Bonus #1 Ilyes

Avant de revenir sur des moments passés, j'ai décidé de vous proposer un bonus un peu heureux qui se situe dans la même temporalité que l'épilogue.

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Waouh, ça fait longtemps.

Je pense que vous êtes tout aussi choqués que moi par la mort de Vio, j'avoue que même si j'ai eu le temps de m'y préparer, quand Jade m'a appelé pour m'annoncer que c'était fini, putain j'ai chialé comme une merde.

Deen a fait un discours de batard, ça m'a fait remettre en question toute ma vie. J'ai réalisé à quel point le temps pouvait être court. En fait, ça a été la piqûre de rappel de ce que j'ai ressenti quand j'ai failli caner à coup de shlass dans l'abdomen.

Et j'ai eu plus qu'une chose en tête :

Jade.

On s'est de nouveau beaucoup rapprochés avec la maladie de sa mère. Elle est revenue sur Paname, on a recommencé à se voir. Au début j'ai essayé de me tenir à distance parce que j'avais putain de peur de la perdre encore. J'étais limite trop froid alors qu'elle souffrait comme une ouf et qu'elle avait besoin de moi.

J'étais con.

Mais Jade c'est la seule meuf avec laquelle je me suis réellement investi. Au point où on était vraiment pas loin de se marier. En fait j'étais même sûr qu'on allait se marier.

Oui parce que chez les Akrour y'a qu'Idriss qui fait attendre presque vingt ans à sa meuf avant de la demander en mariage.

Puis j'ai eu cette opportunité d'acheter un garage dans le 92, de monter mon propre biz'. Jade a pensé à revenir à Paris mais on lui proposait une bête de boulot à Aix pour faire toute la comm d'une association. On voulait vraiment pas se séparer, mais on arrivait pas à prendre une décision et les rares moments où on se voyait, c'était pour se disputer. Ça me rendait ouf parce que je savais très bien que nous deux c'était pas ça, qu'on valait beaucoup mieux.

Un jour une dispute a été un peu plus forte que les autres, on a dit des choses qu'on aurait pas dû dire, qu'aucun de nous pensait réellement. Mais ça s'est fini avec Jade qu'est sortie en larmes de ma gov en me disant qu'elle partait pour de bon.

J'aurais peut-être dû la suivre, je pense que ça aurait rien changé. On était arrivé à la fin et c'était pas la bague que j'avais planqué dans la boîte à gant qui aurait retenu ma blonde près de moi.

Sah je l'ai mal vécu de ouf, il a fallu au moins deux ans pour que j'arrête de penser à elle toutes les deux secondes. Je me suis détesté d'être aussi attaché et faible. Mais bon... six ans de relation, ça s'efface pas comme ça. Surtout quand on est persuadé que c'est la bonne.

Après pendant deux ans j'ai repris mes conneries avec les meufs, j'avais retrouvé mes bonnes vieilles règles de base, pas d'attaches, pas de textos, que du cul. Parfois j'ai même fait le connard en brisant des cœurs en pleine conscience.

Et puis j'arrivais même pas à passer du temps avec Deen comme avant, on avait pris l'habitude de déjeuner tous les deux quasiment tous les mercredis. Mais j'arrivais plus, il me rappelait trop elle.

Maintenant que Violette est morte, je regrette d'avoir délaissé les Castelle, mais bon, c'est toujours comme ça la vie. On se rend compte des choses trop tard.

Hassoul, je sais même plus où j'en étais, ah ouais du coup quand Vio est tombée malade, Jade est revenue. Et tous les souvenirs avec elle. Donc au début je l'ai ignorée et je me suis barricadé comme un con. T'façon Amir était là pour la consoler.

Puis un soir elle a sonné chez moi, en larmes. Comme le jour où elle a découvert les lettres de son père. Elle a juste dit :

« J'en peux plus j'ai trop besoin de toi. »

Et j'ai pas réfléchi longtemps.

Après ça, bah comme d'habitude, on a fait n'importe quoi.

On a couché ensemble autant de fois qu'on s'est retrouvés seuls dans le même espace plus d'une demi-heure.

Et comme on est deux hmar de compet' on a passé des heures à parler, de tout sauf de nous.

J'avais trop peur de lui demander ce qu'elle ressentait, trop peur qu'elle m'utilise juste pour oublier la douleur de voir souffrir sa daronne. Et trop peur qu'elle me dise qu'après sa mort, elle repartirait sans se poser de question sur nous.

Depuis qu'elle est revenue, j'arrive pas à voir d'autre meufs, c'est plus fort que moi. Et depuis que cet enfoiré de Deen a fait son discours, je me dis que je veux pas d'autre meuf tout court en fait. Jamais. Enfin ça je le savais déjà, mais maintenant je crois que j'ai le courage qui me manquait pour le lui dire.

