4. Un nouvel allié

Le samedi matin, le plus dur pour Aaron ne fut certainement pas de se lever avec les poules pour faire plaisir à un professeur autoritaire manquant très sérieusement d'humour, même s'il aurait bien profité encore un peu de la fraicheur des draps de ce lit trop petit pour deux. De toutes manières, même si François lui avait offert d'utiliser la chambre d'amis, le brunet refusait de dormir dans un autre lit que celui du garçon qui faisait battre son cœur.

Le plus dur fut de ne pas pouvoir accompagner Kilian à l'hôpital pour un rendez-vous prévu à dix heures trente. L'adolescent aux yeux verts voulait être présent avec son père lors du point santé de Cédric. Réveillé depuis peu, le jeune adulte n'avait pas encore récupéré tous ses esprits. Suite à l'accident, les dommages – nombreux – semblaient pour certains irréversibles. Il fallait être patient.

« C'est pas grave si tu viens pas, c'est mon frère, pas le tien, c'est même mieux comme ça ! »

Alors que son amoureux culpabilisait, le blondinet avait machinalement sorti cette petite phrase le vendredi soir dans le pour but de le rassurer. Il ne voulait pas l'affliger, il ne voulait pas qu'il se lamente en prétextant que tout cela était sa faute si les nouvelles étaient mauvaises. Mais comment Aaron aurait-il pu comprendre un tel message ? Dans sa tête, le brunet avait passé la nuit à se répéter ces mots inlassablement. « Ce n'est pas grave ». « C'est mieux ». « Ne viens pas ». Ce qui n'était qu'une douce caresse, il la vécut comme une gifle des plus violentes.

Dès que le réveil sonna, il l'éteignit pour ne pas réveiller son cher et tendre. Alerté par le bruit, ce dernier grogna avant de laisser ses songes l'emporter de nouveau. Dans la salle de bain, après une douche brulante, Aaron se rasa. Il n'en avait pas vraiment besoin, mais l'âge commençait à faire son effet et amenait de temps en temps un léger duvet au-dessus de ses lèvres. Il préférait toujours enlever ces marques de l'adolescence avant qu'elles ne soient trop disgracieuses. Pour Kilian, il voulait être le plus beau, même quand ce dernier ne le regardait pas.

Après s'être habillé en vitesse, l'adolescent déposa un léger baiser sur la joue du blondinet. Ce petit geste d'affection provoqua chez le concerné un long ronronnement qui semblait vouloir dire « fais-moi un câlin ». Délicatement, le brunet s'exécuta avant de lui glisser dans les bras sa tablette dans laquelle il avait chargé les trois premiers chapitres de son roman. Même s'ils n'étaient pas parfaitement terminés, il voulait que Kilian les lise et lui donne son avis. C'était important à ses yeux. C'était pour lui qu'il écrivait. Alors, pour le lui faire pleinement comprendre, il chuchota quatre petits mots.

« Tu es mon héros. »

Plus d'une heure plus tard, le blondin émergea enfin et découvrit l'appareil à côté de son ventre. Comprenant immédiatement ce que son amoureux attendait de lui, il se jeta dessus et commença sa lecture sans même prendre le temps de petit-déjeuner. Enfin, il pouvait découvrir le début de cette histoire dont il n'avait jusqu'à présent vu que quelques bribes. Plus tôt, l'année passée, Aaron avait écrit une nouvelle dans le même monde. L'adolescent l'avait dévorée, quand bien même elle l'avait fait horriblement rougir. Et là, il s'attendait à quelque chose d'encore pire. C'était en tout cas la promesse qui lui avait été faite. Son brunet lui avait affirmé qu'il avait décidé de complètement se lâcher. Les cris d'amour comme les fantasmes, tout serait gravé dans la pierre à jamais. Les trais seraient grossis et les péripéties rendues rocambolesques au possible. Oui, Kilian piaillait d'impatience de lire les aventures de son alter-ego. Non pas parce qu'il lui prêtait ses traits, ses manies et son caractère, mais simplement parce qu'Aaron les écrivait.

