Chapitre 1. Jeunes et cons
« Encore une soirée où la jeunesse France, encore, elle va bien s'amuser puisqu'ici rien n'a de sens »
Ma mère m'a forcé à aller à cette stupide soirée qu'Iris a organisé pour ses dix-huit ans. Ne croyez pas que c'est pour que je m'amuse. C'est simplement parce que Ken a dû demander à ce que je vienne pour surveiller sa fille et vérifier que tout ne tourne pas au drame. De toute façon Ania y va, et je ne peux pas laisser ma petite sœur toute seule dans un tel événement. Ce serait inconscient.
Les soirées d'Iris c'est toujours la même chose,
« Quelle limite vais-je dépasser aujourd'hui ? »
Alors une soirée où Iris devient majeure aux yeux de la loi...
J'ai quand même essayé de lui faire un cadeau en lui achetant un bouquin. Mais je doute qu'elle le lise, faudrait déjà qu'elle se souvienne qu'elle a un cerveau et qu'elle peut s'en servir.
Ania est à côté de moi dans la voiture et je m'apprête à lui faire mon petit discours de grand frère protecteur. Même si mon père a déjà mis la première couche, je veux être sûr qu'elle ne va pas se laisser entraîner par Iris.
C'est le problème avec les filles délurées, soit les autres les détestent, soit elles les envient. Et Ania est plutôt du genre envieuse.
— Tu te rappelles des règles ? je demande en jetant un regard à la naine brune qui me sert de petite sœur.
— Naël c'est bon, Papa m'a forcé à les répéter autant de fois que mon âge avant de partir.
Je suis persuadé que quinze fois ne sont pas suffisantes en comparaison de la force d'influence d'Iris.
— Dépêche, sinon j'y vais pas et je m'arrange pour rouler jusqu'à ce que la soirée soit finie.
— Je savais que j'aurais dû prendre le métro, se plaint-elle, T'es vraiment chiant.
— Ania.
Elle souffle en roulant les yeux, comme elle fait toujours lorsque les parents lui font une remarque.
— Je ne consommerai rien qui pourrait d'une façon ou d'une autre, modifier ma perception des autres et de moi-même. Je ne ferai rien d'idiot pour avoir l'air cool. Je n'essaierai pas d'imiter les gens stupides. Je n'adresserai pas la parole aux garçons qui ressemblent à papa quand il était jeune. Je remplirai moi-même mes verres, uniquement avec des soft. Je ne resterai pas seule avec un garçon que je ne connais pas. C'est bon t'es content ? T'façon je sais très bien que tu vas me coller toute la soirée et renifler tous mes verres, sale hmar.
Parfait.
Avec un peu de chance, elle ne finira pas comme l'autre pimbêche. Heureusement que Jade, sa meilleure amie, contrebalance la sale influence d'Iris.
Comme je demande à Ania si celle-ci a prévu de venir. Elle me répond par l'affirmative.
— Oui, t'imagine pas comme elle a dû tanner ses parents. Ils étaient vraiment, vraiment pas chauds. Mais elle a dit que tu venais alors ça les a rassurés.
Je suis vraiment le baby-sitter de tous ces sales gosses. C'est fatigant par moment.
Sur le parking de la salle que les Samaras ont loué pour l'occasion, nous retrouvons Jade et son père qui a l'air moyennement confiant.
— Ah parfait, t'es là gamin, me dit-il directement, Bon tu fais gaffe à ma fille, j'ai pas envie qu'un de ces jeunes gosses de riches aux hormones tyranniques essaie de jouer au docteur avec elle. T'as l'autorisation de distribuer des patates.
— Papa, soupire Jade, je sais me défendre, je suis plus un bébé.
C'est quand même un peu un bébé, même si elle traîne toujours avec nous, elle a que quatorze ans.
— Je sais que t'es plus un bébé ma chérie, c'est pas à toi que je fais pas confiance. Tu m'appelles pour que je vienne te chercher.
Elle fronce le nez et secoue sa tête blonde d'un air contrarié.
— Bon on peut y aller ? grogne Ania, on va pas faire une contre soirée sur le parking.
Ma sœur est une geignarde. Toujours en train de se plaindre.
Jade embrasse son père et ce dernier me fait signe de bien la surveiller. J'acquiesce et place mon bras sur les épaules de l'adolescente en l'entraînant vers la fête.
— Avoue que t'es aussi stressée que lui, je lui demande avec un sourire en coin.
Elle rougit violemment sous ses taches de rousseurs et ses yeux verts se fixent sur ses baskets blanches.
J'adore la chambrer, c'est toujours la même réaction. Jade est aussi timide que ma sœur est effrontée. Les opposées totales. Cette dernière est justement en train de courir vers Amir qui fume sa clope dehors avec Arthur.
— Wesh, fait-il, quand nous arrivons à sa hauteur, je suis bien content que vous soyez là, mon reuf est déjà à moitié foncedé et Iris est sapée comme une tchoin.
Mes cousins et leur langage aussi fleuri que varié.
— Désolé, j'avais oublié que c'était ta reus, ajoute-t-il à l'intention d'Arthur.
