55. Un mois de novembre


mardi 11 novembre

Aar-o'-the-wisp (22:48) : J'ai beau avoir eu sa version et la tienne, j'arrive toujours pas à y croire...

The Gardian Fire (22:48) : Moi non plus...

Aar-o'-the-wisp (22:49) : Il a aimé ça ? Il était heureux ? Ça lui a fait du bien ?

The Gardian Fire (22:49) : Eh ! Demande ça au principal intéressé, pas à moi !

Aar-o'-the-wisp (22:51) : Il me dit que oui, mais comment être sûr ?

The Gardian Fire (22:51) : En lui faisant confiance ?

Aar-o'-the-wisp (22:52) : Si seulement c'était aussi simple... Bon, au moins, Kili m'a écouté... c'est déjà ça... Maintenant, il le sait, il a compris, il peut s'en sortir sans moi. C'est ce qu'il m'a dit hier soir quand il m'a avoué ce qui s'était passé ce week-end... Il est fort. Je suis rassuré... Il a pigé que d'autres que moi pouvaient le rendre heureux. Je dois être fort moi aussi, je dois être digne de lui... C'est marrant, je devrais être heureux, alors qu'en fait, je chiale... C'est horrible, j'en fous partout sur le clavier... Pourtant, c'est ce que je voulais, non ? Pourquoi je chiale alors qu'il est heureux sans moi ?

The Gardian Fire (22:52) : Tu te trompes Aaron. S'il a demandé un câlin, ce n'était pas parce que ça le rendait heureux, mais parce qu'il en avait besoin... et parce qu'il voulait t'obéir, parce que tu lui as dit de le faire. S'il savait dans quel état ça te met, il se jetterait par la fenêtre de désespoir. Ne gâche pas tout en le lui reprochant, je te jure que moi, je ne te le pardonnerai pas.

Aar-o'-the-wisp (22:55) : Jamais ! À moi de lui faire croire que tout va bien. Je ne pleurerai pas devant lui, je te le promets. C'est juste que... tout me tombe sur la tronche... Je me sens tellement seul que j'en deviens aigri et méchant. J'ai l'impression d'avoir perdu le seul garçon en Suisse qui m'apportait un peu de joie (Justin, mon chaton), et là, j'ai l'impression de perdre Kilian... Je voulais qu'il soit heureux sans moi, et je me dis qu'avec ce qui s'est passé ce week-end, il trouvera la force de l'être, mais la vérité, c'est que moi, je suis incapable de l'être sans lui.

The Gardian Fire (22:56) : ... Je suis désolé, vraiment. Dis-toi juste, si ça peut te rassurer, que t'es pas le seul à être secoué. (je crois que j'ai jamais vu un 11 novembre aussi maussade qu'aujourd'hui, même les nuages semblent en chier...).

Aar-o'-the-wisp (22:59) : Et tu sais c'est quoi le plus drôle ? Hier soir, après m'avoir tout raconté, il m'a balancé à la tronche notre « cher accord de réciprocité » que j'étais persuadé qu'il avait oublié après les vacances d'octobre. En fait, non. Je le cite : « J'veux pas l'savoir, c'est un deal, et je t'ai promis de le respecter si tu le respectais aussi. Fais-le, m'en parle jamais, mais fais le. Si tu m'aimes, fais-le. Comme ça, j'aurai pas l'impression de t'avoir trompé. » Moi, ma grande gueule et mes idées à la con qui se retournent contre ma pomme... Sauter un mec est la dernière chose que j'ai envie de faire en ce moment. Tu crois que si je demande à son partenaire de ce week-end un câlin, ça le ferait ? (Non parce qu'ici en Suisse, c'est simple, j'suis tellement un connard que plus personne ne veut de moi)

The Gardian Fire (22:59) : Va au diable !

Aar-o'-the-wisp (23:00) : J'y suis déjà...

« Gaby, c'est ce qui s'est passé ce week-end qui te perturbe à ce point ? Tu veux m'en dire plus ? »

Profitant du retard d'une prof de math ce mercredi matin, Martin avait naturellement entamé la conversation avec son voisin de table.