Ces trois premiers chapitres, il les dévora trois fois à la suite. La première parce qu'il était happé par l'action et l'humour. La deuxième parce qu'il voulait être sûr de tout bien comprendre au background et aux enjeux du récit. La troisième, enfin, pour noter toutes les petites références à sa vie et à celle de l'auteur. Voir certaines de ses connaissances décrites de manière souvent ridicule et exagérée le fit hurler de rire, même quand c'étaient lui et ses fameuses bouderies les victimes de l'humour du jeune romancier. De manière objective, certains passages étaient d'ailleurs particulièrement drôles, comme cette histoire d'androïde roux meilleur copain du héros ou cette cour censée juger de manière automatique et répétée ses frasques et son manque de pudeur. Même si certains termes étaient exagérés, il adorait lire qu'il était la propriété sexuelle de l'Aar'on, et cela ne le gênait même pas que de le voir affirmé aussi clairement noir sur blanc, quand bien-même d'autres lecteurs pourraient être choqués par cette étrange vérité narrative. D'autres éléments le touchèrent, comme cette référence directe à ses petits malheurs et au drame qui avait frappé Cédric, preuve qu'Aaron se faisait du souci pour lui. Dans l'ensemble, tout lui plaisait, même d'être dépeint de manière particulièrement puérile – trait de caractère qu'il revendiquait et qu'il ne voulait surtout pas perdre –. Le seul élément qui le gênait était peut-être l'abus de terme mélioratifs pour parler de son physique et de son derrière, ce qu'il indiqua assez vivement à l'auteur par SMS avant d'aller se préparer en oubliant bêtement de lui dire tout le bien qu'il pensait du reste.

« C'est bon on a compris que j'étais beau, c'est pas un concours non plus ! Et puis c'est gênant, pense aux moches qui vont lire ton truc, ils risqueraient de mal le prendre ! »

Sur le chemin du retour après ses deux heures de colle, Aaron s'arrêta pendant de longues minutes devant une vitrine, autant pour réfléchir que pour se changer les idées. Le texto qu'il venait de recevoir l'avait un peu secoué. Il le trouvait vexant. Si on ne peut dire au monde entier à quel point on trouve le garçon qu'on aime magnifique, à quoi bon écrire ? Non, franchement, son petit copain était au moins aussi idiot que le héros de son roman. Du coup, ce fut ce dernier qu'il décida de punir dès les prochains chapitres. Ça, ce n'était pas les idées qui manquaient ! La prochaine mission de Kili'an sur Pozidono serait humide et ardente à la fois. Son personnage principal ne serait pas déçu du voyage !

De retour chez François, le brunet put constater que seul Mistral l'attendait. Un regard sur la pendule lui indiqua que Kilian devait encore être à l'hôpital, comme prévu. Ayant un peu de temps devant lui, il se mit à grognasser devant son ordinateur avec ses lunettes de lecture sur le nez avant de passer aux fourneaux. Plus les jours passaient, plus il aimait préparer à manger. Simplement voir son petit ami sourire devant ce qu'il lui servait changeait tout. Plus jeune, quand sa mère ne lui préparait pas son repas, Aaron se nourrissait essentiellement de plats surgelés. Seul, il ne voyait pas l'intérêt de cuisiner. Depuis qu'il était en couple, il insistait pour que chaque repas à la maison ressemble à quelque chose, même si les recettes étaient peu élaborées. Ce midi-là, il prépara tout simplement une salade tomate-thon-avocat, avec pour relever le tout une vinaigrette à base de sel, poivre, piment, vinaigre, huile, citron, coriandre et amandes concassées. À la fois bon et sain, de quoi faire enchanter n'importe quel petit blond gourmand.

Malheureusement, rentrant avec son père la mine défaite, Kilian glissa simplement ses pieds sous la table en silence, à la plus grande frustration de son amoureux. Le moment qu'il venait de vivre à l'hôpital était loin d'être le plus agréable de sa vie, et il refusa net d'en parler. Il fallut attendre le dessert pour qu'enfin il ne s'autorise quelques mots, en rapport avec un tout autre sujet.

« Ah, au fait, j'ai lu le début de ton roman ce matin, c'était vraiment cool, tu devrais mettre ça en ligne sur un blog, je suis sûr que ça pourrait plaire à des gens ! Par contre, y a un truc que je n'ai pas pigé ! Pourquoi au début de chaque chapitre, il y a des signes bizarres ? On dirait de l'elfique, mais j'ai vérifié, ça n'veut rien dire ! »

Rassuré que son petit ami apprécie sa prose, le brunet souffla un bon coup, puis lui expliqua l'entourloupe : les petits messages en haut étaient en fait écrits par le premier Aar'on et n'étaient rien d'autre que ses pensées les plus perverses, ignobles et amoureuses, affichées dans une police d'écriture illisible et réputée tirée du Seigneur des anneaux qu'il avait trouvé sur Dafont.com, Tengwar Annatar, afin que les lecteurs lambda n'y aient pas accès et pour rajouter une part de mystère. L'idée lui avait d'ailleurs été soufflée par Gabriel, grand amateur de n'importe quoi dans l'absolu. Quant au blog, il lui indiqua qu'il était en cours de création, mais qu'il voulait lui demander l'autorisation avant d'y publier quelque chose. C'était quand même de son derrière de blondinet dont il était le plus souvent question, et il ne voulait pas offrir à la vue de tous des choses trop intimes. Surpris qu'on s'intéresse à son avis, Kilian bégaya qu'il était tout à fait d'accord, qu'il n'avait même pas son mot à dire dans ces choses-là et qu'il ne voulait pas être un frein au talent de son mec. Encore plus rouge que les tomates qu'il avait dégustées quelques minutes plus tôt, il conclut à sa manière la discussion :

