Chapitre 13. La famille, la famille
— Mamiiiiiiiie ! s'exclame Léo en se jetant dans les bras de sa grand-mère qui nous attend sur le quai.
Le voyage en train a été assez épique, le gosse a fait un caprice pour se mettre à côté de moi, Romy n'a pas arrêté de parler de l'impact environnemental des bouteilles en plastique. Seule Jade est restée silencieuse, les yeux plongés dans un livre, la tête sur l'épaule de son père. C'est ouf comme ils sont proches tous les deux.
Madame Castelle embrasse tous ses petits enfants sur les deux joues avant de serrer longuement Violette dans ses bras.
— Oh ma chérie je suis si contente de vous avoir, que tu es belle !
Un accent marseillais bien prononcé, une affection débordante, cette femme a l'air assez fatigante.
J'attends derrière Deen pendant qu'elles échangent des mots d'amour. C'est franchement pas le même délire que quand ma mère arrive au bled.
Elle se jette sur son fils dans la foulée et je vois instantanément Deen perdre toute sa street cred.
— Et voilà Ilyes ! s'exclame la grand-mère, Mon Dieu la dernière fois que je t'ai vu c'était pour la naissance de Léo.
— Bonjour Madame, fais-je avec une politesse qui me va tellement mal.
Elle éclate de rire.
— Bonté divine, appelle moi Sylvie je n'ai que 73 ans.
C'est quand même super vieux 73 ans non ?
En plus elle dit « Bonté divine ».
Une fois sur le parking, je découvre la taille de la bagnole de la mère de Deen et fronce les sourcils.
Jade surprend mon regard et un sourire amusé naît sur ses lèvres.
— T'inquiète, fait-elle, Mamie arrive toujours à faire rentrer tout le monde.
— C'est moi dans le coffre ! C'est moi dans le coffre ! s'exclame Léo.
Deen ricane et ouvre le coffre, son fils se jette aussitôt dedans.
Ah ben super la sécurité.
Peut-être qu'ils essaient de se débarrasser du mioche.
On se retrouve à quatre sur la banquette arrière. Romy sur les genoux de son père, Jade écrasé entre Deen et moi.
— Pourquoi c'est toujours Vio devant ?! proteste ce dernier.
— Parce que c'est ma préférée, tu le sais bien. Après tout ce temps.
Je suis en train de me rendre compte que la grand mère est encore plus barrée que le reste de la famille.
— Tu veux pas que je conduise, Maman ? tente-t-il alors.
— Tu sous-entend que je suis incapable de le faire ? Je conduis depuis 1980 mon garçon, tu ne vas pas me faire croire que tu es plus expérimenté !
Sah elle me fume. Violette est morte de rire sur le siège passager. Jade aussi rigole.
— Je ne sais pas comment tu fais encore pour supporter ce couillon, peuchère. Tu aurais dû le laisser à Paris.
— Papa t'es un couillon !!! s'écrie alors Léo en se mettant debout derrière nous.
Romy lève les yeux au ciel, Deen met une tape derrière la tête de son fils.
— Léo chéri, baisse toi, si on croise les gendarmes ils vont me tomber dessus.
Je jette un regard en biais à Jade qui rit toujours.
— Elle est toujours comme ça, me chuchote-t-elle, tu verras c'est incroyable.
Eh bah putain, je vais pas être déçu du voyage.
Je commence à me dire qu'il aurait peut-être fallut que ce soit Deen qui conduise. La route qui mène à la maison de ses parents est pleine de tournants, que la vieille dame prend très courts.
Je vais béger.
En plus on est vraiment serrés. Jade me tombe dessus à chaque virage à droite. Je colle mon visage contre la vitre pour tenter de me concentrer sur la vue sur la rade de Toulon. En vrai c'est pas trop mal comme ville vu d'en haut.
— Ça va ? me demande Jade.
