78. L'anniversaire de Kilian

« Bouge-toi Kili, tes invités vont t'attendre ! »

Une fois n'est pas coutume, Kilian trainait dans la salle de bain. Ce samedi, l'adolescent fêtait enfin son anniversaire. Ce soir à minuit, il aurait officiellement quinze ans. Tout un âge.

En une année, le jeune garçon blond avait bien poussé. Outre quelques centimètres en plus, il avait pris un peu d'épaules et paraissait plus mûr, bien que son visage d'une pureté éclatante et sans le moindre pelage à l'horizon fût toujours celui d'un enfant. Cela viendrait bien un jour, mais rester imberbe ne le dérangeait pas le moins du monde. Rien n'était plus laid à ses yeux que cet horrible duvet que portaient certains de ses camarades. Heureusement, son amoureux n'en avait pas non plus et était resté le même garçon magnifique que lors de leur première rencontre l'été dernier. Non, il n'était pas resté tel quel, il était devenu encore plus beau, avec ses cheveux légèrement plus longs qui lui tombaient à présent sur la nuque. Et maintenant que Kilian pouvait légitimement regarder et caresser cette peau suave et blanche sans limite, il en était persuadé : son petit copain était une véritable merveille.

Après sa douche glacée – le beau temps l'autorisait à baisser la température – il avait passé de longues minutes à se faire beau en se coiffant, en se parfumant légèrement et en choisissant ses habits avec soin. Après une longue hésitation, il jeta son dévolu sur une chemise violette du plus bel effet dont il remonta les manches et ouvrit le col, ainsi que sur un jean noir brillant et des converses assorties à son haut. Malgré tous ses efforts pour lui inculquer un peu de bon goût, Aaron n'avait rien pu faire contre les préférences multicolores du blondinet, mais cela n'était en rien gênant : Kilian sans vert, orange ou violet sur lui n'aurait plus tout à fait été Kilian. Il aurait quelque peu perdu de sa saveur sucrée si agréable.

« Kili, putain, t'es pire qu'une nana ! Qu'on n'me demande pas qui porte la culotte dans ton couple, j'ai trop peur de savoir ! »

La pique de Cédric n'était pas très gentille, mais il fallait mettre cela sur le compte de l'énervement plus que d'une volonté de taquiner ou de blesser. Et après tout, cela n'était pas totalement faux et le collégien s'en fichait bien. Si, au final, il avait choisi de sortir avec un mec, ce n'était certainement pas pour se retrouver avec une parodie de gonzesse au bras.

Enfin, les deux frères arrivèrent dans l'appartement de Suzanne. Avec Martin, ils avaient passé l'après-midi à préparer les lieux et n'étaient rentrés que pour se changer avant l'arrivée des convives. De nombreuses salades avaient été préparées pour accueillir la quarantaine d'invités prévue. Outre la quasi-totalité de la classe, Kilian avait tenu à inviter quelques copains de l'escrime. Mais l'objectif de cette soirée restait bien sûr de faire une dernière fois la fête avec ses amis avant le brevet et la triste séparation que sonnait la fin de collège. Dans moins d'un mois, ils seraient tous en vacances et l'année prochaine, ils prendraient sans doute des chemins différents. Le jeune garçon aux yeux verts avait le cœur serré à l'idée de ne plus voir certaines têtes familières. Certes, il savait qu'il finirait dans le même lycée que son frère, ne serait-ce que pour un an. Cela lui faisait extrêmement plaisir, mais quid de ses camarades au jour le jour ? Si Yun-ah et Martin avaient prévu de le suivre, il savait d'ores et déjà que Matthieu irait dans un établissement lyonnais et que les parents de Matthys avaient prévu de mettre leur fils dans une école plus adaptée à ses particularités. Au moment même où ce dernier avait enfin réussi à s'adapter et à se faire des amis, cela semblait plutôt stupide, mais peut-on reprocher à des adultes de toujours avoir un train de retard sur l'adolescence ?

Ce qui peinait peut-être le plus le candide blondinet, c'était l'idée de ne plus voir son troupeau de greluches tous les jours. C'est qu'on s'y habitue à ces bêtes-là. Magali avait beau être la stupidité incarnée – ou plutôt réincarnée si on raisonne à l'échelle de la triste histoire de l'humanité –, sa bêtise avait toujours quelque chose d'apaisant. Il n'avait ainsi pas pu s'empêcher de sourire intérieurement quand, paniquée, la jeune fille lui avait demandé à l'oreille comment pouvaient faire deux garçons ensemble alors qu'ils n'avaient ni vagin ni poitrine. Il eut presque envie de lui répondre, mais la décence l'en empêchait. Il serait bien dur, l'année prochaine, de remplacer le doux regard bovin de la pimbêche.

