c'est vrai qu'elles se sont embrouillées toutes les deux.

— Qu'est-ce que t'as avec tes p'tits yeuz tout tristes là, lui fait mon reuf.

Elle se remet aussitôt à sourire et Sylvie réapparait dans la pièce.

— Fatche de con, Jadou tu n'as toujours pas montré à Amir sa chambre ? Il faut tout leur dire à ces enfants.

On se marre un peu pendant que Jade s'empresse de conduire l'invité vers la chambre où je dors avec Léo. Lui aussi fait une drôle de tête quand il apprend que le sale gosse dort avec nous.

— Oui, la maison n'est pas immense, s'excuse l'adolescente.

— T'inquiète ça va le faire.

Il a à peine le temps de poser son sac que la grand-mère Castelle réapparaît.

— Les garçons, puisque vous êtes jeunes et forts, vous ne voulez pas venir m'aider cinq minutes à transporter les plantes en pot que j'ai acheté ce matin ? Ça pèse un âne mort, je ne peux pas le faire seule et Mikaël est encore au téléphone.

On hoche la tête en même temps puis on suit Sylvie jusqu'à sa bagnole pour lui filer un coup de main, ça nous prend cinq minutes, et ça me permet de me retrouver seul avec Amir une fois le travail fini.

— Elle va comment ? je demande pendant qu'il allume sa clope.

Il plie les lèvres avant de cracher un volute de fumée. Ça me donne envie de me rouler un joint, mais je peux pas devant la maison avec les gosses partout.

— Viens, lui fais-je, On va plus loin.

Amir me suit et on se pose quelques mètres plus loin, pour fumer et discuter tranquillement.

— C'était vraiment chelou l'ambiance à Chamonix, je sens que le daron commence à flancher un peu. Ça se voyait que ça le faisait chier que tu sois pas là. Surtout que... Maman a insisté plusieurs fois sur le fait qu'on était pas au complet.

Il fouille dans sa poche et sort un petit paquet emballé.

— C'est pour toi, dit-il, Elle me l'a filé avant que je parte, mais je sais qu'il était au courant.

Je saisis l'emballage et l'ouvre pour découvrir une chevalière avec un "ⵣ " amazigh sur fond noir.

— J'ai eu la même, fait Amir en me montrant sa main droite.

C'est la même que celle du daron surtout.

— T'es sûr qu'il savait qu'elle allait m'en filer une aussi ?

Mon frère me regarde comme si j'étais le roi des cons.

— C'est pas elle qu'a eu cette idée hein ? Elle a toujours détesté ces conneries de chaînes et de chevalières, elle trouve que ça fait beauf.

C'est vrai.

— Si ça se trouve elle a juste eu pitié de oim et elle m'en a pris une aussi.

— Nan, il en a acheté deux. Je le sais parce que l'autre bagra était avec lui. Mais askip il voulait attendre avant de te la filer. Sauf que la daronne a dû lui faire un sketch pour que tu puisses l'avoir maintenant.

Donc je suis pas complètement mort pour mon père. C'est plutôt bon à savoir.

Je passe la bague au même doigt que mon frère. Je sais pas trop quoi en penser, Amir aime bien ce genre de bail, les bracelets, les chaines tout ça. Moi ça me gave et j'en porte quasi jamais sauf une ou deux parce que ce sont des cadeaux du daron. Mais ça c'est un peu plus fort comme symbole parce qu'il a la même. Et puis c'est la marque de ses origines.

— Les Castelle, ils t'ont fait des cadeaux ?

Je hoche la tête.

— Ouais. Violette et Deen m'ont offert une montre, Romy un nain "Grincheux" en peluche, Jade des places au Parc et Léo m'a fait un dessin de moi en train de me battre avec son copain Timéo, enfin de l'écraser surtout. Y'a du sang partout.

— Putain une montre ? Sale tarba pourquoi tu la portes pas ?

Parce que j'ai simplement oublié de la remettre après ma douche. Mais en vrai c'est une bête de cadeau, j'étais choqué. J'aurais jamais pensé qu'ils me fassent un cadeau de cette valeur, ils poussent loin le délire de "on te prend comme notre fils".

— Askip ils me l'ont offerte pour que je sois à l'heure au taff. Mais Vio après elle m'a dit qu'une belle montre c'était un objet très important dans une vie et qu'ils avaient remarqué que j'en avais pas.

— Sah ils te kiffent c'est ouf.

Même moi je comprends pas pourquoi ils sont aussi cool avec moi, mais du coup ça me fait flipper, parce que plus ça va, plus j'ai peur de les décevoir.

