Chapitre 12. You know I'm no good
« I cheated myself,
Like I knew I would,
I told you I was trouble,
You know that I'm no good »
Qu'est-ce qu'on est en train de faire ?
Ça ne ressemble pas du tout à Naël, avec tout ses principes et sa force mentale hors du commun. Jamais je n'aurais pu imaginer qu'il soit susceptible de tromper sa copine. Encore moins avec moi.
Il a toujours eu tendance à me repousser, et voilà que c'est lui qui devient entreprenant.
Je n'ai pas la force de l'arrêter tout de suite, car j'ai besoin de lui. Et malgré son empressement et ses baisers fiévreux, il reste bien plus délicat et respectueux que la totalité des garçons qui m'ont embrassée.
Une part de moi a envie d'interrompre ce qui se passe, en sachant que cela ne va apporter que des mauvaises choses. Une autre commence à perdre pied et veut supplier Naël de ne jamais plus s'arrêter.
Il ouvre les yeux, son souffle court s'écrase contre les lèvres.
Je ne connais pas ce regard chez lui, il est triste, il est sombre, déterminé et évidemment, son envie se lit sur son visage.
Mon cœur cogne douloureusement contre ma cage thoracique, j'ai la sensation que mon sang s'est mis à bouillir dans mes veines.
Qu'est-ce qui nous arrive ?
Je n'ose pas formuler cette question à voix haute, ça me fait peur.
Alors je l'étouffe contre la bouche de Naël qui réagit aussitôt en l'entrouvrant.
Je ne veux plus le lâcher.
Il est trop vrai, trop pur, trop beau.
Je suis trop fausse, trop sale, trop laide.
Il croit que l'amour se construit, moi je sais que l'amour nous détruit.
Pourtant nos deux cœurs sont brisés et battent à l'unisson.
Je me souviens de tout.
Deux ans plus tôt et ses mots.
« Moi j'aurais tout fait pour toi, je suis fou de toi, je suis amoureux de toi depuis des années, t'as jamais rien vu. T'es tellement bête... Tu vois rien ! »
Je commence à boire la tasse à force de me prendre des vagues dans la tronche. Pas de sauveteur à l'horizon, peut-être que lâcher prise, c'est la meilleure façon de réagir.
Alors mes mots sortent enfin de ma bouche :
— Qu'est ce qui nous arrive ?
Je ne sais pas lequel de nous a poussé l'autre à rejoindre ma chambre. Mais je viens de refermer la porte derrière moi.
— Je sais pas, souffle Naël.
Il a l'air complètement bouleversé désormais.
— Qu'est-ce qui nous arrive ? je répète, Pourquoi c'est pas comme quand on jouait ? Pourquoi ça me fait ça ?
— Ça te fait quoi ?
Je pose une main sur son sternum et agrippe son polo.
— Quand tu m'embrasses, ça me fait mal, dis-je.
— Où ?
J'appuie sur son torse, un peu vigoureusement, ses yeux parcourent mon visage avec incertitude.
— Là.
Il ferme les yeux une demie seconde et les rouvre, comme s'il maîtrisait une émotion.
— Moi aussi, répond-il, Ça me fait mal.
— Comment ?
Il pose son front contre le mien.
— Comme un hématome sur lequel on frappe de nouveau.
Douleur, comme je t'aime.
— Pourtant, souffle-t-il, J'arrive pas à m'arrêter.
Moi non plus.
J'en veux encore.
Lentement, mes doigts s'infiltrent sous la couture de son polo et il me laisse lui retirer avant de m'embrasser de nouveau, avec plus de douceur encore qu'auparavant.
Mes yeux se ferment quand il me fait basculer en arrière pour m'allonger sur le lit et que je sens ses mains timides devenir un peu plus entreprenantes.
Puis soudain il s'interrompt pour me dévisager.
— Iris.
— Oui.
Il caresse ma joue avec tendresse.
— Si tu veux tout arrêter, dit-il, à n'importe quel moment, dis le moi. Ne te force surtout pas à continuer pour moi.
Je hoche la tête, jamais un garçon ne m'a dit quelque chose de semblable. Il fait tellement attention.
Et alors je réalise que je n'ai pas forcément envie d'aller beaucoup plus loin.
Parce que je n'aime pas ça, c'est associé à trop de choses sales, trop de souffrances. J'ai peur que Naël m'apparaisse comme tous les autres.
— Je... je crois qu'on peut juste s'embrasser encore, beaucoup. Longtemps. Jusqu'à ce qu'on n'en puisse plus.
Il doit se demander pourquoi je suis si facile avec tant d'autres garçons mais je fais ma prude avec lui. Alors que plein de fois je lui ai reproché d'être coincé.
— Ça me va, murmure-t-il, Tu veux que je remette mon polo ?
Je secoue négativement la tête, j'aime bien sentir sa peau brulante sous mes doigts, il est si... Vivant.
— Je t'embrasse encore, alors ? demande-t-il en prenant appui sur ses poignets au dessus de moi, Même si ça fait mal ?
— Oui.