« Ça va, c'est qu'un roman... c'est pas comme si des gens lisaient pour de vrai ce qu'on fait vraiment toi et moi, comme la petite pause qu'on s'est accordée hier midi dans les toilettes du lycée. Heureusement qu'elles sont super propres, d'ailleurs, on a de la chance à ce niveau-là. Mais ça, faut pas le dire hein, il n'y a que Martin qui sait ! Et toi, mais ça, c'est plutôt normal, vu que c'est toi que j'ai... enfin, avec ma bouche quoi... »

Devant cet argument, Aaron ne put que confirmer que ce moment hautement agréable resterait bien secret, même si les évènements de son histoire, moins réels, ne seraient pas moins intenses. C'était quand-même une riche idée qu'avait eu son Kilian pour passer le temps entre la fin du repas à la cafet' et la reprise des cours. D'ailleurs, il était tout à fait partant pour lui accorder sa petite liqueur digestive en conclusion de chaque déjeuner, tant qu'ils ne se faisaient pas chopper. C'était une bien meilleure manière de rendre le lycée excitant que d'y suivre les leçons soporifiques d'un mauvais prof de français. Et même là... il n'était pas forcément contre un petit plaisir coupable histoire de bien se détendre avant de se remettre à écrire.

« Non. »

La réponse, sèche, laissa Aaron interdit. Ce qui le surprenait, ce n'était pas tant que Kilian n'ait pas envie de lui offrir une petite douceur que son air absent et profondément triste. Son blondinet était clairement dans une mauvaise passe. Et quand, dans l'intimité de leur chambre, il lui intima de se mettre à table, ce fut avec des larmes que l'adolescent, recroquevillé sur son pieu, résuma l'entrevue à l'hôpital, celle là-même qui l'avait laissé dans un si piteux état.

« Le docteur a dit qu'il ne savait pas si Cédric remarcherait un jour. Pour l'instant, c'est hospitalisation en continu le temps qu'il reprenne des forces, puis rééducation, et si ça se passe bien, retour à la maison dans un fauteuil... un fauteuil putain, il rêvait de faire le tour du monde, il adorait passer son temps libre au club de boxe... et ils vont le coller dans un fauteuil ? Mais merde quoi ! »

Complètement pris au dépourvu, le brunet eut bien du mal à trouver ses mots. S'il se doutait à la tête de son camarade que les choses s'étaient mal passées, il n'imaginait pas du tout que les nouvelles seraient aussi mauvaises. Cette tristesse sur les joues de Kilian, il voulait tout faire pour la sécher. Il s'en sentait malheureusement incapable. Et la question que lui posa innocemment son petit ami finit de le faire sombrer dans un profond malaise.

« Tu serais triste si ta sœur était dans le même état que Ced ? »

Aaron n'avait jamais été aussi proche de Judith que Kilian l'avait été de Cédric. Entre sa grande sœur – de cinq ans son ainée – et lui, c'était une histoire compliquée depuis qu'il était bébé, époque où il l'insupportait de ses cris. Durant l'enfance, ils n'avaient jamais été complices, ils n'avaient jamais rien partagé, ils avaient toujours vécu chacun de leur côté sans prêter attention à l'autre. Et depuis que la jeune femme étudiait la sociologie à l'université Lyon 2, leurs rapports se retrouvaient limités à leur plus simple expression : un e-mail de temps en temps et des nouvelles transmises par les parents. Et même quand le brunet s'était mis à assumer et à revendiquer son coup de cœur pour un certain blondinet, elle n'avait eu pour lui que des mots désagréables et désintéressés, bien différents de ceux de Cédric qui avait tout de suite accepté les choix de son frangin. Pour Kilian, cette relation était une véritable énigme. Il n'imaginait pas qu'on puisse ne pas aimer une sœur comme lui aimait son frère. Avec une naïveté sincère, il avait souvent questionné son amoureux à ce sujet. Il ne pensait jamais à mal, et certainement pas à cet instant précis où, en boule sous ses draps, il avait candidement voulu recentrer le débat sur le garçon qui partageait sa vie plutôt que de se lamenter sur son propre cas.