— Tu leur a fait des cadeaux toi ?

— Bah... Je suis nul pour ces conneries, du coup j'ai participé aux cadeaux de Jade. Et pour elle je me suis mis avec Romy on lui a offert des nouvelles pompes pour courir.

— Ouais, tu t'es pas cassé la tête quoi.

En même temps j'ai pas trop l'habitude de fêter véritablement Noël, puis je savais pas qu'ils allaient s'impliquer autant dans mes propres cadeaux. Je me voyais avec deux-trois bons d'achats et basta.

Comme j'ai fini de fumer, on retourne vers la maison, Deen est toujours au téléphone mais il est sorti. Sauf qu'il a l'air de s'embrouiller. Il nous faut pas deux secondes pour comprendre avec qui.

— À quel moment j'ai dit que t'étais une mauvaise mère !? Tu fais chier quand tu fais ça Maya, tu retournes la situation pour qu'on ait l'impression de t'attaquer toi, alors qu'on parlait d'un problème sur lequel tu peux agir !

Evidemment que c'est mal d'écouter les conversation des adultes. Mais là on aurait tort de s'en priver.

— C'est pas une question de croire que mon éducation est la meilleure du monde putain ! Sérieux tu me casses la tête ! Tout ce que je dis c'est que ça fait plus d'un mois que ton mari a tej ton fils et que lui envoyer un message pour Noël, même s'il s'en branle de cette fête, ça aurait pas été un luxe !

Mais il se mêle de quoi lui ? Et comment il sait que j'ai eu aucun message ? Je l'ai même pas dit à Jade.

C'est pas forcément un que-tru dont je me vante.

— Mais t'es sérieuse là ? C'est toi qui m'appelles parce que tu culpabilises, et quand je te dis qu'effectivement t'as merdé, tu m'engueules ?

Ah... bon du coup je comprends pourquoi il s'en mêle.

— Tu veux que je te dise quoi ? Que c'est pas grave ? Désolé, mais tu m'entendras pas te dire que le temps avec nos gosses est pas putain de précieux et qu'on a le droit de le gâcher pour quelques grammes de shit. Tu connais Ilyes, et si vous continuez à l'exclure, c'est pas vous qui vous empêcherez de le voir, mais ce seront des barreaux ou un cercueil. Crois moi, pour l'instant il tient le coup, il essaie d'être droit et je suis archi fier de lui. Mais avec Vio on est pas débiles, on sait très bien que si ça s'arrange pas avec vous, il retournera à ses bails bresson et cette fois on pourra rien faire pour l'en empêcher.

"Archi fier de lui"

Putain ça devrait pas m'atteindre, j'en ai rien à carrer de la fierté de Deen.

— Bon écoute tu me gaves là, tu veux faire celle qui veut pas comprendre. Je sais même pas comment tu peux me demander de quel droit je dis ça. Je dis ça parce que je vis avec ton fils depuis un mois et c'est pas normal. Tu sais quoi, arrête de m'appeler. J'en ai ras le cul de vous voir mettre de côté un enfant que vous avez de la chance d'avoir. Et je sais pas si le fait d'avoir perdu une môme me donne le droit de te le dire, mais je m'en fous, je te le dis. Parce que si demain tu ressens ce que je ressens tous les jours, tu t'en voudras pour le restant de ta vie.

Abasourdis, on observe Deen raccrocher et foutre son téléphone dans sa poche avant de shooter dans une chaise de jardin. Il laisse échapper quelques jurons et c'est au moment où Violette se ramène pour l'enlacer que je pousse Amir à se barrer de là.

Quand on est sûrs qu'ils ne peuvent ni nous voir ni nous entendre, on lâche en même temps :

— C'est quoi cette histoire putain ?

Mon reuf se frotte la barbe et guette vite fait autour de nous s'il y a personne.

— Jade, elle t'a parlé de cette histoire ? Tu crois que Vio et Deen ils ont perdu un gosse ? je demande.

Mais il secoue la tête de droite à gauche.

— Jamais. C'est grave chelou, je pense qu'elle me l'aurait dit. Et puis même on aurait entendu les parents en parler.

Mais putain, j'ai entendu les parents en parler. Je m'en souviens très bien mais j'avais pas fait plus attention que ça, parce qu'à l'époque j'en avais vraiment rien à foutre de la vie de Deen.

