Chapitre 20


Nathan – Saint exorciste
Chevalier de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem


Je percutai le mur du sous-sol de plein fouet. Le choc me coupa le souffle, occultant un instant la douleur de mon mollet transpercé de part en part. Le monstre me projeta ensuite sur le sol avec tellement de force que mon bras droit sur lequel j'atterris se brisa comme du verre en m'arrachant un nouveau cri de souffrance. La créature dégagea ses griffes d'un mouvement brusque de la patte, alors je sentis mon sang brûlant couler sur ma peau et imprégner mon pantalon.

Ma vue devint floue et ma conscience vacillante, me laissant un instant incapable de bouger. Mon temps de latence dut persuader le chien infernal qu'il m'avait tué car il n'attaqua pas. Son hésitation avant de me renifler me permit de reprendre mes esprits et de concentrer mon pouvoir dans ma main gauche, la droite étant hors-service. Dès que le molosse dominant me mit sur le dos d'un coup de museau, j'y posais ma main et lui balançais une décharge si puissante que le chien fut projeté de l'autre côté du couloir.

Je me relevai sans attendre et m'enfuis à l'opposé. Privé de mon pouvoir divin, les blessures que j'infligerai à l'animal ne me permettraient jamais de le tuer. Si je ne sortais pas d'ici dans les prochaines minutes, c'en serait fini de moi.

J'avançai avec mon bras droit ballant et en traînant la jambe. Mon équilibre n'était pas excellent, tout comme mes repères dans l'espace. Avec si peu de luminosité je parvenais difficilement à estimer les distances et à distinguer les couloirs avant d'être devant. En revanche, je sentis le sol trembler quand l'apex prédateur se lança au pas de course à ma poursuite. J'entendais son grognement de plus en plus près.

J'accélérai, haletant, vidé et nauséeux, toujours poussé par le bruit dans mon dos. Je me retournai pour voir où était mon ennemi : il était déjà là, se déplaçant à une vitesse que j'estimais mal mais que je devinais très rapide. Je me préparais à l'accueillir quand sa gueule se referma soudain sur mon mollet blessé : j'avais surestimé mon temps de réaction. Je hurlai quand les crocs broyèrent mes os. Le chien me secoua avant de me jeter vers le plafond. J'évitai le choc mortel en créant un bouclier de protection qui fracassa le plafond du niveau puis le macadam de la rue.

Cette fois, j'étais incapable de me relever. Allongé sur le dos, face au ciel nuageux, j'entendis le monstre s'extirper du sous-sol en grognant. Puis j'entendis les habitants du quartier hurler de terreur et je devinais sans mal un mouvement de panique général. Puis la silhouette de la créature me cacha le bleu de l'azur et je sentis son haleine fétide agresser mes narines.

Merde, j'aurais jamais imaginé crever comme ça. Je comprenais pourquoi Aprilia avait fuit les Enfers.

Le monstre ouvrit la gueule, prêt à me dévorer, quand le cri de rage d'une femme attira son attention. Je vis une lourde hache fracasser la mâchoire inférieure du molosse qui couina de douleur. Puis une jambe musclée à la peau noire ténèbres repoussa la bête qui recula assez pour ne plus me menacer directement. Je tournai la tête au moment où une inconnue au corps athlétique, vêtue d'un simple bandeau et d'un pagne en peau d'animal, avança en direction du molossoïde en faisant tourner ses deux haches dans ses mains.

— Je ne pourrai pas le battre seule, Nathan, me dit-elle d'une voix naturellement chaude. Je ne suis pas assez forte.

— Aprilia, la reconnus-je.

Elle avait une forme... humaine...

— Comment je peux le battre ? me demanda-t-elle.

Je ne répondis pas, j'étais en train de perdre doucement connaissance.

— Nathan ! hurla quelqu'un.

Je sursautai en reconnaissant cette deuxième voix.

Donna !

**

Donna – Étudiante au bord de la tachycardie


Je courus en direction de Nathan sans même savoir si Dylan me suivait. Le bruit de l'affrontement avait attiré notre attention malgré le brouhaha du marché et nous avions tout de suite compris que Nathan avait un problème. Et quel problème ! En face de nous, un chien monstrueux plus haut qu'un cheval fit craquer sa mâchoire quand j'approchai de mon exorciste. Puis sans crier gare, il fonça sur nous. Je m'arrêtai net et eus un mouvement de recul qui me fit percuter mon petit-ami dont le réflexe fut de me pousser derrière lui pour me protéger. Il se prépara au choc quand une femme à la peau noire d'encre et aux yeux rouge rubis intervint en tranchant les tendons des pattes arrière de l'animal. Il s'écroula lourdement sur le sol.

