7. Septembre accidenté

Le dimanche qui suivit l'anniversaire de Gabriel, Kilian n'émergea pas de son lit avant quatorze heures. Tout ce qu'il trouva à faire devant son brunch préparé avec amour fut de critiquer son petit ami qui avait eu la bêtise de le laisser boire, sans doute la décision la plus stupide qu'on pouvait prendre en soirée. Et maintenant, oubliant à quel point il s'était montré pénible la veille au soir pour avoir le droit de s'amuser comme les autres, il trouvait tout à fait légitime de se plaindre de son mal de crâne en lisant les dernières pages qu'Aaron avait rédigées dans la matinée, quand bien même son esprit englué l'empêchait de tout bien comprendre. Enfin, découvrir les malheurs, tortures, humiliations et punitions infligés au héros l'amusait quand même beaucoup, à défaut de l'effrayer.

« De toute façon, t'oseras jamais me faire ça en vrai ! »

Non, forcément, il n'était pas dans les plans d'Aaron d'électrocuter sauvagement son amoureux pour le réveiller, sans quoi il ne l'aurait jamais laissé trainer au lit jusqu'au milieu de l'après-midi. Enfin, pour son compte, si la soirée avait été intense, il n'en avait pas forcément gardé un mauvais souvenir. Grâce à Gabriel, Kilian s'était sincèrement amusé, et cela suffisait au bonheur du petit brun. Depuis l'accident de Cédric, ces moments de détentes entre amis s'étaient faits bien trop rare. Même l'attitude déplacée de Cléa ne l'avait pas agacé plus que ça. Ou plutôt, si. Sur le moment, cela l'avait mis en colère, mais ce sentiment avait vite été chassé par d'autres, telles la crainte et la compassion. Ces cicatrices qu'elle portait au poignet, elles étaient le signe de pulsions destructrices. Elles lui rappelaient de si mauvais souvenirs qu'il avait eu bien du mal à fermer l'œil, préférant échanger par SMS jusqu'à pas d'heure avec Justin, comme s'il avait un furieux besoin d'être rassuré.

Enfin, cela ne justifiait pas non plus que la lesbienne autoproclamée s'en prenne ouvertement à son petit blond, même si elle avait comme circonstance atténuante les trop fortes vapeurs d'alcool présentes ce soir-là, ainsi que la beauté intrinsèque du blond en question, charmant aphrodisiaque naturel. Que Gabriel flirte innocemment avec Kilian, ce n'était pas un problème. Aaron lui faisait une confiance aveugle. Le châtain était nécessaire à l'équilibre de Kilian, sa présence apaisante l'aidait à se construire. Il semait des graines de bonheur et, finalement, c'était le brunet qui en récoltait les fruits.

Par contre, Aaron était obligé de gronder Kilian pour s'être laissé approcher par Cléa, ce qu'il fit juste après avoir engueulé Patapouf qui se faisait les dents sur son mollet.

« Toi, la boule de poils, tu t'calmes où j'te balance dans la gueule de Mist. Et toi le blond, la prochaine fois que j'vois une nana te caresser la joue, j'te gifle ! Tiens, on va faire ça, à partir de maintenant, j'vais t'cogner partout où je verrai une fille te toucher ! T'as intérêt à faire gaffe où tu laisses trainer tes couilles ! »

Déglutissant sèchement en imaginant la scène, Kilian se fit tout petit devant sa tartine. Ça, c'était vraiment injuste ! Il était une victime, d'abord ! Son mec n'avait qu'à pas le laisser boire, aussi ! Enfin, le message avait l'avantage d'être clair : son petit brun à lui était sans aucun doute encore plus sadique et violent que l'Aar'on du roman qu'il écrivait... ce qui n'était pas forcément pour lui déplaire, en fait. Une main dans le slip pour rassurer ses deux petites précieuses apeurées et recroquevillées sur elles-mêmes en pensant à ce qui risquait un jour de leur arriver, et avec Patapouf qui s'était réfugié en équilibre sur son crâne, Kilian acquiesça en secouant énergiquement sa tête contractée, manquant de faire tomber le pauvre bébé canidé par terre.

« Vi, m'sieur », répondit-il simplement à voix basse avant de vider le fond de son bol dans son gosier.

