7. Premières tensions estivales


Avant même que tous les vacanciers ne soient rentrés dans le bungalow G4, Kilian s'était jeté et affalé sur le lit qu'il occupait l'année précédente, le nez dans l'oreiller. Sans surprise, les autres habitués firent de même. Assis sur son sommier, Aaron avait une vue plongeante sur le blondinet, situé à quatre-vingt-dix degrés sur sa droite. À côté de lui, Lucas et Thomas prirent immédiatement place.

« Hep, Arthur, ici ! »

Inconsciemment, Kilian souhaitait que tout soit presque identique à l'année passée. Un rouquin en remplaçant facilement un autre, il invita chaleureusement son nouvel ami à récupérer le lit juste à côté du sien.

« Pourquoi tu me demandes de venir me foutre au fond juste sous la fenêtre ? Vous êtes bizarres les mecs, vous êtes tous rentrés en trombe juste pour choisir les lits les plus pouraves ! »

L'adolescent aux cheveux flamboyants n'avait pas vraiment tort. La partie la plus vaste du mobil-home ne semblait pas intéresser plus que ça ses camarades. Conséquence immédiate de ce drôle de choix, Guillaume récupéra le lit le plus proche de l'entrée, celui qui semblait offrir le plus d'espace et de commodité. Juste après les rejoignit José, leur nouveau moniteur qui possédait de longs cheveux gras et mal coiffés ainsi qu'une barbe de trois jours mal taillée et une haleine d'herbe et de tabac froid qui ne laissait aucun doute sur ce qu'il fumait à l'abri des regards indiscrets.

« Salut les affreux. Mon nom, c'est José, et comme vous pouvez l'entendre à mon accent un peu prononcé, je viens du Sud. C'est moi qui vais m'occuper de vous. C'est ma première fois ici. Pour ceux qui étaient déjà là l'année dernière, Basile m'a parlé de ce que vous lui avez fait subir ! Je vous aurai à l'œil, à la première escarmouche, j'vous embroche et vous finirez à la place des saucisses sur la grille du barbecue ! Bref, posez vos affaires, et ensuite, visite du camp au pas de course ! »

Kilian s'effondra de fatigue sur son lit. La route lui avait mis le dos en compote et ce Marseillais semblait inintéressant au possible. De son côté, Aaron n'écoutait même pas et avait déjà commencé à défaire son sac, laissant Thomas et Lucas ricaner en se faisant des clins d'œil complices. Une petite voix fluette, cependant, vint troubler leurs rires. Un jeune adolescent qui faisait dans les treize ans leva timidement la main. Il possédait de grosses lunettes rondes qui magnifiaient son air niais, ainsi que des cheveux très clairs coiffés au bol qui ne lui rendaient pas forcément justice.

« Heu, et pour ceux qui n'étaient pas là l'année dernière, on risque aussi de finir grillés ? Non, parce que c'est pas ce que ma mère, elle m'a dit. Je suis pas d'accord, moi ! »

José soupira en regardant le plafond. Il comprenait ce qu'avait voulu dire Basile quand il lui avait parlé de ce groupe G4 comme celui des emmerdes et des cas sociaux. L'idée de réunir tous ceux qui pouvaient potentiellement poser problème dans la même chambre pour mieux les contrôler était une vieille tradition à Sport & Fun que le nouveau directeur n'avait pas voulu rompre, même si elle était particulièrement stupide et inefficace. Mais avant même que le moniteur ne puisse répondre à son jeune vacancier, une voix de petite peste se fit entendre.

« Putain, mais il est fini à la pisse celui-là ! Tu t'appelles comment, ducon ? »

Hilares, une grosse brute et une petite fouine vinrent se placer juste à côté de Guillaume en se frottant les mains. Chouette, un nouveau jouet, devaient-ils tous deux penser en admirant la mine défaite du jeune garçon aux lunettes épaisses qui tremblait de toute part.

