34. « C'est faux. »

« Allez, réveille-toi mon ange... On a cours à neuf heures et il est déjà huit... débout ! »

Ouvrant les yeux dans la même position que lorsqu'il les avait fermés, Kilian ronronna en frottant ses cheveux contre le cou de son petit ami. La nuit avait été courte. Avait-il rêvé ? Peut-être. Sans doute pas. Sentir les doigts d'Aaron sur chaque parcelle de son corps lui indiquait la vérité. Oui, ils s'étaient enfin parlé. Oui, ils s'étaient retrouvés. Oui, ils s'étaient tout pardonné. Cette manière d'être tiré des songes était sans doute la plus agréable qui soit. En tout cas, Kilian n'en connaissait pas de meilleures. Les bisous derrière le crâne mêlés aux caresses de son homme provoquaient chez le blondinet un cocktail de sensations qui ne pouvait que le mettre de bonne humeur. Cela lui donnait fatalement envie de répondre à la douceur par la douceur. Plaqué contre le sommier, Aaron ne put que laisser son amant déguster leur complicité retrouvée en soupirant d'une légère extase.

« Les enfants, vous avez prévu quelque chose pour les vacances d'avril ? »

Surpris par la question de son père, Kilian leva son nez qui était presque en train de tremper dans son bol de chocolat tiède. Il venait de sortir de la douche, ses cheveux étaient encore humides, Pata lui mordillait le mollet pour jouer, lui et Aaron étaient foutrement en retard pour aller au lycée et François se mettait à faire la causette comme si de rien n'était, comme si les oiseaux chantaient dehors alors que le mois de mars commençait à peine. Souriant, Aaron se chargea de répondre.

« Je passerai une partie de la première semaine en Suisse auprès de ma mère, et ensuite, je réserverai tout mon temps libre à votre fils... Ça te va, mon Kichou ? »

Une des choses qui étonnait toujours Kilian, c'était de voir son petit ami vouvoyer son père. Cela lui faisait toujours bizarre. Malgré la sympathie qu'ils se portaient mutuellement, le jeune brun avait toujours été d'une élégance et d'une éducation rares pour un lycéen. Aux yeux de son amoureux, cela le rendait d'autant plus désirable. Ce fut sans doute la raison qui le poussa à se lever brusquement de table pour déposer un bisou lacté sur la joue du concerné avant d'à son tour s'exprimer sur le sujet.

« Yep... Mais ce qui serait cool, c'est qu'on puisse bouger un peu, pas rester enfermés ici... »

Enfin, après avoir couru pour arriver à l'heure en cours de SVT, les deux adolescents réussirent à franchir in-extremis les portes du lycée avant que ne retentisse la sonnerie. En observant leurs regards complices et amusés – ils étaient plus occupés à se lancer des smacks à distance qu'à travailler –, la classe entra dans un débat passionné lors de la pause de dix heures. Tout portait à croire que les deux amoureux n'étaient plus fâchés. Les chopper à profiter de la récré pour se rouler le plus merveilleux des patins à l'abri des regards très indiscrets fut une preuve que personne ne put nier. Il s'était passé quelque chose qui les avait rapprochés. Personne ne pouvait deviner quoi.

Livide, Cléo passa l'heure suivante à trembler. Lui savait. Ces deux-là s'étaient forcément parlé. Sans doute s'étaient-ils engueulés, puis pardonnés. C'était forcément ça. Et pourtant, il s'en foutait et restait parfaitement indifférent aux réactions idiotes et crétines de Kilian, là où tout le monde s'amusait à les commenter. Cela faisait déjà plusieurs semaines qu'il avait abandonné ses prétentions sur le blond. Après que sa sœur l'ait touché, en fait, et rendu impur. Pour équilibrer, lui-même avait accepté du brun toutes les souillures. Il avait fait ce qu'il devait faire. C'était autre chose qui lui remuait le ventre.

