Chapitre 3
Nathan – Saint exorciste
Chevalier de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem
Debout face aux grandes fenêtres en demi-lune de mon appartement, je fumais une cigarette en regardant Toulouse se parer de son habit scintillant de nuit. Tit s'affairait dans tout l'appartement maintenant qu'il avait pris ses marques. Il s'était approprié la totalité du logement, permettant ainsi à son pouvoir d'atteindre son entièreté. Les Ombres, ces esprits torturés qui se traînaient sur le sol et les murs en quête d'une âme honnête à dévorer, n'osaient même plus approcher de l'immeuble. Je me sentais enfin en sécurité chez moi.
— Nathanoï !
Je me tournai vers le salon. Tit se tenait devant le mur dissimulant ma réserve d'artefacts magiques, de livres anciens et d'armes en tous genres.
— Quoi ? demandai-je en m'approchant un peu après avoir écrasé ma cigarette dans un cendrier.
— Ovroï, intima-t-il. J'vaï possière.
— Laisse tomber, je m'en occuperai.
Un torchon sale m'atterrit en pleine figure avant de s'écraser sur le sol. Je toussai quand les particules de poussière encombrèrent mon nez et mes bronches. Maudit domovoï ! Pourquoi il fallait toujours que je me reçoive un truc dans la tête avec lui ?
— Ovroï.
Je toussai encore pour dégager mon système respiratoire avant d'aller lui ouvrir. Je posai mes deux mains sur la paroi qui disparut aussitôt, dévoilant le passage vers ma réserve aux murs lambrissés et aux étagères... poussiéreuses.
OK, il était peut-être temps de faire un peu de ménage.
— Spasiboï.
On toqua à ma porte.
— Amuse-toi bien, lançai-je à Tit tout en allant ouvrir.
Les personnes connaissant mon adresse n'étaient pas nombreuses, et celles assez folles pour venir à cette heure-ci sans invitation l'étaient encore moins. En arrivant près du battant, je ne pris pas la peine de regarder par le judas afin de me laisser un peu de suspense. Mais une fois le vantail ouvert, je regrettai mon choix.
Mon cœur se serra dans ma poitrine face à mon visiteur.
— Euh... Bonsoir, me salua-t-il, visiblement mal à l'aise d'être là. Je... Je te dérange pas ?
J'avais oublié à quel point Michaël était magnifique et à quel point le voir là devant moi me rendait autant heureux que triste.
Si sa voix n'était pas assurée, la mienne l'était encore moins.
— Si.
Ma réponse mensongère assombrit ses traits angéliques. Il n'imaginait pas qu'elle venait de me lacérer de l'intérieur. J'avais tellement eu envie de le revoir ces dernières semaines que mon seul désir était de l'inviter à rentrer et de ne jamais le laisser partir. Mais je devais le tenir loin de moi si je voulais le protéger.
Il fit un pas en arrière, les épaules affaissées. Je remarquai alors que son teint était aussi maladif que deux semaines auparavant. Ce n'était pas normal.
— Je suis désolé. Je te laisse.
Je le retins par le poignet au moment où il allait partir. Il se retourna et m'offrit une expression aussi surprise que fragile.
C'était une mauvaise idée de l'empêcher de partir, je le savais, pourtant la déraison de mes sentiments à fleur de peau ne me laissa pas le loisir de résister à la chance de passer un instant avec lui.
— Tu n'as pas l'air bien, lui dis-je.
— Juste un coup de fatigue à cause du boulot, c'est rien, m'assura-t-il.
— Alors pourquoi tu es venu me voir moi ?
Il me regarda d'un air hébété, comme si ma question le prenait au dépourvu. Avait-il seulement la réponse ?
— Je... (Il haussa les épaules.) Je ne sais pas vraiment. Je crois que j'ai besoin d'aide et je ne vois que toi sur qui compter.
Le peu de bon sens dont j'étais encore doté s'envola à l'entente de cette confession.
— Rentre, l'invitai-je.
Il ne bougea pas.
— Tu as dit que tu étais occupé, me rappela-t-il.
— Je peux reporter. Viens.
Je tirai doucement sur son poignet, ce qui suffit à le sortir de sa torpeur. Il finit par entrer et se déchaussa tout en enlevant son manteau. Mon regard tomba directement sur ma réserve à nouveau dissimulée derrière son mur protecteur. Et plus de trace de Tit.
Parfait.
— Tu veux boire quelque chose ? proposai-je.
— Je veux bien un café, s'il te plaît.
Pendant que j'attrapai une tasse et que je mettais une dosette de café dans ma machine, Michaël s'installa au bar.
— Tu étais en plein ménage ?
Je me retournai et posai un regard interrogateur sur lui pendant que la cafetière se mettait en marche.
— T'as de la poussière sur ton tee-shirt, précisa Michaël.
Je baissai la tête sur mon torse pour constater les dégâts. Tit ne m'avait pas loupé.
— J'ai déballé de vieux cartons, mentis-je, ne trouvant que cette explication pour justifier la présence d'autant de poussière à cet endroit.
Cela sembla le satisfaire puisqu'il ne rebondit pas. Si Donna connaissait l'existence de Tit, ce n'était pas le cas de Michaël et moins il en savait sur ma vie, mieux ça valait.
La machine cracha les dernières gouttes de café dans la tasse. Je la donnai à Michaël avec une cuillère et du sucre. Je le regardai en mettre un dans le liquide chaud et remuer, l'esprit ailleurs. Il semblait avoir des difficultés de concentration. En ajoutant à ça sa mine fiévreuse, ça n'annonçait pas grand-chose de bon.
Je restais derrière le bar à le détailler longuement sans qu'il remarque quoi que ce soit. Alors je pris les devants :
— Tu disais avoir besoin d'aide. Pourquoi ?
Il but une longue gorgée de café avant de faire tourner la tasse entre ses doigts sans oser me regarder en face.
— Quand... (Sa voix était enrouée, il se racla la gorge.) Quand tu étais sur le parvis de Saint-Sernin le mec... Adid, je crois, a dit qu'on ne devait pas approcher tant que la porte de l'Enfer n'était pas fermée.
— Certains démons de basse classe profitent de ce genre d'ouvertures pour posséder un humain, confirmai-je. Et tu l'as écouté ?
Il joua encore avec sa tasse avant de vider son contenu cul-sec.
Eh merde !
— J'ai attendu mais les chevaliers sont partis et tu ne bougeais plus. Ce n'était plus qu'une fine crevasse.
Il releva la tête et me suivit des yeux quand je contournai le bar pour le rejoindre.
— Debout, intimai-je.
Il se leva du tabouret par réflexe.
— Tu entends une voix ? demandai-je en le faisant se décaler de quelques pas vers le salon.
Michaël baissa un peu la tête. Lorsqu'il la releva pour me faire face, son sourire profondément malsain me hérissa le poil.
— On se rencontre enfin, Nathan, susurra-t-il.
Mon bracelet, seul lien avec ce monde du démon scellé en moi, vibra tellement fort qu'il aurait pu m'arracher le bras. Belzébuth, le challenger de l'Enfer, était hors de lui et je compris vite pourquoi.
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