« Ju... Julien, pourquoi ? Mais soyez gentils avec moi hein, sinon, ma mère va encore me gronder ! »

« Ouais, bah maintenant, ton nom, ça sera ducon, j'préfère, ça te va mieux. Ou alors, Julien la pisse, c'est classe ça, tu trouves pas, Julien la pisse ? »

Tétanisé sur son lit, Kilian comprit d'un seul coup l'air bougon voire affolé d'Aaron quelques minutes auparavant. En effet, ce charmant Guillaume semblait aussi petit que méchant. Et ça, le blondinet de service n'aimait pas du tout. Son sens aigu de la justice le poussait à toujours se mettre en travers de la route des petits merdeux arrogants. Alors qu'Arthur râlait toujours à cause de cette foutue fenêtre qui laissait passer des courants d'air juste au-dessus du sommier qu'il n'avait même pas choisi, qu'Aaron et sa bande semblaient se foutre royalement de ce qui se passait sous leur nez, que les trois petites terreurs entouraient le pauvre Julien et qu'enfin, le dixième membre du groupe, dont la peau bronzée indiquait les origines nord-africaines, sortait prendre l'air pour ne pas se mêler de cette dispute, Kilian s'approcha de Guillaume et lui posa la main sur l'épaule. Le blondinet faisait facilement une tête de plus que ce garçon dont les principaux traits physiques étaient des cheveux mi-longs presque noirs, des lèvres épaisses, une peau typique des gens du sud de la France et un air de véritable peste, malgré un certain charme. Tout de suite, la grande brute et la petite fouine lâchèrent Julien pour entourer l'énergumène qui semblait avoir des désirs masochistes.

« Fous-lui la paix, il t'a rien fait ! Et c'est qu'un gosse, il doit avoir à peine treize ans ! C'est parce que t'es complexé par ta taille que tu t'en prends aux plus petits que toi ? T'as une si p'tite bite que ça ? »

Ce dont Kilian était particulièrement fier, plus que de son sens de la justice, c'était de son sens de la répartie. Avec les sous-merdes, il fallait toujours viser en dessous de la ceinture. Après tout, moins t'en as dans le slip, plus ça fait mal quand on te l'écrabouille. Se remettant la casquette en place un sourire en coin, Guillaume lui répondit :

« J'ai que quatorze piges, alors me fais pas chier. Et pourquoi tu veux protéger ce mec ? T'es amoureux de lui ? C'est ta petite copine ? Enfin, à ta tronche, on dirait plutôt que c'est toi qui fais la gonzesse ! Mais c'est qu'elle rougit quand on la chatouille, la blondasse ! Eh, Nico, Juan, vous pensez qu'elle accepterait de nous sucer, la pédale ? »

Kilian s'attendait à tout, sauf à ce genre d'attaques. Bien sûr que non, il n'était pas amoureux de ce Julien, il ne le connaissait même pas ! Celui qu'il aimait était assis à quelques mètres à peine et était bien plus beau ! Mais même si elles étaient stupides, les insultes restaient crues, violentes et directes. Et le pire, c'est qu'il ne pouvait faire autrement que se sentir concerné. Au collège, il avait dû supporter les messes basses, les rumeurs, les racontars et quelques injures au tableau. Mais c'était parce que son amour peu conventionnel pour son petit ami avait été découvert. Là, ce Guillaume l'attaquait juste par pure connerie, par simple méchanceté ! Sans savoir qu'il tombait malheureusement dans le vrai. Et être saisi par les bras par un gros balourd, Nicolas donc, et par un jeune garçon de la même taille que Guillaume, qui possédait des cheveux noirs et courts coiffés avec du gel, des yeux verts plutôt jolis à regarder, un t-shirt marron clair, quelques taches de rousseur sur le visage et qui répondait au nom exotique de Juan, cela n'arrangeait pas les affaires du blondin. Comment diable coller son poing à la figure d'un assaillant quand on ne peut même pas bouger ? C'était un problème bien plus complexe à résoudre qu'une simple équation mathématique.

