Chapitre 11. X-Men

"Je vois tous les trous que tu fais dans le mur le soir quand il est tard
Regarde toi t'es pas un X-men
Ton poing se casse en traversant le mur
Trop de colère et de tristesse
Mauvais mélange dans le système
L'herbe n'est pas toujours assez puissante
Adrénaline dans les veines veines veines"

Aller chercher Léo, sérieusement, est-ce que j'ai une gueule de babysitter ?

Même la maîtresse fait une drôle de tête en voyant la mienne. Elle a pas l'air sereine de me confier le gosse.

— C'est mon grand-frère ! annonce-t-il, à la pauvre prof qui n'y comprend rien, Il est trop fort, même qu'il sait se battre et qu'il parle plein de langues !

Super. Voilà qui va la rassurer.

— Vous êtes Ilyes ? demande-t-elle.

— Ouais.

Violette a dû lui dire que j'allais venir.

— Léonard n'arrête pas de parler de vous et comme il raconte beaucoup d'histoires, je n'étais pas sûre que vous existiez vraiment.

Je me marre, en vrai ça me fait limite plaisir que le môme parle de moi à l'école. Finalement elle laisse sortir le blondinet et aussitôt, il court vers moi pour me sauter dessus.

Alors ouais mais non, je suis pas une daronne.

— C'est trop cool que tu sois venu me chercher, crie-t-il, Maman, elle avait dit que j'aurais une surprise à la sortie !

— Lâche moi microbe, va falloir que je t'apprenne à te comporter comme un homme !

Il défait ses bras tout maigres de ma taille et décolle sa joue de mes abdos pour me fixer avec des grands yeux tout étonnés.

— T'aimes pas les câlins ? demande-t-il.

Je me marre.

— Les câlins c'est pour les filles ou alors quand t'es vraiment très triste. Ou si t'as marqué un but au foot. Mais sinon, tu frappes dans la main comme ça regarde, tend ta main.

— Ah ouais, un check ! fait-il, C'est bon Ilyes je sais ce que c'est, avec Papa on fait ça tout le temps !

Il frappe de toutes ses forces dans ma paume tendue vers lui.

— Wesh bro ! lâche-t-il.

J'explose de rire. Y'a pas de doutes, Deen était foncedé quand il a conçu ce gosse. Il est né avec du cannabis dans les gênes.

*****

— Je pensais que tu viendrais pas.

Ilona me dévisage avec surprise, alors que je me tiens sur le palier de l'appartement qu'elle partage avec sa mère, qui selon elle, est absente jusqu'au lendemain.

Moi aussi je pensais pas que j'allais craquer. Mais toute la semaine j'ai reçu des messages de menace de Cheikh, je lutte comme un malade pour pas le retrouver et le démonter. J'ai besoin de décompresser.

Elle a fait des mèches blondes dans ses cheveux bruns, j'aime pas, on dirait une danette vanille-chocolat. C'est cheum.

Mais pour une fois elle est pas trop maquillée, devrait pas y avoir trop de fond de teint sur l'oreiller.

Ilona, sans mentir c'est la caricature de la fille de prolo, pas très éduquée. Ses modèles de beauté sont des nanas de la télé-réalité, elle s'habille chez Primark, a un piercing au nombril et sûrement quelques tatouages nian-nian. Ses chanteurs préférés sont ceux qui passent à la radio. Pas méchante, pas très conne, mais ni classe ni vraiment intéressante.

— Je suis pas venu pour jacter, dis-je alors qu'elle referme la porte.

— Je sais.

J'enlève ma veste et la suis dans le petit appart pourri. Ça sent un peu le renfermé et c'est le bordel partout.

— Avant qu'on baise, fais-je, Je veux que ça soit clair. Histoire que tu te fasses pas de films et que t'espère pour rien. À la première crise de jalousie, je te raye de ma vie. Pas de textos, pas de photos sur insta, pas de contrôle de ma life. Tu recommences à me harceler, c'est fini, tu m'embrouilles pour rien, c'est fini aussi. Je te forcerai à rien, si tu te sens pas capable de gérer je comprends et on en reste là. T'façons c'est simple, si je m'aperçois que tu tombes amoureuse, j'arrêterai le truc.