Son visage était pâle. Des poches avaient gonflé sous ses yeux et ses lèvres tremblaient au rythme d'une respiration particulièrement hachée. Sa nuit avait été compliquée. Dormir ? Il en avait été incapable. Il n'arrivait même plus à se regarder dans une glace. Pourtant, il assumait de s'être offert dans une posture presque christique. Tel Jésus, il s'était sacrifié pour laver les péchés de l'humanité tout entière, personnifiée par sa propre sœur. Seul problème, il ne croyait pas un seul instant en Dieu. Toutes ces fables n'étaient à ses yeux que des foutaises inventées il y a des centaines d'années en plein désert pour mieux gérer les foules stupides et crédules en leur imposant lois, règles et croyances. La vérité était bien plus sombre. Pour l'homme, point de salut. Et pour lui, rien d'autre que la honte et la colère.

Il n'en voulait pas à Aaron, pas un seul instant. Ce qu'il avait fait avec son camarade de classe, il l'assumait. Ce qui s'était passé n'était pas la faute du garçon aux yeux sombres. Cléo s'était donné à lui comme un chien obéit à son maitre, avec la soumission et la fidélité qui caractérise les animaux incapables de s'aimer eux-mêmes. Il n'avait même pas eu mal. Enfin, pas assez. La seule question qu'il pouvait se poser était « Pourquoi ? ». Pourquoi celui-là ? Cléo n'avait jamais rien ressenti pour son partenaire d'un soir, pas plus qu'il n'avait jamais développé de sentiment pour tous les hommes qu'il avait rencontrés. Ce qu'il avait vécu était physique avant tout. Et moral, un peu.

La réponse était évidente. Ce n'était pas un sacrifice. C'était un appel au secours.

Ce qui l'avait rendu fou de rage et qui l'avait empêché de trouver le sommeil, ce n'était pas l'acte qu'il avait commis, même si ce dernier l'avait sonné comme jamais et laissé K.O. Non, cela avait été de découvrir sa sœur complètement stone en rentrant chez lui. Hilare, Cléa s'était mise à délirer après avoir brisé sur le sol quelques objets. Comme presque tous les soirs, elle était défoncée. C'était sa manière à elle de créer, disait-elle. Et c'était, avec leurs nombreuses disputes, ce qui provoquait la majorité des larmes de l'adolescent.

Seul dans son lit avec son corps nu qu'il jugeait dégueulasse, Cléo avait maudit ses sentiments foireux. Il avait été bien naïf de croire que s'offrir sur un plateau à Aaron aurait été une punition adéquate et suffisante. Souffrir et être traité comme un païen ne lui permettait pas de faire pénitence. Non, cela n'avait au contraire fait qu'augmenter le dégout qu'il ressentait pour lui-même. Il se sentait devenir fou. Sans cela, pourquoi aurait-il accepté de coucher avec l'ennemi, et ce dans un rôle particulièrement dégradant ? Pourquoi aurait-il pris du plaisir à souffrir, ne serait-ce qu'un peu, sous les coups de reins d'Aaron ? Il n'en pouvait plus.

« J't'en veux pas. »

Alors que les cours d'histoire-géographie et d'espagnol s'étaient déroulés à toute vitesse et que les ventres gargouillaient en nombre, Cléo sentit un bras le retenir lorsque retentit la cloche qui annonçait le repas du midi. Derrière lui, Kilian l'avait agrippé et le regardait avec un étrange sourire. Le plus déstabilisant pour le jeune panda, c'était le calme de son camarade. Là où lui tremblait de toute part et suait à grosses gouttes à l'intérieur de sa chemise, le lionceau semblait apaisé et imperturbable dans ses vêtements larges.

« Lâche-moi. J'ai rien à t'dire Kilian. »

Laissant le blondinet seul derrière lui, Cléo se jeta dans les escaliers avant de tourner au premier étage et de se laisser tomber en larmes contre un mur. Pourquoi tout cela devait-il être aussi dur ? Parti trop vite, l'adolescent n'avait pas entendu son camarade murmurer au loin.

« Bah moi, j'avais des choses à t'dire... Idiot ! »

Le midi, Kilian avala un sandwich et une petite salade pour son déjeuner. Entouré d'Aaron, Martin, Gabriel et Camille, il se sentait vraiment bien. Il pouvait tout dire. Il ne voulait rien cacher. Ni de ce qui s'était passé la nuit précédente, ni de ce que son petit ami avait fait juste avant. Même si, balancé comme ça comme entre la poire et le fromage, la révélation sembla plutôt inattendue.

