Chapitre 3
Donna – Étudiante en recherche de lumière
— Azzam, tu pourrais braquer la lampe par ici s'il te plaît ? requerrai-je en haussant la voix pour me faire entendre malgré le vent d'autan.
Mon camarade obéit et une fois la torche tournée vers moi je pus retrouver le caillou tenant mon découpage technique laissé à l'abandon sur une tombe.
Le cimetière de Terre Cabade possédait des allées goudronnées sillonnant les différentes sections, mais entre ces grands chemins les tombes étaient collées les unes aux autres, laissant parfois à peine assez de place pour déambuler à pied. En pleine nuit, la progression n'était pas évidente à cause d'un sol inégal où de petites dalles de béton déchaussées côtoyaient du gravier sur des passages étroits. Nous avions eu des difficultés à installer le matériel alors même que nous étions venus avant le coucher du soleil, je remerciai donc les parents de Dylan de nous avoir dégoté une steadicam semi pro pour l'occasion. Grâce à ce stabilisateur de poing, j'aurai plus de facilité à suivre les comédiens dans ce labyrinthe de tombeaux anciens tout en obtenant une image relativement stable sur mes travellings. La classe pour un court-métrage amateur !
Une fois l'équipe technique et les comédiens en place, Azzam fit entendre le clap qui donna le départ de deux heures de tournage.
Les puissantes rafales du vent d'autan nous poussèrent à arrêter le tournage un peu avant vingt-et-une heure trente. Nos zombies vêtus d'habits déchirés commençaient à geler sur place et nous avions du mal à nous entendre avec ce vacarme ambiant.
Tandis que les comédiens s'habillaient chaudement et que je m'occupais de ranger la caméra, je crus entendre un sifflement se mêler au gémissement du vent. Intriguée, je suspendis mon geste un instant et tendis l'oreille. Rien. Persuadée que c'était le fruit de mon imagination, je repris ma tâche. Amélie et Sadia nous aidèrent, Dylan, Azzam, Thibaut, Julie et moi à plier le reste du matériel afin de le charger dans le monospace de mon petit-ami, garé dans la grande allée la plus proche.
La personne responsable de fermer le cimetière nous pressa tant et si bien qu'une fois installée dans la voiture de Dylan, je me rendis compte que mon découpage technique était resté prisonnier sous son caillou. L'idée d'aller déambuler seule entre les vieilles tombes me hérissa le poil d'effroi. Je jetai donc un regard implorant en direction de mon copain.
— Quoi ? demanda-t-il, suspicieux.
— J'ai oublié mon découpage technique. Tu m'accompagnes le chercher ?
Dylan fit la moue.
— Allez, je te donnerai un croque scooby, repris-je en souriant.
L'argument le fit rire. Je ne savais pas si c'était un bon ou un mauvais signe. Dylan attrapa alors sa lampe torche avant de descendre de voiture. Heureuse, je l'imitai. J'expliquais mon oubli à l'homme chargé de fermer le cimetière qui souffla d'agacement mais qui s'abstint de tout commentaire. Il nous signifia simplement qu'il nous attendrait à l'extérieur de l'enceinte. Mes camarades ainsi que Sadia et Amélie rentrèrent chez eux sans nous attendre, ce n'était pas la peine de les retenir pour quelques bouts de papier.
Collée à Dylan, ma lampe braquée sur le sol, j'avançais sur le chemin étroit en essayant de ne pas me prendre les pieds dans les dalles déchaussées. Le vent soufflait tellement qu'il me semblait sentir le sol trembler par moment. C'était super flippant ! Nous arrivâmes vite près de la tombe où mon découpage technique était malmené par les puissantes rafales. Avant d'enlever la pierre qui le retenait, je saisis fermement le papier, puis je calai ma lampe entre mes dents. Au moment où je posai la main sur le caillou pour l'enlever, quelque chose de dur m'agrippa le poignet et me fit sursauter. Quand je baissai la tête pour voir ce que c'était, le faisceau de ma lampe éclaira des doigts squelettiques. Je hurlai de terreur en dégageant mon bras tandis que ma lampe se fracassait par terre. Sans lâcher mon découpage technique, je saisis Dylan par le bras et, avant qu'il ait pu demander quoi que ce soit, je me mis à courir en le tirant derrière moi.