« Pour te sucer, faudrait déjà que j'trouve ta bite ! »

Quand on ne peut laisser l'empreinte de ses phalanges sur le visage d'une personne qu'on n'apprécie guère, la meilleure solution pour l'atteindre est encore de s'en prendre directement à la base de son système nerveux. Guillaume aimait se montrer taquin avec les autres ? On allait donc voir s'il partageait ce sens de l'humour si particulier quand il était lui-même la cible des attaques. Apparemment, pas trop, comme le prouva sa réaction aussi ferme que violente. Ne trouvant pas de nouvelle insulte à répondre, il se jeta directement sur Kilian et entraina sa cible, ainsi que Nico et Juan, dans une chute mutuelle. Mais avant qu'il ne puisse laisser s'abattre son poing sur le visage délicat du bel angelot, une main l'agrippa.

« Ça suffit, Guillaume. Tu l'touches, tu meurs. D'ailleurs, tu touches n'importe qui dans cette chambre, j't'éclate. Et arrête ce genre de vannes contre les pédés, ça me tape sur l'système ! »

Aaron ne souriait pas. Il avait le visage fermé et des étincelles dans les yeux. Son souffle semblait particulièrement lourd, trahissant une tension palpable. Tant que sa petite connaissance de quatrième s'en prenait à un inconnu, il n'en avait pour ainsi dire rien à foutre. Mais qu'il ose toucher ne serait-ce qu'un seul cheveu de Kilian, et c'était la guerre.

Guillaume se redressa et toisa le brunet du regard, l'air sincèrement déçu et énervé par l'intrusion de ce dernier dans son petit jeu.

« Tu m'déçois, Aaron, tu défends les pédales maintenant ? Faudrait savoir ! J'croyais que t'aimais pas ça, les pédés ! »

Un silence glacial s'empara de la pièce. Pour Kilian, cette phrase anodine sonnait comme un coup de poignard en plein cœur. Bien sûr qu'il savait que tout cela était faux, il en était la preuve vivante. Mais simplement l'entendre, il ne le supportait pas. De son année de quatrième, Aaron lui avait au final parlé de peu de choses, juste de sa petite copine de l'époque et de sa volonté de changer de collège au plus vite, ce qui était arrivé dès le début de la troisième. Le jeune brun n'avait jamais évoqué l'existence de ce Guillaume qu'il semblait pourtant plutôt bien connaitre. Il devait avoir ses raisons. La plus objective et naturelle semblait être le peu d'intérêt que représentait le bonhomme. Mais quand même, ces quelques mots lâchés de manière inconsciente piquaient au vif le blondin. À son tour, il se releva en envoyant valser ses assaillants, puis se dirigea d'un pas décidé vers la porte d'entrée pour faire ce qu'il savait le mieux faire au monde. Bouder. Non sans crier toute sa colère en direction d'Aaron.

« Oh, toi, lâche-moi la grappe, j'ai pas besoin d'une nounou ! Ça va pas recommencer comme l'année dernière ? Et... et comment ça, t'aimes pas les pédés, d'abord ? »

Mais au moment de sortir, une masse lui bloqua le passage. L'air mauvais, Basile se tenait là, suivi par José. Dès que la situation avait commencé à s'envenimer, le moniteur s'était éclipsé et était allé chercher son responsable. De cette manière, il ne faisait que respecter à la lettre les consignes du Canadien. Cette année, ce dernier était fermement décidé à garder un œil sur ses pensionnaires. Mais avant même qu'il ne puisse faire gronder sa lourde voix sourde, Guillaume cria.

« AIE ! Eh, si tu lui lâches la grappe, profites-en pour me lâcher aussi ! Putain, tu me fais mal, Aar ! »

Le brunet ne s'en était même pas rendu compte, mais entre la petite phrase vicieuse de la peste et la réaction disproportionnée de Kilian, sa réaction naturelle avait été de serrer le plus fort possible l'avant-bras de Guillaume qu'il tenait entre ses doigts. Furieux, Basile l'attrapa par le col et commença à le sermonner.

« Aaron, ti-cul ! Ça va pas la caboche ? Ça fait même pas une demi-heure que t'es là, et déjà tu... »

« Ça va, c'est pas lui ! C'est l'autre qui a commencé à faire chier son monde ! Là, Kilian fait juste sa pleureuse parce qu'il est vexé qu'Aaron l'ait défendu, c'est tout ! », le coupa Thomas, épaulé par Lucas qui hochait activement la tête de haut en bas pour indiquer qu'il approuvait totalement cette version de l'histoire.