Lui jetant brièvement un regard je vois qu'elle est bien pâle. En plus Deen parle et tient maladroitement Romy qui manque tout le temps de s'effondrer sur elle.
— Bof.
Je me serre autant que je peux contre la portière pour lui donner un peu d'espace.
— Ça vous dérange si j'ouvre ? je demande.
On me donne l'autorisation et je m'empresse d'ouvrir ma fenêtre pour respirer un peu l'air frais de l'hiver.
— Merci, chuchote Jade.
Elle laisse tomber sa tête contre mon épaule et je me tend aussitôt.
C'est rien pourtant. Mais j'ai vraiment un problème avec les contacts physiques.
— Ça te dérange ? demande-t-elle timidement.
Oui.
— Nan t'inquiète.
Les minutes passent et je commence petit à petit à m'habituer, allant même jusqu'à me détendre et poser ma tête sur la sienne.
Et puis...
— Oh regardez !! Ilyes et Jade ils sont amoureux !!!
Réflexe humain, on s'écarte aussitôt de vingt centimètres. Jade devient cramoisie. Je serre les dents en me retenant de pas tordre le cou de Léo.
— Ta gueule Léo, répond Romy.
— Elle a dit un gros moooooot !
Deen jette un regard dans notre direction, voit l'état de gène de Jade, moi qui me retient de me foutre en rogne.
— Elle a eu raison, dit-il, Tais toi je ne veux plus t'entendre.
Le gosse proteste mais un simple regard paternel finit par avoir raison de ses récriminations. T'façon on est arrivés.
C'est là que j'apprends que je vais devoir partager ma chambre avec Léonard. Ça me met pas forcément de bonne humeur.
Sur place, y'a déjà celui qu'ils appellent « Tonton Max », le frère de Deen avec ses deux gosses. Sarah et Elias.
Ça va être la merde, un Ilyes et un Elias, on va tout le temps confondre. Heureusement qu'il a douze ans.
— Tu savais que ça avait la même signification ? me dit Romy, Ça vient de Élie, qui est un prophète très important pour les trois grandes religions monothéiste. Ça veut dire « Qui vient de Dieu ».
Elle peut vraiment pas s'empêcher de ramener sa science celle-là.
— Ok, c'est cool, lui dis-je.
— Tu n'aimes pas ton prénom ?
Je m'en branle en fait. Il sonne bien, c'est mon daron qui l'a choisi. Bon j'avoue « Amir » c'est grave stylé, ça veut dire « Prince ». Le mec direct on le respecte. Mais bon, j'ai eu Ilyes parce que c'est le nom de mon arrière grand-père.
— T'aurais voulu t'appeler comment ? me demande-t-elle.
— « Arrête de me casser les couilles » t'en penses quoi ?
L'adolescente se marre avant de me faire une grimace.
— C'est un peu long je trouve, je vais juste t'appeler « Couille ».
— Romy ! Un euro ! s'exclame Violette qui passait par là.
Cheh !
La cousine Sarah en tout cas, elle est grave belle. Ça faisait un bail que je l'avais pas vue. Ils habitent à Marseille depuis que Maxime et sa femme ont divorcé.
Elle n'a pas l'air de très bien s'entendre avec Jade. En même temps c'est pas du tout le même caractère. Sarah est archi extravertie. Le genre de nana sûre d'elle tout à fait à l'opposé de sa cousine. Elle me fait grave penser à Ania. En moins chiante et plus belle.
La maison est pleine de décorations, j'aime pas trop Noël mais j'avoue que c'est assez joli. Depuis qu'on est arrivés, Deen et sa mère n'ont plus quitté la cuisine et ça commence à sentir grave bon.
— Tu traines pas avec ta cousine ? je demande à Jade qui est assise à côté de moi.
Les autres font une partie de Uno, je traîne sur mon portable et elle les observe sans rien dire.
— Non, on ne s'entend pas très bien.
— Pourquoi ?