Et c'est ainsi que pendant de longues minutes, dans le silence de ma chambre, nos lèvres se mêlent, nous échangeons parfois quelques mots, des caresses nouvelles aussi, quelques soupirs ou sanglots étouffés par une douce morsure sur la tendre peau du cou de l'autre, comme des ados qui se découvrent. Comme si nous n'avions jamais connu autre chose, ni l'un ni l'autre.
Ce n'est que le sommeil qui nous arrête, Naël sombre le premier, la tête contre mon épaule. Mes doigts vont et viennent dans ses épaisses boucles brunes et j'observe son visage fin et endormi, il est beau.
— Je te demande pardon d'avoir brisé ton coeur.
J'ignore s'il m'entend, mais ce qui ressemble à un pâle sourire étire ses lèvres et son bras se resserre sur ma taille. Alors j'embrasse ses cheveux et me laisse gagner par le sommeil à mon tour.
****
Je suis assise sur une chaise, au milieu d'une pièce sombre et froide, je peine à discerner ce qui m'entoure.
— Y'a quelqu'un ? je demande en scrutant l'obscurité.
Personne ne me répond, alors je prends conscience que quelque chose d'humide, presque visqueux me coule sur les mains, baissant les yeux, je m'aperçois que je perds du sang, beaucoup de sang.
Alors une porte s'ouvre, je reconnais aussitôt la silhouette de Naël, même s'il est à contrejour, je sais que c'est lui.
— Tu as recommencé ?
Sa voix est dure, sans amour, sans douceur. Comme quand il me trouve complètement défoncée dans la rue.
— Non ! C'est pas moi, je te jure ! Je ne voulais pas !
Mais il fixe le sang qui s'échappe de mes poignets, avec tant de tristesse et de dégout que je me sens aussitôt incroyablement sale.
— Tu as recommencé, pourtant tu savais ce qui arriverait.
Alors une nouvelle silhouette bien connue apparaît à côté de lui. Non, pas Moh aussi. Pas lui.
— Elle l'a voulu, dit-il simplement.
Je prends alors conscience qu'il tient deux pistolets dans les mains. Il en tend un à Naël. Je hurle.
— Tu le savais, disent-ils tous les deux avant de pointer chacun leur arme sur leur tempe.
— Non non ! C'est pas moi, je ne voulais pas ! Je le jure ! Naël !
Les deux coups de feux résonnent comme un seul, et le son claque en même temps que mes hurlements. Ils tombent tous deux et bientôt leur sang se mêle au mien sur le sol. Et je hurle, hurle, à m'en déchirer la gorge.
****
— Iris, Iris arrête, c'est un cauchemar, tu rêves.
La voix de Naël, sa main qui martèle ma joue de petites tapes pour me réveiller.
— Tu rêves Iris, ce n'est pas réel, rien n'est réel, Moh est vivant, je suis vivant, tu es vivante. Tout va bien.
La crise d'angoisse qui suit ce rêve est l'une des plus violente que j'aie pu faire depuis un bon moment, il faut presque une heure, pour que Naël réussisse enfin à me calmer. Heureusement qu'il a l'habitude maintenant.
Il s'absente quelques minutes puis revient avec un grand verre d'eau et un gant tiède.
— Tiens, murmure-t-il en me les tendant.
Après avoir bu et m'être rincée le visage, je me glisse entre les bras déjà grand ouverts du jeune homme.
— C'était encore le même cauchemar ? demande-t-il en calant son menton sur mon crâne.
— Non, je chuchote, C'était différent.
Je lui raconte en quelques mots la scène terrible que j'ai vécu dans mon cauchemar, Naël pousse un soupir.
— Tu as hurlé tellement fort.
Il a l'air un peu impressionné par la violence de ma crise. C'est fou, depuis que je suis petite je n'ai eu que très peu de nuits sans rêves.
— Tu sais hier soir... Je me suis souvenue.
Je sens Naël se raidir, comme s'il aurait préféré que ces souvenirs restent cachés dans les méandres de ma mémoire.
— De quoi ? demande-t-il quand même d'une voix blanche.
— De ce que t'as dit quand tu m'as trouvée.
Comme il ne répond pas, je m'écarte une peu de lui pour déchiffrer son expression. Il a l'air mal à l'aise.
— Tu m'aimais ?
Ses yeux se ferment brièvement quand je pose la question.
— Pourtant j'ai toujours cru que tu cherchais la femme parfaite, quand on était ado tu disais tout le temps que j'étais trop capricieuse, trop pénible...
Il ne répond pas tout de suite, ces souvenirs ont l'air réellement douloureux pour lui, je crois qu'il y a bien longtemps qu'il a décidé d'enfouir tout ce qu'il ressent pour moi.
— Je... je crois que je suis tombé amoureux de toi quand on avait quatorze ans, murmure-t-il, Pendant les vacances à Chamonix. Tu sais la photo que tu m'as offerte... C'était pile à cette période. Peut-être que je l'ai toujours été, j'en sais rien, mais c'est cette semaine là que je m'en suis rendu compte. Tu étais insupportable pourtant, tu ne parlais que de toi, de ton stage qui approchait, tu répondais à ta mère, tu réclamais l'attention de Moh tout le temps. Mais le soir tu venais lire avec moi, tu te souviens ?