Mais son meilleur ami lui fait signe qu'il pense la même chose.
Arthur Samaras, légende à lui tout seul. C'est le garçon le plus perché de l'histoire des mecs perchés. Toujours détendu, toujours dans les nuages. Il ne fume pas, parce qu'il n'en a pas besoin.
Amir passe sa main sur son dégradé fraîchement tondu et lève ses yeux clairs vers moi.
— Wallah j'sais pas c'qu'on va faire de ces cons, grogne-t-il, Quand ma daronne va voir l'état d'Ilyes demain, elle va gueuler ça va encore être le sbeul à la maison.
Je me dis qu'il serait peut-être pas mal que j'aille prendre la température de la soirée. D'autant plus que Jade et Ania ont profité du fait que j'étais en train de parler avec mon cousin pour rentrer.
— Pourquoi vous fumez dehors alors que je suis sûr que c'est un vrai aquarium à l'intérieur ? je demande les sourcils haussés.
Amir plie les lèvres, ce qui veut dire, en langage Akrour, qu'il n'a pas de réponse à cette question. Arthur fixe un point derrière moi, je me retourne, mais ne vois que des voitures garées sur le parking.
— Tu regardes quoi ?
Il ne répond pas tout de suite puis fronce les sourcils.
— C'est marrant, ce parking est mal foutu, fait-il finalement, Les lignes ne sont pas totalement parallèles ce qui fait que systématiquement, les voitures se garent mal et il y a toujours une place qui est inutilisable.
Arthur Samaras, Mesdames et Messieurs, pour votre plus grand plaisir.
— Ouais, c'est ouf, répond Amir en me lançant un regard ahuri, Bon on rentre, j'pense qu'on aura bientôt des mères à niquer.
Je hoche la tête et suis mon cousin à l'intérieur. La musique est beaucoup trop forte, ça pue la beuh et la clope. Je cherche ma sœur et Jade des yeux, j'ai pas l'intention de les laisser faire des bêtises. Je finis par les apercevoir avec Abigaëlle la troisième « meilleure amie ». Elles ont l'air de bien rigoler, pour l'instant rien à signaler. Je croise le regard de Jade à qui je fais un clin d'œil entendu et que j'ai le grand plaisir de voir rougir de nouveau.
Puis je me tourne vers Amir qui a l'air aussi à l'aise que moi dans cet environnement fêtard.
— Ils sont où les deux cons ?
Il hausse les épaules et me désigne la foule d'ados en recherche de sens qui s'agite au rythme des basses.
— Comment tu veux qu'on retrouve deux cons au milieu de cent cons, zebi.
J'éclate de rire, c'est vraiment le meilleur.
Gardant toujours un œil discret sur Ania et ses deux copines je cherche la reine de la soirée. Quelque chose me dit qu'elle et son « partner un crime » sont déjà en train d'enfreindre les règles fixées par leurs parents respectifs.
Nous finissons par entendre le rire exaspérant d'Iris en nous rapprochant des toilettes.
— Ça c'est ma sœur, fait Arthur.
J'opine de la tête et pousse la porte. Effectivement elle est là. Ilyes aussi. Ainsi qu'un grand noir dont je ne connais pas le nom et une petite brune qui tient mon cousin par la taille.
Je pousse un soupir devant cette scène pathétique. Iris porte une sorte de robe qui ressemble plus à un bikini qu'autre chose, des collants résilles et des Dr Martens (parce que Madame est une rebelle) et le grand type a sa main soigneusement posée sur son postérieur.
Sûrement son mec du moment.
On ne va pas se mentir, Iris est belle. Trop belle. Et elle le sait. C'est son arme principale.
Avec ses yeux bruns très expressifs et sa bouche moqueuse finement ourlée, toujours prête à s'étirer sur un sourire charmeur, le même que son père, elle obtient tout ce qu'elle veut. Et surtout de ce dernier.
Moi je me suis habitué à son physique et je dois dire que les brunes c'est pas mon genre, et surtout pas celles qui mettent autant de noir sur leur paupières pour paraître plus âgées.
Le petit groupe se tourne vers nous et Ilyes pousse un rire railleur en nous découvrant.
— Ah tiens v'la les keufs. La pédale, le poète et le boxeur, rigole-t-il.
Iris ricane à son tour en me dévisageant.
— Tu t'es fait beau dis donc, Saint Naël a mis sa petite chemise d'enfant de chœur. C'est surprenant de te voir ici, fais attention, tu pourrais salir ton auréole.
Ne vous affolez pas pour moi, ça fait longtemps que je ne suis plus atteint par leur immaturité. Je sens qu'Amir commence à être un peu énervé.
Lui et son frère se défient du regard. Identiques dans leur apparence. Diamétralement opposés dans leur attitude. On ne sait jamais s'ils s'adorent ou se détestent, un peu des deux. Comme leurs parents.
Mais là l'ambiance est plutôt à la haine.
— On peut savoir ce que vous faites ? je demande à Iris sans me soucier de mon abruti de cousin.
