50. Épilogue - Fin d'été, nouvelle rentrée

« Debout Kili, c'est la rentrée ! Ta dernière en plus ! Et mets un slip avant de descendre, ça fera plaisir à papa ! »

Grognons comme à son habitude, le blondinet fourra son nez dans son oreiller. Non pas qu'il ne voulait pas allez au lycée, mais simplement avait-il encore un peu sommeil. La fin du mois d'aout avait été chaud, tout comme cette première nuit de septembre. Même allongé nu sur le drap et avec les fenêtres grandes ouvertes, Kilian avait sué à grosses gouttes.

Finalement, l'été s'était passé plus vite qu'il ne l'aurait pensé aux premières lueurs de juillet, quand ses lèvres douces au parfum de pèche avaient embrassé sur le seuil de la porte celles fines au goût pomme de son petit ami. Une voiture attendait le brun. Aaron avait ouvert la porte à Mistral puis était monté dedans à son tour, sans regarder derrière.

Kilian l'avait regardé partir, comme si de rien n'était. Se retournant, il n'avait pu faire que trois mètres dans le couloir avant de s'effondrer en larmes, dos au mur. Ce jour-là, même toutes les léchouilles compatissantes de Pata sur la joue et le bout de son nez ne suffirent à épancher sa peine. Aaron était parti, sans date de retour.

Puis tout s'était accéléré. Pendant une dizaine de jours, l'adolescent aux yeux verts s'était entrainé sans relâche à l'escrime. Son objectif était le plus simple possible : briller comme il ne l'avait jamais fait, encore plus que le soleil se réfléchissant dans ses cheveux blonds. Jamais il n'avait passé autant de temps sur la piste. Tous l'avaient trouvé changé, plus percutant, plus élancé et d'une beauté toute nouvelle, celle de l'assurance.

Accompagné de son père, de Pierre, de son coach et de Gabriel, il était monté sur Paris pour participer à sa compétition. Avant chaque match, il avait pris la peine d'envoyer un petit SMS à son brun, parfois pour lui donner son dernier résultat, souvent pour simplement lui dit « Je t'aime ».

Le dernier message de la série avait sans doute été le plus simple de tous, et en même temps, ce fut celui-là et nul autre qui réussit à émouvoir Aaron aux larmes.

« Tu me dois un bisou. »

Le brunet avait simplement répondu « Je t'en dois des milliards ! », puis l'été avait poursuivi son court.

« Sérieusement, Kili, tu abuses là ! Bouge-toi où je demande à Pata de te réveiller. Non ? Tant pis, je lâche le chien ! »

Il était rare que Patapouf ait le droit de monter à l'étage. Depuis que le golden retriever habitait cette maison, il n'avait dû avoir cette chance que deux ou trois fois, pas plus. Sentir la salive de son compagnon à quatre pattes sur le visage ne provoqua chez Kilian que de nouveau grognement. Il le repoussa du plat de la main et planqua sa tête sous un coussin.

« Encore cinq minutes... »

Après sa compétition d'escrime, l'adolescent s'était arrêté plusieurs semaines en Suisse tel que prévu, histoire de reposer ses courbatures et les nombreux bleus qu'il s'était fait en pratiquant son sport. Aaron l'avait accueilli, bien déterminé à livrer un par un tous les baisers inscrit à son débit. La première chose que Kilian remarqua furentles trais tirés et fatigués de son petit ami, encore plus visibles qu'à la webcam. Malgré la présence de Justin qui lui tenait compagnie un peu chaque jour, Aaron semblait avoir sévèrement dégusté. Tous les matins, il s'était rendu à l'hôpital voir sa mère, avant de traîner l'après-midi.

Malgré une atmosphère pesante, Kilian n'avait pas détesté son séjour. À part deux fois où il avait accompagné son homme à l'aube, il avait préféré dormir tous les jours jusqu'à presque midi, avant de se lever et de préparer un brunch pour deux. C'était plus simple, même s'il voyait bien à ses yeux sombres qu'Aaron se forçait à sourire.