Si pour Kilian, les évènements de la semaine passée semblaient déjà être de l'histoire ancienne – le garçon avait passé son lundi assis à côté d'Alia en classe et avait profité du mardi férié pour l'accompagner au bubble tea bar –, il n'en était pas de même pour l'artiste aux yeux bleus. Un visage ferme et tendu avait remplacé son éternel sourire jovial, ce que n'avait pas manqué de remarquer Martin. Lors d'une discussion fugace le lundi matin, le châtain au bord des larmes avait tout raconté à son camarade aux cheveux orangés. Ce dernier avait encaissé le choc avant de se tourner vers Kilian pour en apprendre plus, sans le moindre succès. Toutes ses tentatives pour lui parler s'étaient soldées par des échecs : le blondinet était trop occupé à draguer pour penser à se confier sur ses états d'âmes à son meilleur ami. Peut-être aussi Kilian ne voulait-il pas lui avouer un comportement que certains auraient trouvé immoral, de peur qu'il le juge. Et puis, ce qu'il faisait de son cul ne concernait que lui et ceux qui s'amusaient avec. Les copains n'avaient pas à tout savoir.

Restait donc Gaby, pour qui cette oreille était précieuse. Martin était toujours de bon conseil. L'exemple typique du charmant camarade à qui on se confie naturellement et qui sait se montrer discret et habile quand vient le moment de mettre les choses sur la table. La prof n'était toujours pas là, et la question tombait bien. Alors qu'il n'avait de cesse de dessiner de manière frénétique et parfois violente un certain adolescent sur ses cahiers, Gabriel s'était mis à chuchoter sans s'en rendre compte.

« J'me suis complètement fait Kilianiser, méchamment même ! J'ai rien vu venir, j'ai pas réfléchi. Il était tellement triste, il me suppliait tellement fort... Comment j'aurais pu refuser ? Si je l'avais rejeté, il serait allé où ? Il aurait fait quoi ? Putain quoi, j'me sens comme une merde, mais en même temps, j'ai beau refaire le film dans tous les sens dans ma tête, je vois pas c'que j'aurais pu faire d'autre... Je regrette de l'avoir touché sans pouvoir regretter de l'avoir aimé, c'est horrible. J'aurais tellement voulu qu'il reste pur, de juste le dessiner comme un petit ange immaculé et asexué... Fait chier, putain. »

Plus sa voix était basse, plus les coups de crayons qui parcouraient son cahier étaient appuyés, jusqu'à trouer certaines feuilles. Une sorte de rage parcourait son bras droit. Compréhensif, un soupir s'échappant de sa gorge, Martin lui posa la main sur l'épaule.

« C'était la volonté d'Aaron... Il joue avec nous, mais il sait ce qui est bon pour son blondinet... notre blondinet... Même si là, j'crois bien que le retour de bâton lui a un peu fait mal à la gueule. »

Gabriel avait beau être d'accord avec cette analyse, il n'en restait pas moins perturbé, comme l'indiquait son grincement de dent. Il avait beau être un artiste un peu fou qui n'avait peur de rien ni de personne, il restait un adolescent, avec ses forces et sa fragilité. Il avait beau le masquer derrière ses dessins et sa musique, son petit cœur battait toujours à un drôle de rythme, celui de ses sentiments. Peut-être par vengeance ou par fierté, ce fut par SMS qu'il décommanda la séance du jeudi soir, ce qui poussa Kilian à bouder jusqu'à la fin du week-end.

« Pas de dessin cette semaine, je dois voir mon étudiante, j'ai besoin de me prouver que je suis un homme. On remet ça à jeudi en huit si t'es sage. »

Aux mots, Gabriel accompagna les faits. Leïla eut beau crier de plaisir, rien n'arrêta la fougue de l'adolescent, plus intéressé par l'acte que par sa partenaire qu'il regarda à peine en faisant son affaire. Le vendredi en cours, il se vanta de sa virilité devant un Kilian dont le visage rose reflétait toute sa gêne et une pointe de jalousie. Le message était aussi clair que dur à avaler, mais le blondinet ne pouvait faire mine de l'ignorer. En affirmant préférer les femmes, ce qui était sans aucun doute la vérité, son camarade aux yeux bleus affichait surtout le côté exceptionnel de leur rapprochement intime. Quand Gabriel disait : « Qu'est-ce que j'aime ses seins ! », Kilian comprenait : « Mon Kili, t'es vachement plate pour une gonzesse ! Ah merde, t'es un mec en fait ! ».

