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Vendredi 20 mars — 19 : 47

Arthur : Ces vieilles gonz', toutes les mêmes ! Toutes des putes (sauf nos mamans) !

Cléandre : j'imagine que Nina t'a largué

Arthur : Ouais apparemment elle a été grandement inspirée par Kenza.

Cléandre : on le sentait venir quand même... mais désolé frérot

Arthur : Je m'en fous, de toute façon elle était conne et moche avec son accent de racaille.

Cléandre : c'est pas ce que tu disais au début mdr

Arthur : Ouais j'ai grave le seum en fait, même si elle me jouait des comédies en trois parties tous les mois... elle était mimi...

Cléandre : juste des fois alors

Arthur : C'est clair mdr ! M'enfin le bon côté des choses c'est qu'on va pouvoir se soutenir entre fratés célibataires.

Cléandre : merveilleux

Arthur : Je dors chez toi ce soir. Change les draps.

Cléandre : ta gueule et ramène de l'herbe

Arthur : Mais t'es ouf ! Et Catherine alors ? Et Marc ? J'ai vraiment pas envie de me faire arracher la tête par ton daron...

Cléandre : ils sortent ce soir ils ont invité leurs employés au restau...

Arthur : C'est parfait pour nos plans ça. Je ramène la fumette et mon disque dur rempli de porno. Ce soir on se met bien fraté.

Cléandre : oh oui dépêche toi

Arthur : Tqt je me fais beau-gosse je saute dans le bus et j'arrive bébé, je vais te mettre ce que tu mérites.

En attendant qu'Arthur se ramène, je descends de ma colline pour aller au supermarché du coin. Au rayon des apéritifs, je chope quatre paquets de chips, des crackers, des cacahuètes, puis m'arrête au rayon alcool avant de passer en caisse. Non sans fierté, je dégaine ma carte d'identité face à la caissière qui me dévisage quand je pose ma bouteille de Jägermeister sur le tapis.

De retour à la maison, je monte toutes mes courses directement dans ma chambre et je change les draps — car j'avoue ne pas me souvenir de la dernière fois où je l'ai fait. Peu de temps après, Arthur sonne à la porte, et notre soirée de consolation commence.

Emmitouflés bien au chaud dans ma couette et des plaids, nous commentons le mariage de Clotilde organisé dans une salle des fêtes de Paris. Je ne me souviens plus comment nous avons atterri sur le site TF1 replay, mais cela fait trois heures que nous regardons 4 mariages pour 1 lune de miel avec grand intérêt. Toutes les meufs de cette émission sont d'une mauvaise foi et d'une connerie astronomique, et c'est juste confirmation que les femmes sont vraiment des vipères prêtes à tout pour arriver à leur fin.

Blotti contre moi, la tête posée sur mon épaule, Arthur me passe la bouteille de Jägermeister, à moitié vide. J'en bois une gorgée puis lui repasse avant de piocher une poignée de Doritos dans l'un des paquets éventrés sur mon lit.

— Vraiment, elle m'a cassé les couilles Pamela à mettre des 7 et des 8 à tout le monde !

— Je te jure ! C'est la pire connasse. Son mariage était tout pourri et tellement cheap, en plus !

— T'as capté que c'est toujours la plus nulle qui met les plus mauvaises notes ou pas ?

— Mais grave... Cléandre, jure-moi que notre mariage sera mieux que tout ça.

— T'inquiète. Les gens nous mettrons des 21/20 tellement il sera grandiose.

— Oh, oui !

— On va louer un putain de château dans un grand domaine, frère, avec des cascades et des rivières partout. On aura des costumes 3 pièces, un immense gâteau...

— Aucune gonzesse.

— Aucune.

— Que nous et nos fratés, le sang, la famille... Qu'est-ce qu'on va rire !

Arthur tire une dernière gorgée sur la bouteille avant de me la passer. En échange, je lui laisse la fin de notre dernier joint. Notre réserve d'herbe est épuisée, mais les fenêtres de ma chambre sont restées fermées pour un effet aquarium optimal.

Nous continuons de regarder le mariage de Clothilde qui s'est mangé une moyenne de 9/20 pour sa robe de mariée. Les filles continuent avec la note pour la décoration de la salle, quand mon portable bipe à plusieurs reprises, perdu quelque part dans le lit. On se met alors à le chercher parmi les oreillers, les paquets de chips, la couette, les plaids... Arthur le trouve avant moi et louche dessus avant de me le passer.