Basile lâcha l'adolescent et se passa son épaisse main poilue sur le visage. Abattre des arbres au Québec était définitivement plus simple et moins fatigant que de gérer une colonie de vacances. Il en vint à regretter de ne pas avoir suivi l'exemple de son grand-oncle Anatole, bien connu des chroniques du pays à la feuille d'érable pour ses qualités de bucheron.

« Dehors, tout le monde, visite du camp au pas de course ! »

Alors qu'ils couraient entre les différents terrains de basket et de volley, Aaron s'approcha discrètement de Kilian jusqu'à parvenir à sa hauteur, puis le regarda d'un air sévère. Le blondinet, lui, détourna la tête pour ne pas avoir à subir les remontrances visuelles qui lui étaient destinées. Il était presque au bord des larmes.

« C'est pas comme ça que j'imaginais nos retrouvailles ! C'est qui ce type putain ! Il t'a traité d'homophobe, t'as même pas réagi. Tu fais chier Aaron ! Et je suis plus un bébé, t'as pas besoin de me couver comme pendant toute l'année ! »

Le brunet souffla. Qu'est-ce que Kilian pouvait être crétin parfois, surtout quand il faisait la tête. En même temps, ce genre de comportement puéril et adorablement mignon n'y était pas pour rien dans le fait qu'il en soit tombé amoureux. Tout en reprenant son souffle entre deux foulées, il lui répondit.

« Tu sais bien que je suis un gros con, non ? Et tu te doutes bien qu'avant de te connaitre, j'ai pas toujours été réglo. Guillaume, c'est pas simple, il avait des problèmes avec sa famille et son frère, j'ai essayé de l'aider, mais on a fini par se bouffer le nez. Il est pas con, il a même un an d'avance, mais putain, il est chiant et lourd. Et surtout, il peut être dangereux quand il s'énerve. Et excuse-moi de t'aimer, crétin, j'allais quand même pas le laisser te taper ! J'aurais préféré me faire passer mille fois à tabac plutôt que de le regarder toucher ton visage sans rien faire ! Alors maintenant, arrête de bouder, tu m'énerves. On verra plus tard comment on gère, mais après le repas, on s'isole derrière les terrains de basket. J'vais craquer si je t'embrasse pas rapidement... »

Ces quelques mots agréables firent rougir Kilian comme s'il était la plus mure des tomates. Lui aussi avait envie de retrouver au plus vite les douces lèvres de son amoureux. Mais il n'était pas idiot, il voyait bien que tout ne se passait pas exactement comme prévu. L'altercation avec la petite peste avait confirmé ce qu'il craignait : il ne serait pas simple de s'assumer pleinement pendant ces deux semaines. Peut-être fallait-il être plutôt discret pour éviter d'inutiles complications. Timidement, il acquiesça de la tête et chuchota trois petits mots d'amour à son poursuivant, « Je t'aime », avant d'accélérer et de le décrocher.

Après cette première après-midi, Basile envoya tout le monde à la douche. Les cheveux humides, Aaron bouquinait un vieux roman de science-fiction sur son lit en tripotant une touffe de poils qui appartenaient prétendument à son chien Mistral, malgré une drôle de teinte blonde pour un berger au pelage soi-disant blanc. De son côté, Kilian avait décidé de trainer un peu plus longtemps pour profiter de ce jet glacé qui revigorait son organisme endolori par les courbatures héritées de sa dernière compétition. Cela lui faisait un bien fou, mais ce n'était rien à côté de ce qu'il espérait et attendait. Après tout, ces vacances se devaient d'être merveilleuses, et ce n'était pas un abruti qui allait y changer quoi que ce soit. Le blondinet n'avait qu'une seule envie, faire plaisir au garçon qu'il aimait. Et pour cela, il avait une idée derrière la tête. En rentrant précipitamment dans le bungalow, il jeta sa serviette blanche sur le sol et se laissa tomber sur son matelas, le derrière en l'air, ses fesses rondes et glabres bien en évidence. La tête vissée dans son oreiller, il cria.

