Chapitre 15. Do I Wanna know ?

Chapitre un peu plus long que d'habitude, je sais que certaines étaient très impatientes, mais parfois j'ai besoin de plus de temps pour écrire... Bonne lecture !

"(Do I wanna know?)
If this feeling flows both ways?
(Sad to see you go)
Was sort of hoping that you'd stay
(Baby, we both know)
That the nights were mainly made for saying things that you can't say tomorrow day"

Je suis vraiment étonné de la proximité soudaine entre Amir et Jade. Depuis le début de la soirée, j'observe la façon dont mon cousin chambre la jeune fille. Elle réagit bien, même si parfois elle pique un fard ou semble un peu mal à l'aise, elle a clairement l'air de l'apprécier.

En une semaine, il forcément dû se passer quelque chose pour qu'ils se rapprochent de cette façon.

Jade a accepté de jouer le jeu pour le clip, sous réserve bien sûr, de l'acceptation de ses parents. Deen est assez prudent vis à vis de l'exposition de ses enfants. Même si, on ne va pas se mentir, depuis qu'il a arrêté le rap, personne ne s'intéresse plus à sa vie privée. Contrairement à Ken qui continue d'être plébiscité.

Cela fait donc plus d'une heure qu'Arthur expose ses idées absolument passionné parce qu'il raconte.

— Je vais fumer une garo on en reparle après, fait finalement mon cousin.

— Je viens avec toi, j'ai besoin de m'aérer.

En réalité c'est simplement un prétexte pour pouvoir parler seul avec Amir, je suis totalement piqué dans ma curiosité.

Je me retrouve dehors avec mon cousin et n'attend pas plus d'une paire de minutes pour me mettre à le questionner.

— Dis donc Jade c'est devenu ta super pote, vous avez réussi à vous apprivoiser on dirait ?

Amir rigole en allumant sa cigarette.

— Ouais, j'essaie de la décoincer un peu. Depuis mercredi elle est plus à l'aise avec moi. Même avec les gars.

— Comment ça s'est fait ? je demande de plus en plus surpris.

Mon cousin a soudainement l'air un peu gêné, il jette un regard dans la direction du salon où Jade est au téléphone pendant qu'Arthur est toujours derrière son ordinateur.

— Ben... Elle était pas très chaude pour que je t'en parle mais... Ania a fait courir des sales rumeurs, zahma en disant à la copine de mon pote Samir que Jade voulait le pécho, laisse tomber Wallah c'était n'imp'. Mais elle a choisi elle parce que c'est aussi une Algérienne mon vieux, elle a du caractère. Du coup la meuf elle est venue s'embrouiller avec elle au milieu du self. Jade, miskina elle savait pas où se mettre, tout le monde la matait. C'était v'la le sbeul, ça braillait de tous les côtés, comme à chaque fois qu'y a embrouille, t'as capté. Bref, j'ai voulu intervenir, la meuf elle se chauffait à mort. Mais Jade, personne a compris ce qui lui prenait, elle lui a balancé son verre d'eau en pleine face, genre instinct de défense j'sais ap'. Du coup la fille encore plus zehef, l'a chopée par les cheveux et là je l'ai dégagée parce qu'elle commençait clairement à casser les couilles de tout le monde. Voilà et après Jade est allée pleurer dans un couloir, du coup je l'ai suivie et on a bien parlé. Et depuis je crois qu'elle n'a plus peur de moi.

Ça fait beaucoup d'informations. Je suis vraiment déçu par ma sœur, je sais qu'Ania peut être un peu pestouille, mais faire ça à Jade, c'était vraiment petit.

— T'as parlé à ma sœur ?

Amir hoche la tête.

— Ouais, j'l'ai prise entre quatre yeux, t'inquiète pas qu'elle risque pas de recommencer.

Pour une fois, je me décide à ne pas intervenir, Amir a géré le truc et visiblement, il s'en est très bien sorti. Dans un sens, ça me soulage, mais dans un autre, j'ai la soudaine impression qu'il a pris ma place. Mais il vaut mieux ignorer cet étrange sentiment et me contenter d'être satisfait que tout soit rentré dans l'ordre.

— Du coup vous allez vraiment héberger Iris ?

— Oui, réponds-je, Je crois que c'est la pire idée du monde, mais... Je me dis que ça peut aussi être son salut.

Amir me dévisage quelques secondes en tirant sur sa cigarette.

— Faudrait pas que les rôles soient inversés à la fin, fait-il.

— Comment ça ?

Sans vraiment comprendre pourquoi il fait ce geste, je l'observe positionner la visière de sa casquette à l'arrière de son crâne.

— Ben qu'elle devienne bien dans sa tête, et que toi tu la perdes.

