Chapitre 8
Donna – Étudiante en plein travail
L'œil collé au viseur de la caméra apportée par Dylan, le preneur de son du groupe, je fis un petit panoramique de la chambre d'une ancienne maison de retraite située en périphérie de Toulouse, dans un coin réputé pour être le rendez-vous du plaisir entre hommes. Je n'étais pas allée vérifier ce point-là et je n'en avais pas l'intention. La seule chose qui m'intéressait, c'était mes testes de prises de vue.
Une fois mon panoramique en poche, je fis un joli traveling pour sortir de la pièce et suivre le couloir aux murs tagués tout en étant aidée par Azzam, futur monteur, qui me guidait pour m'empêcher de me prendre quelque chose dans les pattes. À défaut d'avoir une steadycam ou des rails, le secret pour obtenir un traveling pas trop tremblant était d'avancer en gardant les jambes légèrement fléchies pour une démarche plus souple.
C'était fou toutes les astuces qu'on trouvait pour pallier le manque de matériel !
Je sentis soudain Azzam tirer sur mon manteau, signe que l'heure de rentrer approchait. J'arrêtai l'enregistrement et éteignis la caméra avant de regarder dehors : la nuit tombait. Mon assistant et moi retournâmes auprès de Dylan, Julie, notre responsable lumière et Thibault, notre scénariste.
— On est bon ? demanda ce dernier.
Nous approuvâmes de concert et remballâmes l'équipement. Dehors, il fallut tout ranger dans le monospace de Dylan. Je saluai mes camarades avant de monter avec lui puisque je n'avais pas le permis de conduire.
Une heure et demi plus tard, une fois nourrie, en pyjama et confortablement installée sous ma couette, j'allai faire un tour sur Facebook pour voir si je n'avais rien raté d'intéressant – ce qui m'étonnerait.
Photos de chats, vidéos de chats, Lolcats, rumeurs sur Star Wars VIII, gifs de chats et oh ! des photos de renards ! Bah tiens, ça changeait ! Heureusement, entre tous ces posts « chat-rmant », il y avait des infos cinématographiques sympas, mais rien de transcendant non plus.
Ah ! Michaël, un camarade de lycée plus âgé avec lequel j'étais restée en contact, venait de signer un CDI dans le magasin de bricolage où il était cariste. Cela me fit penser que le meuble de mon évier était pourri. Il faudrait que j'invite Michaël pour qu'il y jette un œil en échange d'une raclette. Il adorait ça, et vu qu'il était beau à se damner, mon grand blond, on prendrait un selfie ensemble pour que je puisse me la péter devant Amélie et Sadia.
Moi, avoir envie de prouver que je connaissais aussi des beaux mecs ? Nooon ! À peine.
Avant de fermer toutes les fenêtres, je lui laissai un commentaire pour le féliciter, puis j'éteignis mon ordi portable. Au moment où je le posai par terre, mon smartphone sonna, annonçant l'arrivée d'un nouveau message. Une légère pression sur l'écran tactile ouvrit le MMS de Dylan : « Écoute ça, c'est super flippant. Je l'ai trouvé sur ma bande son d'aujourd'hui :-o » Une autre pression lança l'enregistrement audio joint.
J'entendis d'abord des grésillements comme si quelque chose faisait interférence. En gros, c'était du bruit.
« Ils viennent. »
La voix spectrale d'un homme me ficha la chair de poule. Mais la peur que je sentais poindre n'était rien en comparaison de ce qui arrivait.
« La marque... les libère de l'Enfer. Le Saint chevalier doit veiller... Donna. »
Je lâchai mon téléphone.
— Putain !
L'effroi me tira des larmes incontrôlées. C'était de la transcommunication !
Je me levai de mon lit et rallumai toutes les lumières par crainte de voir apparaître le propriétaire de cette voix dans mon appartement. L'image d'un homme au visage dévoré par les vers me sauta aux yeux. Je la chassai en reportant mon attention sur le téléphone. Depuis mon accrochage avec Nathan, j'avais l'impression viscérale que toutes les histoires de fantômes étaient plus vraies que jamais, et que ma rencontre avec lui avait réveillé quelque chose.
Je perdais la tête. J'avais besoin d'en parler. Toute tremblante, je pris mon cellulaire et appelais Dylan. Il décrocha tout de suite.
— Tu as entendu ? fut sa première question.
— Oui, mais t'aurais pu attendre demain matin pour me l'envoyer ! répliquai-je, en colère.
Je fulminai en piétinant car je savais que je n'arriverai pas à fermer l'œil de la nuit, maintenant.
— Je pensais que t'apprécierais, Scooby-Doo, se justifia-t-il d'une voix désolée. Tu as peur ?
— D'un truc qui ressemble à un fantôme hantant un lieu n'ayant aucun rapport avec moi et qui prononce mon nom dans une phrase laissant supposer que des choses sortent de l'Enfer ? débitai-je sans reprendre ma respiration. Oui je flippe, et pas qu'un peu ! Je te rappelle que Scooby-Doo n'est pas le plus courageux de la bande !