La discussion graveleuse fut interrompue par un Monsieur Musquet offusqué qui passait par là. Le châtain lui reprocha immédiatement, non pas sans humour, son manque de compréhension.

« J'ai quinze ans, j'ai l'droit d'plus être puceau, d'abord ! Si vous voulez, j'veux bien faire le prof si le lycée organise un cours d'éducation sexuelle ! J'ai réalisé mon propre Kâma-Sûtra pendant les vacances ! Mes dix positions préférées, peintes à l'aquarelle ! Enfin, les dix que j'ai testées, quoi. »

Le CPE inspira lourdement avant d'expirer tout l'air de ses poumons en faisant craquer ses doigts entre ses paumes. Il aurait bien répondu de manière acerbe au jeune élève, il avait même un argument choc pour cela, mais certaines personnes auraient pu le lui reprocher. Il l'aurait bien aussi tabassé contre un mur, mais la peinture venant d'être refaite, des taches rouges auraient vraiment fait très mauvais effet. Alors il tourna les talons en lâchant simplement une petite pique bien sentie.

« Dix ? Petit joueur ! »

Le samedi suivant, Kilian alla faire des courses avec Cédric. L'élève de terminale tenta de renouer le dialogue avec son jeune frère et de le convaincre de mettre en place une stratégie commune pour lutter contre le retour de leur mère. Si le blondinet put refaire la quasi-intégralité de sa garde-robe en rouge, rose, vert et violet, il botta en touche dès que son aîné parlait de ses parents.

« J'sais pas, on verra. De toute manière, t'es pas là l'année prochaine, tu te casses avec Sandra, tu me laisses comme Aaron l'a fait. Du coup, entre les deux vieux, j'choisirai celui qui me déteste le moins. Dis, tu m'offres ce t-shirt ? Il est trop beau, putain ! J'adore sa coupe ! »

Même si Cédric connaissait par cœur les stratégies de son cadet pour se faire gâter, et même si ce dernier en abusait présentement en multipliant petits airs boudeurs, sourires narquois et mines de chien battu, le jeune adulte n'eut d'autre choix que de sacrifier une grosse partie de ses économies pour l'habiller. Peut-être que cela était vénal d'ainsi acheter la paix sociale, mais après la réaction ultra violente de sa poupée grandeur nature à la lettre de leur mère, c'était un mal nécessaire pour reconstruire un semblant de confiance entre eux.

Le dimanche, l'adolescent aux mèches flavescentes traina avec Alia. La belle passa la journée à lui reprocher son ambiguïté en sirotant plusieurs verres de bubble tea.

« J'avoue, je ne déteste pas quand tu m'embrasses et tu fais ça aussi bien qu'un hétéro, mais t'es quand même un pédé, j'en ai eu la preuve cet été ! J'adore passer du temps avec toi, mais... avoue que c'est compliqué, quand même ! On pourrait juste être amis, ça ne changerait rien du tout à nos sorties ! »

Kilian fronça les sourcils. Il avait tout bonnement l'impression de se faire friendzoner, et cela lui chatouillait les narines. S'approchant de la demoiselle, il s'assit à cheval sur ses genoux et lui passa la main dans les cheveux devant le regard intrigué des passants. Et au moment où elle crut qu'il allait l'embrasser, il se recula et lui tira la langue d'un air provoquant, ce qui ne manqua pas de la faire rougir et fulminer. Fier de son coup, l'adolescent prit la parole en pointant de ses deux index le haut de son pantalon.

« Je sais que les nanas adorent avoir un meilleur ami gay, mais je suis pas sûr que ça le fasse avec toi ! Si on reste ami parce que je suis pédé à tes yeux, j'te raconterai touuuuuuuuuuutes mes parties de jambes en l'air avec Aaron, dans les moindres détails, comme le font les bonnes copines entre elles. Alors que si tu acceptes de m'aimer, je ne te raconterai rien, j'te montrerai tout ! »

Devant cette proposition grotesque, la belle adolescente passa de la colère à la surprise puis au rire avant de sentir son cœur battre à un tintement amoureux, surtout lorsque Kilian, juste après la fin de son petit discours, lui caressa les lèvres à l'aide des siennes. Qu'est-ce qu'il embrassait bien pour un pédé !