Avant qu'Iris soit bien dans sa tête, on a un sacré chemin à faire. Pourtant, je reste persuadé que quoi qu'il arrive, elle ne peut pas vraiment m'atteindre, parce que je reste très détaché affectivement parlant.

***

Cela fait une semaine qu'Iris est là, et cela fait une semaine que nous n'avons pas échangé un mot. C'est très étrange, j'ai presque l'impression qu'elle regrette sa décision. Pourtant c'est elle qui me l'a expressément demandé. Pendant le dîner, elle répond rapidement aux questions de ma mère, ignore soigneusement les boutades de mon père, et reste assez froide avec Ania. Tout comme moi d'ailleurs, en ce moment ma sœur me tape sur le système.

Depuis le début des vacances de février, je fais face à un nouveau problème, Sofia me fuit. Et je ne comprends absolument pas ce que j'ai fait de mal. Je lui ai proposé plusieurs sorties, expositions, bibliothèque, cinéma, même un verre, elle trouve toujours une excuse. Ça me fait de la peine, parce qu'elle est vraiment importante pour moi et c'est la personne qui me permet de sortir un peu de cette famille dingue. Comme chaque fois que je suis face à une situation incompréhensible avec une fille, je me tourne soit vers ma mère, soit vers Violette.

Profitant d'un moment où ma sœur n'est pas là et où ma mère est disponible, je décide de lui proposer une sortie au Musée du Luxembourg pour discuter un peu avec elle. Malheureusement, elle ne saisit pas vraiment que j'ai besoin d'être seul en sa compagnie, car aussitôt, elle s'exclame :

— Iris ? On va voir l'expo Hopper au Luxembourg ! Tu devrais venir avec nous ça te ferait du bien de prendre l'air.

Super.

D'habitude elle est perspicace pourtant. Ou alors elle pense d'abord à s'occuper d'Iris avant de se concentrer sur mes problèmes.

Avec un peu de chance, Iris ne va pas avoir la moindre envie de sortir avec nous et va nous répondre bien gentiment d'aller nous faire voir.

Elle passe la tête dans l'entrebâillement et je tente de lui faire comprendre par un regard implorant que je préfère qu'elle ne vienne pas.

Grossière erreur.

Comment peux-tu être aussi bête Naël ?

— D'accord, je viens. Je prends ma veste et j'arrive.

Ma mère lui répond par un sourire satisfait, j'ai quant à moi, envie de leur dire que finalement, j'ai beaucoup trop de boulot pour une sortie au musée.

Mais ma chère maman a déjà pris son sac, un sourire joyeux aux lèvres, toute heureuse de cette sortie avec nous.

— On ira boire un verre ensuite ! annonce-t-elle, Je vous invite !

Quarante-trois ans et une excitation digne d'une adolescente de quinze ans. Mais je l'adore, bien évidemment. D'ailleurs mon père a trois ans de plus et pourtant il est encore plus immature. Mais ne vous méprenez pas, avoir des parents jeunes, c'est vraiment agréable, ils sont beaucoup moins déconnectés des réalités de l'adolescence. Remarque, Deen est plus âgé et pourtant c'est quand même un super daron, mais peut-être que c'est contrebalancé par Violette.

Iris ne dit pas grand-chose, elle nous suit jusqu'au métro sans vraiment manifester un quelconque enthousiasme ou agacement. Alors je décide de faire comme si elle n'était pas là, et tout de même parler à ma mère de ce qui me chagrine.

— En fait j'ai besoin de conseils, lui dis-je une fois assis dans un carré de la 10.

Ses yeux bruns se posent sur moi avec une lueur attendrie, elle adore quand je me confie à elle, je le sais très bien. Souvent elle vient me voir le soir, en me posant des questions assez légères pour espérer entamer une discussion profonde. Parfois je lui fais vite comprendre que je n'en ai aucune envie, mais d'autre fois je cède un peu, parce que ça fait du bien de se confier.

— Raconte-moi.

Je lui fais part du récent changement de comportement de Sofia. Quand j'ai fini de lui expliquer la situation, elle jette un coup d'œil à Iris qui lève les yeux au ciel.

— Dis-lui qu'il est complètement idiot ou je m'en charge, grogne cette dernière.

Elle n'a visiblement pas perdu une miette de la conversation.

— Sur ce coup-là... Je dois reconnaître que tu manques un peu de clairvoyance, admet ma mère, Si tu veux mon avis, elle s'est salement entichée de toi. Tu as dû lui faire comprendre d'une façon ou d'une autre que tu ne partageais pas ses sentiments.

— Elle croit qu'il m'aime, annonce Iris.

Mais stop. Pourquoi dit-elle ça à chaque fois ?

Je ne suis pas d'accord avec cette idée, j'ai clairement dit à Sofia que je ne ressentais rien pour Iris.

Maman me jette un regard à la fois compréhensif et sévère.