Finalement, lui aussi dut admettre qu'il avait passé une bonne soirée, voire très bonne, même si les derniers instants avaient été compliqués. Jusqu'à présent, le blondinet avait toujours vu Cléo comme une petite créature douce et raffinée. Se faire violemment plaquer contre le mur en subissant la colère d'un regard injecté de sang lui avait rappelé qu'il fallait toujours se méfier des apparences. Son camarade de classe était un animal sauvage prêt à bondir quand on pénétrait son territoire. Comme une bête blessée, il montrait les crocs pour protéger ce qu'il avait de plus important, ici sans doute l'honneur de sa sœur.

Il avait fallu du temps à Kilian pour comprendre ce qui s'était vraiment passé. Le sachet, les yeux et la violence de Cléo, l'attitude un peu stone de Cléa, les mots, les cris... Ce n'étaient pas des choses courantes dans sa petite vie bien rangée. En fait, il n'avait jamais été attiré par toutes ces choses un peu borderlines qui pouvaient se fumer ou se sniffer. Déjà qu'il était blond, il ne jugeait pas avoir besoin d'un truc qui crame les neurones. En plus, cela aurait forcément fait de la peine à son frère. Non, lui, il était promis à un brillant avenir sportif, il n'avait aucune envie de s'exploser les poumons et la santé ni de faire les gros titres des journaux à scandales le jour où son talent serait enfin reconnu.

« Au fait, il s'est passé quoi dans la rue, quand tu leur a couru après ? Quand t'es remonté, t'avais la tronche d'un mec qui avait décuvé, puis tu m'as tiré par la manche pour qu'on rentre... »

« Rien... »

Rien. D'une certaine manière, c'était une bonne façon de résumer la phrase « Ça gueulait de partout et Cléo m'a menacé de m'en foutre une si j'osais répéter à quelqu'un ce que j'ai vu. » En tout cas, Kilian n'en voyait pas de meilleure.

La fin de l'après-midi fut placée sous le signe d'un commentaire de texte en Français qu'il fallait rendre le lendemain, une douce torture que les deux adolescents subirent chacun dans leur coin pour ne pas s'influencer ni être accusés de s'être copiés. L'instrument de leur malheur était un extrait d'Eugénie Grandet de Balzac, merveilleusement bien écrit mais atrocement chiant à décortiquer et imbuvable pour une génération aux goûts particulièrement différents de ceux de leur professeur. Un peu honteux de son manque de culture, Kilian demanda à ce qu'on lui indique ce qu'étaient un closier et un fermage et, surtout, comment il devait prendre le texte. Aaron lui expliqua sans trop lui en dire qu'il fallait surtout parler de l'avarice du personnage en relevant le champ lexical de l'argent, en mettant en relief le grotesque de la situation de cet homme mourant ne pensant qu'à son or et en étudiant l'indifférence maladive qu'il avait pour sa propre fille, bien moins importante à ses yeux que ses chers deniers. Et pour la seconde partie du devoir, il cherchait encore.

« Mais putain, l'auteur, il n'a pas pu penser à tout ça, c'est pas possible ! Enfin, si nous, il nous faut trois heures pour décortiquer une petite page de rien du tout, il lui aurait fallu combien de temps pour l'écrire ? Toi, tu mets combien de temps ? »

« Moi, je ne suis pas Balzac ! Ce mec n'avait pas besoin de réfléchir, il écrivait dix-huit heures par jour en se nourrissant quasi exclusivement de café, il pouvait t'écrire une nouvelle complète en une nuit... et il n'avait même pas d'ordinateur ! Sérieux, je ne sais pas si je le déteste parce que je trouve ses histoires chiantes à mourir ou parce que je suis jaloux de son talent... Bon, allez, ferme ta gueule et bosse, on a un commentaire à rendre pour demain... »

Le lundi, après avoir rendu sa copie, Kilian passa sa fin d'après-midi et sa soirée à la salle d'armes, s'entrainant avec son meilleur rival Pierre pour leur prochaine compétition commune où ils avaient encore quelques comptes amicaux à régler. Aaron, lui, traina dans les couloirs, avec comme petite idée de mettre les points sur les i. Pénétrant la salle d'art, il y trouva Cléa qui discutait avec un professeur au sujet du concours auquel elle, Gabriel et toutes sa classe allaient participer. D'un geste de la tête, le brunet indiqua à sa camarade son intention de discuter un petit peu. En se passant la langue sur les lèvres, l'adolescente lui indiqua par son sourire que cela ne la gênait pas. Le ton fut immédiatement donné.

