Dylan – Embarqué malgré lui dans l'aventure.
Enfin, presque.

J'avais transféré toutes les vidéos restaurées sur ma clé USB avant de déposer Donna à l'école et de filer chez Nathan.

En arrivant devant la porte de son appartement, je bloquai littéralement. Malgré ce que m'avait dit Donna, je redoutais la réaction de Nathan et franchement, s'il n'appréciait pas ce qu'on avait fait, je ne lui en voudrais pas. On avait outrepassé nos droits en fouillant dans son passé sans sa permission. À notre décharge, la singularité de Nathan nous avait légitimement rendus curieux d'en apprendre plus sur son mode de vie. J'espérais qu'il le comprendrait. Sinon... ben je serai seul face à lui.

Je rassemblai tout mon courage et frappai trois coups. Comme il était informé de ma venue, je n'attendis pas longtemps avant qu'il vienne m'ouvrir. Chose étrange, je le trouvais vachement plus impressionnant quand j'étais seul avec lui que lorsque j'étais accompagné de Donna et Michaël.

— Entre, m'invita Nathan.

— Merci.

À l'intérieur, il ne passa pas par quatre chemins pour me demander ce que je pouvais avoir d'aussi important à lui dire.

— Il vaut mieux que je te montre, lui dis-je en désignant ma clé USB.

Il m'invita à m'asseoir sur le canapé tandis qu'il allait chercher son ordinateur portable déjà allumé et prêt à servir. J'introduisis ma clé dans le port adéquat puis ouvris le dossier contenant toutes les vidéos, dont celle qui m'importait. Nathan s'installa à côté de moi. Je compris à cet instant que je ne pouvais pas simplement balancer la vidéo sans expliquer comment nous l'avions eue.

— Nathan, commençai-je. Avant de te montrer, faut que je t'avoue un truc.

Il fronça les sourcils, intrigué, et m'invita à parler d'un signe de la main.

— Hier, Donna a reçu un coup de fil de Michaël alors que j'étais avec elle. Il disait que Sytry sentait une énergie ni bonne ni mauvaise dans le coin, qui pouvait être liée à toi, du coup on est tous allés voir et on s'est retrouvés dans l'archevêché à récupérer des infos sur toi.

Nathan se redressa sur le canapé, l'air mauvais.

— C'était stupide et dangereux, me dit-il. Sans compter que ma vie ne regarde personne d'autre que moi et surtout pas des gamins que j'ai croisé par hasard.

Eh voilà, il était en colère et j'étais tout seul avec lui. Est-ce que j'étais vraiment obligé de lui dire qu'il y avait une nouvelle encore plus mauvaise ?

— Je t'assure que je comprends parfaitement, repris-je.

— Tu comprends ? Je n'en suis pas si sûr, sinon vous n'auriez pas montré des infos à Michaël en sachant que Sytry les verrait également.

— Sytry ne les a pas vues, révélai-je.

Ma phrase le tempéra un peu.

— Michaël savait que selon ce qu'on trouverait, ça pourrait être dangereux pour toi si Sytry venait à l'apprendre alors il nous a aidé à rentrer dans l'archevêché mais il est resté dehors le temps qu'on consulte les dossiers et on ne lui a rien dit pour l'instant. Il a bien fait car il y a une info sur une vidéo dont ton Ordre ne t'a visiblement jamais fait part.

— Des vidéos ? s'étonna-t-il.

— Je te montre. Et écoute bien ce que les types vont dire dans les dernières secondes.

Je montai le son à fond et lançai l'enregistrement. Nathan se retrouva face au petit garçon qu'il avait été et je compris à son air triste que ces images étaient encore bien présentes dans son esprit.

Il y eut un grand flash lumineux qui fit grésiller le son, puis le silence tomba jusqu'à ce qu'un des deux observateurs entame la conversation avec son collègue sur un ton bas :

« Sa puissance augmente.

— Je vois ça. Je pense vraiment qu'on devrait lui couper les mains sinon il finira par tuer quelqu'un.