— Tu lui as dit qu'Iris venait passer un moment à la maison ?

Oui.

Je ne vois pas pourquoi je lui aurais caché ça, il n'y a aucun besoin de faire du mystère autour de cet évènement.

— Bah oui, évidemment.

Les deux femmes se regardent, c'est comme si elles arrivaient à se parler avec les yeux. Je déteste ça, elles ne savent faire ça qu'entre elles, une sorte pouvoir féminin. Même lorsqu'elles ne sont pas proches, même lorsqu'elles ne se connaissent pas, les femmes peuvent communiquer sans parler et exclure tout homme de leur conversation.

Moi, c'est tout juste si ça marche avec Amir, et encore, c'est parce qu'on pense souvent la même chose.

— C'est fou parce que tu as une grande finesse d'esprit pour beaucoup de choses, mais alors quand il s'agit des filles, tu ne comprends rien du tout, fait ma mère, Sofia est jalouse, ou du moins elle a peur que tu sois amoureux d'Iris.

— Mais enfin c'est idiot ! je m'emporte alors que nous sortons de la rame, J'ai dit à Sofia que ce n'était absolument pas le cas ! Et puis même, pour moi on était amis, elle ne m'a jamais laissé penser qu'elle en attendait plus.

Deux moues dubitatives me répondent. Je suis vraiment surpris de voir Iris discuter avec nous comme si c'était naturel, faut croire qu'elle doit tolérer la présence de ma mère un peu plus que celle des autres parents.

— À mon avis tu n'as juste pas vraiment compris les signaux qu'elle t'envoyait et tu n'as pas été assez clair dans ce que tu voulais.

Mais à aucun moment Sofia ne m'a envoyé de signaux, depuis deux ans, on a passé le plus clair de notre temps scolaire ensemble, des nuits blanches à travailler, des dates à apprendre, du vocabulaire, des fiches, mais aussi des sorties plus détentes, elle ne m'a jamais fait comprendre qu'elle voulait davantage.

— Tu es sûr Naël ? demande ma mère, Je pense qu'à un moment ou un autre elle a dû te questionner ou te laisser penser qu'elle ressentait plus que de l'amitié.

Je fouille ma mémoire, les seules fois où nous avons parlé de sentiments, c'est en travaillant sur des ouvrages qui traitent de ce genre de sujet, ou après un film un peu romantique. Mais à chaque fois ça ne s'est pas très bien terminé parce que nous ne sommes jamais d'accord sur le sujet. Elle dit toujours que je trouve tous les défauts possibles aux relations amoureuses, particulièrement au comportement des femmes. Mais moi je lui réponds que je n'ai pas besoin de romans pour avoir un modèle de relation amoureuse idéal, mes parents sont l'exemple parfait d'un couple qui fonctionne, et qui tient sur la durée. Alors, comme la dernière fois, elle me dit que je suis trop aveuglé par le modèle de ma mère et que cela me rend bien trop exigeant avec les filles qui m'entourent.

C'est peut-être vrai, mais je suis désolé d'avance pour toutes les filles que je rencontrerai dans ma vie, il y a aucune chance que je réussisse à les trouver « mieux » que ma mère. Je n'en connais qu'une qui soit aussi bien, et elle est trop âgée et trop mariée pour moi. Mais au moins ça me donne de l'espoir, il y en a d'autres sur cette terre.

— Mais moi je ne lui ai jamais rien laissé espérer, réponds-je finalement avec agacement, Elle s'est fait des films toute seule.

Nous faisons la queue pour entrer dans le musée, un éclair un peu triste traverse les prunelles d'Iris.

— On ne contrôle pas toujours de qui on tombe amoureux, indique-t-elle, Ça ne s'explique pas. Et puis le cerveau se fait toujours des films tout seul. Il suffit de se sentir un peu « spéciale » pour la personne en face, avoir l'impression que ses sourires sont différents lorsqu'ils nous sont adressés, qu'on a accès à un pan de son âme qu'elle ne laisse pas entrevoir aux autres...

Ma mère et moi lui adressons un regard étonné, décidemment pas habitué à ce qu'Iris parle avec autant de calme et de profondeur. Peut-être qu'une semaine loin de chez elle commence à faire son effet sur son caractère.

Mais je ne m'emballe pas, à tout moment la peste peut resurgir.

— Je suis d'accord avec toi.

Elles sont bien trop d'accord à mon goût depuis le début de cette conversation. Je voulais des conseils maternels, je me retrouve avec l'avis de deux femmes qui se liguent un petit peu contre moi. Comme si j'étais un crétin aveugle.

— Tu ressens quoi pour Sofia ? demande alors Iris.

Bonne question.