« Elles sont bonnes les tomates. Ils devraient en mettre plus. Au fait Gab, Camy... Hier, pendant qu'on posait, Aaron s'est tapé Cléo ! Martou, te marre pas, c'est grâce à toi ! Nan, mais vraiment, elles ont du goût ces tomates, un truc de dingue, on croyait croquer dans des fruits. Bref, mon chouchou m'a vengé des jumeaux, maintenant, ils me foutront la paix ! Et ensuite, on a beaucoup discuté puis on a fait l'amour, même que cette fois-ci, c'est moi qui... »

« Ta gueule ! Et les tomates sont des fruits. Et... nan, sérieux, ta gueule ! Tu parles de ça, j'te tue. »

Pris d'un rougissement intense jusqu'au bout des lèvres, Aaron avait coupé la parole à son petit ami avant qu'il ne révèle l'inavouable. Aux autres tables, tous les regards s'étaient tournés vers la fameuse bande. Les réactions diverses de ses membres n'y étaient pas pour rien. Martin avait explosé de rire, Gabriel avait écarquillé les yeux et Camille avait planqué son nez sous son pull. Tous, en tout cas, avaient immédiatement compris la gêne du brunet. Et comme si cela ne suffisait pas, son petit ami enfonça le clou :

« Nan mais l'autre, il me fait chier pendant des mois pour qu'on échange les rôles, et le jour où ça arrive, hop, faut le dire à personne ! Genre, môssieur Aaron n'assume pas de faire la fille dans le couple ? En plus, vu comment j'ai été nul, ça serait plutôt à moi d'avoir honte ! D'ailleurs j'ai honte. Zut. Nan, parce que vous ne savez pas, mais môssieur Aaron, il en a plein des fantasmes chelous qu'il assume pas ! J'peux t'assurer que le jour où on proposera un plan à trois avec Camille, t'as pas intérêt à te dégonfler et me laisser tout seul dans la merde ! ... Nan mais Camy, j'déconne... Arrête, me regarde pas comme ça, j'sais pas... bouffe une tomate ? Y parait qu'c'est un fruit, c'est plein de vitamines ! »

Tandis qu'Aaron faisait semblant d'étrangler son amoureux pour le faire taire, et que ce dernier prétendait suffoquer et faisait mine de s'évanouir dans ses bras en pointant ses lèvres de l'index afin d'obtenir un bouche à bouche salvateur, Camille se leva avec son plateau pour terminer son repas en meilleure compagnie. L'élève de seconde justifia cette bouderie par le comportement parfaitement immature de ses camarades. Ils manquaient cruellement de tenue à ses yeux ! Surtout cet indécrottable blondinet qu'il appréciait tant. C'était comme ça depuis leur rencontre. Il avait abandonné le compte des fois où il s'était imaginé dans sa plus belle robe à se promener dans les rues de la ville en sa charmante compagnie. Kilian et ses pitreries étaient presque devenus un phare dont Aaron était le gardien. Les deux étaient importants et complémentaires. Les deux lui plaisaient. Mais quand même, cela ne justifiait en rien des sous-entendus aussi salaces et dérangeants. Si Camille adorait les histoires folles du blondinet et sa manière toujours faussement naïve de les raconter, il ne s'imaginait pas pouvoir en faire partie. Trop jeune, trop différent, trop mal dans sa peau... Les vacances où il avait rencontré le petit couple et où ils étaient devenus amis lui semblaient bien loin. Cela ne remontait qu'à l'été dernier, et pourtant, depuis, tout avait changé. Grimé en fille, Camille arrivait toujours à se montrer dynamique et à entrainer les autres derrière son sourire. Il osait tout, comme le faisait sa sœur avant lui. Habillé en garçon, il redevenait l'enfant qu'il avait toujours été, timide, réservé, sensible et timoré. À force de passer de l'un à l'autre au gré de ses changements de vêtements, il ne savait plus bien qui il était vraiment. Il avait juste besoin d'un peu de calme pour réfléchir.

C'était peut-être trop en demander.