L'après-midi, souvent accompagné de Justin, les deux amoureux avaient flânés et s'étaient promenés dans les champs et les bois. Il n'y avait pas grand-chose à faire, alors ils trouvaient milles distractions. Vélo, piscine, visites des rares lieux touristiques. Tout était prétexte à s'amuser et à sourire. Pour remonter le moral à un bon ami, le chaton usait de toutes ses plus belles mimiques. Kilian les avait trouvées toutes plus adorables les unes que les autres, jusqu'à finir par demander un Justin en peluche à ramener chez lui, pour tenir tout le reste du mois d'aout.

Enfin, chaque soir, les deux adolescents se retrouvaient dans les bras l'un de l'autre. Ce qu'ils faisaient ? Ils s'aimaient, tout simplement, même si parfois, leur façon de se le montrer était assez bruyante.

« Kilian, dernière fois ! Grouille, tu vas être en retard... »

Difficilement, le lycéen se traina hors de son lit. Les coussins que son grand frère lui jetait à la figure avait fini par le réveiller. Tout en en faisant des tonnes comme un pauvre malheureux, il rampa jusqu'à la douche, nombril sur le sol. Cédric méritait bien qu'on le taquine ! Il fallait absolument fêter le fait qu'il puisse monter à nouveau les escaliers tout seul. Cela ne faisait que depuis quelques jours qu'il réussissait cette prouesse, après son long rétablissement et son éreintante rééducation. En fait, c'était la seule vraie bonne nouvelle de l'été.

Sous sa douche glacée, Kilian repensa encore à ce foutu mois d'aout. Tout avait pourtant plutôt bien commencé. Comme tous les ans, il s'était rendu deux semaines en corse avec Martin et avait profité de la mer turquoise et des grandes plages de sable fin pour se reposer et se dorer la pilule au soleil. Une fois de plus, ses souvenirs étaient extras.

Ce ne fut qu'une fois rentré chez lui que les choses s'étaient gâtées.

Sous sa douche glacée qui faisait frissonner son glabre nombril, Kilian y songeait encore. Seul ou presque dans sa chambre avec son chien, il s'était fait chier. Horriblement chier, même. Pourtant, Cédric allait bien, ce qui était plus qu'un soulagement. Mais même, ce n'était pas la même chose. Ce n'était pas pareil. Tous les jours, il avait trainé les pieds jusqu'à la salle d'arme, fermée. Puis il était allé se promener au parc avec Pata, et même parfois jusqu'au centre commercial dont les boutiques, pour la majorité, affichaient portes closes. Quand il rentrait, souvent au milieu de l'après-midi, Cédric faisait ses exercices avec un Kiné qui se déplaçait à domicile. Le blondinet lui, se jetait toujours irrémédiablement sur le roman du garçon qu'il aimait. Inlassablement, à chaque fois qu'il arrivait à la fin de l'ouvrage, il le reprenait du début jusqu'à ce qu'une petite fenêtre se mette à clignoter sur son ordinateur. Toutes ses soirées, Kilian les avait ainsi passées sur Skype en comptant les semaines, les jours, les heures, les minutes et les secondes qui le séparaient des retrouvailles si attendues.

Puis un soir, Aaron n'était pas venu. Il n'en avait pas eu la force. Son compte était resté déconnecté. Kilian avait immédiatement compris.

« Et voilà, un chocolat chaud tiède pour monseigneur du réveil en panne, un ! »

Devant le bol que lui tendait son cadet, l'adolescent sourit. Ses cheveux encore humides avaient bien repoussé en deux mois et ils avaient repris leur place naturelle, juste au-dessus de sa nuque. Quelques mèches lui tombaient sur le front et faisaient ressortir ses yeux émeraude et sa frimousse. C'était son arme préférée pour amadouer les méchants qui voulaient lui chercher des noises, les bruns hésitant au moment de passer à l'acte et les grands frères passablement énervé et stressé. Cela marchait toujours. Tandis que Cédric soupirait de désespoir devant un tel énergumène, l'oisillon doré but une gorgée, puis deux, puis descendit d'un trait la boisson lacté. Il était fin prêt. À un détail près.