« Ne touche pas à Kilian ! Le reste, j'm'en fiche, mais j'te pardonnerai jamais si tu fous ta merde avec lui. Il n'a pas l'air comme ça, mais il est super fragile. Pour le reste, j'te déconseille de trop t'ouvrir les poignets, c'est pas un jeu. Si t'as des idées à la con, le mieux, c'est d'en parler, franchement... »

Ne s'attendant pas du tout à ce genre de discours, Cléa éclata de rire avant de passer ses mains de manière provocante dans les cheveux et sur la joue du brunet, comme elle l'avait fait la veille avec le blondinet. Même si cette sollicitude un peu ridicule avait quelque chose de touchant, elle se sentait obligée de feindre le grotesque, comme si cela lui permettait de ne pas afficher ses failles. D'un geste vif et sec, Aaron repoussa les doigts de l'étrange créature et fronça des sourcils, avant de souffler en tournant les talons.

« À d'autres, pas à moi... »

Alors que sa main était posée sur le montant de la porte, il entendit clairement l'adolescente crier dans son dos, ce qui l'arrêta net dans son mouvement. Un cri doux qui se mêlait à une forme étrange de rire névrosé. Elle le hélait, elle l'appelait, comme si son bras tendu pouvait lui permettre d'accrocher le col du brunet pour l'empêcher de s'enfuir.

« Ton roman ! Je l'aime bien. Tu m'autorises à le lire ? »

Soupirant, le lycéen aux cheveux corbeau tourna la tête par-dessus son épaule. Il n'était pas fatigué, et pourtant, c'était comme si une étrange mélancolie s'était emparé de son esprit. Une feuille qui vola derrière la fenêtre indiquait que l'automne approchait.

« C'est pour ça que j'ai créé un blog. J'mets les chapitres en ligne dès qu'ils me satisfont, c'est assez irrégulier, mais tu peux le suivre, si tu veux... »

Puis, s'engouffrant dans le couloir, il laissa Cléa et cette étrange sensation derrière lui, ne prêtant même pas attention au regard gris bleuté d'un jeune garçon au visage ovale. Pourtant, ce dernier le fixa intensément à son passage en ouvrant légèrement la bouche comme pour laisser s'échapper un fin filet d'air entre ses deux rangées de dents à l'émail parfaitement blanc. Une de ses fameuses chemises toujours remontées au niveau des manches, Cléo l'observa tel un fantôme à travers une vitre du deuxième étage jusqu'à ce qu'il disparaisse au coin de la rue.

Kilian en retard pour dîner, le brunet travailla seul dans son coin avec Skype branché en tache de fond sur son ordinateur, partageant en vocal avec Gabriel des idées sur l'avancée de son histoire, les illustrations qui pouvaient convenir, les prochains développements et la meilleure manière dont une certaine juridiction pourrait punir le héros aux cheveux blonds pour ses incartades un peu trop sensuelles. Puis, l'heure avançant, les deux amis abordèrent le sujet du concours qui absorbait le châtain. Plus que jamais, ce dernier souhaitait vivre la couleur rose pour mieux se l'approprier, ce qui d'ailleurs expliquait la teinte crème du t-shirt qu'il avait mis ce matin-là et celle plus flashy du pantalon dont il se vêtirait le lendemain avec un haut blanc. De toute façon, il s'en foutait, quoi qu'il porte, rose, jaune, orange ou violet, il avait toujours la classe ! Le simple fait qu'il le pense était très largement suffisant pour l'aider à convaincre les autres de cette étrange réalité.

Quand enfin Kilian arriva sur le coup des vingt-deux heures, il se remplit la panse avec un reste de pâtes, fit un petit câlin à Patapouf nez contre museau puis s'écroula de fatigue sur ses devoirs, ne se réveillant pour aller se coucher qu'après avoir senti le léger contact des lèvres de son amoureux dans son cou.

Alors que la semaine avait particulièrement bien commencé, un accident le lendemain matin causa suffisamment de troubles pour que le directeur lui-même, un vieil acariâtre discret, intervienne en faisant gronder sa voix. Un jeune garçon, enfermé dans les toilettes des filles, refusait d'en sortir. L'acte en lui-même n'était ni pervers ni vicieux, mais bel et bien militant. Les pleurs que Camille lâcha à travers la cloison indiquaient que son malaise était réel. Il exigeait des excuses, sans quoi il n'en sortirait pas tant que les pompiers ne l'auraient pas délogé. Quand, alertés par le bruit et l'agitation des élèves de seconde, Kilian et Aaron s'étaient rués pendant la pause à travers la foule pour essayer de comprendre l'origine de ce brouhaha, ce fut Gabriel qui, lui aussi présent, leur expliqua avec nonchalance et les bras croisés derrière la tête ce qui venait de se passer.

