Chapitre 1. The letter
« All because of a lie
So many days and so many nights wasting away my time in my doubts
Now I'm not the same person, I wanna start it all again
There's no need to know why, no need to worry about what was and should have never been »
Je n'aurais jamais dû lire le courrier de mon père. Mais lorsque mon regard s'est posé sur le « Ma fille, » en en-tête de la lettre. C'était plus fort que moi, je n'ai pas pu m'en empêcher.
Au début j'ai pensé que peut-être, elles s'adressaient à Romy ou à moi, puis très vite, j'ai compris que ce n'était pas le cas. Maman n'était pas là j'avais tout le temps devant moi, alors j'en ai lu plusieurs, dix, peut-être vingt.
Plus je lisais, plus mon estomac se nouait, me donnant presque envie de vomir. Mes mains se sont mise à trembler fébrilement. J'ai analysé toute ma vie en réfléchissant à quel moment j'aurais pu me douter de tout ça, à des allusions parentales.
L'une des premières questions qui m'est venue à l'esprit c'est « Est-ce que Maman sait ? ». Dans les deux cas, la réponse ne me plaisait pas. Je n'ose pas imaginer mon père capable de cacher une telle chose à ma mère, il l'aime tellement... Ce serait horrible. Et puis si elle sait, cela veut dire que c'est une double trahison, elle aussi est dans le secret, dans le mensonge.
Les entrailles en vrac, j'ai tout rangé là où je l'avais trouvé, et je suis partie en courant de la maison. Je voulais voir Amir, c'était la seule personne à qui je pouvais confier tout ça. Dans le métro j'ai retenu mes larmes, à l'intérieur de moi c'était la tempête. Je voulais « annuler » ma découverte. Cette sensation épouvantable de savoir quelque chose que j'aurais préféré ignorer pour le restant de mes jours. Mais elle était là, là nouvelle, omniprésente dans mon esprit.
J'ai une grande soeur et mes parents me l'ont caché pendant quinze ans.
En arrivant devant la porte des Akrour, j'ai prié pour que ce ne soit ni Maya ni Hakim qui ouvre, et je me suis retrouvée face à Ilyes. Alors j'ai éclaté en sanglots et fondu entre ses bras.
Ce n'est qu'une fois contre lui que j'ai réalisé qu'il avait récemment pris trois coups de couteau dans le ventre et que j'avais peut-être été un peu brusque. D'autant plus qu'il a horreur qu'on l'approche de trop près. Mais il a été cool, voire presque gentil, je me suis sentie un peu mieux.
Cela fait presque dix minutes maintenant, qu'il me tient dans ses bras sans rien dire, depuis que je lui ai annoncé la nouvelle. Je ne sais pas vraiment si j'ai envie qu'il parle et je crois que de toutes façons il n'a aucune idée de comment il faut agir dans ce genre de circonstances.
J'ai la tête contre son épaule et sa joue mal rasée me pique un peu le front, je l'entends juste respirer, ça me fait bizarre d'être seule avec lui, comme ça.
— Je te fais pas mal ? finis-je par murmurer.
— Ça va t'inquiète, répond-il aussitôt.
Je m'écarte un peu de lui et me heurte à sa mine impassible. Avec lui, il n'y a jamais d'apitoiement, je pense qu'il est très difficile de lui inspirer de la pitié. Il me fixe juste avec ce regard complètement perturbant. Les yeux des Akrour, c'est quelque chose. La plupart des gens s'accordent à dire que c'est plus flippant que beau.
— Amir devrait pas tarder, grogne-t-il finalement en me tendant un mouchoir.
On dirait qu'il a hâte de lui refiler le bébé. Et en même temps je le comprends, il doit pas savoir quoi faire. Et puis son frère a moins de problèmes avec l'affection et la proximité physique.
— C'est lui que tu voulais voir nan ?
Je hoche la tête en me mouchant, finalement je suis presque contente d'être tombée sur Ilyes, Amir aurait peut-être réagit de façon un peu plus catastrophique.