À vrai dire, pour moi il était tellement évident que nous étions amis, que je ne me suis jamais posé la question de savoir ce que je ressentais pour elle. Mais désormais, je suis dans un flou total.

Sof' est intelligente, nous avons la même passion pour la culture et la littérature, nos origines nous rapprochent également. C'est vraiment une fille géniale et j'ai beaucoup d'affection pour elle, mais de là à imaginer ressentir quelque chose de plus... Aucune idée.

Je crois que je ne suis jamais tombé amoureux de toute ma vie, je ne sais pas vraiment ce que ça fait, je ne peux me baser que sur les témoignages des autres et ce que j'ai lu ou vu. Mais comme l'a très bien dit Iris, je ne crois pas qu'on puisse se forcer ou choisir d'avoir des sentiments pour quelqu'un.

Typiquement je me vois mal me mettre avec une fille que je n'aime pas, en espérant qu'un jour je me mette à ressentir plus.

— Je ne suis pas amoureux d'elle, finis-je par répondre, je ne dis pas que ça n'arrivera pas, mais pour l'instant je n'ai pas l'impression d'avoir des sentiments autres qu'affectueux pour elle.

— Physiquement elle te plaît non ? me dit ma mère, T'as toujours préféré les blondes et il faut reconnaître qu'elle est hyper jolie.

Oui, certes. Mais je ne suis pas du genre à être séduit uniquement par un physique avantageux. Preuve en est que malgré le fait qu'Iris soit une fille qui mette d'accord à peu près tout le monde sur sa beauté, je n'ai jamais cédé à ses avances, et ce même lorsqu'elles étaient vraiment équivoques.

Mon problème, c'est que je cherche un truc en plus chez les filles, je ne sais pas exactement quoi, mais toutes celles avec qui j'ai eu les moyens de sortir, manquaient de quelque chose, un charme peut-être, ou une attitude. C'est excessivement agaçant. Je cherche LA femme, et pour l'instant, je n'ai pas vraiment la sensation d'avoir croisé son chemin. Une chose est sûre, c'est que lorsque je l'aurai trouvée, je n'attendrai pas cinquante ans pour l'épouser. Je suis très « vieux jeu » comme garçon.

La conversation prend fin lorsque nous pénétrons dans le musée et je me décide simplement à avoir une bonne conversation avec Sofia à la rentrée, si ça se trouve, ça n'a rien à voir avec tout ça et elles se font simplement des films.

Edward Hopper est l'un de mes peintres préférés, je suis très vite captivé par les œuvres et perd rapidement ma mère et Iris eu fur et à mesure que nous progressons dans l'exposition. J'en avais déjà vue une partie au Whitney Museum l'année dernière à New York lors d'un voyage avec ma mère et ma sœur (mon père est interdit de territoire américain).

Ce n'est qu'une longue heure plus tard que je remarque Iris fixée devant un tableau, elle a l'air d'apprécier, je me rapproche d'elle, finalement je suis presque content qu'elle soit venue.

— T'aimes bien ? je demande.

— Oui. J'en avais vu quelques-uns en photo, mais c'est pas du tout pareil de se retrouver face à face avec le tableau. C'est comme si on réalisait vraiment que quelqu'un l'a peint, enfin tu vois ce que je veux dire ? C'est du brut, du réel.

Je vois très bien ce qu'elle veut dire, son attitude me surprend de plus en plus. Elle est presque gentille.

— Avec Moh, je suis allée à Orsay, souffle-t-elle, c'est la première fois que j'ai fait un musée par plaisir. Parce qu'à chaque fois qu'on voyage avec Papa, ou même quand on était petits à Paris, il nous force à le suivre dans des expos et on reste des heures, ça m'a toujours gavée. Arthur adore, il analyse tout en se la pétant un max, puis ma mère trouve toujours une œuvre qui la fait chialer. Mais je ne sais pas, là j'avais un exposé à faire ou un truc du genre, pour le brevet je crois. Et Moh m'a trainée à Orsay parce qu'il trouvait que c'était beaucoup mieux de voir l'œuvre en vrai que sur internet, tous les collégiens de France n'avaient pas la chance de l'avoir à quinze minutes en métro. Et en fait, on a fait tout le musée ensemble, c'était génial, il n'y connaissait pas grand-chose donc il s'amusait à mettre des signification complètement bidons derrières les œuvres.

Je souris en imaginant très bien Mohammed face aux impressionnistes en train de raconter n'importe quoi. Une larme quitte l'œil trop maquillé d'Iris, et touché par ce qu'elle vient de me raconter, je passe mon bras autour d'elle pour la ramener contre moi.

— On peut retourner le voir demain ? chuchote-t-elle en laissant tomber sa tête contre mon épaule.

Si elle se comporte toujours de cette façon, je n'ai aucune raison de lui refuser quoi que ce soit. Espérons que ça dure. 

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