— Ça te fait quoi si je tombe amoureuse ? Ça te force à rien !

J'aime pas l'idée de coucher avec une nana qui est amoureuse de moi en sachant que je ressentirai jamais la même chose. Je sais pas pourquoi.

— Je veux pas, c'est tout.

Pour toute réponse, elle enlève ma casquette et ses yeux noirs se plantent dans les miens.

— T'as bien aimé les photos que je t'ai envoyées ?

Ça m'a donné envie de la ken, mais ça m'a pas non plus rendu dingue. J'aime pas quand on me supplie, j'aime pas les meufs trop faciles. Y'a des mecs que ça dérange pas, moi qui ai besoin de me prouver des trucs tout le temps, je préfère niquer des avions de chasse que j'ai mis du temps à convaincre.

— Ouais, fais-je quand même.

— Tu aurais pu m'en envoyer aussi, murmure-t-elle tout proche de mes lèvres.

Des barres.

— Pas que ça à foutre de prendre ma teub en photo.

Elle sourit et son corps se colle au mien. Par réflexe je pose mes mains sur ses hanches.

— J'ai jamais vu un gars comme toi, Ilyes.

Alors elle m'embrasse, pendant que son parfum bon marché envahit mes narines et que mes mains glissent sur ses fesses. J'ai fumé un joint avant de venir, entre ça et le sexe, je devrais réussir à me vider la tête pendant quelques heures.

*****

Allongé à plat ventre sur le lit d'Ilona, je fais semblant de dormir tout en guettant les textos qu'elle échange avec Océane, sa meilleure pote.

"J'te jure il est venu chez moi, j'y croyais pas. Ilyes Akrour quoi... Le mec sur lequel je bave depuis septembre."

"Mais oui il est trooooop beau et trop bien foutu en plus. J'ai jamais pécho un mec comme ça."

Sah, les meufs, obligées de faire un compte rendu à leur potes après le sexe. Est-ce que moi j'envoie un message à Nabil pour dire qu'Ilona a un bon cul mais qu'elle est trop bavarde pendant l'acte ? Non, parce que Nabil s'en branle.

En vrai je sais même pas ce que je fous encore là, j'ai le seum. Ça va bientôt faire un mois que mon daron m'a viré de chez oim, j'ai envie de voir mon reuf, ma mère... Même l'autre bagra, ça me manque de pas voir sa petite tête de fouine. Mais je sais que comme tous les ans, ils vont partir d'ici quelques jours en Pologne pour passer les vacances de Noël. À moins qu'ils aillent à Chamonix, chez mes cousins.

J'ouvre complètement les yeux et Ilona tourne la tête vers moi, la vision de son corps nu me fout presque la gerbe. Je sais pas ce que j'ai.

— Ça va ? demande-t-elle, T'es grave mignon quand tu dors.

Balec.

— J'peux prendre une douche ?

Elle hoche la tête et me demande si je veux qu'elle se joigne à moi.

— Ça ira.

Je me lève sans répondre à son sourire et file dans la salle de bain.

C'est un putain de sbeul ici aussi, le carrelage est abimé, y'a des marques de moisissure un peu partout, un lisseur et une brosse pleine de cheveux posés sur le lavabo, des produits de beauté partout, des traces de rouge à lèvres, de fond de teint.

Deen m'a payé le coiffeur avant-hier, mon visage va beaucoup mieux même si je garde une bonne grosse cicatrice à l'arcade et que mon nez reste légèrement abimé, j'ai quasiment retrouvé ma gueule d'avant la baston. Les derniers bleus ont viré au jaune et se voient quasiment plus.

Maintenant c'est pas grave si je croise ma daronne dans la rue, elle va pas faire un malaise.

Quelques minutes plus tard, je retourne dans la chambre d'Ilona pour récupérer mes sapes. Elle est assise en tailleur sur le lit, en t-shirt et culotte et continue d'envoyer des textos.

— Je vais y aller, dis-je.

— Tu veux pas rester dormir ?

C'est ce que j'avais prévu à la base, j'ai même prévenu Deen. Demain c'est dimanche, je taffe pas. Mais là j'ai un seum de malade et c'est pas la présence d'Ilona qui va changer quoi que ce soit.