Elle ne répond pas tout de suite, jette un œil à Sarah, puis murmure :
— Je t'en parlerai plus tard.
— Elle a quel âge déjà ? je demande.
— On a un mois d'écart.
Mmmh intéressant.
Putain je suis un hmar, je peux pas me taper la cousine Castelle.
Mais putain, elle a des arguments.
Assez grande, brune avec des yeux bleus et un teint grave mat. C'est tout à fait mon genre.
— Arrête de baver, me fait Jade, tu pourras jamais la pécho.
On dirait presque ça l'énerve.
Mais faut pas qu'elle me mette trop au défi.
— Pourquoi je pourrais jamais la pécho ?
— Parce qu'elle aime les filles.
Oh putain.
Jade voit que je reste interdit.
— Viens, me fait-elle, On sort.
Comme je fixe toujours sa cousine, complètement halluciné, elle attrape mon poignet et me tire hors de la pièce.
On se retrouve dans une grande véranda dans laquelle la grand mère Castelle range toutes les plantes qui passent pas l'hiver dehors. Y'a un genre de salon au milieu, c'est pas mal.
— L'été entre la troisième et la seconde, j'ai ramené Ania en vacances à Toulon, chuchote-t-elle, Sauf que Sarah était là et elles se sont tellement bien entendues que j'étais tout le temps toute seule. Elles restaient ensemble à la plage, elles s'enfermaient pour se dire des trucs que je devais pas entendre.
Putain les meufs c'est vraiment des connasses entre elles c'est hallucinant. En même temps ça m'étonne pas d'Ania.
— Et le dernier soir je les ai surprises en train de s'embrasser.
Mes yeux s'écarquillent, putain c'est quoi cette merde encore ?
— Hein ? Ma cousine est lesbienne ?
Alors là j'imagine même pas la tête d'Idriss.
Jade plaque sa main sur ma bouche et roule des yeux paniqués.
— Chut ! Attends j'ai pas fini ! Personne ne sait !
Je saisis son poignet pour retirer ses doigts de mes lèvres et elle rougit un peu. Comme si elle prenait conscience de son geste.
— Quand on est partis, j'ai fini par en parler à Ania. Elle m'a dit que pour elle c'était rien. Juste un flirt, l'impulsion du moment, mais que ma cousine était vraiment lesbienne et qu'elle avait même une copine.
Je fronce les sourcils.
— Je comprends rien, ta cousine elle a une meuf et elle pécho ma cousine au calme ? Et ma cousine pécho des meufs pour le fun ?
Trop de cousines dans cette affaire. J'ai limite l'impression que c'est de l'inceste.
— Bah je sais pas... Ania disait qu'elle était pas lesbienne, mais peut-être que maintenant si, j'en sais rien, on se parle plus. En tout cas Sarah c'est sûr que oui. Mais du coup si on s'entend pas c'est à cause de cette semaine là.
— Tu l'as dit à d'autre gens pour Ania ?
Jade secoue la tête de droite à gauche.
— Non, si elle a envie d'en parler elle en parlera.
— Pourquoi tu me le dis ? Je pourrais le balancer à toute la famille.
Elle hausse les épaules.
— Tu le feras pas.
C'est vrai. Je déteste les ragots. Et puis elle a raison, balec au fond. Si Ania a besoin d'en parler elle en parlera.
— Tu me fais confiance ?
C'est un truc qui me surprend depuis le début. Jade me confit des trucs. À croire qu'elle me confond avec mon reuf.
— Pour les secrets, oui, plus qu'à Amir.
— Pourquoi ?
Elle sourit.
— Amir peut pas s'empêcher de tout répéter soit à toi, soit à Naël, soit à moi. C'est trop lourd pour lui il faut forcément qu'il s'en décharge. Toi tu parles moins, tu gardes tout. C'est pas mieux hein, sauf pour les secrets.
Ça me fait penser à un truc.
— Amir... il m'a dit que tu kiffais Naël.