« Tiens, mais c'est la petite seconde sur qui mon frangin a flashé au premier trimestre, celle qui traine tout le temps avec Kilian quand ce dernier fait la gueule à son mec. Ah excuse-moi, t'es un garçon, c'est vrai... C'est bête, tu aurais été une vraie nana, on aurait pu sortir ensemble. J'suis lesbienne, tu sais ! À part Kilian, je ne me suis jamais frotté qu'à des filles... Enfin, même en comptant cet idiot, je ne suis pas sûr que ça change grand-chose aux statistiques ! Toi, tu voudrais coucher avec ? Ça te gêne ce que j'raconte ? T'es rouge comme une tomate... C'est marrant, j'aurais plutôt juré que tu cultivais un petit poireau dans ta culotte. »

Accompagnée de Manon et d'autres de ses amis, Cléa s'était discrètement rapprochée de Camille. Sans prévenir, elle l'avait choppé par les joues, s'était frotté à sa taille et lui avait caressé les lèvres du pouce, préalable à un baisé volé qui arracha trois larmes au pauvre garçon. Fière de son effet, elle lui malaxa l'entre-jambe, provoquant cette fois-ci un petit cri étouffé. Pour indiquer son malaise, Camille ne pouvait que se débattre timidement en détournant le regard. Après le frère, c'était la sœur qui lui faisait du rentre-dedans ! L'objectif était sans doute le même, à savoir faire réagir le blondinet qui observait la scène juste à côté et qui bouillonnait de rage. Suffisamment en tout cas pour balancer au visage de la littéraire l'ultime tranche de tomate de son sandwich et sa plus belle insulte, ce qui représentait un lourd sacrifice gustatif et un important effort intellectuel.

« Légumineuse toi-même ! Même si la tomate est un fruit. Fous-lui la paix ! »

Profitant de la cohue, Camille se dégagea de l'emprise de la jeune fille et fondit en direction des toilettes, bousculant au passage d'un violent coup d'épaule Cléo qui venait de rejoindre les lieux à la recherche d'un petit quelque chose à grailler en attendant la reprise des cours.

L'ambiance lourde poussa la majorité des élèves à sortir pour ne pas avoir à supporter une nouvelle dispute. Les autres formèrent un cercle autour des protagonistes. Avec des flammes dans les yeux, Kilian fusilla Cléa du regard. S'en prendre à Camille, à son Camille, pour l'atteindre lui en plus, c'était la connerie à ne pas faire. La provocation de trop. La petite méchanceté gratuite à vomir. La goutte de larme qui faisait déborder le blondinet. Furieux, ce dernier se tourna vers Aaron en serrant les poings. Sa revanche, il la voulait ici et maintenant.

« Dis-lui ! Dis-lui c'que t'a fait pour me venger... »

Dans l'assistance, les réactions furent disparates. Martin ricana, Gabriel souffla en détournant le regard, Cléo devint blême et les autres s'interrogèrent sans comprendre où leur camarade voulait en venir. Sûr de lui, Aaron fit trois pas et se dressa devant Cléa. Un demi-sourire en coin s'empara de ses lèvres. La satisfaction de la victoire absolue qui se profilait à l'horizon l'emportait sur la morale. Avec un air provoquant et une voix grondante, le brunet balança la phrase qu'il avait longuement préparée pour ce moment précis. Tant pis s'il mentait sur son propre plaisir. Tout le reste restait vrai.

« Tu as joué avec ce que j'avais de plus cher, j'en ai fait de même avec toi. Tu t'es tapé mon mec, j'me suis tapé ton frère. Et tu n'imagines pas à quel point c'était bandant de l'entendre piailler. »

D'un brouhaha ordinaire, la cafétéria passa à une phase de silence absolu qui ne fut brisée que par le vrombissement de rage d'une jeune adolescente. Délaissant son adversaire pour empoigner son frangin par le col, elle lui cria dessus comme jamais avant.

« T'as pas fait ça Cléo ? T'as pas couché avec ce mec ? »

Fermant les yeux pour retenir les rares larmes qui ne coulaient pas encore sur ses joues, le jeune lycéen renifla avant de sangloter, puis de complètement craquer. De ses lèvres tremblantes ne sortit aucun son définissable, si ce n'était ce murmure de peine qui ne signifiait rien de particulier et qui voulait tout dire. Se retournant vers Kilian et les autres, Cléa comprit immédiatement au regard fier et sévère du blondinet qu'il n'était pas du tout étranger à ce qui avait pu se passer. Se jetant sur lui, une colère sincère jaillit de tout son corps.