— Nan, je vais rentrer.

Elle déplie ses longes jambes et se lève pendant que je finis de m'habiller, je sens ses bras entourer ma taille.

— T'as pas aimé ? demande-t-elle.

Si ça va, c'est pas un mauvais coup. Si elle avait pas un tatouage "follow your dreams" sous le sein droit et la date de naissance de sa daronne en chiffres romains sur les côtes, je pourrais dire qu'elle a une bête de corps. Mais là je supporte vraiment plus mon environnement.

— Si, t'inquiète. Mais j'ai des trucs à faire pour mon oncle.

Je sais pas si le mensonge est héréditaire, mais si c'est le cas, un de mes parents doit vraiment passer sa vie à mentir.

— T'habites chez ton oncle ?

— Ouais.

— Le frère de ton père ?

C'est quoi ces questions, je vais pas lui raconter ma iv, pas que ça à foutre.

— Nan, allez j'y vais.

Je l'embrasse du bout des lèvres, elle me raccompagne jusqu'à la porte, la mine un peu déçue. Elle va pas commencer à faire des têtes de chien battu parce que je vais la tej de ma vie très rapidement si elle fait ça à chaque fois que je pars.

— Je t'envoie un message, fais-je en lui adressant un dernier signe de tête avant de filer dans l'escalier.

Par réflexe, je rabats ma capuche sur ma casquette, j'aime pas le quartier et vu tout ce que j'ai entendu récemment, je suis pas sûr de me maîtriser si je croise un fils de pute.

Mais le retour se fait sans encombre et je me sens un peu mieux quand j'ouvre la porte des Castelle et qu'une odeur de bouffe putain d'appétissante envahit mes narines.

— Ilyes ? fait Violette en arrivant dans le couloir, Tu devais pas dormir chez une amie ?

J'aime le tact avec lequel Vio présente la chose.

— Je dérange ? Si vous vouliez passer la soirée sans moi je peux capter des potes.

— Voyons mais non, c'est chez toi ici, c'est juste que...

— Ilyes ?

Cette voix.

Je relève les yeux pour me heurter à un regard cent pour cent identique au mien.

Maman.

Qu'est-ce qu'elle fout là ?

— Je... Je vais ressortir, je marmonne en posant ma main sur la poignée.

Mais avant que j'aie eu le temps de faire un seul geste, je suis percuté de plein fouet par une pré-ado aux cheveux noirs qui se pend à mon cou.

Pourquoi tout le monde me fait des câlins aujourd'hui ?

Elle me serre trop fort, elle est putain de lourde et ça me fait vraiment bizarre de voir ma reus.

— Tu m'as manqué ! Papa est vraiment trop borné !

Moi ? Manquer à ma soeur ? C'est à peine si on s'adresse trois mots quand je suis de bonne humeur et la plupart du temps c'est pour se dire des trucs désagréables.

— Lâche moi bagra, j'suis pas ta pote.

Mais au lieu de ça elle se met à me faire plein de bisous sur la joue et je suis obligé de la repousser parce que ça devient vraiment embarrassant. Elle fait ça avec Amir normalement.

Puis je rencontre de nouveau le regard de ma mère, Violette s'est éclipsée. J'arrive pas à savoir ce qu'elle pense, elle a l'air bouleversée. C'est Nej' qui me pousse jusqu'à elle, avant de rejoindre la pièce à vivre où je devine le reste de la famille Castelle en train de prendre l'apéro.

Je dévisage ma mère sans savoir quoi dire, puis lâche un :

— Salut M'man.

Sa main claque sur ma joue avec une violence qui me coupe presque la respiration. Ma peau se met aussitôt à cuir et mes yeux à me piquer.

Je la mérite surement celle-là. Pourtant elle me fout en colère.

Serrant les dents les dents, je contourne ma mère, traverse la pièce sous le regard inquiet des Castelle et m'enferme dans ma chambre.

Après la soirée que j'ai passé à bader comme pas permis, j'avais vraiment pas besoin de ça.

À peine quelques minutes plus tard, on toque à ma porte et je ne dis rien pendant qu'elle s'ouvre sur Jade. Elle tient dans ses mains une assiette contenant une large part de pizza maison et une bouteille de bière.

