Chapitre 2
Michaël – Le petit archange
Je remontai le col de ma veste pour protéger ma nuque du vent tandis que je traversais le boulevard Lazare-Carnot d'un pas tranquille. Puisque la température était clémente, j'avais décidé de marcher un peu jusque chez Donna histoire de l'inviter à boire un verre. Ces derniers mois, on s'était vus principalement en ville, ça faisait donc un bail que je n'étais pas allé chez elle.
Je bifurquai à gauche afin de m'engager sur la rue du Sénéchal, venelle étroite bordée d'immeubles de deux étages en briques rouges. Là, j'entrai par une porte sombre puis grimpai l'escalier en colimaçon jusqu'à l'appartement, situé sous les combles, à la porte duquel je frappai. Le studio étant minuscule, je n'attendis qu'une fraction de seconde avant que Donna vienne m'ouvrir. Elle me sourit à pleines dents tout en se pendant à mon cou comme à son habitude. Elle avait dû être un chat dans une autre vie pour aimer autant les câlins, y'avait pas d'autre explication possible.
Une fois libéré de son étreinte, je l'invitai à se promener, ce qu'elle accepta sans délai. Elle attrapa sa veste et me suivit après avoir verrouillé sa porte.
— On va où ? me demanda-t-elle lorsque nous fûmes sur le trottoir. On pourrait se poser place Wilson. Ou si tu m'aimes vraiment on peut aller au Capitole...
Je l'écoutais d'une oreille distraite. Une étrange intuition attira mon attention vers la rue du Taur comme si quelque chose que j'avais oublié s'y trouvait et m'attendait.
— Et si on allait plutôt du côté de Saint-Sernin ? proposai-je.
— Au George & Dragon ?
— Pourquoi pas, ça fait une éternité que j'y ai pas mis les pieds.
Puisqu'on était d'accord, on se mit en route. On rattrapa la rue du Taur qu'on remonta jusqu'à la basilique avant de prendre la rue Émile-Cartailhac donnant sur la place du Peyrou où se trouvait le bar. Mais en plein milieu du chemin, un immeuble sur ma gauche attira mon attention au point d'arrêter mon pas.
J'étais déjà venu ici, non ? L'endroit me disait vaguement quelque chose mais impossible de mettre le doigt dessus.
— Michaël, ça va ? me demanda Donna d'un air inquiet.
Je lui accordai un bref regard avant de reposer les yeux sur le bâtiment.
— Ouais, c'est... On n'est pas déjà venus là ?
Elle hésita avant de répondre par la négative. Pourquoi elle avait hésité ?
— Tu connais cet immeuble ? questionna-t-elle.
— Je crois.
Je jetai un coup d'œil à droite et à gauche avant de me diriger vers la porte d'entrée :
— Bouge pas, je reviens.
Naturellement, Donna m'emboîta le pas. Elle me suivit sans dire un mot tandis que je montai dans l'ascenseur et que j'appuyai machinalement sur le bouton du quatrième et dernier étage. Lorsque les portes coulissantes me livrèrent passage, je suivis le couloir avant de m'arrêter devant la seule porte du niveau. Debout face au battant clos, un étrange sentiment de déjà-vu m'étreignit. Instinctivement, je baissai la poignée, certain que la porte n'était pas verrouillée, et j'eus raison. Je repoussai le vantail et entrai dans un appartement vide. Je m'avançai au milieu de la grande pièce de vie avant de faire un tour complet sur moi-même.
J'étais déjà venu ici.
— Qu'est-ce qui t'arrive, Michaël ? me demanda Donna.
Le timbre chevrotant de sa voix m'interpella. Je me tournai vers elle et la découvris prête à pleurer. Pourquoi ?
— Tu sais qui vivait ici ? questionnai-je.
Elle hésita encore avant de répondre par la négative.
— Et toi ? ajouta-t-elle.
— Je... Je ne sais pas. En fait, à chaque fois que je te vois j'ai l'impression d'avoir oublié quelque chose d'important sans pour autant savoir quoi, mais c'est la première fois que c'est aussi fort.
Ma confession sembla la gêner.
— C'est peut-être rien, me dit-elle du bout des lèvres. On devrait pas être ici, on est chez quelqu'un sans son autorisation, ce n'est pas bien.
Sur cette déclaration, elle tourna les talons et s'en alla, me laissant totalement perdu quant à ce qu'il venait de se passer. C'était comme si elle savait quelque chose que j'ignorais.
J'avais déjà remarqué des événements étranges au début du printemps. Ça avait commencé lorsque le psychiatre que j'avais vu étant ado m'avait envoyé un texto me rappelant un rendez-vous que je ne me souvenais pas avoir pris. Puis lorsque j'avais revu Tristan et Kevin, mes deux potes, ils m'avaient reproché de ne pas avoir donné de nouvelles pendant deux mois. Mais le plus étrange avait été la discussion que j'avais eue avec ma mère au sujet d'un garçon au chevet duquel je me serais rendu à l'hôpital. Quand elle avait compris que je ne voyais vraiment pas de quoi elle me parlait, elle avait abandonné en me disant d'oublier car ce n'était pas grave.
Seulement je ne l'avais pas oublié.
Enfin, il y avait Donna. À chaque fois que je passais du temps avec elle je ne me sentais pas à l'aise, peut-être incomplet, comme si on m'avait pris une partie de ma vie contre mon gré, comme si ma conscience tentait de se réapproprier ce bout de moi au prix d'une lutte intense avec mon inconscient.
Qu'est-ce qui s'était passé durant ces deux mois où Tristan et Kevin ne m'avaient pas vu ? Je savais que j'avais repris contact avec Donna à cette période, juste après la signature de mon CDI mais pour le reste, c'était le trou noir. Le néant complet. Et je n'avais aucun moyen de faire la lumière sur des choses que j'avais oubliées. En tout cas pas sans aide.
**
Donna – Étudiante en peine
Il me fallut l'air frais de l'extérieur pour calmer le feu de ma gorge. Revenir dans l'appartement de Nathan après tout ce temps avait fait ressurgir tous les sentiments que je m'évertuais à enterrer depuis sept mois. Et à en croire Michaël, ça faisait remonter les siens aussi. Cela voulait-il dire que mon pouvoir surpassait les potions des sorcières ? Ou que les sentiments de Michaël à l'égard de Nathan étaient si forts qu'aucun envoûtement ne pouvait les faire disparaître complètement ?
Je ne savais pas du tout. Mais si j'étais réellement capable d'attirer la chance et que Michaël était celle de Nathan, alors mon pouvoir finirait par les rapprocher, c'était inévitable.
Cette pensée ne me quitta pas même lorsque mon ami me rejoignit enfin. Il ne dit rien, ni sur l'appartement ni sur mon trouble évident. Je décidai donc de faire comme si rien n'était arrivé et repris mon chemin vers le café. Il me tardait le tournage au cimetière ce soir, ça me changerait les idées.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top