« Ton slip, Kili, ton slip... Et mets un pantalon aussi par-dessus, ça pourrait être utile. »

Remontant en toutes hâtes dans sa chambre, Kilian ouvrit sa penderie et choisit son plus beau jean ainsi qu'un t-shirt de couleur verte dont les manches trop longues finissaient toujours au creux de ses paumes. Sur sa chaise, de beaux vêtements sombres attendaient de trouver le chemin du linge sale. Il n'y prêta pas attention. Sur son bureau se trouvait le dernier numéro d'escrime mag, revue à laquelle il était abonné et qu'il adorait lire. L'horloge de son téléphone indiquait huit heures trente. Il avait encore un peu de temps devant lui. Il en profita pour s'assoir sur sa chaise et ouvrir une nouvelle fois la revue qu'il avait déjà parcouru plusieurs fois en long, en large et en travers depuis qu'il l'avait reçue.

Après avoir débuté dans son sport, Kilian était rapidement devenu un fan de ce magasine que seuls les plus illuminés de sa tranche d'âge pouvaient lire. Un jour, il s'était promit d'y figurer en couverture. Pour l'instant, il n'était présent que dans les dernières pages, mais cela faisait tout de même sa fierté. L'article sur ses performances aux nationales, il l'avait scanné, photocopié, imprimé, encadré et envoyé à tout le monde. Quand Aaron l'avait lu, de son côté de la webcam, l'un et l'autre n'avaient pu refreiner une intense envie de chialer. Une fois encore, Kilian vola de pages en pages jusqu'à tomber sur sa photo. Entouré de son meilleur rival, Pierre, et d'un adversaire avec qui il était resté en contact après leur match, il étincelait. Rien que la légende le faisait sourire jusqu'en haut des joues.

« Youenn, Kilian, Pierre, un podium frais et surprenant en fleuret junior ! »

Et cela n'était rien à côté des mots du journaliste. Le blondin les dévora à nouveau les uns après les autres.

Sensation chez les juniors en finale des championnats de France de fleuret homme !

On attendait sur la plus haute marche du podium le jeune Youenn Botrand, déjà champion l'année passée, numéro un national de sa tranche d'âge et grand espoir de l'escrime Française. À l'issus d'un match plein d'intensité, il ne prend que la deuxième place de la compétition, devant le jeune prodige Kilian Juhel. Reportage.

« Ce garçon ira loin, cela fait des années que je le dis. Aujourd'hui, il a fait toute la démonstration de son talent, je suis fier de lui. » Ce sont par ces mots que Jean-Pierre Maugét, ancien membre de la DTN de l'équipe de France, parle du petit prodigue qu'il entraîne depuis maintenant plusieurs années dans la région lyonnaise, loin des grands clubs et de la pression du circuit.

Car ses compétitions, l'adolescent les choisit avec soin, passant plus de temps à la salle d'armes que sous les feux des projecteurs. Bien que peu habitué au crapahutage, il a marqué de sa présence tous les tournois auxquels il a participé ces dernières années. En plus de plusieurs titres régionaux à son actif dans différentes catégories d'âge, il s'est illustré au tournoi européen sur invitation de Milan l'année dernière avec un très beau parcours jusqu'en quart et s'est à plusieurs reprises placé dans le top seize des championnats de France.

Là où on ne l'attendait pas forcément au plus haut niveau en ce mois de juillet, il aura survolé sa compétition sans rencontrer la moindre adversité jusqu'en quart de finale, où il a pu se défaire après un match intense et serré de Pablo Mari, un des grands favoris de sa moitié de tableau. Ce succès lui a ouvert les portes des demis puis de la finale, où il a sans surprise retrouvé le numéro un national junior, Youenn Botrand. Ce dernier s'était en effet hissé sans le moindre problème jusqu'à la dernière étape après avoir battu le non moins talentueux Pierre Bauget en demi, troisième de la compétition.

