Chapitre 22

Nathan – Saint exorciste
Chevalier de l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem


Un long silence suivit mes explications. Dylan, Michaël et Donna prenaient le temps de tout assimiler et de faire le lien entre chaque événement.

— Si je résume, dit Dylan après un instant, un démon relativement puissant a profité de l'absence de Cerbère, et peut-être même de la Marque des Cinq, pour passer dans notre monde. Après quoi il s'est associé à une nécromancienne, l'a aidée à trouver un sifflet magique afin de lever une armée de morts au moment M. La nécromancienne doit en plus éliminer tous tes soutiens tandis que le démon, lui, veut décimer ton Ordre dans le but de dominer le monde. J'ai bon ?

— Oui, confirmai-je.

— Donc ce qu'on ne sait pas c'est : de qui le démon a pris possession, pourquoi la nécromancienne l'aide, ce que vient faire Ukotruc dans l'affaire, où et sous quelle forme aura lieu la lutte finale.

— C'est ça. Je pense aussi que les membres de mon Ordre ne sont pas en sécurité à Toulouse. J'ai peur que l'extermination continue et que le démon passe à la vitesse supérieure.

— C'est normal qu'il soit aussi puissant ? demanda Michaël. Je veux dire, pour un démon prisonnier dans un corps humain ? Sytry n'avait pas autant de pouvoir.

À l'évocation de la possession de Michaël, tous les souvenirs s'y rapportant me sautèrent au visage. Je me massai l'arête nasale d'un geste machinal afin de les chasser et de rejeter mon sentiment de culpabilité loin dans ma mémoire. Je n'avais pas le temps pour les remords. Quand j'osais enfin reporter mon attention sur Michaël, tout le monde me fixait et je compris que mon malaise n'avait échappé à personne. Pourtant je fis le choix de faire comme si j'allais bien en répondant à la question qui avait été posée :

— Ce n'est pas normal que ce démon ait autant de pouvoirs, raison qui me fait dire qu'il est de base très puissant. Mais je pense qu'il a dû trouver un moyen de passer, en partie, la barrière de sa prison de chair. Ces sept mois d'inactivité lui ont peut-être été nécessaires pour acquérir cette capacité.

— Comment il l'a eue ? questionna Donna.

— Je ne sais pas, répondis-je en fixant Aprilia.

La chienne de l'Enfer secoua la tête en signe d'ignorance. Si même elle ne savait pas, alors je n'avais aucun moyen de le découvrir. De toute façon, trouver le comment était superflu, seul comptait le résultat, celui auquel on devait faire face.

— Et qu'est-ce qu'il veut exactement, ce démon ? interrogea Michaël. S'il se nourrit des âmes humaines, ce n'est pas logique de tuer toute l'espèce.

— En effet, convins-je, mais il peut la réduire à l'esclavage. Ou plutôt en élevage. Ça me paraît assez plausible que ce démon veuille faire de la Terre son territoire afin d'échapper à la tyrannie de Satan.

— Un espoir de liberté, résuma Donna.

— On est tous fait pareil, affirmai-je. On cherche le meilleur pour nous, quitte à ce qu'il prenne les traits du pire pour les autres. La différence, c'est que les démons sont l'incarnation de l'égoïsme.

— Alors qu'est-ce qu'on fait ? demanda Donna. On tend un piège à la nécromancienne demain en espérant qu'elle nous mène au démon ?

— Ça peut se tenter..., approuvai-je.

— T'as pas l'air convaincu, remarqua Dylan.

— Je me demande pourquoi cette Karina a dit à Donna pour sa morsure de chien au risque de dévoiler son identité, expliquai-je.

— À en juger par ce qu'on sait de son caractère, c'est une femme très sûre d'elle, analysa Dylan. Ça ne serait pas étonnant qu'elle ait fait ça par provocation.

— Dans ce cas, est-ce qu'elle prendra le risque de venir demain soir ? douta Michaël.

— Je ne pense pas lui avoir laissé l'impression que j'avais deviné son identité, intervint Donna. Mais impossible de l'affirmer.

— Je suis persuadé qu'elle viendra, affirma Dylan. Ne serait-ce que pour nous narguer.

— Alors on tente le piège ? m'interrogea sa petite-amie.

— Oui, confirmai-je avant de me tourner vers Aprilia.

— Quoi ? s'inquiéta cette dernière.

— Personne ne sait que tu es là, lui dis-je. Tu peux être mon atout majeur, à la condition que tu n'agisses qu'au dernier moment et qu'en attendant, tu te fasses aussi discrète qu'une ombre.

— Mais la nécromancienne l'a vue, objecta Donna.