— Cléandre, petit coquin, t'as déjà remplacé Kenza ? C'est qui Lucyle ?

— Juste une pote.

— Une « pote » qui t'envoie des cœurs, c'est qu'elle veut ton corps.

— Putain, mais non, ce sont des cœurs d'amitié !

Arthur explose de rire.

— Ça existe pas les « cœurs d'amitié » entre fille et garçon. Ça, c'est une baise facile et gratuite.

— Mais putain, Arthur, ta gueule, elle a 14 ans !

Il m'observe un sourire aux lèvres le temps que l'information monte à son cerveau qui baigne dans la confiture, ou plutôt, l'alcool.

— Sérieux, Cléandre ? glousse-t-il avec une pointe de reproche. Je te pensais pas du genre prédateur à aller roder aux grilles des collèges pour choper ta nouvelle meuf.

— Mais putain, je suis pas un prédateur, je l'ai pas chopée à la sortie du collège, et c'est pas ma meuf !

Arthur m'arrache la bouteille des mains pour boire.

— Tu l'as trouvée où alors ?

— Internet...

— Je sais pas si c'est pire ou pas. Ça fait vraiment prédateur, pour le coup.

— C'est parce que t'as pas le contexte.

— Tu l'as déjà vu ?

— Non, elle habite à chaille.

— Tu fais quoi avec, alors ?

— On parle...

— De quoi ?

— De tout et rien, je dirais.

— Donne des exemples.

— J'en sais rien moi... On parle de toi, de Twilight, des cours, de chèvres, de réchauffement climatique... que de la merde, quoi.

Deux nouvelles tonalités de mon portable annoncent la réception de nouveaux messages auxquels je réponds pour le faire taire.

— Et elle est comment, ta « pote » ?

— Rien de ouf, mais ça passe.

— T'as une photo ?

Je fouille la galerie de mon téléphone où doit toujours être enregistrée la photo envoyée par Lucyle, il y a deux mois. Une fois trouvée, je tourne l'écran vers Arthur. Il m'échange la bouteille de Jäger contre mon portable auquel il colle son nez.

— En tout cas, Lulu a une jolie bouche de suceuse. Je lui ferais bien...

— Mais putain, ta gueule, tais-toi !

— Obligé t'y as déjà pensé !

— Non, pas du tout.

— Avoue, gros coquinou !

— OK, peut-être une fois ou deux, mais pas plus !

Mon téléphone bipe encore.

— La Lulu te kiffe, fraté.

— Ouais, je sais...

— Et toi aussi, tu la kiffes ?

— Mais non...

— Genre !

— Je l'aime bien, quoi.

— Genre ! D'ailleurs, fraté, tu ferais quoi si moi aussi j'étais fou amoureux de toi ?

Je bois trois gorgées de la bouteille et la redonne à Arthur, avant de faire glisser des Pringles dans ma main.

— Hm. Ça m'étonnerait que tu sois gay, t'aimes trop les meufs, je réponds la bouche pleine.

— Peut-être que je serais bi. Ou peut-être que je serais juste attiré par toi, comme garçon.

Arthur me vole quelques chips dans la main pour les engloutir directement.

— Tu crois que c'est possible ?

— Bah ouais ! Bon, tu dirais quoi ?

— J'en sais rien... « Désolé, mais t'es pas mon genre », sûrement.

— Pour de vrai, là ?

— Ouais.

— C'est quoi ton genre de mec, alors ?

— J'en ai pas, j'aime pas les mecs à ce que je sache !

— Mais si t'étais une fille, ça serait quoi ton genre de mec ?

— Si j'étais une fille, je serais lesbienne, Arthur. Une bonne grosse cochonne, même. Pas toi ?

— Ouais, pareil. Je pense que j'aimerais filles et garçons.

— T'as plus de choix, au moins, c'est pas con...

— Du coup, si on avait été tous les deux des filles, on aurait pu se rouler des pelles et se toucher les seins ?

— Mais carrément, mec.

— Putain... C'est dommage, quoi.

— Dans une autre vie, peut-être.