Un sanglot me serre la gorge, comme à chaque fois que nous évoquons des souvenirs communs. Je hoche la tête et il poursuit.
— Eh bien je crois qu'en te regardant lire... Je sais pas, j'ai ressenti quelque chose de différent.
Et moi je me souviens que j'allais lire le soir avec Naël pour échapper à Jade et Romy qui avaient dix et huit ans et partageaient ma chambre. Je me souviens de la façon violente avec laquelle j'envoyais paître ma mère dès qu'elle tentait de me dire quoi que ce soit. De mon père qui répétait sans cesse « Ne lui parle pas comme ça ».
— Tu m'as rien dit.
Naël a un petit rire jaune.
— Iris, voyons.
Ingrate et arrogante comme j'étais, je lui aurais ri au nez.
— Et maintenant ? je demande.
Il frotte ses yeux endormis, ses cheveux désordonnés par le sommeil lui tombent sur le front, j'ai vu ce visage toute ma vie et pourtant j'ai l'impression de le découvrir.
— Et maintenant quoi ?
— Tu ressens encore quelque chose ?
Évidemment cette question ne lui plaît pas. Hier encore il me disait qu'il me détestait.
— Je veux pas t'aimer Iris...
Et je crois que je ne veux pas qu'il m'aime. Parce qu'il aura mal, encore.
— À cause de Sofia ?
Il secoue la tête de droite à gauche.
— Avec Sofia c'est... compliqué, chuchote-t-il, Je lui ai dit que je voulais réfléchir. On n'est plus ensemble.
Oh, ça m'étonnait de Naël qu'il m'embrasse en étant en couple. Lui qui est si « droit », habituellement.
— Pourquoi ?
— Parce qu'on ne se met pas avec quelqu'un pour fuir quelqu'un d'autre, dit-il à mi-voix, Lundi j'ai discuté avec Deen et Violette et... C'est ce qu'ils m'ont dit.
« Pour fuir quelqu'un d'autre. »
Moi ?
— Depuis que tu es venue chez nous, mes sentiments sont un peu revenus, finit-il par avouer. Ça me rend fou, sérieusement. Tu sais quand on s'est embrassés dans ta chambre, après la fois où tu as découché ?
Mon cœur s'emballe, Naël peine à soutenir mon regard, on le perd quand il s'agit de se livrer sur ses sentiments profonds. Je hoche la tête et saisit sa main dans la mienne.
— J'ai compris que j'étais fichu. Alors j'ai tout fait pour t'éviter. Parce que ça me fait vraiment peur, j'ai eu beaucoup trop mal il y a deux ans. Mais lors de mon anniversaire, j'ai compris que cela ne servait à rien. Te voir collée à Amir, m'a profondément agacé, savoir que tu l'avais embrassé a été plus douloureux encore.
Je me suis souvent moquée de la façon toujours nickelle dont Naël s'exprime, personne ne pourrait penser que son père est rappeur. Pourtant maintenant je n'ai plus du tout envie de me moquer. J'aime le soin qu'il prend pour choisir ses mots.
— Alors tu ressens quoi ? Maintenant.
En même temps que je parle, mes doigts caressent les marques brunes qui parsèment son épaule et qui m'assurent que je n'ai pas rêvé la soirée passée dans ses bras.
— Tu me connais, Iris, tu crois vraiment qu'il se serait passé ce qu'il s'est passé hier si je ne ressentais rien ?
Il se passe la main sur le visage comme s'il cherchait à se réveiller d'un mauvais rêve.
— Le problème c'est que plus on franchit les limites, moins j'arrive à m'arrêter, plus je sais que ça va mal se finir.
Et je sais qu'il a raison.
— Alors qu'est-ce qu'on doit faire ?
Parce que moi j'ai besoin de lui. Mais je sais que tôt ou tard, je vais lui faire mal.
— Je ne sais pas. D'habitude je sais toujours ce qu'il faut faire, mais là je suis perdu, Iris.
Moi aussi, mais moi je l'ai toujours été.
Alors quoi ? On attend que ça passe ?
Ça ne passera pas. Pas tant que l'un de nous n'aura pas achevé de détruire l'autre. C'est évident. On pourrait prendre de la distance, mais nous sommes trop liés pour ne pas sans cesse revenir l'un vers l'autre. Il le sait parfaitement lui aussi.
Si on ne sait pas quoi, faire, c'est parce qu'il n'y a rien à faire. Il faut simplement accepter tout ça comme une fatalité. Comme le suicide programmé et inévitable d'un amour naissant.
C'est moche.
— T'es beau.
Naël écarquille les yeux, surpris par ma phrase qui arrive comme un cheveu sur la soupe.
Puis il finit par attraper mon visage dans sa main et l'attirer quelques secondes contre ses lèvres.
— Tu vas me détruire, chuchote-t-il.
— Alors pourquoi tu m'embrasses ?
— Parce que c'est toi qui me détruis le mieux.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top