Depuis qu'on est tous réunis chez les Castelle, elle m'a quasi pas lâché. J'attends le moment propice pour l'emmener à l'écart, parce que je veux plus attendre en fait.

Peut-être que je devrais parler à Deen d'abord ?

Putain mais Ken aussi là... il fait que de chialer et le prendre dans les bras.

Je sais plus quoi faire et j'ai une sorte de pression qui monte sans savoir pourquoi.

— Ilyes.

Je baisse le regard vers Jade dont les yeux verts me fixent avec inquiétude. Elle a dû sentir ma nervosité.

Et là je sais pas trop ce qui me prend mais je me penche vers elle et l'embrasse rapidement.

Putain mais je deviens fou ?

Même quand on était ensemble pour de vrai, si je l'ai embrassée trois fois en présence d'une tierce personne c'est le maximum.

Et là y'a une trentaine de personnes entassées ici, on est pas ensemble et je le fais.

— On va prendre l'air ? je demande face à son visage complètement déboussolé.

Je jette un regard autour de moi, j'ai l'impression que personne nous a grillé. Si merde, Ken nous fixe avec un air attendri qui me foutrait presque la gerbe. À moins que ce soit le stress de ce que je m'apprête à faire.

— Euh... oui si tu veux... mais... Attends je vais demander à Papa s'il a besoin de moi.

Ça va être long et compliqué mais va falloir qu'elle lui laisse de l'espace à Deen, parce que depuis que Vio est malade elle le couve pire que sa propre mère.

Je les regarde échanger quelques mots, Deen jette un regard dans ma direction et hoche la tête. Il était limite encore plus triste que Jade et moi quand on s'est séparés.

Elle l'embrasse sur la joue et me rejoint.

— Ça va me faire du bien de sortir d'ici.

C'est elle qui reprend ma main et du coup je flippe un peu moins.

— Je suis garé à côté.

Elle porte des talons qui claquent sur le trottoir. On échange pas un mot et quand elle s'assoit à côté de moi dans la voiture, mon regard se pose sur son cou dégagé par ses cheveux qu'elle a attaché, je préfère quand elle les détache, mais j'aime bien son cou.

Putain je vrille complètement.

— Tu démarres pas ?

Non.

— On va où Jade ?

— Bah je sais pas c'est toi qui voulait partir.

Je déteste quand elle fait semblant de pas comprendre. En plus j'ai vu ses joues rougir, elle sait de quoi je parle.

— Je parle de nous, fais pas zahma t'es conne, on sait tous les deux que c'est faux.

Elle est tendue aussi et je sens qu'elle a la trouille. Amir me l'a dit, elle en a archi bavé après la rupture.

— Tu veux parler de nous maintenant ?

Sa voix est trop aiguë, elle a envie de pleurer. Mais elle chiale trop en ce moment. Ça suffit.

— Ouais.

— Je crois pas que...

— Y'aura jamais de bon moment. Ta mère n'est pas plus morte aujourd'hui que demain ou après demain. Cherche pas d'excuses et dis moi c'que tu ressens.

C'est une des rares fois où c'est moi qui la force à parler. Elle a changé Jade, ça se voit que c'est une femme qui a vécu des trucs pas drôles, elle s'est carrément endurcie et parfois, la version d'elle un peu plus sensible me manque.

— Je sais pas où j'en suis.

— C'est pas la question, tu m'aimes ou pas ?

Elle écarquille les yeux, même moi je suis un peu surpris par ma phrase.

La bouche ouverte, elle bégaye quelques secondes, puis la referme.

— Réponds, et me dis pas que tu sais pas, tu sais ce que ça fait d'être amoureuse de moi, je t'interdis de nous mentir à tous les deux. Soit c'est oui soit c'est non. Tu m'aimes ou pas ?

— Ilyes je...

À croire que je lui ai demandé comment je m'appelle.

— Réponds à ma question.

Elle a grave du mal à soutenir mon regard, ses joues sont toutes rouges et elle finit par lâcher :

— Je suis sure que tu connais la réponse.

— Je veux l'entendre.

Je veux être sûr.

Elle pousse un profond soupir avant de cracher le morceau :

— Oui je t'aime. Mais c'est compli...

— Y'a rien de compliqué, si tu m'aimes, épouse moi.

Y'a un blanc d'au moins cinq minutes dans la voiture.

J'ai jamais été aussi sûr de moi.

Par contre elle, elle parle chinois.

— Attends quoi, euh, Ilyes c'est pas... mais... tu... putain !

— Sujet verbe complément, réponds-je.

— Tu veux m'épouser ?

C'est déjà mieux.

— Bah ouais, depuis qu'on a vingt piges je veux t'épouser. Ouvre la boîte à gants.

Elle obéit, la boîte rouge a pas bougé de là depuis quatre ans.

— Ouvre.