« Sieste avant le repas ! »

Ce manque de pudeur était presque une de ses marques de fabrique. Il en était sûr, si un jour il était accusé d'un quelconque crime, son habitude de se balader en tenue d'Adam serait une bien meilleure preuve pour l'identifier que le plus poussé des tests ADN. Le visage niché dans son coussin, il ne pouvait s'empêcher de sourire bêtement tout seul. C'était un petit cadeau à celui qu'il aimait. Il le savait, à ce moment précis, Aaron ne lisait plus. Si le brunet avait toujours son livre ouvert sous le nez, c'était pour mieux masquer la direction de son regard. Et en effet, Aaron ne manquait pas une seule miette de ce présent inattendu. Et plus que ses yeux, ce fut son entrejambe qu'il chercha à protéger du regard des autres. Même s'il connaissait ce corps adolescent par cœur pour y avoir joué toutes ses gammes, l'observer l'attendrissait toujours autant.

« Alerte, alerte, Kilian l'exhibitionniste est de retour ! Mais putain, mets un slip quoi ! Je sais qu't'es fier de tes couilles, mais respecte un peu ceux qui sont complexés parce qu'ils en ont des moins rondes que toi ! »

« Ta gueule Thomas ! On voit pas mes couilles, juste mon cul ! Mon médecin m'a ordonné de le faire respirer tous les jours un peu ! Tu veux mon ordonnance ? »

Naturellement, Kilian n'était pas fâché. C'était plutôt une blague. Thomas s'était autorisé cette petite sortie pour rire, cela s'entendait à sa voix. Une simple petite référence à un passé pas si lointain. Le jouvenceau aurait bien rajouté le nom de ce docteur particulier qui lui avait fait cette drôle de prescription, mais cela aurait sans doute été une sortie du placard un poil précipitée et peu convenable.

Devant cette nudité imposée, les réactions furent disparates. Arthur s'étonna du manque criant de pudeur de son camarade, puis se replongea dans ses jeux vidéo. Lucas sourit, Aaron se rinça l'œil en faisant semblant de lire et Thomas abandonna la lutte. Contre Kilian et ses adorables miches, il n'y avait aucun argument valable. Tout se passa ainsi pour le mieux jusqu'au retour de Guillaume, de sa brute épaisse qui semblait lui servir de garde du corps et du jeune Juan qui buvait ses paroles avec admiration.

« Eh, la blondinette, si tu préfères qu'on t'encule plutôt que de nous sucer, fallait le dire hein, pas besoin de nous montrer ton cul ! »

Kilian se redressa, attrapa dans son sac un caleçon blanc, un bas de jogging vert et un t-shirt de la même couleur puis se dirigea vers la porte en faisant mine de ne pas réagir à cette nouvelle provocation. Quand enfin il passa le montant, il tourna juste la tête en direction de celui qui venait, une fois de plus, de s'autoriser des sous-entendus de mauvais gout.

« Je savais pas que les enfants de primaire savaient bander ! Ah pardon, t'es pas au primaire, c'est juste que toi et ta p'tite bite, vous avez oublié de grandir ! »

Ce Guillaume le faisait vraiment, définitivement chier. Même s'il était en partie dans le vrai, cela ne méritait pas un tel acharnement. Si on ne pouvait même plus faire plaisir à son amoureux en montrant son cul en public, où allait le monde ! Heureusement, pour se remonter le moral, il restait la nourriture du camp. Certes dégueulasse, mais nutritive.

« Mais c'est vraiment imbouffable ! Si j'avais su que la bouffe serait aussi immonde, j'aurais demandé à ma mère de me faire des sandwichs ! »

Arthur était fine gueule. Sa génitrice était un vrai cordon bleu. Son père un morfale qui adorait les produits de qualité. Il tenait beaucoup de son père. En tant que petit Lyonnais, c'était bien normal.

