40. L'attirance est-il un péché mortel ?


mardi 30 septembre

The Gardian Fire (21:07) : Tu ne peux pas savoir à quel point j'aime pas le mardi. Déjà, il y a brocoli à la cantine. Ensuite, c'est la journée la plus longue de toute la semaine, je suis rincé...
Aar-o'-the-wisp
(21:08) : Te plains pas ! Kilian, lui, non seulement il se tape cette journée de merde mais en plus il enchaine avec l'escrime (il passe son temps à l'escrime >_<'), là, j'attends qu'il rentre, mais je le connais, il sera tellement fatigué qu'il va s'endormir sur le clavier au lieu de me parler :'( Bon, hier par contre, c'était plutôt cool ! On a même eu une petite discussion cochonne ! :D

The Gardian Fire (21:10) : Je veux pas savoir >_>

Aar-o'-the-wisp (21:11) : Sinon, en dehors de ce qu'il me raconte ? Tu trouves qu'il va bien ?

The Gardian Fire (21:12) : Bof. Il parle pas mal avec la fille dont tu connais pas le nom que moi je le connais ( :D ), mais j'ai l'impression qu'il a oublié qu'il devait l'embrasser... Il est un peu soupe au lait en ce moment ... Tu ne sais jamais s'il va nous faire du grand Kilian ou s'il va partir en dépression. Il ne faudrait pas grand-chose pour qu'il craque... Les photos de toi sur Facebook avec la Tess, là, j'suis désolé mon vieux, mais c'est pas une bonne idée... la dernière fois, ça lui a fait un choc. Il ne te le dit pas parce qu'il est fier et qu'il sait que tu as raison de faire ça, que tu as le droit de t'amuser et qu'il devrait en faire autant mais... nous, on le voit. Il me fait penser à de la poudre à canon humide. Tu ne sais jamais si l'étincelle va faire partir la flamme, mais tu sais que le jour où ça va péter, ça va faire très mal...

Aar-o'-the-wisp (21:16) : Tu me déprimes là, vraiment... Putain, j'ai envie de chialer du coup. T'as pas une bonne nouvelle pour me remonter le moral ?

The Gardian Fire (21:17) : Heu... il semble s'être attaché à ses séances de dessin. Depuis qu'il se fout à poil au nom de l'art le jeudi, il est plus calme et posé le vendredi, doit y avoir un lien. Je crois que ça lui fait du bien et qu'il a l'impression de te faire plaisir en te montrant le résultat. Prochaine séance après-demain, si j'ai bien suivi.

Aar-o'-the-wisp (21:19) : J'aimerai tellement être une petite souris pour voir ça... Y a pas moyen de filmer ? :'( Rha, si seulement je savais dessiner, c'est pour moi qu'il poserait, grrrr...

The Gardian Fire (21:20) : Rho le jaloux x)

Aar-o'-the-wisp (21:20) : Un peu jaloux, mais beaucoup reconnaissant, surtout si ça fait du bien à Kilian. Après, tu sais ce que j'en pense et ce que je souhaite... Je vous fais confiance les garçons, agissez en votre âme et conscience... Faites ce qu'il faut !

Comme la semaine passée, Gabriel semblait très légèrement en retard à son rendez-vous hebdomadaire. Cette fois-ci, pour ne pas se faire piéger, Kilian avait prévu le coup et lisait tranquillement le dernier tome de son manga préféré devant le hall d'entrée de l'immeuble de son artiste à lui en maudissant l'étudiante qui l'accaparait et qui retardait le moment où il pourrait se vêtir de sa tenue préférée : sa chère nudité. En réalité, le lycéen aux yeux verts n'en pouvait plus d'attendre. Il souhaitait découvrir au plus vite ce que le châtain lui réservait avant de rentrer chez lui en courant pour partager les dernières reproductions dessinées de son corps dévêtu avec Aaron. Depuis que ce dernier lui avait dit en début de semaine sur Skype qu'il s'en fichait s'il se retrouvait victime d'une méchante érection, le blondinet se sentait libéré d'un poids. Non seulement son amoureux de toujours acceptait de lui pardonner les réflexes stupides de son corps, mais en plus il insistait pour que, si la partie la plus intime de son organisme devait se retrouver reproduite sur un dessin, aucune censure de quelque sorte ne soit effectuée. Kilian l'avait traité de gros pervers vicieux sans âme, ce à quoi le brunet avait simplement répondu « oh oui » en se passant langoureusement la langue sur les lèvres et la main sous certains de ses vêtements. Une pure provocation qui déboucha sur un long débat de presque une demi-heure ayant pour thème l'autosatisfaction que les adolescents de leur âge adoraient pratiquer. Depuis la rentrée, même si cela l'énervait, Kilian tenait à raconter à Aaron tout ce qui lui passait par la tête lorsqu'il se manualisait, conformément à ce que ce dernier lui avait demandé. De toute manière, ce n'était pas compliqué : dans sa tête, à l'exception de quelques rares neurones encore en état de marche, il n'y avait que le démon qui avait volé son cœur et quelques anges impersonnels et asexués. Ses fantasmes étaient toujours les mêmes, et Aaron en était à chaque fois le principal protagoniste.