— Donna, qu'est-ce qui...
La veste de mon petit-ami m'échappa quand Dylan chuta dans mon dos. Je fis volte-face, le cœur battant à tout rompre et le souffle court, pour voir mon copain en prise avant un squelette à moitié sorti de terre. C'était dégueu ! Malgré ma révulsion et ma frayeur, j'attrapai le premier vase à ma portée et le lançai de toutes mes forces sur le mort-vivant. Dylan parvint à se dégager. Il se releva d'un bond et détala en même temps que moi. Poussés par la peur, nous rejoignîmes vite la voiture dans laquelle nous nous enfermâmes. Mon copain démarra aussitôt sans même un regard en arrière. Encore essoufflée, je regardai dans les rétroviseurs mais ne vis rien. Comme si nous avions rêvé.
En sortant du cimetière, Dylan s'arrêta le temps que l'employé municipal ferme les grilles sous notre surveillance. L'homme remonta ensuite dans sa voiture et ce fut soulagés que nous reprîmes le chemin de mon appartement.
Quelques secondes de silence nous permirent de retrouver nos esprits et d'analyser ce qu'il venait de se passer. J'osais à peine aborder le sujet tant je doutais de ce que j'avais vu.
— Y'avait bien des morts-vivants, n'est-ce pas ? me demanda alors Dylan.
Lui non plus ne parvenait pas à se convaincre que c'était arrivé. Nous connaissions l'existence des sorcières et des démons mais nous étions loin d'imaginer que les zombies existaient aussi. Quel autre monstre de nos légendes était réel ? Les vampires ? Les loups-garous ? Les croque-mitaines ? J'en frissonnai de dégoût.
Je n'avais jamais demandé à Nathan de me parler de l'autre monde tant j'avais été focalisée sur lui et sur mon envie de l'aider. Je m'apercevais à cet instant que sans connaître l'univers surnaturel, je ne pourrai jamais réellement lui être utile.
— Donna ? m'interpella mon petit-ami que mon silence inquiéta.
— Oui, c'était des morts-vivants, confirmai-je.
— Comment c'est possible ?
— Je ne sais pas du tout, avouai-je à contrecœur.
— On devrait appeler Nathan.
— Pour quoi faire ? Il ne décroche jamais.
— Alors on lui laissera un message. Il doit savoir. Je ne suis pas un spécialiste mais quelque chose me dit que ce n'est pas tous les jours que les morts sortent de terre.
Je saisis mon smartphone et le fixais en silence. Dylan avait raison, seul Nathan serait en mesure d'agir. Nous, nous ne pouvions rien faire. J'accédai à mes contacts et appelai mon exorciste. Après quatre sonneries, le répondeur prit le relais. J'attendis le bip avant de laisser un message expliquant ce qu'il s'était passé, en précisant l'heure et l'endroit afin qu'il puisse enquêter. Une fois mon message terminé, je raccrochai sans un « au revoir ». Je ne le reverrai jamais de toute façon.
— Voilà, annonçai-je d'une voix amère.
Dylan posa une main compatissante sur ma cuisse. La chaleur de sa paume me mit du baume au cœur.
— Je suis sûr qu'on finira par revoir Nathan, me confia Dylan.
— Et comment ? demandai-je. À moins qu'on enquête sur les zombies...
— On commencerait par où ? J'y connais rien en cadavres vivants.
— Moi non plus.
Malgré moi, je me mis à croire à l'affirmation de Dylan. À chaque fois qu'il se passait quelque chose d'étrange dans ma vie, mon exorciste n'était jamais loin. Cela faisait sept mois que rien n'était arrivé, puis voilà que ce soir tout semblait se remettre en route comme si la pause avait assez duré. Peut-être avait-elle été nécessaire pour chacun de nous ? Cette trêve nous avait sans doute permis de faire un point sur nos sentiments et de comprendre ce que nous voulions vraiment. Moi, je voulais aider Nathan à ma hauteur, parce que je voulais tenir les démons loin des gens que j'aimais.
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