Je machone mécaniquement mon croissant que le père de Violette avait fait réchauffer. J'observe autour de moi. Sébastien, le grand homme qui a passé la tête dans l'entrebâillement de la porte, me taquine souvent. Mon corps réagit instantanément : le sourire aux lèvres, je lui tire la langue. Cette situation est très étrange. Je me retrouve devant des gens que je ne connais pas et je leur tire la langue. Dans mon esprit, j'essaie de recoller les morceaux. Je tente de me souvenir de ce que Violette me racontait de sa famille. Son père aimait beaucoup l'horlogerie et fabriquait de petites pendules lors de ses temps libre. Son grand frère, Mathieu, passait ses concours pour devenir ostéopathe. Il a réussi et la fête dont il rentrait était sûrement pour profiter de ce nouveau statut de diplômé. Sa mère, Béatrice, tentait de maintenir le niveau de vie familiale avec un métier d'assistante dentaire.

- Alors Violette, tu as eu des nouvelles de Raphaël? me demanda Sébastien, un oeil complice.

Raphaël? Un nouvel obstacle a passer.

- Non, pas encore, répondis-je, en restant évasif.

- Si tu souhaites le voir pendant les vacances, tu n'oublies pas de nous en parler.

Au fond de moi, j'avais envie s'acquieçer. Je ne savais si c'était un sentiment de Violette ou de moi même. Ce n'est pourtant pas une affirmation qui sorti de ma gorge mais un exclamation.

- J'ai le droit de voir qui je veux! Vous n'êtes pas obligés de tout savoir! me
frustrais-je.

- On le sait, Violette, mais on en a déjà parlé. Vous avez trop de différence d'âge ! Il a trois ans de plus que toi! 20 ans c'est énorme!

Ça y est! Je vois vaguement de qui il s'agit. Avec les gars, on s'était amusés à chercher ses réseaux sociaux. Instagram, Snap, Facebook, Twitter. Violette nous en avait parlé. Un ami de sport qui était parti habiter dans la campagne.

- Il n'a pas 20 ans mais 19 ans! Il est né en septembre!

Est-il vraiment né en septembre? me demandais je. Je n'avais que de vagues souvenirs de ces recherches. Seulement une photo très avantageuse sur Facebook d'un jeune homme entouré de demoiselles.

- C'est la même chose! Dans un an, il sera majeur dans le monde entier! Majeur, Violette, vous n'avez pas vécu la même chose! Il a déjà une petite amie, il est déjà entré dans la vie professionnelle! Tu es encore qu'au lycée !

Je me redresse. Cette discussion m'agace. Je sens un boule dans mon ventre et ma gorge. Violette n'aime pas cet instant. Je ne comprends pas encore les ressentis de mon amie. On dirait seulement qu'elle est très proche de ses parents. En tout cas de son père. Ces remarques la blessent. Il faut que je m'éloigne. Violette semble plus calme que moi dans les altercations. Tout son corps est tendu, mais pas de colère, son corps entier est imprimé d'une volonté de se contenir, comme pour ne faire du mal à personne.
Je me redresse et sors de la cuisine.
Sébastien me suit.

- Violette écoute moi!

- Je t'ai écouté! Je vais juste dans ma chambre!

Son père soupire. Alors que je suis dans le couloir, je ressors la tête pour le remercier d'avoir acheté des viennoiseries. Il me sourit.

Je rejoinds précipitamment la chambre. Le frère de Violette dort encore. Heureusement pour moi, car mon amie et lui s'entendent à merveille. Je ne saurais pas quoi lui dire. Il vient souvent la chercher au lycée, il prend du temps sur ses révisions pour lui offrir un petit verre ou une glace. Une fois, je venais de m'acheter une paire de Vans bordeaux magnifiques. Son frère est entré dans le magasin pour m’aborder et pour me demander quelle paire plairait à sa soeur. Il lui a offert les plus belles chaussures pour son anniversaire! Ce n'est pas mes parents qui le feraient. Ils me donneraient un billet pour que j'y aille seul.
Je cherche du regard le téléphone portable de Violette. Rien. Je soulève quelques feuilles avant de le trouver sous une pile de tee-shirt blanc. Alors que je tente de le déverrouiller, je reçois un appel de Lucas.
Mais c'est moi ça ! Je décroche précipitamment, intrigué.

- Lucas! C'est toi? demande l'appareil électronique

- Oui...

Je sens qu'on va se perdre dans les prénoms! Entre Lucas qui devient Violette et Violette qui devient Lucas...

- Violette, lui demandais-je, où es-tu?

- Dans ta chambre! Qu'est-ce qui s'est passé ? Je me suis retrouvée dans ton lit avec ton corps en me réveillant. C'était si étrange ! Et puis tes parents n'arrêtent pas de me crier dessus!

Je souris seul, le combiné sur l'oreille.