« Eh, mais j'te connais, toi ! T'es la pédale qui embrassait un mec dans la cour du collège l'année dernière, non ? »

Kilian leva les yeux. Le garçon qui l'apostrophait ne lui disait pas grand-chose, même s'il avait conscience de l'avoir déjà croisé quelque part. Après quelques secondes de réflexion, il se rappela de l'endroit où il avait déjà vu ce drôle d'énergumène. Une tronche aussi laide, ça ne s'oublie pas. Même s'il ne connaissait pas son nom, il reconnaissait bien un élève de son ancien collège, plus jeune que lui d'un an, avec qui il n'avait jamais discuté et qui avait la réputation d'être un vrai fouteur de merde doublé d'un imbécile fini. Il avait d'ailleurs été renvoyé avant la fin de l'année à cause de son comportement inacceptable, ce qui était d'ailleurs l'unique raison pour laquelle Kilian se souvenait de lui. Sans répondre, le blondinet se replongea dans son manga, bien plus intéressant que les élucubrations homophobes du jeune phénomène.

« Eh, j'te parle tapette, là ! Tu me regardes quand je te cause, grosse merde ! J'vais t'apprendre le respect. Eh les gars, ça vous dit d'casser du pédé ? »

Kilian releva doucement ses yeux. Autour de lui, ils étaient à présent quatre et semblaient tous aussi stupides les uns que les autres. Même si le blondinet vivait dans une banlieue plutôt bourge, il n'était pas rare de tomber sur un ou deux cas sociaux au coin de la rue, par pur hasard. Sans se démonter, il rangea sa BD japonaise dans sa sacoche, se leva et toisa le principal responsable de toute cette agitation

« Ouais, je suis gay, et alors ? Ça te gêne ? T'es jaloux ? T'es bien le p'tit con qui t'es fait virer de Voltaire l'année dernière ? C'est ça tes nouveaux potes ? Putain, je sais pas qui je dois plaindre entre eux et toi, mais vous me semblez tous être une vraie bande de guignols ! »

Si se dresser contre la bêtise, l'ignorance et l'intolérance facile et gratuite lui semblait être tout à fait normal et légitime, Kilian ne put qu'admettre que sa méthode laissait particulièrement à désirer, surtout lorsqu'il sentit un crachat lui percuter la joue et un coup de poing lui rentrer dans le ventre. La suite fut encore plus douloureuse. Même si les leçons de boxes et autres chamailleries avec son grand frère lui avait appris à se battre, l'adolescent n'était pas assez méchant pour lutter seul contre quatre imbéciles hargneux. Depuis le temps qu'ils en rêvaient, de pouvoir eux aussi refaire le portrait à un homosexuel, ils n'allaient pas se priver ! En plus, celui-là avait comme circonstance aggravante d'avoir été particulièrement méchant et odieux avec eux en osant leur répondre, il méritait donc tout à fait de se faire rouer de coups de pieds à même le sol. Malheureusement, les petits affreux durent très vite abandonner leur nouveau jouet. Un châtain se tenait devant eux et les canardait avec l'appareil de son téléphone.

« Souriez, vous êtes filmés ! Cassez-vous maintenant, ou j'envoie toutes mes petites images aux keufs, vous vous démerderez avec ! Et pensez même pas vous en prendre à moi, c'est pas des p'tits collégiens de merde qui me font peur. Dans un de mes anciens établissements, ça se fightait à coups de chaines et de couteaux, et à la fin, c'est moi qui ai mis tout le monde d'accord ! Hop, attendez, je m'envoie les photos par e-mail... voilà, parfait, vous êtes baisés, du vent ! »

Alors que les plus vifs et sanguins des jeunes branleurs semblaient prêt à se jeter sur Gabriel, le moins stupide d'entre eux attrapa ses camarades par l'épaule et leur montra le chemin de la raison d'un signe de la tête : la fuite. À distance raisonnable, la bande d'agresseurs multiplia les doigts d'honneurs pendant que Gabriel aidait Kilian à se relever. Furieux, ce dernier cria dans leur direction. Son visage était tellement rouge de colère qu'il en oublia de pleurer.