Un match tendu et serré de bout en bout

Malgré une entame de match difficile, le jeune Kilian finira par l'emporter par quinze touches à treize à l'issue d'un match fou aux nombreux retournements de situation. Particulièrement ému, il témoigne, sa médaille bien méritée entre les dents : « Au début, j'ai eu du mal à le gérer. Rencontrer un gaucher n'est jamais simple, et il avait l'ascendant psychologique. Puis, à 7-3, je suis ressaisi, j'ai pensé à mes proches et j'ai appliqué ce que j'avais répété à l'entraînement, jusqu'à revenir à 10-10. Là, j'ai commencé à y croire. Il ne m'avait jamais tiré et ne connaissait pas mes feintes favorites, j'ai pu le prendre au dépourvu avec des coups que je ne sors presque jamais. À 13-14, j'étais une machine. Je ne pensais plus qu'à cette dernière touche. J'étais en transe, je n'avais plus conscience de rien. Parade, riposte... Ce ne fut que lorsque mes amis se sont jetés à mon cou et que j'ai vu la petite couleur verte clignoter que j'ai compris... C'est ma première grande victoire, je ne m'attendais pas du tout à faire un tel résultat, c'est complètement fou ! »

De son côté, son adversaire a su se montrer beau joueur. Malgré un parcours exemplaire et la frustration d'une défaite en finale, Youenn semblait prendre avec le sourire cette médaille d'argent. Il ne retient que le positif de cette compétition : « Cela ne change rien à ma saison, la meilleure que j'ai faites jusqu'à présent. Et puis, une médaille reste une médaille. Je suis content de mon escrime, tout a marché comme je l'entendais jusqu'en finale. Là, je me suis laissé surprendre, il en voulait plus que moi, bravo à lui. Aujourd'hui, j'ai découvert un adversaire que je ne connaissais pas et qui n'a pas tremblé. Il a à peine dix-sept ans, non ? Passez en junior comme ça et l'emporter, c'est vraiment impressionnant. J'espère qu'on aura la chance de s'affronter à nouveau et pourquoi pas de se retrouver en équipe de France. Même si ce n'est pas à moi d'en juger, je crois qu'il a très clairement montré qu'il en avait le niveau, tout comme le troisième de la compétition, Pierre, que j'ai battu de justesse en demi. Lui non plus n'a pas volé sa place ! »

L'intérêt de la DTN

Si le résultat final apparait particulièrement inattendu à la vue du classement national des différents protagonistes, il ne surprend pas vraiment Philippe Busseraud, médaillé mondial par équipe en 1989 et coordinateur des équipes jeunes de la Direction Technique Nationale. Même si son meilleur poulain s'est fait défaire par un outsider encarté dans un club de province, l'ancien champion a accueilli l'issue de la compétition avec une grande sérénité. « Il serait faux de dire que la DTN n'a pas fait son travail de repérage : cela fait longtemps que nous suivons le jeune Kilian et ses résultats sont à la hauteur des espérances que nous avions placées en lui. Il peut briller au plus haut niveau. Tout ce que je peux dire, c'est que pour les européennes qui arrive en automne, avec autant de jeunes talentueux en junior, les places seront chères, aussi bien en individuelles qu'en équipe. Je ne m'interdis rien au niveau des sélections. Par contre, pour son avenir, même s'il est aujourd'hui en de très bonnes mains, il serait bon que Kilian rejoigne un de nos principaux centres de formation, après son bac l'année prochaine. Nous lui avons fait une proposition, c'est à lui de voir. Mais un tel talent, il faut absolument le mettre en bouteille. »

En attendant, le jeune champion savoure. Entouré de son camp, l'adolescent a insisté, tout sourire, pour nous délivrer un dernier message. « Vous direz à mon petit copain que je l'aime ! C'est important, il me doit un bisou pour ma victoire ! »

Le premier d'une longue série ?