« Et Aaron ? », demanda-t-elle en reculant la tête et en repoussant le jouvenceau à l'aide de ses deux mains plaquées sur sa poitrine.

« On s'en fout d'Aaron ! », répondit Kilian du tac-au-tac en grimaçant. « Les absents ont toujours tort ! Là, j'veux juste sortir avec toi ! Pour de vrai ! Je te kiffe Alia, t'as besoin de quoi pour le comprendre ? J'en ai ma claque d'Aaron, j'veux plus passer mon temps à l'attendre ! Il est en Suisse, très bien pour lui. Toi, t'es là, juste devant moi ! Il ne m'en voudra pas, il avait tout prévu, mes larmes, mes réactions, ma déprime, il sait que j'ai besoin de quelqu'un. Et ce quelqu'un... c'est toi, ça ne peut-être que toi... De toute façon, j'ai pris ma décision dimanche dernier et je ne reviendrai pas dessus, c'est toi que j'ai décidé de choisir... sors avec moi ! »

Même si cette déclaration la touchait, Alia ne se sentit pas triomphante. Les tremblements dans la voix de son camarade à chaque fois qu'il prononçait le prénom « Aaron » disaient bien plus que les mots qu'il employait. Elle le savait, c'était sans doute une victoire à la Pyrrhus. Et pourtant, elle ne put s'empêcher de lui rendre son étreinte et ses baisers.

« T'es vraiment pas un pédé normal... T'es le premier qui arrive à me faire réagir bizarrement, comme si j'avais des sentiments pour lui ! Saloperie de Gay ! Mais ne considère pas la partie gagnée pour autant... »

Le jeudi suivant, furieux qu'on lui ait supprimé une de ses si chères séances la semaine précédente, Kilian arriva en avance chez Gabriel qui lui ouvrit sans lui adresser la parole. L'artiste demanda au modèle de se dévêtir comme à son habitude avant de se saisir de sa tablette graphique.

« Tu me dessines pas au crayon ou à la peinture aujourd'hui ? », demanda naïvement Kilian ?

« Non », répondit sèchement le châtain, avant d'accepter de donner de plus amples explications à son camarade surpris. « Aujourd'hui, la majorité des artistes dessinent directement sur ordinateur. Tu verras, le résultat sera super sympa, et t'auras pas besoin de l'scanner pour l'montrer à Aaron. »

À plusieurs reprises, le blondinet tenta de lancer une discussion, sans la moindre réussite. Boudeur et frustré, il rentra chez lui enveloppé dans son épais manteau en trainant des pieds, sans comprendre les raisons qui poussaient Gabriel à se montrer aussi froid et distant. Après ce qu'ils avaient pourtant vécu ensemble, c'était difficilement compréhensible.

S'il arriva à garder pour lui son ressenti pendant une semaine, il craqua le jeudi suivant, le dernier du mois de novembre.

« Mais putain, pourquoi tu fais comme si de rien n'était ? J'veux dire... Tu m'as baisé quand même ! Sur le clic-clac sur lequel je pose mon cul en ce moment même ! Et là, j'ai juste l'impression d'être une pomme dans une corbeille que tu dessines ! J'suis pas une nature morte, Gaby ! Ça fait trois semaines que j'ai l'impression que tu me fais la gueule ! Tu traines avec Martin, avec Yun-ah, avec Koa, tu t'amuses, tu fais le con, mais j'ai l'impression que... que tu m'aimes plus, comme si tu t'en foutais de moi... »

Les larmes avaient accompagné les derniers mots de cette drôle de logorrhée. Si, en effet, Gabriel avait au fil des jours repris du poil de la bête et semblait s'amuser comme un petit enfant dans la cour du lycée, il avait tenu à garder ses distances avec son modèle aux yeux verts. Alors que le timide adolescent à la chevelure couleur de blé reniflait en se passant la main sur les yeux, son camarade lâcha ses instruments et vint s'assoir à ses côtés avant de le serrer dans ses bras. Avec une voix calme et aimante, le châtain répondit à ses accusations dans un long monologue, entrecoupé simplement de quelques bisous sur le front et la joue.

