Chapitre 2
Je prépare mon petit-déjeuner tranquillement dans la cuisine. Mes yeux sont encore tout endormis et je baille de nouveau. Le chocolat chaud me réchauffe les mains alors que je porte la tasse à mes lèvres. Il a l'air de faire beau aujourd'hui, mais aussi bien frais. J'aperçois de la fenêtre une petite brise dans le champ voisin. Je plisse un peu plus les yeux et arrive à voir un petit groupe de chevreuil. Il y a l'air d'en avoir cinq si je ne me trompe pas. La chasse a repris son cours il y a quelque temps, donc on les voit souvent sortir du petit-bois. J'entends le sèche-cheveux de maman provenant de la salle de bain. Elle m'a dit qu'elle irait voir le médecin ce matin. Je prends des petits gâteaux et me dirige dans la salle à manger où je retrouve mon père devant l'ordinateur.
- Bonjour papa, dis-je en m'asseyant.
- Coucou. Ça y est, tu es enfin levée !
- Ça va, il est à peine neuf heures. Tu ne vas pas me dire que c'est une grasse matinée. Il y en a qui font bien pire, tu sais ?
Il ne me répond pas, mais je vois qu'un petit sourire se forme. Une fois le sèche-cheveux de ma mère éteint, on entend un peu plus la musique en fond venant de la télévision. J'attrape mon téléphone et regarde vite fait les réseaux. Il n'y a rien d'extraordinaire depuis hier. Mais j'aime bien ce petit moment. Loïc doit déjà être levé et même peut-être en cours. Je ne lui ai pas demandé à quelle heure il commençait. Je tapote vite fait un message et lui envoie, quand maman rentre dans le salon.
- Bonjour maman, comment tu vas ?
Elle m'embrasse sur le sommet de la tête.
- Bonjour ma pu... pu... pu...
Un silence s'installe dans la pièce. Mes yeux grossissent en voyant maman ne pas réussir à parler. Elle souffle un coup regarde vite fait papa puis reviens vers moi.
- Je vais bien. Dit-elle en arrivant à me répondre cette fois-ci.
Je n'arrive pas à articuler un mot. Je reste complètement sans voix. Que se passe-t-il ? Je regarde de nouveau papa la bouche entrouverte. Je ne comprends pas ce qui se passe.
- Non, non, tu ne peux pas me dire que ça va là maman !
La peur me prend. Mais que ce passe-t-il ?
- On va aller voir le médecin, on verra ce qu'il dit, me dit mon père sans trop rien montrer sur son visage.
Je n'arrive plus à détacher mon regard de maman. C'est quoi ce délire ? Je pensais seulement qu'elle avait un peu de fièvre, ou autre chose de courant. Mais là, ce n'est absolument pas normal. Elle n'a pas réussi à me parler. Elle m'embrasse de nouveau et je m'inquiète de plus en plus.
- Je peux venir avec vous ? Je demande d'une voix tremblante.
- Non, on ne va pas y aller à cinquante. On t'expliquera quand on sera rentré, répond mon père.
Je hoche la tête. Je le sens au plus profond de moi que c'est grave. Plus grave que je ne peux l'imaginer.
*
Voilà déjà une heure qu'ils sont partis voir le médecin. Les minutes me semblent interminables. Je n'ai reçu aucun message d'eux. J'ai parlé à Loïc, mais je n'ai rien dit à propos de maman. Pas tant que je n'en saurai pas plus. J'ai eu le temps de préparer quelques cookies en attendant. Je vais aller brosser Laïka maintenant, il faut absolument que je m'occupe l'esprit pour éviter de trop penser au pire. Il n'y a peut-être rien. Oui, peut-être qu'elle est juste fatiguée ? Je l'espère de tout mon cœur.
Je prends la brosse et pars vers le jardin.
- Laïka ? Tu viens ma belle ?
Celle-ci ne se fait pas prier et vient en courant, limite en me bousculant pour sortir. Un sourire se forme sur mes lèvres. Un petit rire s'y échappe presque. Leurs vies, aux animaux en général, paraissent si simple. Si tranquille. Ils ne se posent pas toutes les questions que l'on pourrait avoir nous, en tant qu'êtres humains. Leurs inquiétudes sont différentes. Leur vie est différente. Je commence à démêler ses poils du dos. Ses belles ondulations brillent sous ce soleil. Elle est si heureuse qu'elle finit par se mettre sur le dos. Je lui passe la brosse sur le ventre, là où je sais qu'elle adore. À un endroit, je sens la brosse bloquer dans ses poils. Avec mes doigts, j'attrape le petit nœud qui s'y est formé, puis fini par le retirer. Je passe bien dix bonnes minutes à la rendre belle, propre et surtout sans nœud. Je sais que ça ne va sûrement pas durer, mais bon, à ce moment, je suis satisfaite. Je sens mon téléphone vibrer dans la poche et une musique s'allume. « Maman » est écrit sur l'écran. Un bref instant, mon cœur s'arrête de battre. Je prends mon courage à deux mains et décroche.
Lilween : Allô, maman ? Vous rentrez quand ?
Maman : Non, pas pour l'instant. Nous devons aller faire un scanner, me répond papa.
Lilween : Maman va bien ? Dis-je complètement inquiète, je ne comprends pas que ce ne soit pas maman qui me réponde.
Maman : Oui, elle est à côté de moi. Mange sans nous, on rentrera en fin de journée. Je t'envoie un message quand nous repartons. Bisous.