J.B

La lecture finie, le jeune athlète reposa la revue sur son bureau et soupira. Il ne savait pas ce qui lui faisait le plus plaisir. Qu'Aaron ait lu cet article une bonne centaine de fois et le connaisse par cœur ? Le fait d'avoir eu son baiser et même un petit bonus dont son arrière train se souvenait encore ? Ou simplement d'avoir obtenu grâce à ce haut fait d'armes sa qualification pour ses premiers championnats d'Europe, pour lequel il se préparerait à la toussaint à travers un stage avec des membres de l'équipe de France Junior, dont celui qu'il avait battu en finale. Youenn était un jeune talent prometteur d'origine turc. Le blondinet avait adoré leur duel et n'attendait plus qu'une chose, pouvoir recroiser le fer au plus vite !

« Kilian, là, tu vas être en retard... »

Entendant les remontrances de son père, l'adolescent et dévala les escaliers en courant, sac sur l'épaule. Enfin, il entrait en terminale.

Sur le chemin, il fut pris de mélancolie. L'été, cet étrange été fait de joies et de peines touchait à sa fin. En ce jeudi matin, il reprenait le chemin des cours, le chemin de sa vie. Dans moins d'un an, il serait bachelier et partirait sans doute pour de nouveaux horizons. Il l'avait compris et intériorisé. S'il voulait faire carrière, il devait sortir de sa région et se confronter aux meilleurs, sans pour autant négliger ses études. Il lui restait peu de temps pour décider de son avenir. Une seule chose était certaine. Il ne prendrait aucune décision sans avoir consulté avant toutes choses un certain petit brun cher à son cœur, sans qui il n'imaginait pas sa vie.

Enfin là, il n'avait qu'une hâte, sauter au cou de ses amis les plus proches et discuter avec eux de ce que tout le monde avait déjà pu lire pendant les vacances sur les réseaux sociaux. Le premier sujet qu'il tenait à aborder, c'était la nouvelle photo de profil de son copain sur Facebook, un dessin de ce dernier réalisé par Gabriel par webcam interposé. Kilian voulait la même chose pour son compte. L'artiste lui avait proposé plusieurs esquisses par e-mail, jusqu'à ce que le blondinet s'énerve. « Nan mais quand je dis le même... J'veux un dessin d'Aaron, quoi ! »

Forcément...

En s'approchant de sa destination, Kilian tomba sur Martin, en pleine discussion avec Cléo. Par surprise, il se jeta sur leur dos et s'agrippa à leur sac. Ces deux-là, il était content de les voir. Sans la moindre gêne, il s'invita dans la conversation, dont le sujet principal était la vie intime du rouquin.

« C'est vrai qu'il n'est plus puceau depuis cet été, mon Martou ! Nan mais cherche pas Cléo, j'ai beau l'avoir chatouillé pendant des heures, il a presque rien voulu me dire. Heureusement que Yunette m'a confirmé le truc, sinon, je n'y aurais jamais cru ! Mais, c'est bien vrai, il a bien eu quinze et seize en français, un truc de malade, donc elle a tenu sa promesse ! »

Rouge comme une enfant prit la main de le sac à bêtises, l'adolescent aux cheveux orangés serra les dents. Foutu meilleur ami qui parlait beaucoup trop ! Lui, il n'était pas du tout comme cet increvable blondinet à la langue trop pendue ! Il avait de la pudeur, du respect pour ses partenaires et pour lui-même, et même de la gêne quand il s'agissait d'évoquer ses parties de jambes en l'air. Enfin, surtout la première ! Qui était aussi un peu la seule.