- Ton corps me dicte ce qu'il faut faire, je ne contrôle presque rien, complète-t-elle en soupirant. C'est horrible! Tu ne fais rien de ta journée ! Tu te lèves et tu restes devant ton ordinateur jusqu'à ce que ton père vienne te chercher par la peau du cou.

Je ricane. C'est amusant de la voir dans la situation. Peut être qu'elle comprendra mon attitude familiale, maintenant.

- Lucas… tu m'avais dis que tu faisais des efforts pour t’intégrer…

- Ne me juge pas! Tu ne sais pas ce que ça fait d'être moi! m’énervais-je.

- Heu… si! Justement !

Je soupire. Toute cette histoire me prenait la tête. Moi, Lucas, s'est réveillé dans le corps de Violette. Violette s'est réveillé dans mon corps. Personne autour de nous ne savait qui nous étions vraiment.

- Violette, qui est Raphaël?

Je l'entends s'étouffer dans le combiné.

- C'est…. un ami… comment as-tu…? Lucas ! Ne fouille pas dans mon téléphone !

- Je ne peux pas, je n'ai pas ton code.

- En étant moi, tu en auras peut être besoin… Je le changerais quand tout reviendras à la normal. C'est BiquetteAnanaSdu69

- Pire code du monde!

- Critique pas! C'est un délire avec Raph! s’exclaffa-t-elle avec un semblant de gêne.

- Le mien est simple, c'est SaCuLuCaS.

- …

- Quoi?

- Vraiment, tu es sûr que c'est mon code le “pire du monde”?

- Un partout! Maintenant, explique moi pour “Raph”! Ton père m'en a parlé comme si c'était ton petit ami. Tu nous aurais caché ça ?

- Raph n'est pas mon petit copain! Lucas, j'ai pas envie d'en parler maintenant… tu veux vraiment aborder le sujet de mes possibles histoires de coeurs, MAINTENANT ?

- Peut être que je serais amené à le voir… je dois savoir s'il va m'embrasser…, explicais-je d'une voix lourde de sous entendu.

Violette commence a perdre patience.

- On trouvera une solution avant. Tu ne le verras pas ! Et puis… au pire! Si tu le vois, non, il ne t'embrassera pas! Il a déjà une petite amie et il est beaucoup trop vieux pour moi et je ne ressens que de l'amitié pour lui et c'est réciproque. Cela te va?

- Mmmh…

- Crois moi! Si tu lui sautes au cou, tu vas me faire perdre un de mes meilleurs amis, fais pas le con!

- Je t'embête ! Moi, un gars, sauter au cou d'un homme? Non merci!

- Ça! ça ne me choquerait pas…

- Qu'est-ce que tu insinues? m’alarmais-je

- Rien! dit-elle en mettant fin à cette discussion. Je dois savoir des choses pour survivre chez toi?

- Pour les parents, fais comme s'ils n'existaient pas. Fais ta vie.

- Lucas, chez moi, on se respecte. Parle correctement à mes parents, à mon frère et si on n'a rien trouvé pour remettre la situation dans l'ordre avant que tu partes en vacances à ma place, parle correctement à mes grands-parents.

Je ne réponds rien. Je n'ai jamais été capable de bien me comporter chez moi, alors comment réussirais-je dans une autre famille?

- Lucas? Promets, c'est important pour moi.

- Oui! Oui! Ok! Je ferrais attention…

- Merci ! Bon..  passons aux choses sérieuses ! Comment on est arrivé là? Tu as fais quoi hier?

- Comme d'habitude… j'ai joué, et puis j'ai un peu parlé avec toi en fin de journée.

- Tu as pensé à quelque chose en particulier? Tu as… je ne sais pas… joué à un jeu en ligne de bonne aventure qui t'a annoncé que tu deviendrais quelqu'un d'autre et par je ne sais quel tour de magie… ça a marché ? Tu n'as pas rencontré des extraterrestres ? Tu as…

- Rien de tout ça.

- Je ne comprends vraiment rien, soupira-t-elle

- On pourrait peut être se voir, mettre ça en commun et puis entre temps il y aura sûrement des choses qui auront changer.

- Oui peut être...

Je ne sais plus trop quoi répondre. La situation n'est pas quotidienne, il n'y a pas de phrase toute faite dans ce genre de situation.

- Je vais te laisser, il faut que je découvre un peu plus qui est cette personne qui m'a prêté bien gentillement ce corps!

- LUCAS!

Elle hurle. J'éloigne le téléphone de mi oreille mais j'entends distinctement ses paroles, enfin, plutôt ses menaces.

- On essaie de se voir à Bellecour vers quinze heure ça te va?

- Lucas, fais vraiment attention à ce que tu vas faire pendant ce temps...

- Promis ! Aller! A plus petit scarabée!

- A plus, l'entendis-je grommeler avant de raccrocher.

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Petit chapitre pour fêter ma rentrée en ville!
Adieu piscines et chiens joueurs...
Bienvenue cahier et travail...
Adieu soleil et... ah bah non! Le soleil on le garde encore un peu!

Bonnes fin de vacances

Ea'