Chapitre 21
Nathan – Saint exorciste
Chevalier de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem
J'ouvris les yeux sur le décor d'une chambre d'hôpital éclairée par un soleil encore haut dans le ciel. Pourquoi j'étais ici ? Où était le molosse de l'Enfer ? Et Aprilia ? Il me semblait me souvenir de Donna aussi, de Dylan et d'un homme au visage basané.
Il me fallut un très long moment pour rassembler tous mes souvenirs et les remettre dans l'ordre. En revanche, ne pas savoir ce qui était arrivé à mes amis me vrilla les entrailles de peur. Et si le chien les avait tous tués ? Si les personnes qui m'avaient aidé n'étaient pas arrivées à temps pour les sauver ? Une boule douloureuse se forma dans ma gorge tant cette pensée me déchira le cœur. Je devais savoir ce qui leur été arrivé. Je voulais les voir.
Je tentai de me redresser mais mon corps refusa net. La colère se mêla à la tristesse et dans ma tête défilaient des pensées noires dont le flux incessant me donna la nausée. Elle disparut aussitôt que la porte de ma chambre s'ouvrit sur une infirmière. Elle sourit aimablement en me constatant réveillé et approcha pour vérifier les données affichées sur les appareils auxquels j'étais relié.
— Ça va ? me demanda-t-elle sur un ton bas et calme.
Je m'aperçus en voulant lui répondre que ma gorge me faisait mal ; ils avaient dû m'extuber depuis peu. J'acquiesçai donc d'un signe de tête.
— Sur une échelle de un à dix, où se situe votre douleur ?
Je pris le temps d'écouter mon corps qui, malgré son état pitoyable, ne me faisait pas si mal que ça.
— Deux, répondis-je d'une voix enrouée. Mes amis ?
— Ils patientent en salle d'attente depuis votre arrivée ce matin. (Un soulagement sans nom m'envahit.) Vous allez passer la nuit sous surveillance ici et si tout va bien, vous irez en chambre demain. Vous pourrez les voir à ce moment-là.
J'approuvai d'un mouvement de la tête. L'infirmière termina de faire le tour des appareils et de me poser ses questions avant de me laisser me reposer. Elle fit bien car je ne dus pas mettre plus de deux minutes à m'endormir après son départ.
La nuit s'étant bien passée, je remontai en chambre seule le lendemain comme convenu. Mon bras et ma jambe plâtrés réduisaient considérablement ma capacité de mouvement à tel point que me remettre comme il fallait sur mon lit demandait une rigueur presque mathématique pour ne pas trop souffrir. La journée fut longue mais eut au moins la vertu de me permettre de dormir, même si c'était par intermittence.
Je fus tiré de l'une de mes siestes, à la tombée du jour, par une énergie vivifiante remontant le long de mon bras droit. En ouvrant les yeux, je vis Michaël avachi sur le bord de mon lit, les paupières closes. Soucieux de ne pas le déranger, je décidai de ne pas bouger. Je laissai retomber ma tête sur mon oreiller, appréciant comme jamais sa main glissée dans la mienne, et fermai les yeux.
La porte de ma chambre s'ouvrit soudain. Si je ne bougeai pas d'un poil, Michaël, qui ne dormait pas, se hâta de rompre le contact pour mettre fin au flux bleuté.
— Qu'est-ce que tu fais là ? entendis-je demander.
— C'est un ami, expliqua Michaël à la femme qui venait d'entrer. Je ne savais pas que tu étais son médecin.
— Et moi je ne savais pas que tu avais fait de nouvelles rencontres, répliqua la femme d'une voix basse mais un peu sèche. Pourquoi tu ne l'as jamais présenté ?
— C'est quoi cette question ? se braqua Michaël. Tous mes potes doivent être fichés par tes bons soins, c'est ça ?
— Baisse d'un ton, veux-tu. Ce n'est pas l'endroit. C'est vrai, j'aime connaître tes amis mais je suis ta mère, c'est normal.
— Non, la contra son fils. Si tu fais ça c'est parce que tu as peur que l'histoire avec Jérémie se répète.
— Micka...
— T'as rien à craindre, la coupa-t-il. Je n'ai pas l'intention de vous faire souffrir encore.
Il y eut un silence, avant que la doctoresse ne reprenne :
— Ce n'était pas que Jérémie ?
— ... Non. Mais Papa n'en saura rien et Gaby non plus.
— Lui ? demanda sa mère.
Nouveau silence. J'entrouvris les yeux et vis sur le visage de la femme médecin, dont l'index était tendu vers moi, une expression mêlant colère et appréhension.
— Il ne connaîtra jamais mes sentiments non plus, répondit Michaël. J'ai essayé durant des années d'enfouir ça en moi mais quand je l'ai rencontré tout est ressorti... Je te jure que j'ai pas choisi. J'ai pas eu le choix, Maman.
Je ne retins de sa réponse que ses sentiments à mon égard et le fait que Donna avait eu raison. Ma joie retomba pourtant vite.