Ce qui, par contre, ne posait aucun problème à Kilian, c'était l'idée de ne plus voir Adrien. Même si, socialement, il affirmait avoir pardonné à son persécuteur, il n'avait pas pour autant la mémoire courte. Les insultes et les humiliations que ce dernier lui avait infligées l'avaient durablement marqué et blessé, suffisamment pour fêter comme il se doit le départ vers d'autres horizons du connard de service. Adrien avait demandé lui-même de manière solennelle à ses parents sa mutation. Ayant définitivement perdu la face à Voltaire, il trouvait plus sage de tenter sa chance dans un autre établissement plus éloigné.

Peu à peu, les invités arrivèrent, nombreux et joyeux. Il était dix-neuf heures, la fête durerait jusqu'à vingt-trois heures. Bien sûr, cela faisait un peu tôt, mais avec les examens derrière, il était plus sage de montrer patte blanche aux différents parents. Pour le blondinet, pas de problème, après avoir rangé, il pourrait dormir sur place et avait bien prévu de ne pas passer la nuit seul.

Vers vingt heures, tout le monde était là. Aaron s'occupait du bar et Kilian de la platine, un de ses passe-temps préférés. Le brunet, comme à son habitude, était magnifique. Une fois encore, il avait sorti le grand jeu avec une chemise rayée blanche et grise, un petit gilet italien, un pantalon noir près du corps, un chapeau de minet et de belles chaussures parfaitement cirées. Il ne lui manquait plus que le cigare pour parfaire son look de dandy, mais il se l'était interdit, non pas par autocensure mais juste pour ne jamais montrer le mauvais exemple à son petit trésor.

À côté des boissons, Yun-ah lorgnait sur les quelques bières et autres bouteilles aux breuvages interdits aux mineurs qu'avait ramenés Cédric, mais Martin veillait au grain. Dès que la belle était sur le point de se servir un verre, il l'invitait à danser. Même si ce couple était des plus improbables, presque tout le monde avait fini par admettre que la tête de classe s'assortissait plutôt bien avec le jeune rouquin. Par contre, ce qui faisait l'unanimité, c'était le jugement particulièrement négatif de l'assemblée à propos des gouts vestimentaires du bonhomme. Il y a des choses que la décence n'accepte pas. Les pantalons en velours et les chemisettes assorties aux taches de rousseur en faisant partie.

Quand Kilian s'approcha pour se servir un verre, lui aussi fut brusquement arrêté par ses proches. Au lieu du whisky-coca demandé, Cédric ne lui servit qu'un fond de verre de Pepsi. Et quand il râla en prétextant que ce n'était pas juste qu'Aaron, lui, puisse boire une vodka-pomme-pêche, son amoureux lui servit une lichette de jus de fruit par-dessus le liquide pétillant. Le mélange était imbuvable, mais par fierté, Kilian, qui avait déjà ingurgité de plus mauvaises choses dans sa vie, tint à l'avaler d'une seule gorgée, en se faisant la réflexion que seul l'amour arrivait à donner un goût acceptable à ce qui ne l'était pas toujours.

Tous les convives passèrent une soirée admirable, même l'odieux Adrien qui avait tenu à honorer l'invitation. Bien que personne n'ait particulièrement envie de lui adresser la parole, passer son temps seul dans un coin ne le dérangeait pas. Au moins n'était-il pas complètement exclu du groupe. Les fraicheurs, elles, s'amusaient comme des folles, ce qui ne changeait pas beaucoup de d'habitude. Toutes s'étaient lancé le défi d'emballer Aaron avant la fin des festivités, avec l'accord bienveillant et amusé du titulaire officiel de l'affection du brunet. Pour le fun, le blondinet allait même jusqu'à les encourager. Après les avoir vues se planter les unes après les autres, il s'était amusé à leur montrer comment on devait s'y prendre pour choper le beau collégien. Et toutes apprécièrent le spectacle de ce baiser passionné entre garçons, bien plus que si elles avaient elles-mêmes joué la scène.

Vers vingt-deux heures trente, certains réclamèrent les slows. Kilian s'exécuta et lança quelques musiques bien kitchs des années quatre-vingt, pour le plus grand plaisir des convives. Si, lors de la première chanson, les couples composés de Martin et Yun-ah d'un côté et d'Alice et Matthys de l'autre firent le spectacle, l'assistance attendait bien autre chose. Les regards tendancieux ne laissaient aucun doute à ce sujet.