Elle ricane encore et lâche son mec pour s'approcher de moi. Vu sa démarche, elle est déjà bien atteinte par les substances désinhibantes qu'elle a consommé.
— On fuit les rabats-joie, chuchote-t-elle, mais ils sont du genre collants.
Agacé, je l'attrape par le poignet et la tire hors de la pièce sans me soucier de ses protestations.
Amir se charge d'empêcher son frère de nous suivre.
— Lâche moi, sale connard, tu me fais mal ! crie-t-elle en surjouant allègrement la pauvre fille blessée.
Je la coince entre quatre murs et attrape sa mâchoire pour la forcer à me regarder.
— T'as pris quoi ?
Ses yeux charbonneux sont trop rouges et ses pupilles trop dilatées pour qu'elle se soit contentée d'un joint et d'une bouteille de vodka.
Elle ne répond pas.
— J'appelle ton père, je lâche décidé à mettre fin à cette soirée qui de base, était une mauvaise idée.
— Vas-y appelle le, crache-t-elle, T'es bon qu'à ça de toutes façons, faire le petit rapporte boudin auprès des parents. C'est drôle quand même, t'es leur plus grand défenseur, pourtant ils voulaient même pas de toi.
Connasse.
Je prends une grande inspiration pour me retenir de m'abaisser à répondre à ses attaques et maintient ma prise sur son visage.
— Arrête tes conneries et dis moi ce que t'as pris.
— Ça te regarde pas. Tu sais que si ta mère s'était pas rendue compte aussi tard qu'elle était enceinte, tu serais pas là pour me les briser ?
Elle ne sait pas de quoi elle parle. Mes parents ont toujours été très honnête avec moi sur le fait que mon arrivée avait été surprenante, j'étais peut-être un "accident", mais je ne leur avais jamais fait regretter de m'avoir laissé la chance de voir le jour.
— C'est là qu'on voit que je suis plus intelligent que toi, lui réponds-je, j'ai su me cacher suffisamment longtemps pour être sûr d'être là pour te les briser. Maintenant dis moi ce que t'as pris ou je te jure que j'appelle ton père.
Iris me répond par un sourire moqueur, elle s'en fout. Elle s'en fout parce qu'elle sait que même si cette soirée tombe à l'eau, que sa mère pleure, que son père lui exprime sa déception, elle finira par les embobiner pour pouvoir sortir de nouveau et continuer son oeuvre de destruction de notre famille.
Puis soudain, sa main glisse le long de mon bras pour se poser sur ma nuque et elle colle son corps au mien.
— Au fond t'es qu'un puceau qui a l'impression de se sentir puissant quand il joue les darons, murmure-t-elle à quelques centimètres de mon visage.
Je déteste quand elle fait ça.
Ne croyez pas que c'est la première fois, c'est l'une de ses grandes spécialités.
Je tente de l'écarter mais c'est elle qui me pousse et mon dos heurte le mur derrière moi. Iris ondule lentement contre moi, juste assez pour sentir que malgré tout, elle me fait quand même de l'effet.
— Tu me dégoûtes, je lâche crispé, casse toi.
Iris rigole et approche ses lèvres à quelques centimètres de mon oreille.
— Ne te mens pas à toi-même Naël, je suis loin de te dégouter.
Elle empeste l'alcool, le parfum de luxe et diverses fumées plus ou moins légales. Sa main s'est faufilée sous ma chemise et je sens ses ongles sur mon flanc.
— Naël ?
Je relève les yeux en entendant la voix de Jade, elle vient d'apparaître derrière Iris. Je déteste instantanément le fait qu'elle soit témoin de ce genre de choses. Si elle raconte ça à ses parents...
Je repousse, violemment cette fois, les épaules de la jeune fille qui titube avant de tomber assise par terre.
— Oui, qu'est-ce qu'il y a, dis-je en m'efforçant d'avoir un ton naturel.
La petite blonde a l'air mal à l'aise, ses joues sont rouge vif, elle entortille ses doigts les uns aux autres. On dirait presque qu'elle va pleurer.
— Je euh... Je ne voulais pas vous déranger.
— Oh crois moi, tu déranges rien du tout. Au contraire, réponds-je en jetant un regard dégoûté sur Iris qui ricane, Dis moi ce qu'il y a.
Jade regarde Iris d'un air timide et je décide de l'emmener à l'écart, pour qu'elle soit moins gênée. Je tente de m'expliquer sur ce qu'elle vient d'apercevoir.
— Désolé pour ça... Iris est défoncée, elle ne sait pas ce qu'elle fait. Dis moi ce que tu voulais me dire.
Je lui adresse un sourire rassurant et elle finit par y répondre tout en gardant les yeux un peu baissé.
— En fait... Ania et Aby ont voulu pimenter un peu la soirée et vu que t'étais parti et que "pour une fois tu nous foutais la paix" elles en ont profité pour...
— Naël putain viens calmer ta reus ! s'exclame la voix d'Amir derrière moi.
— Choper une bouteille de vodka, finit Jade.
J'ai dix-huit ans et je suis fatigué, vraiment fatigué par cette famille.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top