« Même pas mal, c'est vous les tarlouzes, pas moi, vous tapez comme des filles ! Ouais, c'est ça, cassez-vous, allez-vous sucer la bite et niquez vos mères ! Pédales vous-même ! »

Heureusement pour le jeune inconscient, Gabriel s'était dépêché de déverrouiller l'accès à son immeuble et de tirer son camarade à l'abri, à l'intérieur, avant que leurs adversaires, furieux de se faire ainsi insulter, ne reviennent pour la seconde couche. Et ces derniers eurent beau taper aussi fort que possible de leur côté de la porte, rien n'y fit, elle ne céda pas et Kilian se retrouva très vite dans l'appartement de son camarade. Choqué et assis sur une chaise en train de vider un énorme verre de lait en pleurnichant, il se fit réprimander comme un enfant.

« Putain, mais t'es vraiment trop con toi ! T'étais obligé de l'ouvrir ? Maintenant, je suis sûr qu'ils font le pied de grue devant chez moi en attendant que tu sortes ! J'invite Martin pour les pizzas, on sera pas assez de deux pour te raccompagner chez toi tout à l'heure s'ils reviennent à la charge. Samedi, j'vais au poste déposer une main courante, si tu veux porter plainte, t'es le bienvenu ! »

Pour Kilian, se faire gronder de manière solennelle par Gabriel, déjà en train de téléphoner au rouquin qui leur servait de copain, lui donnait presque autant envie de pleurer que les coups qu'il s'était pris. Sans moufter et en baissant la tête, il grimpa à l'échelle et jeta ses fringues au sol avant de se laisser tomber à la renverse sur le canapé déplié. Pour ne pas montrer qu'il avait honte et de l'agression, de sa réaction, et d'avoir été secouru comme une princesse en détresse, il posa ses mains sur ses yeux et sur ses joues et attendit son chevalier servant. Quand enfin Gabriel entra dans l'atelier, Kilian semblait calmé. Le premier réflexe du châtain fut de s'assoir à côté de son camarade, de lui passer la main dans les cheveux, de dégager son visage pour essuyer du bout des doigts ses pommettes irritées et d'ausculter son corps à la recherche d'un mauvais coup ou d'un hématome. Quand enfin il eut terminé, il soupira et déposa un léger bisou sur le front du blondinet qui s'était laissé faire sans un mot.

« Pfff, bon, on a de la chance, à part deux-trois bleus, tu devrais bien t'en sortir... Je ne pense pas que ces connards étaient du quartier, je les ai jamais vus trainer ici. Pardon Kilian, je n'aurai pas dû arriver en retard, ça n'arrivera plus, je te l'promets... On a un peu de temps avant que Martin n'arrive, je lui ai expliqué, il termine ses devoirs et il se met en chemin. Bon, j't'avoue, la promesse d'une bonne pizza l'a un peu motivé à se bouger le cul. »

Kilian se recroquevilla sur lui-même. S'il avait déjà subi de nombreuses attaques homophobes, c'était la première fois qu'elles revêtaient une apparence physique. Il était choqué. Choqué qu'on puisse être si méchant gratuitement, choqué qu'on puisse s'en prendre à quelqu'un comme ça, juste pour le plaisir avec un argument aussi stupide que la sexualité et choqué, enfin, d'avoir été passé à tabac devant un de ses meilleurs amis. Même si l'extérieur de son corps ne lui faisait déjà plus mal, ce n'était pas le cas de l'intérieur de sa poitrine. Cette image de lui à la merci de connards inconnus n'était certainement pas celle qu'il voulait renvoyer à Gabriel. Alors qu'il baragouinait un charabia difficilement compréhensible, comme s'il rouspétait, il ne put empêcher son visage de se mettre à larmoyer abondamment.

