65. Fini ?
lundi 26 janvier
The Gardian Fire (18:30) : Kilian a besoin de toi...
Aar-o'-the-wisp (18:32) : Je te le confie. Je suis désolé, je ne peux rien faire pour lui actuellement, ce qu'il se passe ici est trop grave et me bouffe toute mon énergie. Kilian s'en remettra. Il s'en remet toujours. Ce n'est pas important. Si ça l'était, il m'aurait donné le nom de cette fille, celle avec qui il a couché. S'il ne l'a pas fait, c'est qu'il ne m'aime plus.
The Gardian Fire (18:33) : S'il ne t'a pas donné son nom, c'est justement parce que c'est important pour lui et parce qu'il t'aime. Parle-lui avant qu'il ne soit trop tard, sans quoi, tu le regretteras toute ta vie.
La dispute sur Skype avec Aaron avait laissé des traces. Depuis ce fameux jour où des mots qui n'auraient jamais dû être prononcés l'avaient été, le blondinet n'avait presque pas reparlé à son petit brun. La colère, la peine et la peur de l'avoir perdu étaient trop fortes. À tout prix, Kilian voulait éviter une nouvelle confrontation qui aurait pu confirmer ce qu'il craignait plus que tout au monde et qu'il n'aurait pu supporter : la fin de sa première et plus belle histoire d'amour.
Plutôt que de chercher à provoquer les messages d'affection d'Aaron, il s'était mis à les attendre, désespérant jours après jours d'être délaissé, mais espérant toujours voir son camarade débarquer par surprise au lycée. Tel un prince, Aaron aurait pu apparaitre un beau matin pour le réveiller d'un trop long sommeil à l'aide d'un chaste baiser. Quand Martin lui fit remarquer qu'Aaron était loin d'être charmant et que lui, il était tout sauf une belle au bois dormant, Kilian grogna. L'amour de sa vie pouvait se montrer adorable et très romantique quand il ne se comportait pas comme un gros connard. Et lui de son côté, il était très beau et il adorait roupiller. Pour ça, il était même le champion ! Non, le problème dans cette fable, c'était les obstacles que son chevalier devait affronter avant de recouvrir ses lèvres d'amour. Gérard, son père, tenait le rôle de la méchante sorcière qui voulait à tout prix empêcher le happy end. Et les deux « erreurs » que le blondinet avait commises dans son plus simple appareil, elles semblaient encore pires que d'horribles vilaines bestioles cracheuses de feu. Pour les annihiler, point d'épée : il fallait les égaliser. C'était là le destin cruel qui attendait le prince et sa princesse.
En attendant, ce furent ses sentiments que l'adolescent aux cheveux dorés décida d'enfouir profondément dans son cœur comme s'ils étaient endormis, attendant qu'un bisou ne les réveille d'une trop longue torpeur. Si Aaron ne l'aimait plus comme avant, alors soit, il ferait mine de ne plus l'aimer non plus. Le brunet le délaissait ? Très bien, il lui rendrait la pareille. Toute son affection, il la focaliserait sur la personne qui semblait le plus avoir besoin de lui, ce qu'il annonça le plus fièrement possible à son rouquin et à son artiste personnel vers le milieu du mois.
« Aaron me fait chier, c'est un gros con. C'est Alia qu'il me faut en fait. »
En se passant la main sur le visage, Gabriel s'autorisa une toute petite remarque que son camarade aux yeux vert comprit de travers et qui provoqua une bouderie de trois jours.
« Plus il est con, plus tu l'es, et plus tu l'es, plus il l'est. Vous êtes vraiment trop cons ! »
Ainsi, Kilian passa la fin de son mois de janvier à essayer de refermer la page Aaron en hurlant intérieurement à la mort à chaque fois qu'il s'approchait trop près du papier tranchant de l'oubli et de l'abandon. Pour ne pas trop y songer, il s'occupa d'Alia, sa petite tigresse. Le plus étonnant, c'était la douceur qui était la sienne une fois apprivoisée. Derrière une allure fière et vindicative se cachait un sucre d'orge doux et savoureux qui aimait rire, sourire et embrasser. Son affection pour la jouvencelle avait grandi tellement vite que Kilian osa demander à Gabriel quelque chose d'impensable : solliciter l'autorisation qu'elle assiste à leurs fameuses séances du jeudi soir. En haussant les épaules, l'artiste accepta de tolérer cette présence tant qu'elle restait silencieuse. Ajouter ce grain de sel à leurs moments privilégiés ne lui faisait pas forcément plaisir, mais cela pouvait avoir des conséquences amusantes sur l'adolescent qu'il appréciait reproduire. Suffisamment pour tenter l'expérience.