« L'année dernière, notre roux, il bouffait tout ce qu'on lui donnait ! Ça change d'en avoir un qui fait le difficile ! »

Alors qu'il venait de finir son assiette et qu'il lorgnait sur celle de son camarade, Kilian ne pouvait s'empêcher de taquiner Arthur. Les roux, c'était son truc. Il adorait cette couleur de cheveux. Et en tant que « Labrador » comme on l'avait si souvent appelé, il compatissait à la peine qui était celle des propriétaires de tifs orangés. Assis en face de Thomas et de Lucas, Aaron se mordillait la lèvre inférieure. Il buvait du petit lait. Pour l'instant, personne dans le camp n'était au courant du fait qu'il avait passé une année complète au côté de Kilian et donc qu'ils se connaissaient par cœur. C'était l'occasion de se jouer des autres vacanciers en feignant une petite dispute, avec l'aide complice de son amoureux.

« Moi, je trouve qu'il ressemble pas mal à Jules, ton nouveau rouquemoute. Bon, il est moins gras, mais hein, y a quoi qui ressemble plus à un roux qu'un autre roux ? Une carotte ! Et bah là, je te le dis, Arthur, il ressemble plus à un roux qu'à un légume ! Ça va, c'est un compliment ! Non ? »

Thomas et Lucas se regardèrent en tremblotant. Kilian était bien connu pour détester qu'on s'en prenne à ses rouquins et pour ne pas forcément apprécier l'humour si particulier d'Aaron. Ils ne savaient pas que les éclairs que les deux garçons s'échangeaient du regard étaient bien plus la preuve d'un coup de foudre perpétuel que d'une ambiance électrique. De son côté, Arthur ne gouta pas du tout cette farce dont il était le dindon.

« Mais... Kilian a raison, t'es vraiment un gros con, Aaron ! T'as que ça à foutre, d'emmerder le monde ? »

« Kilian a dit ça ? T'as dit ça Kilian, que j'étais con ? Mais... mais... c'est super méchant ! Pourquoi t'as révélé mon secret à ton rouquin ! T'es amoureux de lui ? Eh, Guillaume, tu t'es planté, il est pas amoureux de Julien, il préfère Arthur ! »

Aaron devait se retenir pour ne pas exploser de rire. Les têtes de Thomas et Lucas paniqués, d'Arthur furieux, de Guillaume gêné qu'on lui rappelle la rixe de l'après-midi, de Julien complètement perdu et de Kilian faussement vexé étaient à hurler. De son côté, le blondinet devait se tenir les côtes pour ne pas se trahir. L'air le plus naturel possible, il surenchérit en léchant sa cuillère encore pleine de glace au chocolat.

« C'est pas ma faute à moi si je kiffe les roux ! Certains, c'est le chocolat, bah moi, c'est les roux ! Enfin, même si j'aime bien le chocolat aussi, hein... »

« C'est vrai, t'as raison, ça pourrait être pire, tu pourrais être gay ! », surenchérit le brunet en buvant de grandes gorgées d'eau pour que l'activation de ses zygomatiques ne soit pas trop évidente.

« Mais... mais TA GUEULE, Aaron ! », rétorqua immédiatement l'adonis aux yeux verts, la bouche grande ouverte.

« Moi aussi je t'aime ! », clama le démon aux yeux foncés, en souriant, en se passant de manière provocante la langue sur les lèvres et en mimant un smack. Plus Kilian feignait la colère devant ses provocations, plus il trouvait cela bon. Cette impression était partagée. Si le blondin prenait très mal les sous-entendus de Guillaume ou d'autres vacanciers, ceux complices d'Aaron étaient une véritable récréation.

« T'es trop con ! Et puis, je t'interdis de parler comme ça de MES roux, ok ? Si tu veux te foutre de la gueule d'un roux, t'as qu'à t'en trouver un ! »

« Putain, j'suis autre chose qu'une simple couleur de cheveux ! », s'emporta Arthur, dont la teinte ocre du visage se confondait maintenant avec celle de la bouteille de ketchup posée sur la table.

Après s'être échangé un long regard qu'eux seuls pouvaient comprendre, Aaron et Kilian lâchèrent en même temps en direction de leur pauvre victime une dernière petite pique, avant de se lever de table.

« Ta gueule, Arthur ! »

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