« Ah nan, pas question, on est peut-être ensemble, mais un slow, c'est trop cliché, c'est la honte, vous pouvez pas me demander de faire ça ! C'est ridicule là ! Vos fantasmes, vous faites comme tout le monde, arrêtez de chercher à les assouvir dans la réalité ! Il existe un endroit spécial pour ça fait exprès, ça s'appelle internet ! »

Le blondinet rougissait dangereusement. Deux garçons, danser ensemble ? Il trouvait ça particulièrement ridicule et caricatural. Et surtout, il y avait un problème de fond : qui mettrait ses mains sur les épaules et qui sur les hanches ? Non, il ne voulait pas se prêter à ce jeu. Avait-il seulement le choix ?

« Écoute Kilian, ou tu m'accordes cette danse, ou je le fais avec Matthieu. On peut pas décevoir notre public ! Allez, arrête de faire la tronche et viens ! »

L'adolescent était bien incapable de refuser quoi que ce soit à son petit copain. Même s'il grogna et grommela quelques mots incompréhensibles, il finit par s'exécuter. Ses mains, à son grand étonnement, se placèrent de manière naturelle. Enlaçant fortement son amoureux pas le cou, il posa sa tête brulante de gêne sur son épaule, ferma les yeux et se laissa porter par la musique et les mouvements du brunet, qui s'amusait, de son côté, de manière très coquine. Ses mains sur les hanches, dans le dos sous le t-shirt, voire discrètement sur les fesses de son amoureux, Aaron prenait un plaisir non dissimulé à danser avec le héros de la soirée. Et ils étaient tellement mignons que, très vite, tous les convives s'étaient poussés sur le côté pour admirer la scène, tandis que Cédric enchainait la diffusion des slows à la platine. Le dernier se conclut par un roulage de pelle des plus passionnés sous les applaudissements de tous, juste avant le gâteau qu'on n'attendait plus.

Puis, les invités partirent tous d'un seul coup, si bien qu'à vingt-trois heures trente, il ne restait plus que Martin. Toujours volontaire, il s'était proposé pour aider au rangement en compagnie de Kilian, de son frère et d'Aaron. Ils allèrent très vite. En moins de temps qu'il n'en fallait pour le dire, le rouquin était à la rue et les amoureux dans leur chambre.

Quand minuit sonna enfin, le mirifique brun se jeta sur son petit copain aux cheveux dorés et lui couvrit le corps entier de baisers, en murmurant les mêmes mots à l'infini :

« Joyeux anniversaire mon trésor, je t'aime trop ! Et là c'est bon, t'as officiellement quinze ans, j'vais te faire la totale pour fêter ça ! »

Kilian se laissait amoureusement faire. Après tout, c'était son jour, si son petit copain voulait lui faire plaisir, il n'avait aucune raison de refuser ce présent. Et comme d'habitude, les vêtements délicatement jetés en boule au pied du lit, les étreintes et les caresses furent folles, suffisamment pour faire gémir celui qui venait de gagner un an en l'espace de quelques instants. Aaron faisait encore mieux qu'à son habitude. Chaque partie du corps de son camarade reçut le même traitement. Caresses, massages puis adorables embrassades se succédèrent. Et quand, après s'être occupé du dos douillet, de la poitrine douce et légèrement musclée, des jambes fines, des mollets fermes, du ventre athlétique et des fesses moelleuses, l'adolescent lubrique passa à la zone la plus érogène du corps de Kilian, ce dernier dut mordre les draps pour ne pas grimper au plafond. Il n'y avait pas plus parfait amant qu'Aaron dans ces moments-là.

Après avoir tous les deux repris leur calme, le garçon aux yeux foncés sortit de son sac à dos tous les cadeaux qu'il avait amenés avec lui.

« Putain Aaron, mais arrête, tu me gâtes trop là. Dans tous les sens du terme ! C'est super gênant, je mérite trop pas ça ! T'es trop adorable là ! »

Le garçon aux mains fines et aux fossettes délicates ne savait plus où se mettre. À genoux sur son lit le corps complètement dénudé, il ouvrait les paquets les uns après les autres. Le premier lui fit tambouriner son petit cœur d'adolescent. C'était un t-shirt à manches longues d'un vert pomme éclatant, avec une coupe et une couleur qu'il adorait.

