Chapitre 8

   Voilà des jours, des nuits que je suis au fond du trou. Durant mes nuits, je me vois couler dans les abîmes de l'océan. Je peux même sentir mes poumons se remplir d'eau. Tout ce qui compte pour moi s'effondre. Pourtant, malgré tous mes messages envoyés à Loïc, celui-ci ne s'inquiète pas. Il ne prend pas non plus le temps de me réconforter. Depuis ce soir-là, où il m'a menti, je ressens un éloignement de sa part. Je ne sais pas à qui me confier hormis lui sur l'état de ma mère et sa situation. J'ai toujours parlé de mes problèmes àma mère, mais aujourd'hui elle ne pourra pas le faire sachant qu'elle est au cœur de mes inquiétudes. Bien sûr qu'elle n'y est pour rien, c'est cette foutue maladie.

   Ça fait quelques jours que je mange très peu et sors tout aussi peu de ma chambre. Je promène de temps à autre Laïka, je vais au travail et je rentre chez moi. Rien ne me fais sourire. Je suis sans cesse entrain de réfléchir à tout ce qui se passe. C'est dans des moments comme ça où je sens le sol s'écrouler sous mes pieds. Je me renferme sur moi-même et je me laisse sombrer sans pouvoir y faire quelque chose. Je crois avoir même perdu un peu de poids. Ce qui n'est absolument pas nécessaire alors que je n'ai déjà que la peau sur les os. De l'autre côté de ma porte de chambre, j'entends des pas se rapprocher. Au son, je crois reconnaître maman. La porte s'ouvre doucement et j'aperçois son visage.

- Tu dors ma puce ?

   J'essuie quelques larmes avec rapidité pour qu'elle ne puisse pas les voir. Je suis assise sur mon lit, les volets fermés et la lumière éteinte. Je ne réponds pas, alors qu'elle s'approche de mon lit pour s'y asseoir. Elle passe son pouce sur ma joue. L'amour d'une mère est si unique. Rien ne pourrait remplacer ça.

– Je vois bien que tu ne vas pas bien ces temps-ci, me dit-elle d'une voix très douce.

– Tout va bien maman, je lui dit précipitamment.

   Elle s'approche de moi pour m'embrasser sur cette même joue. Je l'entoure de mes bras pour lui faire un câlin. L'air s'échappe doucement de mes poumons quand elle répond à mon étreinte. Son parfum sucré m'envahit. Je sens aussi la crème qu'elle a mise sur ses mains, comme à son habitude. Il y a aussi une odeur de tabac froid. Depuis toute petite j'ai toujours senti ça lorsqu'elle venait me mettre au lit. Ce sont des beaux souvenirs, lorsqu'elle venait me souhaiter une bonne nuit. Maman est encore plus mince que moi, alors quand je la prends dans mes bras, je peux facilement faire le tour de son corps. Elle n'a jamais été forte, mais elle a toujours eu peur de prendre quelques kilos. Elle interrompt ma rêverie et me dit :

– Je sais que... que... que...

Je lui laisse le temps de respirer profondément.

– Je sais que ça ne va pas être facile. Mon combat contre la maladie sera sûrement compliqué. Mais tu es forte. Et même si tu l'es, il est possible que tu te fasses aider.

Elle baisse les yeux et réfléchit. Je ne sais pas où elle veut en venir exactement.

– Je suis désolé de vous faire endurer ça à toi et ton père...

– Non maman, tu n'as pas à t'excuser. Ce n'est pas de ta faute.

Malgré la pénombre, je peux distinguer une larme qui glisse sur sa joue. Je la ressers de plus belle dans mes bras.

– Loïc sera là pour t'épauler si tu en as besoin, et je n'en doute pas. Vous vous aimez tous les deux.

À cette phrase, j'ai envie de pleurer toutes les larmes de mon corps. M'aime-t-il vraiment aujourd'hui ? Peut-être que je l'aime plus que lui ne m'aime.

– Toutefois, vous êtes bien jeunes tous les deux. Si tu souhaites te confier à quelqu'un, tu peux faire appel à un psychologue.

– Non maman, je n'en ai pas besoin, dis-je sur la défensive.

– Je te le dis juste. Ce n'est pas une honte d'aller voir quelqu'un. Ça peut faire du bien lors des mauvaises périodes.

*

Tout est sombre. Je sens mon cœur s'arracher dans ma poitrine. Je voudrais hurler, mais je n'y arrive pas. Je voudrais courir, mais quelque chose m'en empêche. Je voudrais voir, mais il n'y a pas

de lumière. Pourtant les larmes coulent sur mon visage. Je n'entends rien. Tout est calme. La tristesse m'inonde. C'est à peine si je peux respirer. Soudain, mon corps se libère et je peux enfin avancer. Je ne prends pas le temps de marcher. Je cours vers cette petite lumière qui vient d'apparaître.

Maman !!!

Je hurle à pleins poumons. Il n'y a personne ici. Je pousse une porte et la lumière m'éblouit. Mes yeux mettent du temps à s'adapter. Je mets une main au-dessus de mes sourcils pour faire comme une casquette.

Maman ?

Son corps est allongé par terre. Je sens ma respiration s'accélérer. La peur parcourt tout mon âme. J'ai l'impression de perdre pied. Je cours dans sa direction sans réfléchir. Je m'accroupis juste à côté d'elle. Elle est allongée sur le ventre, je ne peux pas voir son visage de là où je me trouve. Je regarde attentivement son corps. Mais celui-ci ne bouge pas. Elle ne respire pas.

Maman ?

Ma voix est à peine audible. J'ai l'impression de suffoquer. J'ai peur de la retourner. De mes mains tremblantes, j'essaie tout de même. Les larmes coulent à flots. Je n'arrive pas à la tourner. J'essaie une deuxième fois en mettant plus de force. Son corps est rigide sous mes doigts. Je mets quelques instants à la regarder. Lorsque mon regard se pose sur son visage, je hurle de toutes mes forces. Je hurle à ne plus avoir d'air.

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