— Ouais. Sinon, fraté, t'as un jogging à me prêter pour la nuit ?

— Vas-y, sers-toi.

Dans un effort surhumain qui lui arrache un râle, Arthur quitte la couette et le lit pour se mettre debout. Il titube jusqu'à mon placard mural dont il galère à faire coulisser la porte. Il prend le premier truc qui lui passe sous la main et retire son jean.

— Mais putain, Arthur, t'es sérieux là !

— Quoi ?

— Tu vas pas prendre mon jogging préféré juste pour dormir, quand même ! C'est deux semaines d'argent poche, ce truc !

— Toi aussi, c'est quoi ton délire de dépenser 300 balles pour un jogging !

— Je fais ce que je veux avec mon argent, déjà ! Et si tu veux un pyjama, tu prends un truc Calvin Klein sur l'étagère du bas !

Une fois changé, Arthur revient dans le lit, torse-nu, car il ferait un peu trop chaud dans ma chambre. Ce qui est plutôt vrai. Je me lève donc à mon tour pour baisser le chauffage et me déshabille pour ne garder qu'un caleçon et un t-shirt. Je rejoins ensuite Arthur et nous poursuivons notre conversation.

— Et si t'étais gay, Cléandre, tu serais plutôt dominant ou dominé ?

— C'est mort, personne touche mes fesses. C'est moi qui encule.

— Ah ouais... T'es un mec comme ça, toi...

— Ouais. Et toi ?

— Je sais pas, les deux je pense. Un dominant passif. Tu vois le truc ou pas ?

— Pas trop, mais bon...

— Et du coup, si j'avais vraiment été in love with you, tu me parlerais toujours ?

— C'est quoi ces questions, là, tu m'aimes vraiment ?

— Non, mais imagine, Cléandre ! Imagine !

— Tu sais que Kenza a toujours pensé que t'étais en kiff sur moi.

— Non, en toute honnêteté, je ressens une profonde amitié virile et fraternelle pour toi, et j'avoue que ça me fait délirer de t'appeler « bébé », de te caresser les cuisses, de te faire des câlins, et tout le reste, et que j'aurais pu devenir gay, si tu l'avais été aussi. Du coup, tu resterais mon fraté ?

— Fraté pour la vie, mon gars. Et peut-être que j'aurais pu tomber amoureux, avec le temps, qui sait ?

— Mais ouais, mec. Ça aurait été une belle histoire d'amour. Entre frères, y'a rien de plus beau. Que les meufs, là, Cléandre...

— Je sais, frérot... Toutes des michtoneuses hypocrites.

— Je te jure. Nous, les mecs, on est plus sincères, quand même.

— Ouais, on ment moins. Sauf des fois. Mais c'est parce qu'on a peur de leurs réactions d'hystérique, là.

— Grave, ces vieilles gonz' qui hurlent tout le temps pour R. C'est insupportable.

— C'est clair. En plus, elles vivent trop dans le drame. Toujours là, à nous chercher des embrouilles...

— C'est parce qu'elles en ont besoin pour se sentir exister, Cléandre...

— T'as grave raison, putain, t'es trop clairvoyant comme type...

— Je sais. C'est pour ça que si j'ai des enfants, fraté, que des petits mecs.

— C'est clair...

— Et tous gays, comme ça, pas de souci avec les gonz'.

— C'est clair...

— Mais tu sais quoi, Cléandre, même si tu m'aimes pas, on pourrait créer une famille ensemble. On donne notre sperme à une petite meuf un peu bonne, tu vois ? Comme ça nos gosses auront nos gênes de... Darons... stylés et modernes.... une bamboula de... bien sappés, bien coiffés.... tous ensemble, dans... mec... mec... Tu dors, mec ? Putain, Cléandre, t'es tout mort, réveille-toi. Pamela va noter donner ses notes pour le mariage de la dernière meuf.

— Ah !

Dans un éclair d'énergie, je me redresse pour voir la notation de Pamela qui met que des 7 et 8. J'essaie de lutter, mais mes yeux se ferment d'eux-mêmes au bout de quelques secondes. En plus, la chaleur du corps d'Arthur à moitié couché sur moi et les mouvements réguliers de sa poitrine me bercent, et je m'endors presque instantanément.

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