Alia, elle, ignorait complètement que Kilian et Gabriel se prêtaient à ce drôle de jeu de manière régulière et impudique, et lorsqu'elle l'apprit, elle afficha une mine dégoutée. Mais la curiosité la poussa à accepter l'invitation malgré ses principes, ce qu'elle ne regretta pas un seul instant. Le premier jeudi, ne sachant pas quoi faire, la jouvencelle était restée dans son coin à admirer les courbes fines du petit blondinet dénudé. Voyant l'intérêt croissant de son invitée pour « l'art », Gabriel lui prêta une toile et quelques crayons et lui donna quelques conseils pour qu'elle aussi puisse reproduire le plus beau de tous les modèles. Le résultat avait été catastrophique, mais la soirée, qui s'était terminée autour d'une énorme pizza, plutôt bonne. Le jeudi suivant, les choses avaient été encore plus intéressantes. Admettant son niveau pitoyable en dessin et ne voulant pas rester à rien faire dans un coin, Alia sortit de son sac un maillot de bain qu'elle revêtit avant de se coller au corps du blondinet. Si Kilian passa la soirée à se plaindre de la chaleur insoutenable dans le petit atelier et à justifier avec une mauvaise foi incroyable que l'afflux sanguin dans son entrejambe provenait du fait qu'il crevait de faim, Gabriel, lui, se montra plutôt ravi de cette composition nouvelle qu'il peignit à l'aquarelle. Le seul regret de l'artiste fut de réaliser que personne, et certainement pas un certain brun perdu en Suisse, n'aurait jamais le droit de voir cette œuvre pourtant des plus réussies. La peinture sans public, c'est comme les crêpes sans sucre. C'est sympa mais c'est quand même moins bon. Heureusement que, pour l'ivresse des sens, il pouvait toujours compter sur Leïla, son étudiante et véritable déesse de la luxure. Ce n'était pas sa faute s'il était pervers, il était né artiste et un peu cinglé, il ne l'avait pas choisi.
Le samedi suivant, après un long débat plutôt intéressant sur la place de l'amour dans les religions, Kilian et Alia se mirent en tête de visiter tous les lieux de cultes de leur petite commune, officiellement pour juger sur pièce, officieusement pour voir dans quelle chapelle il était le plus agréable de s'embrasser. C'était avant tout une excuse pour passer du temps l'un avec l'autre. Assis sur le perron de l'église municipale alors qu'une légère brise d'hiver les faisait frissonner, ils se collèrent l'un à l'autre en se tenant par la main. Kilian ne s'était pas senti aussi bien depuis des lustres, voire même des temps immémoriaux. Alia lui posa la tête sur l'épaule, il grognassa avant de lui déposer un baiser sur les cheveux. Il se sentait amoureux. Elle aussi. Et pourtant, la belle ne pouvait s'empêcher de ressentir un léger malaise, ce qui se traduisit par un mouvement de recul et un tirage de langue lorsque son compagnon commença subtilement à laisser ses mains se balader sous sa doudoune et même plus en dessous.
« Pas touche, pédé ! »
Ce qui n'était qu'une petite plaisanterie dictée par une angoisse plus profonde fit sortir Kilian de ses gongs. Mais plus que contre sa camarade qui avait eu ce mot malheureux, cela fut contre Aaron qu'il déversa toute sa colère.
« T'es lourde là, à toujours me traiter de pédé. C'est à cause d'Aaron, c'est ça ? Mais j'm'en fiche de lui ! J'ai... je... je sais même pas si j'ai encore envie de l'aimer ! C'était une connerie de sortir avec un garçon, ça m'a attiré que des emmerdes. Et maintenant, j'dois me taper cette étiquette de merde de grosse pédale. J'comprenais juste pas ce qui m'arrivait, j'me suis laissé embarquer par les sentiments, mais... c'est bon là, j'suis vacciné des sales bruns méchants, vaniteux et orgueilleux ! Tu vaux mieux que lui, c'est avec toi que j'ai envie de sortir. Et d'ailleurs, j'en ai ma claque de me cacher, avec que Martin et Gaby qui sont officiellement au courant, même si ça fait longtemps que tout le lycée nous a cramés ! Aaron m'a rendu pédé, tu m'as rendu hétéro, c'est ça la vérité ! »
C'était la première fois que Kilian rejetait aussi fermement son homosexualité. C'était la première fois qu'il disait des choses aussi atroces que même Alia, à raison, ne voulut pas croire. C'était la première fois, surtout, qu'il semblait acter la fin de quelque chose et le début d'une autre. Et si ce n'était pas nouveau qu'il pleure en parlant de son histoire avec Aaron, ce fut bien la première fois où Alia, pour sécher ses larmes, l'embrassa amoureusement après lui avoir répondu qu'elle s'en foutait s'il était pédé, qu'elle l'aimait quand même et qu'il n'avait pas besoin de renier sa nature pour succomber à son charme. Il avait trouvé cela étrange. Au moment même où il avait réussi à sincèrement dépasser ce qu'Aaron avait fait de lui, elle semblait ne plus vouloir qu'il perde cette sensibilité et cette particularité affective.