« Un p'tit con présent samedi chez moi a cramé votre copine et a balancé son travestissement sur Facebook avec photo à l'appui, ça a déjà fait le tour du lycée. Tout à l'heure, il parait que sa classe s'est foutue de sa gueule, et il est venu s'enfermer ici. Il a du caractère quand même, c'est plutôt positif. Ah, et ne cherchez pas le responsable, il... »

Kilian n'attendit pas la fin de l'explication pour se jeter dans les escaliers à la poursuite du seul qui, à ses yeux, avait pu commettre un pareil méfait. Il ne savait pas pourquoi, mais une seule personne lui semblait assez tordue et violente pour arriver à un tel degré de bêtise et de méchanceté gratuite. S'en prendre à son petit Camille, c'était inacceptable ! Le trouvant dans la cour alors qu'il était en pleine discussion avec Martin et Koa, il se jeta à sa gorge et lui rendit le geste violent qu'il lui avait assené dans la nuit du samedi au dimanche, en le plaquant à son tour brutalement contre le mur.

« C'est toi Cléo ? C'est toi qu'à fait chier Cam ? Tu crois que j't'ai pas vu le fixer comme un taré à l'anniv de Gaby pendant qu'il parlait avec mon mec ? J'étais p'têt bourré sur la piste de danse, mais j'ai bien vu que tu le regardais ! Putain, si c'est toi, tu vas me le payer ! »

« Hein ? », gémit simplement le pauvre adolescent, secoué autant par le choc que par une accusation à laquelle il semblait ne rien comprendre. « Comment ça, le fixer ? De qui tu parles, là ? Ton mec, il a passé sa soirée à discuter avec une gonzesse qui tirait la tronche ! »

Devant cette dénégation aussi surprenante qu'insensée, le blondinet lâcha sa prise, ce qui permit à son rouquin de meilleur ami de le ceinturer au niveau de la taille pour l'empêcher de se faire repérer par les surveillants.

« Nan mais calme-toi, Kil, tu lui reproches quoi ? Il a rien fait, il était avec nous, on parlait des profs de merde qu'on avait en commun, entre votre classe et la nôtre ! »

Sans se démonter, mais avec un ton légèrement plus calme, Kilian réitéra ses accusations en jetant un regard noir à son camarade.

« Je suis sûr que c'est lui qui a balancé sur Facebook que Camille aimait se travestir et qu'il est venu en fille à l'anniversaire de Gabriel ! Ça peut être que lui ! Je suis sûr qu'il l'a cramé et qu'il a tout balancé après ! Et là, j'vais lui casser la gueule ! Enfin nan parce que je ne sais pas faire, mais c'est pas l'envie qui m'en manque ! »

Impulsif, Kilian l'était toujours un peu trop quand on osait s'en prendre aux personnes qui lui étaient importantes, quand bien même il était incapable de lever les poings pour se défendre lui-même. Il préférait toujours pardonner la peine qu'on lui causait plutôt que de se venger ou que de se battre, c'était sa nature, gentille, complaisante et douce. Mais quand on osait s'en prendre aux copains, là, il était capable de rugir comme le plus enragé de tous les lions, même s'il préférait quand-même se cacher derrière sa panthère dès qu'on rayait une de ses griffes.

Cléo, lui, ne pouvait qu'écarquiller grand les yeux devant cette explication très tarabiscotée et cette menace qui était loin de lui faire peur. Hilare, il avait du mal à y croire.

« Quoi ? La nana avec qui parlait Aaron, c'est... un mec ? Mais... c'est trop génial ! Attends, tu me montres le message qui révèle ça ? J'ai pas Facebook ! »

Ah. Maintenant que Kilian y pensait, c'était vrai qu'il n'avait jamais vu Cléo sur les réseaux sociaux. Il paraissait que ce n'était pas trop son truc, ce qui collait d'ailleurs plutôt bien avec son caractère sauvage et insoumis. Et là, pour le coup, le Panda maigrichon n'avait pas le regard d'un connard prêt à balancer une info pour nuire à quelqu'un, mais plutôt celui d'un gros pervers qui venait d'apprendre une nouvelle qui le ravissait. Un peu béta, Kilian resta plusieurs secondes à trembloter sans ne savoir quoi répondre. Heureusement, la main que Gabriel posa sur son épaule décrispa la situation d'un seul coup. Alors qu'Aaron était resté près des toilettes pour convaincre Camille d'arrêter de se donner en spectacle, le châtain s'était tranquillement lancé à la poursuite du blondinet, en descendant en sifflotant les marches qui menaient à la cour.

