Michaël – Possédé par Sytry
Ma nuit fut épouvantable. Mon manque de sommeil n'était pas dû à Sytry mais à la culpabilité d'avoir blessé Nathan par mes paroles cruelles. Bien sûr que nous avions tous perdu un être cher mais pour la majorité, ce n'était pas notre premier amant et aucun d'entre nous ne vivait avec la peur de voir ses proches mourir à cause d'un danger inévitable qui nous guettait à chaque instant.
Je m'étais comporté comme le dernier des enfoirés et le fait que Sytry me susurra ses idées n'excusait rien. Il ne m'avait pas forcé à dire ce que j'avais dit et j'étais parfaitement conscient de l'impact que ça aurait sur Nathan mais... Je crois que j'étais en colère parce qu'il m'écartait à chaque fois et j'avais voulu le blesser. Je n'aurais jamais cru que ce serait moi que je blesserais le plus.
« Tu es un lâche inutile. Je comprends qu'il ne veuille pas de toi, monstre. »
Je ne répondis pas. Depuis le pacte, je n'en avais plus la force. Il me fatiguait. L'entendre continuellement était épuisant, pourtant je tenais le coup, surtout maintenant que j'avais la preuve qu'il pouvait être utile. Ce que nous avions trouvé hier soir n'avait peut-être aucun rapport avec Cerbère mais la prochaine fois, ce serait peut-être le cas. Sytry était mon seul lien avec Nathan et le démon le savait, il en profitait même. Il avait parfaitement conscience que mon envie de rester près de Nathan me pousserait à redoubler de courage pour ne pas craquer.
« Combien de temps tiendras-tu ? »
— Le temps qu'il faudra.
« Tu l'aimes à ce point ? »
Je ne répondis pas, c'était inutile. Il avait accès à mes pensées, la réponse était évidente pour lui.
« Tes parents te détesteront. Tu vas encore ruiner leur vie et bafouer leur honneur. »
— Je ne les ferai plus souffrir.
« Pourtant tu aimes un homme. »
— Personne n'en saura jamais rien.
« Menteur ! Tu crèves d'envie de le dire au Saint Exorciste. »
— Je ne le lui dirai jamais !
Je me levai et allai à la salle de bain. Avec un peu de chance, Clara aurait laissé une boîte de somnifères. Je fouillai dans l'armoire à pharmacie puis dans les tiroirs où je trouvais les comprimés salvateurs. J'en avalai un sans attendre tout en regrettant de ne pas pouvoir injecter le produit directement dans mes veines. Cela m'aurait évité d'attendre presque une demi-heure avant de ressentir les effets des médicaments.
« Cette drogue ne t'offrira qu'un répit. Demain, je serai encore là. »
— Ferme-la, pour l'amour de Dieu !
« Dieu est aussi lâche que toi. Il reste terré dans son coin en vous regardant lutter pour survivre et il pleure devant les immondices dans ton genre. Tu n'es qu'un monstre qui détruit tout ce qu'il touche. Tu es un fardeau que tes parents traînent depuis trop longtemps. Ta mort les soulagerait tellement. »
— Tais-toi...
Je sentis des larmes de fatigue couler sur mes joues. À force de l'entendre me traiter de monstre et d'ignominie, je finissais malgré moi par y croire. J'avais rendu mes parents malheureux, j'avais menti à tous ceux que j'aimais, particulièrement à mes petites-amies, et j'étais incapable de m'accepter tel que j'étais. Nathan ne voulait pas de moi et plus le temps passait, plus je m'éloignais de mes potes par peur de ce que Sytry pourrait me faire dire en leur présence. Lentement mais sûrement, il m'isolait et je savais qu'il finirait par me rendre fou si Cerbère n'était pas retrouvé dans les meilleurs délais.
— Pourquoi tu fais ça ?