Une seule chose ternit la fin de cette merveilleuse après-midi : qu'Alia lui demande de continuer à rester discret quant à leur relation. Elle avait ses raisons, ce n'était vraiment pas le bon moment pour que son père apprenne sa légèreté.
Le soir, chez lui, après une douche des plus tièdes, Kilian sentit qu'il avait besoin de parler. Martin coincé sur la route en famille et Gabriel sans doute en train de coïter avec son « étudiante », le blondinet jeta son dévolu sur Yun-ah. Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas eu une discussion franche avec sa meilleure amie. Et quand il est question de filles, personne n'est de meilleur conseil qu'une représentante du genre . Pendu au téléphone, il lui expliqua la situation et ses sentiments croissants pour Alia, puis lui demanda ce qu'elle en pensait. Même les évènements le soir de Noël furent évoqués, preuve de l'ultime confiance qu'il lui vouait. Leur échange avait duré jusqu'à tard dans la nuit et avait rassuré Kilian sur au moins un point : les gonzesses, c'était vraiment compliqué, encore plus que les mecs.
Déjà, la dernière semaine du mois de janvier commençait. Le blondinet n'avait pas vu le temps passer. Ou plutôt, il avait fait mine de ne pas le voir. Sur le chemin qui le menait au lycée ce lundi matin, il prit son temps pour repenser à toutes ces aventures. Les images d'Alia et d'Aaron se mélangeaient dans sa tête. Il ne savait pas où il allait, mais il y allait. Il n'avait pas d'autre choix que d'avancer.
Quand enfin il arriva devant les portes du grand bâtiment carré, les regards inquisiteurs de certains camarades le firent trembler. C'était globalement les mêmes que ceux qu'il avait subis quand, en troisième, sa relation avec Aaron avait été éventée. Des messes basses à n'en plus finir, des copains qui s'écartent sur son passage et des insultes à demi-mot. Cherchant des yeux Alia, il ne la trouva pas. Au lieu de quoi, une méchante inscription sur le tableau attira son attention. Les choses étaient bien en train de recommencer. Sauf que cette fois-ci, on ne lui reprochait pas ce qu'il était, mais ce qu'il avait fait.
« Kilian, tu n'aurais jamais dû coucher avec Alia ! Tu vas le payer, et à cause de toi, elle aussi ! »
Le visage du blondin devint blafard. C'était moche, stupide, méchant, et même pire : c'était signé. Sauf que cette fois-ci, il y avait une petite, grosse, énorme différence par rapport à l'année dernière. Il n'était plus du tout le pauvre animal perdu incapable de s'assumer. Ces menaces puériles, il ne chercha même pas à les effacer. L'écriture, il la connaissait et il la haïssait. Après tout, une seule personne pouvait lui reprocher d'aimer quelqu'un. Sans même prendre le temps de crier, il se jeta sur Adan et lui colla son poing à la figure.