Aaron ne trouva pas les mots pour répondre à ce qu'il considéra maladroitement comme un reproche. Les choses pouvaient-elles en être autrement ? N'était-ce pas sa faute si Cédric avait eu cet accident, là où lui n'avait eu à souffrir que de quelques contusions ? Même si Kilian lui avait pardonné ça et tout le reste dans une merveilleuse lettre, n'y avait-il pas une part inconsciente de son petit cerveau de blondinet qui lui en voulait encore ? Aux yeux du jeune brun, le simple fait que cette possibilité existe était pire que tout. Non, ce qui était vraiment pire, c'était de voir son petit ami dans un tel état de souffrance.

Alors, sans réfléchir, il se jeta sur son sac et en sortit toutes ses économies en liquide, puis descendit en trombe soumettre à François l'idée qui lui trottait dans la tête depuis le matin. Si, au début, l'adulte se montra réticent, il finit par céder face aux arguments de l'adolescent et l'accompagna jusqu'à la boutique devant laquelle il s'était arrêté en chemin au retour du lycée, histoire de régler tous les détails légaux. D'un geste affirmé, Aaron pointa du doigt ce qu'il désirait acheter et offrir à son amoureux. Quelques minutes plus tard, l'affaire était bouclée.

De retour à la maison, il héla Kilian, ce qui eut pour effet de le réveiller alors qu'il s'était innocemment endormi. Trainant des pieds, le blondin descendit une à une les marches de l'escalier. Ses yeux étaient pâteux et sa gorge sèche. Son crâne lui faisait mal. Mistral aboyait tellement étrangement qu'il avait l'impression de l'entendre avec de l'écho. Par trois fois il dut se frotter les paupières avant de réaliser ce qu'Aaron tenait dans ses bras.

« Wif »

La main gauche sur la bouche, Kilian sentit des larmes couler abondamment sur ses doigts. Il n'arrivait pas à croire ce qu'il voyait.

« Il a deux mois, c'est un Golden Retriever... TON Golden Retriever, je l'ai choisi aussi blond que toi pour que vous alliez bien ensemble. Je... quand j'étais en sixième, j'étais toujours triste et solitaire. Quand mes parents m'ont offert Mistral, ma vie a changé. Il a séché mes yeux humides et m'a aidé à grandir. Je t'ai souvent vu jouer avec mon chien, je sais que tu adores les animaux et que tu aurais voulu en avoir un... Alors voilà, c'est le tien. Pour une fois, ça sera toi le maitre... Je... j'veux te rendre heureux Kili, et j'ai peur de ne pas y arriver tout seul... Mais je sais que lui, il m'aidera, et puis, ça fera un petit frère à Mistou... Son nom, c'est... »

Avant même qu'Aaron n'eut le temps de finir sa phrase, son camarade se jeta à son cou, lui prit délicatement l'animal des bras et le souleva au-dessus de sa tête, avant de lâcher le premier mot qui lui vint à l'esprit.

« ...Patapouf ! »

Cela ne sortait pas de nulle part. Au primaire, Kilian et Cédric avaient souvent demandé un chien, à chaque Noël et anniversaire. Ils avaient même choisi d'avance le nom qu'ils lui donneraient, un nom fortement ridicule sorti de la tête d'enfants. La réponse de leur père avait toujours été négative. Pas d'animaux à la maison, fin de non-recevoir. Kilian avait fini par se faire une raison et avait abandonné ses prétentions canines, maudissant secrètement son chef de famille mais refusant pour autant de s'opposer à lui. Ces derniers mois, pourtant, François avait fait évoluer ses positions, acceptant le meilleur ami d'Aaron sous son toit et se proposant même de le garder pendant les vacances que son fils avait passées en Inde puis en Corse. Jamais, cependant, Kilian n'aurait pu imaginer que son amoureux lui ferait un tel présent avec l'assentiment de son père, jamais. La surprise était totale.

« Heu, non, là, c'est l'année des L, donc je pensais à un truc plus classe pour son carnet de santé, genre Linko ou Lanka... Nan mais Kil, tu vas pas appeler ton chien Patapouf, quand même ? Tu vas pas faire ça ? Enfin c'est ridicule... »

À l'air gêné d'Aaron et à celui amusé de François, Kilian répondit par un énorme câlin adressé au petit chiot qui lui lécha le visage, accompagné d'un regard possessif et parfaitement kilianesque qui semblait vouloir dire « c'est mon mien, c'est moi qui décide, touche pas à mon mien ! ». Devant ce tableau d'une mignonnerie invraisemblable, le brunet sentit son cœur battre à cent à l'heure. Il était bien incapable, d'ailleurs, de déterminer ce qui l'émouvait le plus : le sourire enfantin et émerveillé du garçon dont il était follement épris ouù l'aspect adorable de la petite boule de poils que ce dernier tenait dans ses bras.

