Chapitre 29

Comme la fin approche, je passe à un chapitre par jour, comme ça vous aurez le fin mot de l'histoire plus vite ;)

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Nathan – Saint exorciste
Chevalier de l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem


Le hurlement de mon instinct me réveilla en sursaut. Il me fallut quelques secondes pour reprendre pied dans la réalité et comprendre que j'étais sain et sauf dans ma chambre mais que ma peur n'avait pas disparu en totalité. Mon premier réflexe fut de regarder l'heure affichée à mon réveil : seize heures quarante-et-une. La nuit tomberait dans deux heures à peine, je devais me bouger. Je m'assis sur le bord de mon lit avec l'intention de me lever sans pour autant y parvenir car une vérité me cloua sur place : je ne savais absolument pas quoi faire. Mon regard tomba sur ma main gauche où ne restait nulle blessure mais où les dents du démon avaient abîmé le tatouage de la croix dans ma paume. Une ligne de peau vierge d'encre le coupait en deux dans sa hauteur. Je ne savais pas du tout si cela diminuerait mon contrôle sur mon pouvoir infernal ou non. Je ne savais rien.

La porte de ma chambre roula sur ses gonds, livrant passage à Michaël qui semblait soulagé de me voir rétabli. Malheureusement, ma détresse lui ôta tout entrain lorsqu'il s'assit à côté de moi.

— Qu'est-ce qu'il y a ? s'inquiéta-t-il. Tu as encore mal ?

— Non c'est... J'ai tenté d'exorciser le démon du corps du frère de Karina mais j'ai pas réussi. En fait j'ai rien pu faire, il m'a pris au piège et j'ai failli y rester. Je...

Mes doigts se crispèrent sur mes draps dans l'espoir de contenir ma peur.

— Je suis perdu, repris-je. Je sais pas quoi faire, Michaël. Je sais pas ce que le démon va tenter, je sais pas où ça va se passer ni comment, et quand je vois la facilité avec laquelle il m'a eu je sais pas si je pourrais le battre.

Michaël m'attrapa par la nuque puis m'attira contre lui. Je le serrais dans mes bras comme si sa présence pourrait repousser mon angoisse, comme si ma vie ne dépendait que de lui à cet instant précis.

— J'ai tellement peur de ne pas avoir le temps de t'aimer, confessai-je, la voix noyée par les larmes.

— Dis pas ça, me supplia mon compagnon en resserrant son étreinte. C'est pas parce que tu ne peux pas prévoir les événements que ça t'empêchera de les surmonter. C'est pas parce que le démon t'a pris par surprise que ça le rend plus fort que toi. N'oublie que s'il cherche depuis le début à te nuire c'est parce qu'il a peur de toi. Nathan, celui qui est mort de trouille, c'est lui.

J'avais fermé les yeux pour laisser les mots de Michaël couler sur mes doutes. Son timbre suave combla les failles de ma détermination, laissant un nouveau courage m'envahir. Malgré le compte à rebours enclenché, je restais contre mon amant durant de longues secondes, incapable de me défaire de lui, de m'arracher à ses sentiments dont la vivacité me rappelait à quel point il était beau d'être en vie.

Je devais tout faire pour le protéger. Pour les protéger tous.

À présent apaisé, je me levai, imité par Michaël. Mais avant de descendre pour rejoindre les autres, je m'autorisais un dernier moment égoïste en prenant le visage de mon compagnon en coupe et en lui offrant un baiser paré de la plus belle des tendresses. Quand je relâchai ses lèvres, je le sentis troublé. Conscient que des mots gâcheraient la pureté de nos aveux muets, il ne dit rien, et son silence fut l'écrin parfait de nos battements de cœur harmonieux.


Penché sur la carte annotée par mes amis, je leur expliquais en détails ce qu'Adid m'avait appris, ce que j'avais vécu dans la maison des Lejeune et je leur parlais des parents de Noa retrouvés morts, le cœur arraché. Une fois les informations données, je me tournais vers Aprilia :

— Tu sais quelque chose sur Bael ?

La chienne grogna, mais pas de colère ; elle avait peur.

— C'est le plus puissant des démons majeurs, me dit-elle. On l'appelle « l'ombre du pouvoir » car il attend que Satan et Belzébuth s'entretuent pour prendre la tête de l'Enfer. Il est belliqueux et c'est un grand magicien qui connaît toutes les magies noires, en particulier celle sacrificielle. Des rumeurs courent disant qu'il fait manger à ses chiens les plus forts le cœur des plus faibles afin de les rendre puissants.

— Technique qu'il a dû utiliser avec Ukobach, devinai-je.

L'idée que le cœur de Père Luc ait aidé cet enfoiré à gagner en puissance me rendait malade. L'arrivée d'un texto du lieutenant Kanaté coupa court à mes pensées : « Incendie Archevêché ».

Je regardai par réflexe à travers la fenêtre de mon salon : le crépuscule était là.