— Je crois qu'il a une meuf, fait-il.
On se retrouve à parler de son frère lors que ce n'est vraiment pas ce qui m'a poussée à venir ici. Mais en fait ça me fait du bien de faire une pause, depuis que j'ai trouvé les lettres, mon esprit est obnubilé par ça.
— Oui, réponds-je, Je suis au courant. Mais il ne sort pas avec elle. C'est un peu compliqué.
Ilyes a un faible ricanement, je sais ce qu'il pense, Amir a un don pour trouver des relations compliquées alors qu'il pourrait avoir quelque chose de très simple.
Mais là, c'est différent et j'ai vraiment peur pour la fille en question. C'est Ilham, elle est dans notre classe, c'est une fille absolument adorable avec beaucoup de coeur. L'ennui c'est qu'Amir est un coureur de jupons et qu'Ilham elle, est le genre de fille qui préfère attendre le mariage. Je crois qu'Amir lui plait, mais j'ai peur qu'elle en tombe amoureuse et qu'il lui fasse du mal. Mais bon, elle a du caractère et je doute qu'elle se laisse mener en bateau longtemps. Je pense que s'il se décidait à faire des efforts, elle pourrait vraiment le canaliser.
J'observe Ilyes et ses joues creusées depuis son séjour à l'hôpital, on dirait réellement qu'il sort d'un jeûne de deux mois dans le désert. Entre les cernes sous ces yeux qui accentuent encore plus l'aspect transparent de ses iris et ses pommettes bien plus saillantes qu'a l'accoutumée, même s'il dit à qui veut l'entendre qu'il va bien, son visage le trahit.
Je ne dirais pas que ça l'enlaidit, bien moins que lorsqu'il avait le visage couvert d'hématomes et de contusions, mais on sent qu'il n'est pas en forme.
— Me regarde pas comme ça, grogne-t-il, J'ai l'impression d'être Sneazz quand c'était un putain de légume.
Alors je lui souris et pendant quelques secondes, oubliant de nouveau ce qui a motivé ma venue chez les Akrour.
— T'as meilleure mine que lui quand même.
Il se passe la main sur le visage et sort une raillerie sur le fait qu'il évite d'aller chez Sneazz en ce moment de peur que Clémence tombe amoureuse de lui. Cette fois je rigole carrément. Ilyes cache toujours son humour sous une attitude grincheuse. Quand il sort quelque chose de drôle, c'est avec une tête de six pieds de long. Alors qu'il sait très bien que ça va faire son petit effet. C'est vrai que Mohamed a réussi a conquérir le coeur de la petite rousse en étant dans un état lamentable. Amanda les a grillés en train de s'embrasser il y a deux semaines, elle a eu le malheur de le répéter à son mari, qui n'a pas pu s'empêcher de le dire à Alpha, qui a tout balancé à Papa, bref, vous voyez le schéma. Tout le monde est au courant.
— Pour ton histoire de lettres là, c'est lui qu'il faudrait cuisiner.
La phrase d'Ilyes vient de me ramener aussitôt sur terre. La boule se reforme aussitôt dans mon ventre et je sens ma gorge serrer fortement.
— Pourquoi ? je demande d'une voix rauque.
— Parce qu'il sait tout sur tout le monde ce mec, c'est la corneille à trois yeux. Et puis il peut pas tenir sa langue.
Sa référence à Game of Thrones devrait m'amuser, mais il suffit que je me rappelle qu'il s'agit de la série préférée de mon père pour que ça me mette mal à l'aise.
— Parce que sinon, tu veux faire quoi ? questionne-t-il.
J'en sais rien.
La logique voudrait que j'en parle aussitôt à mes parents, mais pour l'instant je suis trop chamboulée, j'ai besoin de temps je crois. J'ai peur de leur réaction si je leur apprend tout ce que je sais, que mon père m'en veuille d'avoir fouillé dans ses affaires... Et surtout de me mettre à leur en vouloir encore plus de m'avoir menti.