« Toi, t'as bien appelé ton chien à partir du bar d'une série télé moisie ! Alors ça sera Patapouf ! Regarde, il adore ce nom, il réagit, il me fait des bisous ! Regarde, on test... Linko ? T'as vu, il en a rien à foutre ! Patapouf ? Et là, il m'lèche ! Il... il est trop beau putain, j'arrive pas à y croire... c'est pour moi, c'est vraiment pour moi ? »

Le signe de tête approbatif que lui fit Aaron suffit à Kilian pour craquer de nouveau. C'était, de loin, le plus beau des cadeaux qu'on ne lui avait jamais faits. Alors, après avoir embrassé avec fougue son amoureux sur les lèvres – sans se soucier de la bave du chiot qu'il avait sur la bouche – et remercié le plus sincèrement possible son père, le blondinet passa l'après-midi à essayer de dresser son nouvel ami, sans grand succès. Pour le nom officiel de l'animal, il fut décidé de suivre l'avis d'Aaron, quand bien même Kilian décréta illégal de l'appeler autrement que Patapouf en sa présence. Pour le reste, les règles furent clairement établies : les deux adolescents étaient en charge de le nourrir et de le sortir pour qu'il fasse ses besoins, et il dormirait au rez-de-chaussée à côté de Mistral – intrigué par cette nouvelle présence – dans un panier qu'il restait à acheter. Pour la première nuit, l'adolescent eut quand même l'autorisation de le garder avec lui, et ce fut avec le plus doux des sourires au visage qu'il s'endormit avec Patapouf allongé sur son ventre.

Le lendemain, après les devoirs, le dressage continua de plus belle, toute la journée. Kilian semblait revivre. Il fallut attendre la soirée pour qu'il abandonne enfin son chien pour s'occuper un peu de sa panthère brune. Avec la plus folle des excitations, il voulut lui témoigner toute sa reconnaissance et sa joie. Si les caresses et embrassades étaient habituelles, le zèle avec lequel elles étaient prodiguées leur donnait une toute autre saveur. Le lionceau rendu muet par son office, ce fut Aaron qui murmura quelques mots dans l'intimité.

« Quand j'étais en Suisse, je voulais que tu te fasses tes propres expériences, sans moi, pour ne rien avoir à regretter. Mais j'ai fini par comprendre que c'était à moi de te combler, et à personne d'autre... même si là, c'est moi que tu combles, putain... »

Peut-être parce que le blondin était chaud comme la braise, ses lèvres transmettaient mieux que d'habitude toute l'ardeur de ses sentiments. Sa langue lui permettait plus que jamais de sentir et contrôler l'excitation de son homme. Il se sentait bien. L'entendre gémir quand il le mordillait, humer sa transpiration quand il embrassait chaque centimètre de sa peau, le voir trembler et s'agripper aux draps à chaque mouvement de tête un peu trop osé... Kilian prenait le plus infini des plaisirs à en donner. À tel point qu'il ne put empêcher la manifestation matérielle de son bonheur, à son plus grand désarroi. Piteux d'avoir connu l'extase avant son homme, il termina rouge de honte son affaire jusqu'à ce qu'Aaron lui donne l'autorisation de déglutir. Et quand, ravi, le brunet lui demanda pourquoi il faisait la tête alors que ce moment avait été en tout point génial, le blondinet admit à demi-mot qu'il aurait préféré ne pas jouir, ou en tout cas pas en premier, au plus grand étonnement de son partenaire.

« Nan mais c'est la honte quoi... c'est ton plaisir qui m'en donne et qui m'excite, ça me suffit moi, normalement... »

Ce soir-là, ce fut Aaron qui sortit les chiens. La pleine lune brillait, une légère brise s'engouffra dans ses cheveux jusqu'à le décoiffer. Il n'était pas malheureux. Dans sa poche, son téléphone vibra. Il décrocha. C'était son père. La discussion ne dura que deux minutes tout au plus. À la fin de cette dernière, l'adolescent prononça une simple phrase, « Je te rappelle bientôt, tiens- moi au courant. », avant de laisser, sonné et le souffle court, son bras tomber le long de son corps. La lune, étincelante, se reflétait sur son visage légèrement humide.

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