Je tremblais tellement de peur et de rage que je peinais à tenir mon portable.
— Ça peut pas être un défaut ou un trucage ? tentai-je. T'as peut-être capté une onde par hasard ?
— Non, ce qui a dit ça était dans la même pièce que nous, affirma-t-il.
Cette fois, je pleurai pour de bon. Je ne savais pas quoi faire. J'étais terrifiée à l'idée de rester toute seule mais je ne voulais pas embêter Sadia et Amélie, elles me poseraient trop de questions.
— Donna, tu veux que je vienne te chercher ? proposa Dylan après m'avoir entendu renifler.
— Ça te dérange pas ?
— Non. J'arrive.
— Merci.
Il raccrocha. Ce mec était adorable. On n'était qu'un groupe de travail mais on avait collaboré sur pas mal de projets ensemble, on avait tous appris à s'apprécier. Mais je n'aurais jamais pensé que l'un d'eux se soucierait autant de moi.
Je souris. Cette partie de ma réalité me permit de reprendre le contrôle de mon cœur affolé.
Un peu rassérénée, je préparai un sac où je fourrai quelques vêtements pour le lendemain, ainsi qu'une trousse de toilette. J'enfilai mes chaussures sans prendre la peine de me changer et me couvris pour affronter le froid de la nuit. Fin prête, j'éteignis toutes les lumières et attendis mon chauffeur dans le hall gelé de mon immeuble. Lorsque j'entendis un véhicule s'arrêter devant la porte, je sortis et sautai presque dans la voiture de mon camarade.
— Je suis vraiment désolé, Donna, s'excusa-t-il encore.
— C'est rien, le rassurai-je. On va dire que puisque tu as été obligé de venir me chercher et que tu vas me supporter toute la soirée, on est quitte.
— Ça marche, approuva-t-il en redémarrant.
Le trajet jusqu'à chez lui dura quinze minutes durant lesquelles nous essayâmes de trouver une explication plausible à ce que nous avions entendu. Si Dylan ne croyait pas aux fantômes en tant qu'êtres surnaturels, il ne rejetait pas l'idée que leur existence pourrait être un jour prouvée scientifiquement. Cette manière de voir les choses ne le rendait donc pas enclin à la peur face à une manifestation de ce genre, bien que ce fût une première pour lui. Et pour moi aussi, d'ailleurs. Sauf que dans mon cas, c'était la partie irrationnelle de mon esprit qui prenait le dessus et j'étais morte de trouille.
Une fois arrivés, je suivis Dylan dans le T4 qu'il partageait avec deux colocataires que je ne vis pas puisqu'ils étaient enfermés dans leur chambre respective.
— Je te proposerai bien le canapé, me dit Dylan en fermant la porte de sa chambre, mais il est encore moins confortable que le carrelage.
— On va dormir ensemble ? percutai-je.
— Ouais. Je t'aime bien, mais pas assez pour passer la nuit à même le sol. Par contre, je te retiens pas de le faire, ajouta-t-il en me tournant le dos.
Je me rinçai l'œil quand il enleva son tee-shirt. Il n'était pas spécialement musclé mais il était bien taillé, ce qui était déjà très appréciable.
Consciente que je le reluquais un peu trop, je me sentis rougir. Pour chasser mon malaise, je me réfugiai sous les draps, dos à lui, et remontai la couette jusqu'à mon oreille. Je le sentis s'allonger, puis la lumière s'éteignit.
Le calme qui tomba m'angoissa. Mon imagination s'emballa et je visualisais déjà un revenant s'approcher de moi, prêt à me saisir à la gorge pour m'étrangler.
Inconsciemment, je cherchai la présence de Dylan et me rapprochai de lui. Entendre sa respiration régulière me rassura un peu.
— Ça va aller ? me demanda sa voix basse.
— On peut allumer une lampe ?
— Je vais pas réussir à dormir.
Il y eut un silence, puis je le sentis bouger. La chaleur dans mon dos augmenta sensiblement quand il me prit dans ses bras. Surprise, je sursautai légèrement, ce qui le fit rire.
— Relax, je vais pas te bouffer.
— Désolée. Je suis un peu à cran, je crois.
— Ça va aller. Essaie de dormir, ça ira mieux demain.
Son souffle chaud glissa sur ma peau et me fit frissonner. Je me calai contre son torse. Son cœur battait jusque dans mes veines. Ma respiration se calqua sur la sienne tandis que je savourais sa chaleur dans le creux de mon cou. Les fragrances de son parfum troublèrent mon esprit qui chavirait dans les embruns du sommeil. J'étais tellement bien, couchée là dans ses draps, que je repliai mes bras sur les siens pour permettre à mes doigts de goûter au grain de sa peau. La présence de Dylan contre moi occulta toutes mes peurs. Avant que j'en comprenne la vraie raison, je m'endormis.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top