« Je ne repartirai pas d'ici les mains vides. Je veux ton âme, humain, et tu me la donneras pour que je te laisse en paix. Oh, ne sois pas choqué, et oublie l'idée de prévenir ton ami car sinon, il m'exorcisera et tu n'auras plus d'excuse pour rester à ses côtés. Tu vois, tu es faible. »
J'entendis son rire gras vibrer dans tout mon corps à m'en marteler la chair. L'idée d'aller me réfugier chez Nathan m'effleurait encore l'esprit mais Sytry avait raison : si Nathan me voyait débarquer et comprenait que j'avais du mal à supporter le démon, ça en serait fini de notre relation. Or à cet instant, il était tout ce que je voulais, au point de hanter mes jours et mes nuits.
Je fermai les yeux. Une vague de fatigue me submergea. Les médocs faisaient effet, c'était le moment de retourner se coucher. Je bossai dans quelques heures, je devais absolument dormir. Je rejoignis donc mon lit et me glissai sous les draps. Il ne me fallut que quelques minutes de plus pour m'endormir enfin.
Les heures au boulot furent extrêmement longues et pénibles. Heureusement que j'étais cariste depuis un moment parce que j'avais fonctionné au radar toute la journée, ayant même l'impression que mon chariot élévateur conduisait à ma place. En milieu d'après-midi, mon chef était venu me voir pour me conseiller de rentrer chez moi, ce que j'avais fini par faire.
Une fois à mon appartement, je téléphonai au psychiatre qui m'avait suivi à mon arrivée sur Toulouse. Si je n'avais pas l'intention de lui présenter mon nouveau démon plus vrai que nature, il connaissait mes anciens et l'arrivée de Nathan dans ma vie suffirait à justifier mon état à son regard de cartésien. En fait, j'espérais surtout qu'il me prescrive une montagne de somnifères bien costauds histoire que je puisse dormir plus de quatre heures par nuit, sinon je ne tiendrai pas longtemps. Je dus insister pour obtenir un rendez-vous rapidement mais il me faudrait tout de même attendre deux semaines.
Je soupirai de fatigue en raccrochant. Sytry s'agita à ce moment-là.
— Qu'est-ce qu'il y a ? lui demandai-je.
« Aurais-tu envie d'en apprendre plus sur le Saint Exorciste ? »
Sa question aussi étrange qu'inattendue me laissa coi.
— Dis-moi ce que tu as en tête si tu veux une réponse.
« Cela fait un moment que je sens une force ambigüe non loin d'ici. Une force tout à la fois bonne et mauvaise, du genre de celles qu'on utilise pour créer un équilibre. »
— Un équilibre pour quoi faire ?
« Pour maîtrise un être à la fois bon et mauvais... comme le Saint Exorciste. »
— Et tu penses qu'il peut y avoir des infos sur lui là-bas, c'est ça ?
« Oui. »
— Des infos qui pourraient t'être utiles pour lui nuire ?
Pas de réponse.
Le contraire aurait été étonnant.
Pourtant, il y avait bien un moyen pour moi d'en apprendre plus sur Nathan sans trop en révéler à Sytry.
« Tu es malin, monstre. »
Cette fois, ce fut à mon tour de ne pas répondre. À la place, je téléphonai à Donna qui décrocha rapidement.
— Je te dérange pas ? demandai-je.
— Non, je viens de terminer les cours et j'allais boire un café avec Amélie, Sadia et Dylan. Mais t'es pas au boulot ?
— J'ai fini plus tôt. Dis, Sytry pense pouvoir trouver des infos sur Nathan, t'es avec moi ?
— Maintenant ?
— Oui.
— OK. On te rejoint ou tu passes nous prendre ?
— Je passe vous prendre. Je serai chez toi dans un quart d'heure.
— Je préviens Dylan, alors. À tout' !
Je la saluai avant de raccrocher. Je passai mon manteau, attrapai les clés de ma voiture et partis en direction du centre-ville. Sytry ruminait, il n'aimait pas la tournure que je faisais prendre aux choses. J'étais curieux d'en apprendre plus sur Nathan mais je me refusais à donner des informations importantes à l'ennemi. C'était pour ça que j'embarquais Donna et Dylan : ce serait à eux de fouiller son passé et de choisir ce qu'ils me diraient. Ainsi, Sytry ne pourrait pas atteindre Nathan.
« Je hais ta fidélité. »
— C'est un réel plaisir de t'emmerder, Sytry.
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