— Maman m'a dit de t'apporter ça. Papa est dehors avec ta mère.

Je ne réponds pas et elle pose l'assiette et la bouteille sur la commode en face de mon lit.

— Tu as besoin d'autre chose ?

Comme elle n'obtient pas plus de réponse, elle pousse un soupir et me jette un dernier regard un peu triste avant de sortir.

— Jade, je grogne avant qu'elle n'ait refermé la porte.

— Oui ?

— Pourquoi elles étaient là ?

Elle rentre de nouveau dans la pièce et s'approche de moi.

— Nejma a passé l'aprem ici avec Romy, dit-elle, Comme on pensait que tu rentrerais pas ce soir, Papa a proposé à ta mère de rester pour l'apéro quand elle est venue la chercher.

Je hoche la tête, si j'avais su, j'aurais envoyé un texto à Deen avant de rentrer. Frottant ma joue, je me redresse un peu sur mon lit.

— Tu veux rester seul ? demande Jade.

En fait je suis rentré en me disant que l'ambiance chez les Castelle m'aiderait à me sentir un peu mieux, mais là c'est tout le contraire, mon seum est remonté en flèche.

— Non, réponds-je.

Ses yeux s'écarquillent un peu. Elle reste debout, plantée au milieu de ma chambre.

— Tu veux en parler ?

— Non plus.

En fait je sais pas ce que je veux, pas envie d'être seul, mais pas envie de discuter non plus. Je me sens juste... mal.

Timidement Jade se rapproche et s'assoit au bout du lit.

— Papa était énervé, il a attrapé Maya par le bras et il l'a fait sortir directement. Personne n'a compris. Ça faisait longtemps que je l'avais pas vu en colère comme ça.

Je crois pas que Deen doive s'impliquer dans l'éducation que me donne ma mère, mais quelque part, savoir que son geste l'a énervé me rassure un peu sur ma propre réaction.

— Il t'aime beaucoup.

C'est sympa, mais je m'en branle, avoir l'affection de Deen est très loin d'être un objectif pour moi.

Le visage baissé, je fixe mes doigts noués entre eux. Dans mon cerveau revient sans cesse le regard de ma mère avant qu'elle ne me gifle.

Oui je l'ai méritée, non c'est pas la première baffe qu'elle me met, peut-être pas la dernière, mais c'est la première fois que ça fait aussi mal.

Sentir la main de Jade se poser sur mon tibia me fait relever les yeux vers elle, j'ai la gorge vraiment sèche et mon estomac se noue dans tous les sens.

— Je pense qu'elle a paniqué... murmure la jeune fille.

Je déglutis avec difficulté, pensant vaguement à sortir fumer un joint. Le pouce de Jade fait des minis cercles sur mon jogging. Encore une fois, j'arrive pas à savoir si je veux qu'elle arrête ça tout de suite ou qu'elle continue.

— Tu sais tu dois pas avoir honte, c'est pas parce que t'as pris une gifle qu'on va penser que t'es faible.

Comment elle sait que j'ai honte ?

Peut-être parce que c'est évident, hmar.

Mon portable vibre dans ma poche, un espoir enfantin me laisse penser que c'est peut-être ma mère qui veut arranger les choses mais non. C'est juste un :

"Fils de pute on t'oubli pas ! On sais que t'été chez Ilona taleur, Si tu donne pas la tune il va lui arriver des truc".

Quelque chose explose dans mon crâne.

Fermant les yeux, je lance le tel à l'autre bout de la pièce et il s'écrase contre le mur. J'ai envie d'hurler. Oubliant complètement que Jade est là, je me lève brusquement pour shooter dans tout ce qui traine.

— Ilyes arrête !

Je sais même pas pourquoi mon poing s'écrase sur le mur, dans un bruit sinistre. Un trou conséquent se forme dans le plâtre.

Les phalanges en sang, je regarde les gouttes écarlates s'écraser sur les débris de mur répandus sur le parquet. La porte s'est ouverte, des bras m'enserrent. C'est lorsque je reprends ma respiration que je sens le parfum de ma mère et comprends que c'est sa voix qui murmure derrière le bourdonnement de mes oreilles.

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