Jade prend aussitôt une couleur écarlate. Je pense qu'elle savait que mon reuf me le dirait, mais elle aurait sûrement préféré que je lui en parle pas.
J'ai l'impression qu'elle perd tous ses moyens soudainement, elle va pas chialer quand même ?
— Eh, c'est pas grave hein, moi je m'en branle. Bon, j'trouve que t'as mauvais goût. T'as pas choisi le plus solide des Akrour.
Elle sourit timidement, c'est ouf on dirait que cette histoire la rend bien plus malade que le coup du harcèlement.
— Je... Ça veut pas passer...
Elle lâche ça et explose en sanglots.
Putain je fais quoi moi ?
C'est ma faute mais je pensais pas qu'elle aurait cette réaction.
— Wesh Jade j'suis désolé...
Je me gratte le menton pendant qu'elle se détourne. C'est ouf je me sens super con. Pourtant c'est pas la première meuf qui se met à pleurer devant moi.
— C'est pas grave, fait-elle en reniflant et essuyant rapidement ses yeux, Tu pouvais pas savoir.
Je suis tellement pas habitué à ce genre de situation. Y'a pas beaucoup de nanas que j'aime bien. Iris pleurait jamais, enfin pas devant moi. Ma mère.... bah vous savez. Ma reus... si elle chiale ça me fait pas grand chose.
Mais là je me sens chelou zahma comme si j'avais pété un vase archi précieux dans un musée ou un bail du genre.
On fait quoi dans cette situation ?
Je me racle la gorge et tente de compenser avec une légère moquerie. C'est ce que ferait mon daron je crois.
— Sah il mérite pas que tu te foutes de la morve partout.
Le problème c'est que moi j'y connais rien à ces conneries. J'ai jamais été amoureux, parce que je me suis toujours tenu à une distance raisonnable. Je me confie pas aux nanas, je les laisse pas se confier à moi. C'est trop dangereux.
— Qu'est-ce que t'en sais qu'il le mérite pas, toi tu peux pas le supporter.
C'est vrai. Parce que mon cousin est un sale petit con prétentieux.
— Je le connais mieux que toi, lui dis-je.
— C'est faux. Je suis d'accord que je devrais pas aimer Naël parce qu'il m'aimera jamais. Mais toi tu l'aimes pas parce que t'es jaloux du fait qu'ils soit apprécié par tout le monde, surtout par ta mère. En attendant, je ne compte pas le nombre de fois où il t'a sauvé la mise quand tu faisais des conneries.
Alors là.
— Ferme ta gueule. Tu sais pas de quoi tu parles.
Elle ne pleure plus et semble limite en colère. Je le suis aussi.
— Je sais très bien de quoi je parle. Tu crois que j'ai pas compris que tu faisais des conneries pour que les parents s'intéressent à toi ? Naël est super intelligent, Amir est talentueux, Arthur est un génie ! Et toi ? t'as juste l'impression que t'es pas à leur hauteur et c'est pour ça que tu les rabaisses ! C'est complètement idiot Ilyes, parce que t'as autant de valeur qu'eux, le problème c'est que tu laisses pas les gens le voir !
Mon regard s'assombrit et je m'approche de Jade pour attraper son visage dans ma paume et la faire reculer.
— Tu ne sais pas de quoi tu parles, je répète, Je suis pas ton pote, je suis pas ton reuf, cherche pas à me faire la leçon parce que ça va vite me gaver.
Elle rougit mais ses yeux verts restent bien ancrés dans les miens.
— Tu peux me faire taire, ça changera rien. Tu sais que j'ai raison.
— T'es vraiment une petite....
— Eh les amoureux !!! Mamie elle a dit à table !
Alors lui si je l'attrape.
La mâchoire serrée je lâche Jade et suit le sale blondinet qui vient d'interrompre notre discussion. Je sens que cette veille de Noël va être putain de longue.
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