— Dehors, ordonna sa mère sans pour autant hausser le ton.
Pourtant il était dur comme de la pierre et fit naître en moi une rage grondante. J'avais beau savoir que plus Michaël resterait loin de moi, mieux ça serait pour lui, je ne pouvais pas me résoudre à laisser une autre personne décider à ma place. J'avais connu ça toute ma vie.
— Je reste.
— Dehors, Michaël, répéta sa mère. Je t'interdis de revenir dans cette chambre ou même de revoir ce garçon. Loin des yeux, loin du cœur, alors dehors.
J'ouvris mes paupières et bougeai pour attirer l'attention de la doctoresse, coupant ainsi court à sa joute verbale avec son fils. L'expression granitique de la femme aux cheveux blonds devint aussi douce qu'un vent de printemps. Je me désintéressai d'elle, préférant porter toute mon attention sur le visage angélique de Michaël. Son air fatigué me rappela alors la présence de Sytry en lui et la promesse que je m'étais faite : j'exorciserai bientôt le démon et rendrai sa liberté à Michaël. Je devais le faire avant de succomber à mes sentiments.
Je m'assis dans mon lit, repoussant la couverture qui laissa mon torse nu, et fixai la doctoresse d'un air peu commode.
— Je crois que vos patients vous attendent, débitai-je d'une voix glaciale.
— Mais...
— Au revoir, la coupai-je tandis que mon aura infernale m'engloutissait.
La femme me fixa, l'air incertain, avant de regarder son enfant puis de s'en aller. Ma contrariété retomba aussitôt avant de disparaître totalement lorsque Michaël me prit la main.
— On t'a réveillé ? demanda-t-il.
— Ce n'est pas grave, répondis-je, soucieux de ne pas le mettre mal à l'aise. Tu as des nouvelles de Donna, Dylan et Aprilia ?
— Aprilia se repose chez toi, quant à Donna et Dylan, ils ne devraient pas tarder à venir. Ils m'ont dit pour le super chien de l'Enfer. Apparemment tu dois la vie à un type qui a réussi à le retenir assez longtemps pour qu'Aprilia puisse le tuer. Depuis hier l'histoire fait un boucan pas possible dans la ville mais les types sur place qui avaient pris des vidéos se sont retrouvés avec des images noires totalement inexploitables.
— C'est normal, les créatures infernales parasitent l'électronique, expliquai-je.
— Ouais, ben du coup les autorités ont expliqué que ça devait certainement être un ours échappé de quelque part.
— Les gens finiront par oublier. Et toi, comment tu vas ?
J'eus l'impression que ma question faillit lui tirer des larmes, mais il se contint et me répondit simplement qu'il allait bien.
— Dylan m'a envoyé un texto hier pour que je vienne t'aider mais j'étais au boulot, je l'ai vu qu'à ma pause de midi quand tu étais déjà ici. Je suis venu hier soir, on m'a dit que je n'avais pas le droit de te voir, c'est pour ça que je ne suis venu que maintenant.
— Tu ne me dois rien et surtout pas des justifications ou des excuses.
La pression de ses doigts sur ma main augmenta sensiblement et je m'aperçus alors que je n'avais plus mal au bras. Bien que les blessures fussent impressionnantes, elles étaient moins graves que celles qui m'avaient été infligées durant la Marque des Cinq. Ici, je n'avais que quelques os cassés qui seraient réparés en moins d'une heure. Ce soir, moyennant ma signature sur une décharge, je serai chez moi et je pourrai me remettre à la traque de Cerbère.
Mes pensées s'envolèrent lorsqu'on toqua à ma porte. Michaël brisa le contact entre nous jusqu'à ce que Donna, Dylan et l'homme ayant retenu le molosse de l'Enfer entrent. Il le renoua tandis que Donna me présenta à Tayeb que je pus remercier de vive voix et de manière consciente. Sans lui, nous serions tous morts. Naturellement, Tayeb me demanda des explications sur les événements de la veille car ni Donna ni Dylan n'avaient pu lui en fournir de précises.
J'expliquai donc que si les créatures infernales craignaient les divines, elles redoutaient plus que tout la foi des Hommes, cette énergie sans pareil dont les cieux se nourrissaient, raison pour laquelle la religion des individus importait peu. Si Tayeb avait été juif, bouddhiste, animiste ou autre, cela n'aurait rien changé.
Mes camarades me tinrent compagnie jusqu'à mon rétablissement complet et mon départ de l'hôpital. Je saluai Donna, Dylan et Tayeb avant de laisser Michaël me raccompagner chez moi.
Il se gara vingt minutes plus tard au pied de mon immeuble. Je prétextai avoir encore besoin de repos pour le quitter rapidement. En vérité je ne voulais pas donner l'occasion à mes sentiments de prendre le dessus depuis que je connaissais ceux de Michaël à mon égard. J'avais réellement peur de ce qui pourrait se passer entre nous, tout comme j'étais terrifié à l'idée de ne pas être capable de le repousser si cela arrivait.
Le fuir était préférable.
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