— D'après ce que vous m'avez raconté, elle a vu un chien l'attaquer, rectifiai-je. Elle n'a aucune raison de penser que c'est un être infernal.

Je me retournai vers Aprilia :

— Aussi discrète qu'une ombre jusqu'au tout dernier instant.

— D'accord, approuva le molossoïde.

— Bien. Vous avez rien contre un thaïlandais ? demandai-je en me leva. C'est moi qui invite.

Puisque l'idée d'un repas oriental tenta tout le monde, j'allais jusqu'à mon réfrigérateur sur lequel étaient accrochés les numéros de mes restaurants habituels puis j'appelais pour passer commande quand le choix de chacun fut fait.

Une fois la communication coupée, je ne rejoignis pas les autres tout de suite. Dos à eux, les bras croisés sur mon torse, je les écoutais d'une oreille distraite car je ne pouvais pas m'empêcher de penser à Michaël. J'aurais aimé que l'affaire en cours, au vu de sa gravité, accapare toute mon attention, mais le fait était que je ne parvenais pas à laisser mes sentiments pour lui de côté. J'aurais tout donné pour me les sortir de la tête quitte à m'arracher le cœur. J'en avais marre de cette douleur continuelle logée dans ma poitrine et qui hurlait chaque fois que Michaël était près de moi. Je voulais la faire taire. Je voulais la tuer.

La main de Donna se posa comme une caresse sur mon avant-bras.

— On va s'en sortir, me promit-elle.

— C'est pas ça, murmurai-je d'une voix affectée.

Donna écarta mes bras avant de se blottir contre mon torse :

— Il faut que tu lâches prise, Nathan, sinon tu ne tiendras jamais. Rejeter tout ce qui t'attire va finir par te rendre fou.

Les paroles de mon amie se heurtèrent à mes plus grandes peurs, créant un conflit qui me déstabilisa. Pour m'empêcher de céder, je serrai Donna contre moi en me réchauffant au feu de sa douceur.

— Si le démon veut tout te prendre c'est parce que privé de bonheur, tu seras affaibli, ajouta-t-elle. Plus tu seras heureux, plus tu seras fort.

— Tu ne comprends pas... Tu sais ce que ça fait d'être sur le point de perdre ton amant, mais tu ne sais pas ce que ça fait de le sentir mourir dans tes bras, de voir la terreur sur son visage quand la mort arrive dans une douleur insupportable. Tu ne sais pas ce que c'est de sentir son sang chaud imbiber tes vêtements et se coller à ta peau. Tu ne sais pas ce que ça fait d'entendre la personne que tu aimes le plus au monde te supplier de l'aider alors que tu ne peux pas...

La peine étrangla ma voix. Je me raclai la gorge pour reprendre contenance et combler le silence de Donna. Elle ne bougeait pas mais elle avait resserré son étreinte autour de moi.

— Il faut que tu brises le cercle vicieux de cette peur, chuchota-t-elle. Tu es habitué à prendre des risques, alors prend celui d'être heureux.

J'aurais aimé en être capable mais à cet instant, j'en doutais. Ma détresse était accrue par le fait que repousser mon attirance pour Michaël la rendait plus forte. Tellement plus forte qu'elle me ferait bientôt perdre la tête.

**

Michaël – Le petit archange


Le repas et la soirée passèrent à la fois vite et lentement. Nathan s'employait à ne surtout pas me regarder au point qu'il me sembla être invisible, inexistant. Cette sensation désagréable fit chuter mon moral déjà bas, si bien que je montais me coucher en premier ce soir-là. Aprilia avait accepté que je squatte sa chambre le temps qu'il faudrait. Comme elle dormait sous forme canine dessous son lit, j'avais la permission de prendre possession du dessus.

Seul dans la chambre, assis sur le matelas, je regardais par la fenêtre en me remémorant ma vie, mes choix et tout ce à côté de quoi j'étais passé juste pour rendre mes parents fiers. Si j'avais pensé au début les protéger, j'avais fini par comprendre qu'ils ne couraient aucun danger à cause de moi. Rien ne les menaçait à part leur propre peur d'être regardés de travers par les autres. Devais-je passer à côté de ma vie pour ça ?

Perdu dans mes pensées, je ne vis pas le temps filer. Lorsque je repris pied dans la réalité, tout le monde montait se coucher. En entendant la porte de Nathan se fermer, je me levais avec la ferme intention de mettre les choses au point ce soir. Je sortis dans le couloir au moment où Aprilia arrivait. Elle me regarda sans rien dire, puis elle s'enferma dans son antre tandis que j'entrai dans la chambre de Nathan sans frapper.

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