Il a raccroché sans vraiment me laisser le temps de répondre. La panique me reprend. Je rentre dans la maison et je pars m'asseoir à la table de la salle à manger. Pourquoi l'envoie-t-il passer un scanner ? Mes mains tremblantes font la seule erreur que je n'aurai pas dû faire, aller regarder sur internet. Il ne m'a donné aucune information lors de notre appel et je ne peux pas attendre. Ça ne ressemble pas à quelque chose de bénin. Je tape alors « difficulté soudaine à parler ». Je fais descendre la page, lis, ligne par ligne et tout ça ne me dis rien qui vaille. Je vois : troubles du cerveau, AVC, tumeur, cancer... Rien de bon. Je ferme les yeux. Ravale les larmes qui me montent et tente de me calmer.
- Peut-être que ce n'est rien, me dis-je à moi-même.
Laïka vient à mes côtés et me lèche la main posée sur mon genou. J'essaie de reprendre un rythme de respiration normale. Souffle par la bouche et inspire parle nez. Je n'ai plus qu'à attendre pour avoir les résultats des examens qu'elle aura passée.
*
Allongée sur le canapé, j'ouvre doucement les yeux lorsque j'entends des bruits à l'entrée. Je me relève d'un coup et essaie de comprendre qui est là. Mon père rentre en premier, mais je n'aperçois pas maman.
- Tu... Tu... es tout seul ?
Mon regard se perd et j'ai l'impression que mon cœur a cessé de battre. Deux secondes plus tard, ma mère rentre et ferme la porte derrière elle. Sans réfléchir, je la serre dans mes bras et enfoui mon visage dans son cou. Ma respiration est forte mais j'essaie de me calmer tant bien que mal. Elle est un peu plus petite que moi, de quelques centimètres pas plus. Lorsque je la serre dans mes bras, je me force à toujours mettre mes bras autour d'elle et non à son cou. Non pas que je ne le peux pas, non. Je me mets dans cette position car elle n'aime pas que je sois plus grande qu'elle. Ça doit être de deux centimètres pas plus. Il suffit que je mette des petits talons pour qu'elle râle un petit peu plus. Je me ressaisis et lâche maman afin qu'elle puisse poser ses affaires tranquillement. Ses cheveux courts ainsi que ses mèches blondes ne sont pas aussi bien coiffés que d'habitude. Elle reste cependant la plus jolie.
J'ai toujours été très proche de ma mère. Je suis sa seule fille, c'est peut-être aussi pour ça que nous sommes aussi complices. Nous faisons pas mal de sorties mère/fille. Elle sait tout de ma vie, de mes doutes, de ma vie sentimentale... De son côté, elle m'a toujours donné de très bons conseils ou bien réussi à me rassurer si ça n'allait pas. Aujourd'hui, je ne suis pas sûr qu'elle le puisse.
Je la vois se pencher pour retirer ses petites bottines marron et se mettre plus à l'aise avec des chaussons rembourrés en laine. Elle semble avoir froid. Il est vrai que même s'il fait beau, les températures ne sont pas très hautes. Je me mets en retrait le temps de les laisser rentrer et de se poser. Je les entends se préparer tous les deux des cafés dans la cuisine. Je repars dans le salon et m'installe le cœur battant sur la chaise. Je joue avec la bague que ma mère m'a offerte lors de mes dix-huit ans. Celle-ci est en or avec une petite pierre rouge. C'est la toute première que je porte. Je ne la retire jamais. Sur ma main gauche, j'en ai une autre en argent. Loïc avait décidé de me l'offrir pour mon anniversaire. Maman m'avait dit qu'il lui avait envoyé toutes les bagues qu'il aimait bien en photo, pour le lui demander son avis. Ils ont fait un très bon choix. Des pierres blanches toute fines se suivent les unes après les autres.
Je contemple toujours mes doigts qui sont devenus moites lorsque maman s'assoie en face de moi. Je relève les yeux sans trop savoir à quoi m'attendre. Les secondes passent, les minutes suivent et j'attends sans oser poser la question. J'ai tellement peur de la réponse. Tellement peur de ce que je pourrait entendre. Je le savais que je n'aurai pas dû aller regarder sur internet. Je ne suis pas sûr d'arriver à respirer. Comme si le monde autour de moi ralentissait. Elle me regarde, puis redescend les yeux sur sa tasse. Je prends mon courage à deux mains, inspire un bon coup et me lance.
- Vous avez eu les résultats ? Le médecin à dit ce que tu avais ?
Je n'ai pas envie de connaître la réponse. J'ai si peur.
- J'ai fait quelques examens avec le médecin généraliste. Il a préféré que... Que.. Que...
Ça recommence. Je reste là à la regarder les larmes aux yeux. Une boule s'est formée dans ma gorge et je n'ose plus parler. Je pose mes doigts sur ma bouche et frotte mes lèvres ne sachant pas quoi faire.
- Il a préféré que j'aille faire des examens plus poussés. Nous n'avons pas eu les résultats. Ils seront donnés au médecin que je reverrai dans quelques jours.
J'attrape sa main, je sens une larme glisser sur ma joue et me donne un goût salé dans la bouche. Elle me caresse le dos de la main en essayant de me rassurer dans ce silence.
- Ce n'est peut-être rien. Nous ne savons pas, donc il ne faut pas s'inquiéter pour l'instant.
Mon père passe derrière ma mère et l'embrasse sur le sommet de sa tête. Ne pas s'inquiéter ?Facile à dire ! Il n'y a plus qu'à attendre. Comment ne pas s'inquiéter dans l'attente de l'inconnu ?
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