— J'ai pas trop envie de rentrer à la maison, dis-je dans un murmure.
— Tu peux rester là, les parents s'en branlent. Je crois même qu'ils sont pas là ce soir, y'a le spectacle de Nej.
— T'y vas pas ?
Ça me surprend, nous quand il y une compétition ou un évènement qui touche un membre de la famille, on y va tous en général.
— Nan, elle aime pas quand on est là.
Finalement ça ne m'étonne pas tellement de Nejma. Elle adore ses grands frères mais moins elle le leur montre, mieux elle se porte.
Nous entendons la porte d'entrée claquer au rez-de-chaussée et quelques aboiements joyeux de Draxler.
— Ça doit être mon reuf.
Ilyes se relève un peu maladroitement, nous échangeons un regard interrogateur « tu lui dis ou je lui dis ? ». Je préfère que ce soit lui parce qu'il me semble que je n'ai pas le courage de répéter. Je vais encore m'effondrer.
En sortant de la chambre, on tombe nez à nez avec Amir... Naël et Arthur.
Merde, les trois mousquetaires.
Merde Naël...
Il fronce les sourcils en détaillant mon visage, mes yeux rougis et mes cheveux en bataille. Puis son regard dévie en direction d'Ilyes, je sens que mes joues sont déjà écarlates.
— Qu'est-ce que tu fais là ? demande Amir, J'ai essayé de t'appeler ça répondait pas.
— Vous êtes potes maintenant ? questionne Arthur, Pourquoi j'ai toujours l'impression d'avoir raté un épisode avec toi Jade ?
Ilyes lui lance un regard un peu dédaigneux, ces deux là ne s'entendront jamais. Arthur est trop... particulier pour un gars terre à terre comme Ilyes. Et ce dernier est trop « primaire » pour l'artiste génial et incompris qu'est Arthur Samaras. Moi je ne prends pas partie, j'aime beaucoup les deux.
— J'étais venue pour te voir, murmuré-je à l'intention d'Amir tout en essayant d'ignorer le regard de Naël.
Lui aussi a l'air vraiment surpris de me voir avec Ilyes. Voire presque contrarié. Parce qu'il n'aime pas beaucoup son cousin... Ou peut-être qu'il est jaloux ?
Je me gifle mentalement. Vous voyez c'est exactement ce genre de films que je ne peux pas m'empêcher de me faire quand Naël est dans les parages. C'est complètement stupide.
— Ça ne va pas Jadou ?
Il a dit ça d'une voix tellement douce que j'ai senti mon coeur se soulever. Je perds mes moyens et le regard d'Amir m'informe déjà que je suis complètement ridicule. Je sens qu'Ilyes est un peu tendu derrière moi, sans réfléchir je recule imperceptiblement, juste pour que mon bras effleure le sien.
Cela me permet alors de revenir sur terre pendant qu'Arthur râle en demandant à quoi sert de discuter dans le couloir.
— Salon, grogne Amir en faisant demi tour.
Je fais un pas pour les suivre et me rends compte qu'Ilyes n'a pas bougé.
— Tu viens pas ?
Il secoue la tête de droite à gauche. Je sais qu'il ne changera pas d'avis, passer du temps avec Arthur et Naël c'est au dessus de ses forces. Mais je le regrette, je n'ai pas très envie de confier ce que je viens de découvrir à Arthur, j'aurais vraiment préférée être seule avec les jumeaux ce soir.
— Je vais appeler Iris, dit Ilyes, Si t'es d'accord je lui en parle, elle saura peut-être des trucs. Elle adorait écouter au portes quand elle était petite.
Je hoche la tête et lui souris en le remerciant tristement. Puis il disparaît dans sa chambre et je commence à descendre. Comme j'ai atteint la moitié de l'escalier, j'entends sa porte se rouvrir et sa voix m'appeler.
— Eh Jade !
Relevant le nez vers l'étage, je le vois qui se frotte la barbe comme s'il hésitait à la façon de dire les choses.