— Une fois, les darons étaient dans la cuisine en train de discuter, je crois qu'ils savaient pas que j'étais juste à côté. Et j'ai entendu Maman dire un truc zahma « Depuis qu'il a perdu la petite... »

— Ah ouais, peut-être que c'était avant Vio nan ? Sinon on s'en rappèlerait ?

Je hausse les épaules. Au pire ça nous regarde pas. Si personne en parle c'est que personne veut en parler. Vaut mieux garder tout ça pour nous.

— Tu crois que je devrais en parler à Jadou ?

— Nan, surtout pas. On est même pas sûrs d'avoir bien compris. Jure que tu diras r, lui réponds-je.

Amir jure et on rentre dans la maison. Les mots de Deen tournent un peu dans ma tête. C'est vrai,  j'ai souvent pensé à repartir et c'est vrai, si mon daron continue à me juger indigne de la mif, y'a des chances que j'abandonne mes efforts.

Ça me gave d'être sensible à ça, mais le fait que mon oncle ait dit qu'il était fier de moi, ça me fait un truc. C'est une phrase que j'ai parfois entendue dans la bouche de ma mère. Mais jamais dans celle d'un homme.

Dans la chambre, je remets la montre que Deen et Vio m'ont offerte, en fait j'ose pas vraiment la porter parce que j'ai l'impression que je mérite pas ça. Mais maintenant que j'ai entendu la conversation de Deen avec ma daronne, j'ai presque plus d'attachement pour la montre que pour la chevalière.

Ça me rend ouf, ça devrait pas être comme ça. Deen a raison, c'est pas normal.

C'est sûr que si ça continue... je finirai par partir, je m'attache jamais à personne d'autre que ma mif. Plus il y a de gens qui comptent, plus il y a de risques qu'on les utilise pour me rendre faible. Ce qui fait aussi plus de risques de souffrir.

— Ilyes ! fait Jade en passant la tête dans l'entrebâillement, Ton portable arrête pas de sonner, une certaine Ilona. C'est peut-être grave.

Elle me sourit gentiment et me tend mon téléphone qui vibre encore. Je la remercie d'un signe de tête et elle ressort aussitôt.

— Tu veux quoi ? fais-je en décrochant.

— Il faut qu'on se voie.

Je hausse les sourcils. Elle a craqué elle, d'où elle me donne des ordres ?

— Je suis pas à Paname.

— Ilyes c'est vraiment important, Cheikh arrête pas de me harceler. J'ai archi peur. Il est venu chez moi ce matin, il a dit que si tu lui ramenais pas l'argent, c'était moi qui allait payer...

Putain mais ce fils d'eup va vraiment pas me lâcher.

— Tu lui as dit quoi ?

— Que je t'avais pas vu depuis une semaine, que je savais pas où t'étais et que tu me parlais plus. Mais je peux te dire des trucs sur lui pour le calmer. Mais pas au téléphone, il faut qu'on se voie.

Elle chiale, je sais pas quoi penser. Je trouve ça trop dangereux de la voir. Si ça se trouve c'est lui qui est derrière cet appel. Je fais pas confiance à Ilona.

— Ilyes s'il te plaît... Je te jure que je dis pas ça pour te tendre un piège. J'ai juste trop peur...

— On verra quand je rentre.

Je lui donne pas plus de crédit et coupe la conversation.

Putain je sais pas quoi faire. Cette histoire commence à sérieusement me donner envie de régler moi même le problème.

Puis je me dis une nouvelle fois que je vais profiter des vacances et oublier ça jusqu'à mon retour.

*****

Le problème, avec ce genre de merdes, c'est qu'elles se laissent pas oublier. Et j'en ai eu une nouvelle fois la preuve, quand j'ai reçu deux jours plus tard, des photos que j'aurais préféré ne jamais voir.

« Tu vois c'est comment quand on paye pas a temps. Dépêche toi ou sa recommencera. »

Je reconnais très bien la personne sur les photos, même si on voit la moitié son visage. Le corps dénudé parle par lui même « follow your dreams » sous le sein droit, les chiffres romains sur les côtes.
Le problème, ce sont les différents fluides qui le recouvrent, le « salope » directement gravé à la lame sur son bas ventre et le « Pour Ilyes mon hlel » écrit sur un papier qu'ils ont coincé entre ses dents. D'ailleurs, ses lèvres sont rouges et fendues, diverses contusions son visibles un peu partout sur son corps.

Pris d'un violent haut le cœur, je lache mon portable et court aux chiottes pour gerber mes tripes.

L'instant d'après j'ai fait mon sac et quitté la maison.

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