« Ça va... C'était des petites frappes de toute manière, il me font pas peur ! J'aurais eu mon fleuret avec moi, j'leur aurais massacré la gueule ! Merci sinon pour tout à l'heure, mais j'ai pas besoin de garde du corps pour rentrer chez moi, hein, t'étais pas obligé de déranger Martou... Bon, allez, t'attends quoi pour me dessiner ? Et monte le chauffage, j'ai froid... »

Le châtain obtempéra presque immédiatement après avoir une dernière fois glissé ses doigts dans cette douce chevelure dorée. Derrière son chevalet, il se mit à l'ouvrage en silence et sans oser demander à Kilian de changer de pose, de peur qu'il ne s'appuie sur une de ses ecchymoses. Ironiquement, le thème qu'il s'était choisi ce jour-là était « la sanguine », et c'était en rouge que se dessinaient les formes de son magnifique modèle sur sa toile vierge. Après un long moment sans un bruit et alors que le blondinet restait immobile les yeux clos, Gabriel s'adressa à lui :

« Tu sais, si j'avais pu, c'est ton Aaron que j'aurai dérangé, mais Martin était moins loin. Et je rigolais, il s'en fout de la pizza, il veut surtout voir si tu vas bien. Crois pas qu'on veuille te servir de bodyguard, c'est pas ça du tout, ça aurait été n'importe qui d'autre qui se serait fait agresser devant chez moi, j'aurais appelé des renforts pareils. Je comprends très bien ce que tu ressens Kilian, crois-moi... »

Toujours immobile mais les yeux à présent ouverts, le blondinet fixa son interlocuteur sans décrocher le moindre sourire. Il était en colère. Pas parce que Gabriel était protecteur à l'extrême avec lui, ce qui lui courrait quand même un peu sur le système bien qu'il en reconnaissait toutes les vertus, mais juste à cause de cette petite phrase qui ne passait pas. En fait, c'était encore pire que ça. La poudre venait de prendre feu. L'explosion de ses sentiments fit sortir l'adolescent de ses gonds.

« Nan tu comprends pas Gaby, tu peux pas comprendre ! T'es hétéro, comment tu veux comprendre ? Tu t'es jamais fait taper d'ssus simplement parce que t'étais amoureux de quelqu'un ! T'as jamais embrassé de garçon ! T'es pas séparé de la personne la plus importante à tes yeux ! Alors arrête de dire que tu m'comprends ! Dessine et ta gueule ! »

Les pupilles masquées par ses cheveux, Gabriel laissa tomber par terre ses différents ustensiles qui ne brisèrent même pas le silence de plomb qui enveloppait la pièce. La seule chose que Kilian crut entendre, ce fut le bruit de la puissante déglutition de son camarade. Sans un bruit, le châtain se leva, s'approcha du blondinet, se laissa tomber sur lui, lui attrapa les poignets, les plaqua au-dessus de sa tête et le regarda, le visage fier, dans le blanc des yeux. Kilian respirait bruyamment, comme si son souffle était haché. Sentir le poids du corps de Gabriel contre le sien et voir son camarade si près de ses lèvres fit mécaniquement monter sa température interne, ce qui se voyait naturellement à la couleur de ses petites joues rosées. Son esprit lui disait d'avoir peur, son entrejambe criait tout autre chose. L'artiste, lui, fixait fièrement son modèle sans même chercher à cacher son irritation.

« Si, je comprends. Bien sûr que je comprends. Tu crois quoi, je n'ai pas eu de vie pendant ces deux ans ? J't'ai pas parlé d'Ana ? C'est la fille que j'ai embrassée en quatrième et qui m'a valu de me faire passer à tabac au milieu de la cour par des cons de mon collège, car ils jugeaient qu'on allait pas bien ensemble. J'étais trop pâle et elle pas assez, ça leur plaisait pas. Et tu dis que j'ai jamais été séparé de la personne la plus importante à mes yeux ? Paris-Lyon, c'est quoi pour toi, abruti ! Une rue à traverser ? C'est pas parce que j'suis pas amoureux de toi que tu n'es pas important pour moi ! Depuis la sixième, tu m'as toujours inspiré ! Même... même le soir de Noël, l'année dernière alors que je venais de me faire sucer par l'étudiante que j'avais dans le viseur à l'époque, Élise qu'elle s'appelle et j'étais raide dingue amoureux d'elle, j'ai pas pu m'empêcher d'penser à toi et d'espérer qu'tu allais bien ! Et c'est pas parce que je suis hétéro que je n'ai jamais galoché d'mecs ! J'en ai chopé trois sur Paris ! Un de mon propre chef pour voir c'que ça faisait et pour lui faire plaisir, un autre pour le faire chier et ça a super bien marché même si j'ai failli gerber et le dernier... Bon, en fait, c'est lui qui m'a embrassé, par surprise dans les douches au handball, mais je me suis laissé faire, donc ça compte quand même ! Ça te suffit pas ? Tu crois toujours que j 'suis pas capable d'embrasser des garçons ? Tu veux une preuve que si ? »

Au moment où il entendit ce mot, « preuve », Kilian sentit son cœur s'emballer, sans doute à cause de la sensation des lèvres de Gabriel sur les siennes. Le châtain n'avait pas attendu de réponse pour fermer ses paupières, se jeter sur la bouche du blondinet et l'embrasser avec une fougue qui fit exploser sa cible. Les cinq premières secondes, Kilian contracta tout son corps dénudé et écarquilla les yeux. Les cinq suivantes, qui lui semblèrent durer une douce éternité, il les laissa se refermer, desserra ses doigts rouges et laissa se détendre ses muscles. Il devait bien l'admettre, Gabriel avait des arguments plutôt percutants.