— Je pense que.. euh... Si ton daron t'a rien dit c'était pour te protéger ou un bail du genre. Il te kiffe trop pour... euh enfin tu vois.
C'est assez incroyable comme ce gars a du mal à faire une phrase correcte quand il s'agit d'exprimer un truc un peu profond. On dirait vraiment qu'il a peur que les gens se rendent compte qu'il peut ressentir des choses. Comme si sa nature humaine pouvait être cachée.
— Oui... réponds-je dans un murmure, Tu as sûrement raison.
Il me regarde bizarrement pendant quelques secondes, peut-être que lui aussi ça lui déplaît d'imaginer que mon père ait pu mal faire quelque chose. Je crois qu'il l'admire un peu.
— Hum... Si t'en as marre des trois connards et que t'as envie de te poser au calme, tu peux remonter. Tant que tu chiales pas trop ça me dérange pas.
— Merci Ilyes.
Cette fois il disparaît pour de bon et je finis par rejoindre les trois autres déjà affalés dans le salon.
— Tes parents savent que tu es là ? me demande Naël.
Non mais ce n'est pas comme si Maman exigeait que je lui rende un rapport à chaque fois que je vais quelque part. Elle aime bien savoir où je suis mais en général quand elle se pose la question elle m'envoie un message.
— Je suis souvent là, réponds-je en sortant mon portable.
Sur l'écran un message de mon père :
« J'ai eu ta mère, elle m'a dit que t'avais niqué toute ta classe au dernier DS de maths, tu peux la remercier de t'avoir transmis son cerveau, j'ai jamais dépassé le 9,5 dans cette matière. Je rentre jeudi, on se fera un restau. Je t'aime ma fille. »
Je peine à me concentrer pour retenir mon émotion. C'est épouvantable, je me sens tellement trahie. Comme si l'image de mon père venait de voler en éclat. Le message qui suit vient en rajouter une couche :
« Ah et appelle Mamie, elle veut savoir combien coute l'inscription au code. Ça fait trois mois qu'elle me bassine avec ça, elle tient absolument à te payer ton permis. »
Ma grand-mère aussi doit être au courant, ça veut dire qu'elle aussi m'a menti. Et Max, Maya, Hakim, Ken, Clémentine, ils doivent tous savoir. Peut-être même que Naël sait.
D'ailleurs ce dernier me propose d'aller discuter dehors, mais puisant dans toutes mes ressources, je refuse. Je voudrais juste que ce sentiment douloureux disparaisse.
J'ai soudainement l'impression que tout le monde me ment depuis que je suis née et je crois qu'il n'y a pas pire sensation. J'ai toujours été très fière d'être dans une famille équilibrée, avec les meilleurs parents du monde. Maintenant que j'ai découvert ça, c'est comme si tout avait changé.
Mon Dieu comme je voudrais pouvoir annuler, supprimer ce moment où j'ai ouvert ce tiroir. Mais comme mon père l'a si bien dit dans l'une de ses chansons, il n'y aura pas de retour en arrière.
Naël a arrêté de me poser des questions en voyant que je ne répondais pas, Amir me jette de temps à autre des regards furtifs, je crois qu'il a hâte qu'on soit seuls pour que je puisse me confier à lui. Arthur n'a rien remarqué de particulier, si ce n'est le fait que je m'entende bien avec Ilyes désormais.
D'ailleurs un message de ce dernier arrive sur mon téléphone que j'ai posé sur la table basse. Encore une fois je remarque que Naël hausse un sourcil quand il voit le nom s'afficher. Je saisis l'objet et le déverrouille pour lire ce qu'Ilyes m'a écrit.
« Iris se souvient de trucs chelous. Monte s'tu veux, elle t'expliquera. »
Sous les regards ahuris de son frère et son cousin je quitte le salon pour remonter jusqu'à la chambre d'Ilyes.
Il m'ouvre et je remarque aussitôt l'ordinateur sur son lit, affichant le visage transformé d'Iris qui sourit sur l'écran.
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