« J'vais te buter, p'tite merde ! T'es fier ? C'est tout ce que ça te fait de savoir que ton mec couche avec d'autres ? Putain... »

Sans se démonter, Kilian fixa la jeune femme droit dans les yeux et répondit avec un calme olympien, attitude qu'il avait volontairement choisie pour exaspérer encore plus celle qu'il voulait briser.

« J'm'en fous, il m'aime et j'l'aime aussi. Et l'amour rend particulièrement con. Alors déjà que j'le suis d'base, j'te laisse imaginer l'état de mon cerveau actuellement. Oh pardon, j'avais oublié, tu peux pas comprendre, tu sais pas c'que c'est... T'as jamais été amoureuse de personne... »

La seule chose qui empêcha Cléa de laisser sa main claquer la joue du blondin, ce fut le groupement autour de lui. Gabriel, Martin, Aaron et tant d'autres, tous s'étaient placés derrière ou à côté de lui pour faire masse. Humiliée par une foule qui semblait avoir clairement choisit son camp, Cléa se recula et hurla à nouveau, encore plus fort, ciblant directement son frère dans ses insultes.

« Allez tous vous faire foutre ! Vous êtes tous des connards ! Vous savez rien, vous comprenez rien ! J'vais tout faire péter, moi ! C'est mon nom qu'on retiendra, pas le vôtre ! Cléa Clébert ! Et quand j'aurais réussi, je viendrais chier sur vos vies de merde ! DE MERDE ! Les puissants me baiseront les pieds ! Les gens dilapideront leur fortune pour espérer pouvoir coucher avec moi, et je leur pisserai à la gueule avant de m'envoyer en l'air avec les plus belles femmes du monde ! Quoi ? Qu'est-ce que vous avez à tous me regarder ? Vous croyez que je suis fière d'avoir une fiotte comme frère ? C'est sa faute tout ça ! Ouais, ta faute, Cléo ! Tu passes ton temps à me faire chier, à me pourrir la vie, à me juger, à me critiquer, à me surveiller comme une gamine... mais j'm'en tape de ton avis et d'ta gueule ! Tu vaux rien sans moi, t'es rien sans moi ! T'es juste bon à sucer des bites ! T'as tellement pas d'couilles que, quand tu t'les rases, faut prendre une loupe pour les retrouver ! C'est à cause de toi si j'suis comme ça, si j'suis malheureuse. Tu fais toujours tout foirer. Tu fais jamais c'que j'te demande ! Tu m'fais honte ! Tout le temps ! Devant mes amis, les autres, tout le monde ! Tu sers à rien ! T'as jamais tenu à personne d'autre qu'à ta gueule. »

« C'est faux... », lâcha simplement Cléo dans un sanglot humide. « J'aime quelqu'un... J'te jure... »

« Ah ouais ? Et qui ? »

« Toi... »

Devant une salle silencieuse et médusée, l'adolescent se pencha légèrement en avant et plaqua fugacement ses lèvres sur celles de sa sœur. Poussé par une pulsion incontrôlable, il avait simplement avoué ses sentiments les plus profonds, de la manière la plus naturelle qui soit. Les yeux clos et gorgés de larmes, il vit la Terre s'arrêter de tourner pendant exactement trois secondes, le temps qu'il fallut à Cléa pour réaliser ce qui venait de se passer et réagir en laissant sa main heurter très violemment la joue de son frère. Alors que tous retenaient leur souffle, la gifle claqua bruyamment et brisa le silence qui s'était emparé de la petite cafétéria. Projeté sur le sol, la tête de Cléo heurta violemment un pied de table, le laissant sonné pendant quelques instants avant que d'autres élèves le tirent de force vers l'infirmerie. Le calme laissa immédiatement place à un immense désordre. Un mouvement de foule permit à Cléa de disparaitre au détour d'un couloir. Au milieu de la cour, sonnés, Kilian et ses camarades se regardèrent sans un mot. Gabriel semblait choqué, encore plus que les autres. Le blondinet se retenait de pleurer à cause de la culpabilité qui l'envahissait. Le rouquin ne rigolait plus. Le brun s'effondra sur une marche. Une jeune fille, bouleversée, s'avança vers eux. Elle avait les larmes aux yeux et le dégout à la gorge. Levant le front, Aaron reconnut Manon. Son air était grave. Son ton accusateur.

« Votre guerre est stupide... Vous ne connaissez rien d'eux ! Rien du tout ! Vous ne savez rien de leur histoire... »

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