— Quoi qu'il se passe ce soir, ça a commencé, annonçai-je. Ne bougez pas d'ici tant que je ne vous appelle pas.

Je me dirigeais vers mon entrée où je passais mon équipement de motard, sans oublier ma crucis au cas où Bael aurait invité d'autres amis.

— On va pas sérieusement attendre là ? protesta Donna. Si ça fait comme ce matin tu ne pourras pas nous prévenir en cas de besoin.

— Je vous enverrai un texto pour que vous suiviez mes déplacements, ou sinon toutes les demi-heures, informai-je. Le prochain sera à dix-neuf heures. Ne faites rien de stupide, je vous en prie.

Je regardais tour à tour chacun de mes amis ; ils approuvèrent tous en silence et à contrecœur. Je les observais encore un instant avant de quitter mon appartement, direction la rue Perchepinte.


Les pompiers étaient parvenus à maîtriser l'incendie bien avant que j'arrive sur les lieux. Le lieutenant Kanaté, toujours sur place, m'annonça qu'il n'y avait aucune victime car le bâtiment était vide et qu'un message à mon intention était gravé sur un mur. Elle m'y conduisit sans que j'aie besoin de le lui demander, consciente que chaque seconde était précieuse ce soir.

— Le voilà, me dit-elle en s'arrêtant devant l'un des murs de la cour intérieure.

« Ils mourront dans le giron de la blanche Sainte-Marie ».

— Il va s'en prendre à mon Ordre, compris-je.

Je fis volte-face et me précipitai vers ma moto. Son moteur hurla quand je démarrai en trombe. Je remontai la rue avant de bifurquer à gauche dans la rue Merlane, puis je fonçai tout droit jusqu'à Notre-Dame de la Dalbade, traversant places et rues sans me soucier de la signalisation, soulevant sur mon passage un concert de klaxons énervés.

Je mis mon deux-roues sur sa béquille une fois sur le parvis de l'église avant de pénétrer dans l'édifice. Je longeais la nef immaculée jusqu'au cœur devant lequel étaient agenouillés les quatorze membres de mon Ordre résidant à Toulouse, y compris Yannick. Chacun était bâillonné et ligoté. Au-dessus d'eux, drapé dans une fumée sombre et crépitante, le corps du petit Noa lévitait, un immonde sourire victorieux aux lèvres.

— Un seul t'accompagnera sur le bûcher de la croix du zodiaque, Saint Exorciste. Choisis bien, me conseilla Ukobach.

Mon regard passa de l'un à l'autre de mes confrères tandis que je m'efforçais de trouver une solution. Sans avoir été ordonné prêtre, il m'était impossible de bannir le possédé de l'église, chose que pouvaient faire les autres hospitaliers. Je devais distraire le démon.

— Pourquoi avoir tué les parents du garçon ? demandai-je.

Sous mes gants, mes têtes de morts s'activèrent. Je sentais que mon pouvoir infernal n'était pas stable, il me faudrait faire attention à ne pas le solliciter à l'excès au risque de permettre à Belzébuth de tenter une prise de contrôle de mon corps.

— Le cœur humain rend fort, répondit Ukobach.

— Tu l'étais déjà avant de prendre le leur. Comment ça se fait ?

Grâce aux conseils de Tit et à ses entraînements, ma maîtrise de la télékinésie était optimale, aussi n'eussé-je pas trop de mal à défaire les liens et les bâillons de mes confrères bien que la tâche demandât de la minutie.

— Parce que le premier cœur que j'ai dévoré, c'est celui du garçon, sourit le démon en levant le tee-shirt de Noa.

Un trou béant de peau nécrosée se trouvait à l'endroit de son palpitant. Cette saloperie avait tué le gosse !

— Tu ne sortiras pas d'ici vivant, promis-je au démon en enlevant mes gants.

— Toi non plus ! exulta Ukobach.

Je me mis en position de défense après avoir libéré tous les religieux, prêt à l'accueillir comme il se devait, mais le démon disparut d'un coup de mon champ de vision. Je me retournai par réflexe, offrant par la même occasion mon torse aux ongles acérés du possédé. Sans que je puisse esquiver, les doigts d'Ukobach transpercèrent mes vêtements puis s'enfoncèrent dans ma ligne blanche en m'arrachant un long râle de douleur.

— Quitte la maison de Dieu, je te l'ordonne ! tonna une voix grave que je ne reconnus pas.

Le démon hurla tandis qu'il luttait contre l'injonction. Je sentis ses doigts se déloger de mon abdomen et mon sang couler par les plaies profondes. Je m'écroulais à genoux sur le sol de la nef avant de m'allonger sur le dos.

Je vis alors l'évêque passer à côté de moi en répétant son ordre repris en chœur par les autres hospitaliers.

— Brûlez tous ! hurla Ukobach.

La chaleur monta d'un coup quand tout l'édifice prit feu en une fraction de seconde. 

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