« Je sais que toi et moi, on n'a pas le même look, mais pour rien au monde je ne t'en ferais changer. Ça, c'est pour te dire que je t'aime comme tu es et que tu dois tout faire pour rester toi-même ! »

Le deuxième lui fit couler une larme. Une simple fiole de parfum, mais pas n'importe lequel.

« Ça, c'est le même parfum que le mien. Tu n'arrêtes pas de dire que tu aimes mon odeur. Ce n'est pas pour que tu t'en mettes, tu sens déjà trop bon naturellement. C'est pour que tu puisses le respirer quand je ne suis pas là pour que tu penses à moi. »

Le troisième, une enveloppe, le fit littéralement craquer. Se mordillant la lèvre, il n'arrivait pas à retenir l'émotion qui ruisselait sur son visage. Une simple carte d'anniversaire à l'écriture manuscrite avec marqué dessus :

« Je ne veux pas te faire un poème,

Pour simplement te dire à quel point je t'aime,

Merveille des merveilles, mon petit Kilian,

J'adore tout chez toi, même ton p'tit côté bonnet d'âne.

Si en fait, je t'écris ces quelques mots sucrés,

C'est pour t'expliquer le fond de ma pensée,

Accepte ce doux message, je t'en supplie,

Mille fois... Non ! Un million, un milliard : Merci.

Aaron, qui t'aime plus que tout mon ange. Je t'aime, je t'aime, je t'aime. »

Les joues brulantes et le souffle coupé, Kilian ouvrit grands ses bras et réclama d'une voix presque inaudible la seule et unique chose qui lui manquait :

« Bisou ! »

Il obtint sans le moindre mal ce qu'il désirait. Cet anniversaire était le plus beau de sa vie. Alors qu'après l'embrassade, le doux et bel éphèbe se tenait recroquevillé dans les bras d'Aaron, ce dernier lui chuchota à l'oreille :

« Dis Kilian, si on le faisait vraiment ? Je veux dire, tu as quinze ans maintenant, tu es grand, tu as le droit. »

Le sous-entendu n'en était pas un. À plusieurs reprises, ils avaient légèrement évoqué la chose. Mais c'était la première fois que l'un d'entre eux l'abordait de manière aussi directe. Kilian répondit en tremblotant :

« Moi oui, mais toi, tu ne les as pas encore tes quinze ans ! »

Souriant, le brunet rétorqua aussitôt en lui déposant un bisou dans le cou :

« Le mois prochain ! Mais moi, je prends de l'avance ! »

Kilian ferma les yeux jusqu'à ce que son rythme cardiaque soit faible et son souffle lent. Une fois parfaitement apaisé et détendu, il murmura :

« D'accord ! Mais c'est toi qui fais tout, je préfère ! »

Cette nuit-là, ils essayaient toutes ces choses adultes qu'ils s'étaient toujours interdites. Il n'y avait aucune violence, Aaron était la douceur incarnée. Il lui dit deux fois « je t'aime ». Au moment où leurs corps fusionnèrent puis plus tard, quand il atteignit le septième ciel. Et même si le plus magnifique de tous les blondinets que la terre ait porté couina à quelques reprises à cause d'une légère douleur et de ces sensations si étranges qu'il découvrait pour la première fois, il était heureux, pleinement heureux.

Après s'être endormis l'un contre l'autre, le dimanche matin arriva. Toujours blotti le dos contre le ventre de son amoureux, qui avait de son côté refermé ses bras sur le torse savoureux du blondinet, Kilian ouvrit les yeux et murmura tendrement quelques mots doux :

« Je crois que tu m'as déniaisé là ! Je t'aime trop, j'ai envie qu'on reste toujours ensemble, toujours ! »

Étrangement, il entendit comme réponse quelque chose de particulièrement imprévu. Des sanglots. Aaron pleurait comme jamais avant, à la plus grande surprise de son compagnon :

« Qu'est-ce qu'il y a Aaron ? Qu'est-ce qu'il se passe ? Réponds-moi, tu me fais peur là ! »

Le teint pâle et les yeux chargés, le brunet répondit la voix chancelante :