On sonna à la porte, sans doute au mauvais moment. Le châtain relâcha immédiatement son camarade et lui jeta ses vêtements à la figure. Mais avant d'aller ouvrir, alors que le blondinet enfilait son t-shirt en silence, l'artiste s'accroupit devant lui puis s'approcha de son oreille. Il préférait chuchoter.

« N'attends pas de moi que je m'excuse, ça n'arrivera pas. Et surtout, ne te fais pas de films, c'était juste pour te montrer que j'suis parfaitement capable d'emballer un mec, même si je suis hétéro. À part t'dessiner, je te ferai jamais rien d'autre. Je t'comprends Kilian, même si des fois, j'le montre mal, j'te comprends. Je suis là pour toi ! La semaine prochaine, même endroit, même heure si tu le veux bien, et cette fois-ci, tu seras gentil de ne pas te faire agresser juste devant chez moi. »

En secouant doucement sa tête de haut en bas, la mâchoire presque soudée et avec des yeux globuleux, Kilian fit comprendre à son camarade qu'il avait tout à fait compris la leçon et qu'il serait bien présent et ponctuel au lieu de rendez-vous. Il crevait de chaud ! Alors que Gabriel ouvrait à Martin et au livreur qui avaient eu la bonne idée d'arriver en même temps, le jouvenceau remonta d'un coup sec son caleçon en buttant sur son propre organisme au niveau des cuisses et rougit de plus belle en remarquant ce qui bloquait son rhabillage. Il ne s'était même pas rendu compte de l'effet de ce baiser volé sur son corps, mais maintenant qu'il réalisait, il n'avait plus qu'une seule envie, obéir aux hormones et se soulager. Ce n'était malheureusement pas des choses qui se faisaient avant de partager une pizza.

Après le repas, Martin raccompagna Kilian chez lui. Le blondinet en profita pour tout lui raconter, de l'agression jusqu'au moment où la sonnette avait retenti. En réponse, le rouquin lui passa juste la main sur l'épaule. C'était largement suffisant pour lui indiquer qu'il comprenait. Une fois chez lui, l'adolescent se jeta dans son lit sans même prendre le temps d'aller sur son ordinateur. Il avait une chose urgente à finir, une envie qui ne l'avait pas quitté depuis de longues minutes et qui le rendait fou. Dans la pénombre, nu sur son sommier, la bouche béante et la respiration lourde, il fixa le plafond sans vraiment le voir. Son esprit était ailleurs. Dans son monde à lui, les anges de ses fantasmes se trouvaient enchainés et jetés à même le sol. Aaron était assis en hauteur sur un trône monstrueux et le regardait pendant qu'il s'offrait à un autre. Son corps, ses lèvres, ses mains, son honneur... il ne pouvait s'empêcher d'imaginer que Gabriel lui volait tout cela, ni de trouver ça bien. C'était la première fois qu'il fantasmait aussi clairement et crument sur un autre garçon que son brunet. Ce qu'il avait en tête lui semblait tellement sale et violent qu'il se sentait d'une laideur absolue. Et quand l'orgasme arriva d'un coup, violent et humide, il crut ressentir sur son visage une drôle de sécrétion qui ressemblait à des larmes, ce qui le plongea dans un état second dans lequel tout n'était que pleurs et râles. Il avait tellement honte qu'il regretta que ses agresseurs du jour ne soient pas présents pour lui donner la bonne correction qu'il pensait mériter. Il avait tellement mal qu'il se sentit incapable de raconter à Aaron le menu de ses plaisirs solitaires du soir, malgré les habitudes qu'il avait prises. La seule chose qu'il eut la force de faire avant de s'assoupir fut de se saisir de son téléphone et de lui envoyer un SMS.

« Tu me manques. Aujourd'hui, on m'a tapé car j'étais gay, et tu n'étais pas là pour me défendre. Reviens, je sais pas si je peux tenir jusqu'aux vacances. »

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