« Tiens connard, v'la le premier acompte ! »
C'était la première fois que le délégué de la classe voyait ses magnifiques pommettes se faire ainsi défigurer. Plus que la douleur physique, ce fut de penser à l'état qui serait le sien dans la glace qui le fit hurler. Alors que Kilian était sur le point de lui balancer à la tronche un deuxième versement, Gabriel et Martin le saisirent par les bras et l'immobilisèrent. Même s'ils comprenaient sa rage, ils se devaient de réagir en amis et donc d'éviter à leur cher camarade les ennuis communs à ceux qui se rendent coupable de brutalité scolaire. Peine perdue ! Alerté par le bruit, Musquet avait rappliqué aussi sec. Tandis que le blondinet se faisait trainer par le col jusqu'au bureau du CPE, Adan se releva en se tenant la mâchoire, puis beugla :
« C'est trop tard ! Yun-ah m'a tout raconté, et moi, j'ai tout balancé à Brahim ! Il va te casser la gueule pour avoir osé toucher à sa sœur ! Toi et Alia, c'est fini t'entends ! FINI ! Son père te laissera plus jamais l'approcher ! Pourquoi elle est pas là aujourd'hui à ton avis ? T'aurais mieux fait de continuer à te faire baiser par ton mec plutôt que d'toucher à ma meuf ! »
À ces mots, Kilian sentit toutes ses forces l'abandonner. Jusqu'à présent, à quelques rares exceptions, il s'était toujours moqué de la méchanceté d'Adan. Il était au-dessus de ça. Là, par contre, un tsunami semblait s'être abattu sur le plateau de jeu qu'était sa vie. Cela ressemblait fort bien à un échec et mat. Le choc l'avait secoué. Apprendre que le coup le plus violent lui avait été porté par sa meilleure amie avait fini de l'achever. Musquet eut beau engueuler copieusement l'adolescent pour son acte de violence, il ne put rien en tirer d'autre qu'un torrent de larmes et un violent hoquet. Kilian n'avait même plus assez de force dans les bras pour les brandir. C'était comme si son monde s'était effondré. Dépité, il se jeta pendant la pause sur Martin et le supplia d'une manière pathétique de faire ce dont lui-même se sentait incapable.
« Venge-moi Martou ! Venge-moi ! »
Le rouquin baissa la tête. À ses côtés, Gabriel vissa sur son crâne une casquette rouge qu'il tenait du bout de la visière avant d'en faire de même. Ni l'un ni l'autre ne savaient quoi faire pour calmer la rage et la fureur de leur pauvre camarade. Toute la journée, Kilian resta dans un état second. Outre sa propre liquéfaction, la seule chose qui lui évita de commettre un meurtre fut la lâcheté d'Adan. Le délégué préféra rentrer chez lui après un court passage à l'infirmerie. Il était hors de question de mettre en danger une minute de plus son cher visage en le laissant à proximité d'un blondinet rendu fou furieux par la colère et la peine.
Juste après la dernière sonnerie, Kilian s'assit sur le trottoir. Il n'avait aucune envie de rentrer chez lui, mais n'avait aucun autre endroit où aller. À la maison, il savait très bien ce qui l'attendait : un père stressé par les missives toujours plus nombreuses de l'avocat de sa mère, et surtout la solitude d'une chambre froide et vide. Même ses nombreuses peluches décoratives se montraient d'un faible réconfort dans pareille condition.
Comme il le faisait toujours pour réconforter son couillon de meilleur ami quand il déprimait, Martin s'assit à ses côtés et lui posa la main sur l'épaule, ce qui déclencha malencontreusement une nouvelle crise de larmes. En quelques secondes, Kilian passa toute sa vie merdique en revue, en insistant lourdement sur les deux derniers mois. Il se sentait rejeté. Abandonné, même. Alors qu'il avait fait pour Alia le plus grand de tous les sacrifices, on la lui enlevait. Seule la gentillesse de son rouquin à lui l'aidait à tenir. Dans un état second, comme si la colère avait un arrière-goût d'armagnac, il lui déposa un bisou sur sa joue pleine de taches de rousseur.
« À chaque fois que je tombe vraiment amoureux, on dirait qu'une force surnaturelle veut briser mon bonheur. On m'a volé Aachou, et là, on me retire Lili. En fait, y a que toi qui m'as jamais lâché. Tu voudrais pas qu'on sorte ensemble, vu qu'on est tous les deux célibs ? T'en fais pas, je ferai la fille, j'ai l'habitude maintenant ! Je fais super bien la fille ! »
Devant cette étrange proposition qui sentait bon le pétage de plombs, Martin se recula légèrement. Kilian semblait complètement perdu. En plein délire, le blondinet se montra même un peu obscène en laissant ses doigts caresser le ventre de son meilleur ami. Son regard était celui du désespoir. Le jeune roux soupira en se dégageant, puis répondit avec un air désolé. Vraiment, ce n'était pas son truc.