Encore une fois, malgré ses doigts tremblants elle obtempère. J'en ai marre qu'elle chiale mais je peux pas lui en vouloir. J'ai pas oublié à quoi ressemble la bague dans laquelle j'ai claqué une paye sur un coup de tête. Plus grosse que celle qu'elle a à la main droite, plus vraie aussi.

— T'es un malade, murmure-t-elle.

— Jade.

En vrai je suis sûr de moi mais je suis pas serein. Elle a l'air vraiment bouleversée, alors je m'adoucis un peu.

— Si faut que je lâche le garage et que je recommence tout dans le Sud ça le fera. J'ai des thunes de côté, ça me fait chier de quitter Paname, mais ça me fait encore plus chier qu'on soit pas ensemble.

— Je veux pas que tu me reproches à 45 ans de t'avoir obligé à tout quitter pour moi.

Je la comprends, c'est pas la première fois qu'elle me rétorque cet argument. Mais je sais aussi que si on se marie pas, à 45 ans j'aurais sûrement un garage, mais pas de famille.

Et je suis pas comme Arthur. C'est pas mon travail qui compte le plus pour moi.

— Papa veut rentrer à Toulon, répond-elle, j'ai quitté mon boulot, je pourrais revenir à Paris... mais... je peux pas le laisser.

— Tes deux parents détesteraient t'entendre les faire peser dans une décision qui concerne que nous. On verra après qui bouge où Jade, on va pas déménager dans la minute. T'auras tout le temps d'en parler avec ton daron. Juste dis moi si c'est oui ou non.

Elle me fixe de longues secondes avec des yeux humides.

— Tu te rends compte que tu me demande en mariage le jour de l'enterrement de ma mère ?

— Elle kifferait nan ?

Un sanglot doublé d'un éclat de rire lui échappe. J'adore la faire rire, c'est la meilleure sensation.

— Oui elle adorerait, elle me parlait souvent de toi avant de partir. Je crois qu'elle savait qu'on se revoyait.

Merci Violette d'avoir préparé le terrain.

— Jade... je sais pas si tu captes mais je suis un peu en stress, ça serait cool que tu me dises oui maintenant.

Elle me sourit et pose ses deux bras sur les épaules pour m'embrasser furtivement.

— C'est oui.

Putain même si je savais que je prenais pas un maximum de risques, ça soulage de ouf. Je suis trop trop content.

Je l'ai déjà retrouvée depuis quelques temps, mais là c'est acté et ça me fait un bien fou.

— On va leur dire ? je murmure quand ses lèvres quittent les miennes.

— Déjà ?

D'habitude je suis v'la discret mais là. J'ai vraiment envie que tout le monde le sache.

— Bah ouais, ça leur fera terminer la journée sur du positif non ?

— Mon Dieu, mais qui êtes-vous et qu'avez vous fait à Ilyes Akrour ?

C'est assez chelou cet état mélangé de tristesse et de joie, même elle, elle a l'air perdu entre ses émotions. Elle chiale, sourit, se marre.

Je la regarde mettre sa putain de bague à l'annulaire et une sorte de sentiment de fierté me prend. Ma daronne dit toujours que mon père a mis tout son ego dans sa bague de fiançailles, je crois qu'elle a raison et que j'ai fait pareil.

— Elle est énorme, commente-t-elle, Comment je vais assumer un truc pareil.

— Elle est parfaite.

Jade lève les yeux au ciel et nous sortons de la voiture pour retourner chez les Castelle. Je suis sûr que Violette kifferait vraiment ce qui est en train de se passer.

Encore plus si elle voyait à quel point Deen est content. Pour Jade, mais aussi pour moi.

Ma daronne aussi, elle nous prend dans ses bras, trop fière de moi, ça se voit. Mais elle me glisse à l'oreille :

— T'aurais quand même dû me demander des conseils pour la bague plutôt que d'imiter ton père. On est pas des femmes de footballeur.

En vrai balec, elle l'a mise et c'est le plus important.

À partir de là la géographie n'a plus été un problème. Jade est restée à Paris six mois pour régler tout ce qu'il fallait régler après le décès de sa mère.

Finalement on s'est mariés à Toulon en mai, c'était la seule chose dont on était sûrs. Quand on s'est retrouvés seuls après la fête, je lui ai dit que j'avais vendu le garage.

C'était pas facile pour moi d'être loin de Paname, mais bon 3h de TGV, une maison avec un jardin dans les Bouches du Rhône, et le plaisir d'entendre des insultes à chaque fois que je me balade avec un maillot du PSG, c'est plutôt sympa. J'ai compris que Jade était beaucoup plus heureuse en province, pas loin de son daron.

Et puis dès que j'aurai retrouvé un bon taff, on fera des gosses. Jade en parle tout le temps, ça me fait flipper, mais ma mère dit que tant qu'on a pas le môme dans les bras, on est jamais vraiment prêts. T'façon on s'est pas mariés pour rester que tous les deux.

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