« Je t'aime et tu le sais, et je t'aimerai toujours. Pardonne-moi Kilian, ce n'est pas ce que je veux, je te le jure, je n'ai pas le choix. J'ai tout fait pour l'empêcher, ça fait deux semaines que je cherche une solution mais y a rien à faire. Mon... Mon père a obtenu sa mutation à l'étranger. Un poste diplomatique très important en Suisse. C'est à effet immédiat, on déménage dans une semaine pour sa prise de poste qui se fait dans l'urgence. Pas le choix, on lui reprend son appart' de fonction, donc on est obligés de suivre. Je suis désolé Kilian, même si je t'aime plus que tout, je ne peux pas rester ton petit copain. Pardonne-moi, je t'en supplie, je suis tellement désolé, je souffre tellement... Je ne t'ai rien dit avant pour ne pas gâcher ton anniversaire, comprends-moi, je voulais que tout soit parfait du début à la fin. Pardon, pardon... »

Kilian se figea complètement, corps et âme. Le malaise qui envahit son organisme glaça ses muscles et son sang. Immobile, il avait l'air cadavérique. Rien au monde ne pouvait être pire que ça. Même découvrir que son père n'était pas son père ou la méchanceté d'Adrien n'étaient strictement rien à côté de ce drame qui le déchirait en deux. Aaron était tout pour lui, il était même une partie de lui. Le perdre, c'était mourir à moitié. Il cria à réveiller les morts et supplia, le visage défiguré par la peine, la colère et l'acidité des larmes :

« Non, non, non, NON, NON PUTAIN NON ! Non Aaron, non. Je t'en supplie, non, tout mais pas ça. Me fais pas ça, ne m'abandonne pas. Et le brevet bordel ? Tu peux pas me faire ça, tu peux pas me laisser seul, j'y survivrai pas, je t'en supplie. Fuguons ensemble, je sais pas, s'il te plait, s'il te plait ! »

Grimaçant et recroquevillé sur lui-même, Aaron implora le garçon qu'il aimait :

« Pardonne moi, je suis désolé. Je te jure putain, arrête de le prendre comme ça, c'est déjà assez dur. Le brevet, je le passerai sur place en candidat libre, mon vieux a déjà tout préparé. Il refuse de compromettre sa carrière pour, je cite, un amour d'adolescence. Il ne veut rien entendre. Quand je lui dis que tu es l'homme de ma vie, il me ricane au nez. Ça fait deux semaines qu'on s'engueule tous les soirs à la maison. Mais au final, il a raison, je suis son fils et je dois le suivre où qu'il aille, tant qu'il subvient à mes besoins. C'est fini Kilian, je suis désolé, mais il faut se rendre à l'évidence et être mature. »

Il espérait que son discours légèrement moralisateur fonctionne, il se prit à la place une gifle qu'il n'attendait pas. Ce n'était pas courant, c'était pour lui la deuxième fois qu'il en recevait une. Après le père Juhel, le fils. Tout était normal. Sa joue le piquait, mais la douleur physique était moins insupportable que celle de son cœur en miettes. Kilian lui hurla dessus :

« Comment ça fini ? T'as fumé quoi ? Même si tu déménages, tu restes mon copain, on n'est pas obligés de se séparer. On s'aime et c'est le plus important. On sera un couple à distance, je m'en fous, je ne veux pas te perdre, jamais ! »

L'air sec et sévère, bien qu'à contre cœur, le brunet releva le menton, ravala sa fierté et rétorqua le visage toujours ruisselant :

« Non Kilian. Toi-même tu me l'as dit, les histoires d'amour à distance, ça ne marche pas et tu n'y crois pas. Je t'aime trop pour t'imposer ça. Si je ne peux pas te serrer contre mes bras, je ne peux pas interdire à un autre de le faire et encore moins t'interdire de chercher par toi-même à être heureux. Si je te rends ta liberté, c'est parce que je t'aime. Bien sûr, je ferai tout mon possible pour rester proche de toi, pour continuer à te parler, tous les jours si j'peux. Il y a Skype, Facebook et les SMS, je continuerai à t'envoyer une blague par jour jusqu'à ma mort, je te le promets. Mais on ne peut pas juste rester ensemble. On sera amis, et j'espère amants à chaque fois qu'on se verra, et... et je ferai tout pour te voir le plus souvent possible. Mais avant mon bonheur égoïste, il y a une chose que je désire par-dessus tout, c'est te voir heureux et libre. Je ne veux pas que tu sois mon prisonnier, je ne le supporterai pas. Comprends moi, je t'en supplie Kichou, accepte le, s'il te plait. Ne rends pas les choses encore plus difficiles qu'elles ne le sont, ne me fais pas ça ! »

Malgré tous les efforts d'Aaron, son amoureux ne l'accepta pas. Kilian passa la semaine suivante à bouder sans adresser la parole à celui qu'il aimait plus que tout au monde.

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