« Je préfère encore perdre aux jeux vidéo contre toi que d'imaginer te rouler une pelle. Rentre chez-toi Kil, on verra demain. Ça se trouve, Alia sera de retour et t'aidera à refaire le portrait de ce connard d'Adan. »
Le soir, niché sous ses draps et serrant dans ses bras sa peluche en forme d'éléphant, Kilian envoya en pleurnichant plus d'une centaine de messages au seul garçon dont il connaissait le numéro par cœur. Les « reviens », « si je meurs ça sera ta faute », « j'ai mal » et autres plaintes et insultes n'y firent rien : malgré les regards déçus et peinés d'un chaton qui passait la nuit chez son sauveur et qui ne comprenait pas pourquoi ce dernier réagissait aussi durement, Aaron n'y répondit pas. Son esprit était focalisé sur tout autre chose.
Le lendemain matin, sans même avoir pris la peine de petit-déjeuner, l'adolescent aux cheveux dorés traina des pieds jusqu'au lycée. Quand il y arriva, il vit avec dégout qu'Alia n'était toujours pas là. Trop effrayé par une probable réponse destructrice, il n'avait même pas cherché à la joindre. Dans sa salle de classe, pourtant, une personne l'attendait en tremblant.
« Casse-toi Yun-ah, j'veux plus te voir, t'es qu'une sorcière ! Briser Martin, ça te suffisait pas ? T'avais besoin de m'achever avec ? Allez, retourne bécoter ton connard et fous-moi la paix ! »
La Coréenne aurait bien répondu de toute la force de sa main droite, mais elle se retint. La colère de Kilian à son encontre était légitime. Elle lui aurait bien dit, aussi, qu'Adan était loin d'être un connard et que c'était même pour ça qu'elle était tombée sous son charme, mais elle avait du mal à s'en convaincre elle-même. Alors en sanglotant, elle s'excusa auprès de son camarade.
« J'voulais pas, j'te jure, j'voulais juste lui demander son avis, je savais pas qu'il ferait ça, je savais même pas qu'il connaissait son frère ! Pardon Kil, je... je m'en veux ! Je m'en veux tellement qu'hier, je suis allé chez Alia pour lui parler, pour lui dire à quel point j'étais désolée, pour essayer d'argumenter auprès de son père, lui expliquer à quel point t'es un mec bien... Je... elle m'a remis ça pour toi, tiens... »
Sans même regarder celle qui l'avait trahi, Kilian s'empara de l'enveloppe qu'elle lui tendait. Une lettre ! À l'heure des textos, du téléphone portable et d'internet, il pensa que ce moyen d'expression retrouvait une nouvelle jeunesse à chaque fois qu'il fallait briser un cœur. Le sien, notamment. Elle était signé Alia. Seul dans un coin de la classe, il la lit sans émettre la moindre émotion. Les larmes vinrent après le point final. Comprendre les choses ne l'aidait pas forcément à aller mieux, bien au contraire. Même s'ils étaient emplis de douceur, les mots de la tigresse venaient d'achever de le briser. Jusqu'à la veille, il avait encore un faible espoir, celui de pouvoir l'aimer. À présent, il n'en avait plus aucun. Il se sentait trahis. On ne la lui avait pas enlevée, c'était Alia qui l'avait abandonné, tout comme Aaron l'avait fait avant elle. Alors que la cloche avait sonné et que le premier cours de la journée avait déjà commencé, il partit dans un rire nerveux. Depuis le début, il n'avait été qu'une babiole avec laquelle on s'amuse. Trahison, manipulation, tous s'étaient foutu de sa gueule, et cela n'avait servi à rien. Yun-ah, Gabriel, Martin, Cédric, son père, sa mère, Aaron et Alia, tous avaient fait mine de l'aimer, tous avaient fait mine de se préoccuper de lui, tous l'avaient abandonné. Et là, il se retrouvait seul. Seul sans cette tendresse qui lui faisait défaut. Seul sans cet amour dont son corps avait tant besoin. Alors que la professeure élevait la voix pour le faire taire, blanc comme un linge, il se leva et craqua. C'en était trop.
« Foutez-moi la paix ! Je ne suis pas votre jouet, arrêtez de vous amuser avec mon cœur, c'est fragile un cœur, surtout le mien ! J'veux plus vous voir, j'veux plus vous parler, oubliez moi ! OUBLIEZ-MOI ! »
Pris d'un malaise, il s'écroula presqu'immédiatement sur sa chaise. Sa tête frappa lourdement la table, à la plus grande inquiétude de ses voisins de classes. Ses yeux étaient vides et brillants. Ses joues et son front étaient brulants. Sa bouche était sèche, et son cœur, en miette. Alors qu'un liquide amer faisait gonfler ses paupières, tous ses camarades se ruèrent sur lui pour tenter de le réveiller. Une légère plainte inconsciente s'échappa de sa bouche.
« J'veux mon Aaron ! »
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top