— Ne restez pas là ! hurla l'inconnue. Il se régénère.

Quelque chose agrippa ma cheville à ce moment-là et je sursautai avant de poser les yeux sur Nathan. Je m'accroupis pour l'entendre parler.

— Trouve un homme de foi, articula-t-il difficilement.

— Compte sur moi ! lui assurai-je en me relevant.

Avant de m'en aller en mission, je demandai discrètement à Dylan d'appeler Michaël. Il sortit son portable pour lui envoyer un texto quand je partis au pas de course vers l'église la plus proche en espérant l'atteindre à temps. Tel un oiseau de proie, je filai en fendant l'air jusqu'à ce qu'une intuition ne me coupe net dans mon élan en plein milieu des barres d'immeubles, à seulement deux cents mètres du monstre.

On était à la Reynerie, je n'avais pas besoin d'un prêtre. Mon instinct me fit aviser un appartement au rez-de-chaussée à la fenêtre duquel je tambourinai comme une malade jusqu'à ce qu'un homme d'une cinquantaine d'années vienne m'ouvrir.

— J'ai besoin d'aide ! suppliai-je d'un ton affolé. Mon ami va mourir sans votre aide !

Fort heureusement, l'homme ne me demanda pas plus de détails. Il referma la fenêtre avant de me rejoindre dehors.

— Qu'est-ce qui se passe ? s'enquit-il avec son accent arabe reconnaissable.

— Vous êtes pratiquant ? demandai-je en réponse.

Il me dévisagea, médusé et coi.

— Pardon ?

— On a besoin d'Allah, ajoutai-je en le faisant se tourner vers le bout de la rue où Aprilia tentait de tenir le monstre loin de Nathan.

Elle était parvenue à le faire reculer de plusieurs dizaines de mètres et se battait comme une forcenée en essayant de ne pas se faire déchiqueter.

J'entendis le quinquagénaire marmonner quelque chose dans sa langue maternelle puis je le tirai par le bras sans ménagement. On n'avait pas de temps à perdre.

— Qu'est-ce que c'est ? me demanda l'inconnu.

— Un chien de l'Enfer.

J'amenai l'homme du nom de Tayeb vers mon exorciste sur lequel mon petit-ami veillait. Nous nous penchâmes vers Nathan qui peinait à rester conscient à en juger par ses yeux hagards.

— J'ai un homme de foi, l'informai-je.

— Il est... chrétien ?

— Musulman. C'est grave ?

— ... Non. C'est la foi... qui compte. Il faut qu'il prie Allah... d'immobiliser le chien. Je dois récupérer. Il doit l'immobiliser...

— Comment ? demanda Tayeb.

— Juste... prie, souffla Nathan.

Tayeb me fixa, l'air incertain. Je lui dis d'obéir, ce qu'il fit après une hésitation. Il s'agenouilla en direction de La Mecque et se mit à réciter des prières en arabe. Je détournai mon attention de lui pour la porter sur le combat qui faisait rage entre la femme aux haches et le chien.

Rien ne se passait.

Du moins au début. Puis je m'aperçus que plus Tayeb priait, plus le chien avait du mal à bouger. Petit à petit, il se retrouva paralysé, incapable de faire autre chose que de grogner et de mordre l'air.

La femme noire tomba à genoux parterre, haletante. Je ne remarquai qu'elle saignait qu'en apercevant une tache sombre se former sous elle.

— Donna, m'apostropha Dylan, inquiet. Nathan nous lâche.

Mon exorciste perdit connaissance sous mes yeux. L'affolement me gagna quand Dylan se pencha sur lui pour prendre son pouls. Je le vis pâlir avant d'attraper son portable sur lequel il composa un numéro.

— Qu'est-ce que tu fais ? paniquai-je.

— Je n'ai pas reçu de réponse de Michaël alors j'appelle les pompiers. Nathan ne survivra pas si on attend encore, il a besoin d'être transfusé.

La révélation me laissa littéralement sur les fesses. À côté de nous, la femme à la peau noire d'encre afficha un air résigné en entendant la nouvelle. Je la vis se relever péniblement, ses haches dans ses mains qu'elle serrait comme si sa vie en dépendait. Je compris ce qu'elle s'apprêtait à faire lorsqu'elle fit une nouvelle fois face à l'énorme chien de l'Enfer. Elle inspira profondément et se jeta sur lui, se heurtant de plein fouet à la barrière divine qui lui brûla la peau à en juger par la violente odeur de chair carbonisée qui me parvint. Sa volonté ne souffrit pourtant pas de l'obstacle duquel elle vint à bout.

Ses haches tranchèrent alors les artères du cou de la bête qui s'écroula définitivement.

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