— Ça représentera toujours moins de morts que si on brise son bracelet.

— Comment ça ?

— Tu ne sais pas ? Pas étonnant, vu qu'ils ne veulent pas que le Petit Diable le sache. Si le gamin meurt, Belzébuth sera relâché automatiquement mais si on brise le bracelet, il lui faudra un million d'âmes pour s'extirper de l'enveloppe charnelle... »

La vidéo s'arrêta peu de temps après, laissant Nathan sous le choc.

— Tu ne savais vraiment pas ?

— Non.

— Et tu savais que tu étais filmé ?

Il s'accouda sur ses cuisses et ferma les yeux un instant avant de les rouvrir :

— Non, je ne savais pas. J'ai toujours pensé que j'étais seul dans cette chambre et qui si personne ne venait m'aider c'était parce qu'ils ne m'entendaient pas crier...

Nathan laissa sa phrase en suspens. Il n'avait pas besoin de la terminer, elle était lourde de sous-entendus. Je n'osais même pas imaginer ce que ça pouvait lui faire de savoir que des gens avaient assisté à toutes ses nuits de cauchemars en le regardant se débattre pour vivre plutôt que de l'aider. J'étais même persuadé que certains d'entre eux avaient pris plaisir à l'entendre hurler de terreur.

Tandis que je me laissais aller à mes pensées, Nathan navigua dans le dossier afin de voir le nombre de vidéos. Il n'était pas dur de comprendre qu'apprendre la vérité sur ses quatre années d'emprisonnement l'affectait.

— Tu as d'autres copies ? demanda Nathan.

— Non.

Sans rien ajouter, il coupa la totalité des fichiers et les colla sur son ordinateur. Donna allait m'en vouloir de ne pas avoir fait de sauvegarde mais tant pis. Nathan était dans son droit. Lorsque le téléchargement fut terminé, mon hôte se leva. Je l'imitai et le suivis jusqu'à la porte d'entrée. Nous n'avions pas besoin de parler pour savoir que nous nous étions tout dit. Enfin, presque. Avant qu'il ne referme derrière moi, je bloquai la porte pour la maintenir ouverte, geste qui surprit Nathan.

— Je sais que tu fais ce que tu veux mais je pense que tu devrais montrer toi-même à Michaël ce que Donna et moi avons vu.

— Pourquoi ?

— Parce que c'était la condition et qu'il attend notre coup de fil. Et puis toi tu sauras quoi lui montrer sans que ça te nuise.

— Je verrai.

Il allait fermer mais je l'en empêchais encore.

— Une dernière chose, Nathan. Michaël ne va pas bien et Donna ne peut rien pour lui, il ne la laisse pas faire.

— Je ne peux rien faire à part l'exorciser, ce qu'il refuse.

— Va au moins le voir, peut-être qu'à toi il te parlera.

— Qu'est-ce qui te fait penser ça ?

Je haussai les épaules :

— Peut-être qu'il t'accorde plus de crédit qu'à nous. Vu ta position, il doit penser que tu es le seul à pouvoir réellement l'aider. En tout cas Donna a l'air de penser que tu as une place importante pour Michaël.

Le visage de Nathan s'adoucit d'un coup.

Une minute... Est-ce que contrairement à moi, Michaël était le genre de Nathan ? Mais Michaël n'était pas homo, aux dernières nouvelles. J'avais raté un truc ou quoi ? Il me faudrait demander à Donna ce soir.

Une faible décharge m'électrisa les doigts, me faisant lâcher le battant de surprise. Nathan venait d'utiliser ses pouvoirs sur moi !

— Rentre chez toi, m'ordonna-t-il.

Puis le vantail se referma.

Bon... Ben j'avais toute une journée à tuer. Rattraper ma nuit de sommeil serait un bon début parce que je sentais arriver le coup de barre magistral. Je décidai donc de rentrer, en espérant ne pas m'endormir sur la route.