« La prochaine fois, laisse-moi finir de parler avant de te casser comme un sauvage ! Le connard qui a fait ça est un abruti de ma classe que je n'aurai jamais dû inviter, j'l'ai vu prendre des photos samedi pendant que tu te trémoussais le derrière en public. J'ai déjà balancé à Musquet, c'est bien d'un de ses faux comptes Facebook d'où sont parties les premières insultes, il risque le conseil de discipline, c'est le minimum pour un connard pareil. Normalement, le dirlo d'ici n'est pas trop con. Il était au courant pour le secret de Camille, son père lui avait tout expliqué avant la rentrée et il l'avait accepté en toutes connaissances de causes, donc il devrait lui pardonner ce spectacle. Bon, faut qu'on aille en cours, ça vient de sonner. »

Un peu gêné, Kilian s'excusa platement devant Cléo pour ses accusations injustifiées avant de filer piteusement en classe. Sur le chemin, il croisa Aaron qui lui indiqua que Camille avait finalement accepté de déverrouiller la porte et que Margot, son ex-future-on-sait-pas-trop petite copine l'avait pris par la main pour l'accompagner à l'infirmerie en attendant que son père vienne le chercher. Quand Kilian demanda ce qui avait poussé Cam à céder, le brunet répondit en bombant le torse.

« Négociation expresse. Le directeur s'est engagé à ce que le sujet de la transsexualité soit abordé lors de la demi-journée de sensibilisation qui aura lieu la semaine prochaine. Ça a touché Cam qui, du coup, a arrêté de faire sa gonzesse. Nan mais quand il est en jean, ça le fait trop pas, j'lui ai dit hein... S'il veut faire chier son monde, qu'il commence par mettre une jupette. Ça l'a fait marrer, donc c'est que tout va bien. »

Finalement, le plus surprenant cette semaine-là ne fut pas la crise de Camille, mais bien la réaction de Cléo. Dès le lendemain, l'élève de première opéra un rapprochement osé de son camarade de seconde, allant carrément jusqu'à ce que Kilian nommait « une tentative de drague un peu lourde et même pas subtile. Eh, mais attend... il est gay, Cléo ? »

Le doute subsista toute la semaine. Si l'adolescent aux fins cheveux noirs ne lâcha pas d'une semelle sa cible, personne ne réussit à déterminer s'il était intéressé plus par le garçon que Camille était ou par la fille qu'il avait envie d'être. L'élève de première alla même jusqu'à harceler son camarade pour avoir l'autorisation de lui glisser un bisou sur la joue. Le vendredi, voyant Camille empêtré dans cette situation délicate où Cléo jouait autant le rôle de harceleur que de protecteur face à la méchanceté naturelle de certains, Kilian monta au créneau et organisa une rencontre à quatre. Cam était quand même un peu à lui et à Aaron. Ils l'avaient connu pendant l'été, zut quoi, c'était à eux de le couver, pas à un autre. Devant les accusations de drague qui étaient formulées à son encontre, Cléo sourit ironiquement, ce qui agaça particulièrement Camille. Énervé, ce dernier exprima son besoin qu'on lui foute un peu la paix : quand il venait habillé en garçon, il n'aimait pas voir des mecs lui faire la cour. Non, il détestait cela, en réalité. Pour seule réponse et devant le regard estomaqué de Kilian et Aaron qui s'attendaient à tout sauf à ça, Cléo laissa voler ses lèvres sur celles du petit châtain.

« Viens en fille, alors... »

Complètement à l'ouest, Camille répondit simplement « d'accord » à voix basse, même si les mises en garde du blondinet qui suivirent le ramenèrent à la raison : s'il ne voulait pas avoir tout le lycée sur le dos, il ferait mieux de garder ses activités de cross-dressing pour le week-end.

L'après-midi, Kilian et Aaron eurent la « joie » de recevoir leur première note en français de l'année, un sept pour l'adolescent aux yeux verts et un quatre pour son camarade aux yeux noirs, d'ordinaire et objectivement le plus doué des deux dans les matières littéraires. Dépité, le blondin soupira en chiffonnant sa copie.

« J'suis doué pour être mauvais et mauvais pour être doué... Par contre, fais gaffe-toi, si tu ne déchires pas tout niveau moyenne générale à cause de Dugeron, Yun-ah va te passer devant et être première de la classe, et il est hors de question que mon mec ne soit pas le numéro un, c'est un coup à c'que j'te jette ! Enfin, même si j't'aime trop pour ça... »

Tout autant fatigué, le brunet souffla à son tour.

« L'année va être longue... »

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