« N'en mais t'en fait pas hein, au début, tu trouves ça étrange, et puis après, tu deviens fan ! Attends, cet été, quand j'étais en Suisse, Aaron a essayé un nouveau truc, mais c'était énorme ! Bon, au début, ça a commencé normalement, j'étais attaché les mains dans le dos avec un fouloir sur les yeux et un bâillon dans la bouche, les fesses en l'air. Super classique, quoi. Et bah j'peux te dire que ce qui c'est passé après, j'ai pas compris tout de suite... D'ailleurs, j'ai toujours pas pigé, il a pas voulu me dire comment il avait fait... Mais bien, hein ! »

Nerveusement, Cléo détourna le sujet. Parler de ces choses-là à cet instant précis le gênait. Il était au courant de certaines nouvelles. Il dévia le sujet.

« D'ailleurs, en parlant d'Aaron, c'était quand ? Il va bien, il a tenu le choc ? »

Le regard dans les baskets, le blondinet perdit son sourire. Foutu été pendant lequel il était passé par toutes les émotions. Sans être une surprise, cela avait été dur, très dur. C'était la première fois qu'il voyait son petit copain pleurer comme ça dans ses bras, avec une peine aussi intense. La douleur était immense. Lorsque la musique qu'elle aimait le plus avait retenti et le curé fait son office, Kilian aurait tout donné pour être ailleurs, à l'autre bout du monde. Quand son petit brun était tombé les yeux sens dessus-dessous dans ses bras, il avait compris qu'il avait eu raison d'être là. Sa place était définitivement au côté d'Aaron. À voix basse, il chuchota sa réponse. Le lycée n'était plus qu'à deux cents mètres.

« C'était hier. Après la cérémonie, Aaron est resté avec sa famille, il a dormi chez son oncle avec son père. Il m'a expliqué qu'elle préférait reposer près de son village ou elle a passé son enfance, pas loin d'ici. J'ai appris la nouvelle dimanche matin, le lendemain. Le jour même, j'crois que c'était trop dur pour lui de m'envoyer un message. Même si je m'y attendais, ça m'a fait un choc, trop brutal. Je l'appréciais vraiment. »

« Et pour la suite ? », demanda Martin ?

« J'sais pas trop... », marmonna Kilian. « J'ai appris cet été que son père avait demandé sa mutation pour rentrer en France, pour se rapprocher de sa famille. Il est sur un poste important, préfet ou un truc comme ça. Après, avec un peu de chance, il pourrait devenir ambassadeur d'ici quelques années, mais ça dépend surtout des élections, j'crois. »

Enfin, la petite troupe arriva à destination. Les portes closes s'ouvrirent pour faire passer ceux qui, d'ici quelques minutes, seraient officiellement en terminale. Cléo et Martin s'avancèrent les premiers. Kilian préféra rester seuls quelques instants. Son cœur tambourinait trop fort. Sans savoir pourquoi, il était pris de tremblement. Ce n'était pourtant pas le vent. Ce dernier soufflait à peine. Levant les yeux au ciel, il put en observer toute la clarté. Il était intensément bleu. L'adolescent soupira. Il était temps d'y aller. Pourtant, par derrière, une main l'agrippa par le bras et le retint. Elle s'accompagnait d'une voix de jeune homme entre deux âges aux cheveux noirs qu'il connaissait bien.

« Kilian ? »

Se retournant sans répondre, le blondinet attrapa son camarade par la chemise et le plaqua sur le montant de la porte. Avant même que le jeune brun n'ait eu le temps de réagir, il se retrouva avec des lèvres qui n'étaient pas les siennes posées délicatement sur sa bouche. Le baiser dura de longues minutes, faites d'intense plaisir, d'amour et de quelques larmes. Personne n'osa l'interrompre, pas même le CPE Musquet qui attendit que les deux jeunes gens aient terminé leurs retrouvailles avant de leur indiquer qu'ils étaient très en retard et que l'appel avait déjà commencé.

Main dans la main, le blond et le brun passèrent les portes du lycée Voltaire, pour vivre ensemble le premier jour de leur année de terminale.

Fin

« Au fait Kili, on est d'accord, j'dors bien chez toi, ce soir ? »


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