« C'est pas moi qui te boude, c'est toi qui passes ton temps à coller Alia. Même Martin, ça le fout en rogne. Il était vraiment en pétard quand tu lui as demandé si tu pouvais dormir chez lui vendredi soir, car il n'y avait personne chez toi. Il a l'impression d'être le dernier roux du carrosse, mais bon, il sait pas te dire non. Sinon, si je t'ai fait l'amour, c'était parce que tu en avais besoin, parce que j'avais mal pour toi, pas parce que j'en avais envie. Je me dégoute pour ça, j'ai l'impression d'être une merde, d'avoir trahi mon serment d'artiste. J'ai peur de t'avoir fait plus de mal que de bien, mais je l'ai fait parce que je t'aime... Sauf que je ne t'aime pas comme Aaron peut t'aimer. Je ne te désire pas, mon amour pour toi est purement platonique, je souhaite juste que tu sois mon modèle, mon petit modèle que je cajole et que je dessine, rien d'autre. Le reste, j'm'en fous, j'aime trop cette relation, cette pureté pour la gâcher en te... comme un chien »

Finir cette phrase convenablement était au-dessus des forces du jeune châtain. Le mot était trop laid pour qu'il le prononce en parlant de Kilian. Certaines larmes timides lui vinrent, ce qu'il tenta de ne pas montrer au moment de poursuivre son monologue.

« Alors oui, je fais comme si rien ne s'était passé, pardonne-moi, mais je refuse d'être ton godemichet les jours où tu ne vas pas bien. Ce que j'ai fait, c'était un cas de force majeure, et je n'ai pas pu te le refuser. Mais s'il te plait, me demande pas de te voir comme autre chose que mon modèle bien aimé, parce que c'est ça, ce que tu es... Et me dis pas que je t'aime pas Kil, me dis surtout pas ça, sauf si t'as vraiment envie de m'énerver... »

Lové dans sa tenue la plus légère contre la poitrine de son petit artiste, le blondin se sentait étrangement bien. En écoutant sa voix douce, il ne souhaitait qu'une seule chose, remplir son rôle d'égérie.

« Merci Gaby... j'te l'ai pas assez dit, mais merci... Ça m'a fait un bien fou... Dessine-moi encore...»

Le mois de novembre approchait de sa fin. De l'autre côté des Alpes, Aaron avait passé ces trois semaines collé à son piano et à son ordinateur, répondant à tous les messages que pouvait lui envoyer Kilian avec un détachement qui trahissait, en fait, son affection sans borne. Jouer sur son clavier lui permettait de se vider la tête et de laisser passer les jours. Tess ne lui parlait plus, Laura le regardait toujours du coin de l'œil avec un air de nymphomaniaque sans vraiment s'adresser à lui et Justin... le jouvenceau se renfermait de plus en plus sur lui-même, ne s'occupant plus que des variations de teintes dans ses cheveux faussement orangés et séchant les cours le jour de son anniversaire, comme s'il souhaitait éviter à tout prix qu'on lui souhaite ses quatorze ans.

Aaron pouvait s'en rendre compte chaque jour, le chaton à la santé fragile allait de mal-en-pis. À part en math où son niveau s'était stabilisé à un niveau acceptable au fur et à mesure que la fréquence de ses cours particuliers s'élevait, ses notes avaient commencé à chuter. L'adolescent était irascible, s'alimentait mal et pleurait souvent, seul dans son coin, préférant fuir à chaque fois que le brunet essayait de l'approcher. Cette attitude, pourtant, n'empêcha pas Aaron de se montrer surprotecteur, promettant une guerre nucléaire au premier qui aurait la mauvaise idée de faire du mal ou de simplement embêter son petit protégé, le suivant du regard tout au long de la journée et lui préparant des paniers repas surprises composés de sandwichs copieux que quelques bons camarades acceptaient de lui faire passer sans en révéler l'origine. Le dernier jeudi soir du mois, pourtant, une petite phrase fit pleurer de joie le garçon aux cheveux d'ébène. Quelques simples mots que lui glissa Justin en souriant avant de pénétrer dans la salle de classe où l'attendait son professeur particulier.

« Au fait, j'aime pas les cornichons, J'dis ça,j'dis rien, hein, mais... j'aime bien le Nutella par contre ! »

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