Chapitre 24
Nathan – Saint exorciste
Chevalier de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem
Tout tournait autour de moi. Mon corps était lourd, douloureux et vidé de ses forces. Mes sens étaient ankylosés par trop de graves blessures successives qui n'avaient pas eu le temps de guérir. Je n'avais conscience de presque rien. Je savais être allongé sur un sol ardent près d'une source de chaleur importante. Je savais qu'un démon, sous les traits de Dominique, tenait mon bracelet et tirait sur mon bras droit comme un forcené dans l'attente du moment idéal pour me tuer. Pour le reste, c'était le flou total.
Je luttais de toutes mes forces pour garder les yeux ouverts et comprendre la situation. Le manque d'oxygène ne m'aidait pas, pourtant je devais faire quelque chose.
Je sentis soudain de la poudre à l'odeur reconnaissable heurter mon ravisseur : de l'olivier. Le parfum frais soulagea ma gorge et mes poumons, m'offrant une chance inespérée de me ressaisir.
L'attaque contre mon ennemi recommença encore et, à chaque fois, c'était une bouffée d'oxygène salvatrice. Ma vue se fit plus nette jusqu'à ce que je puisse distinguer Adid et Clémence à quelques mètres, deux sorciers que je surveillais depuis trois ans. Donna et Michaël étaient là aussi. Je n'avais pas l'esprit assez clair pour me poser des questions. Je n'étais capable que d'une chose : tenter de me sortir de là avant d'être tué.
J'évaluai la situation en embrassant le parvis du regard. L'une des portes principales de l'Enfer était entrebâillée et des âmes tentaient d'en sortir.
Ce n'était pas normal. Où était Cerbère ?
— Tu peux remercier ton Ordre pour ça, susurra le démon.
Un épais nuage de fumée se créa soudain devant les sorciers.
Ils passaient à l'attaque.
Quatre silhouettes en surgirent comme des flèches et percutèrent Dominique de plein fouet en profitant de l'effet de surprise. Le démon me lâcha enfin le bras. Je roulai sur le côté pour m'éloigner de lui quand la voix d'Alec, un jeune sorcier du quartier, m'avertit que les chevaliers arrivaient. Puis mes quatre sauveurs disparurent avant les représailles du démon, me laissant seul face à cet enfoiré qui hurlait comme un taré.
Je devais tenir jusqu'à l'arrivée des renforts.
Je me relevai en geignant de douleur, puisant dans les tréfonds de ma volonté pour rester debout.
— Pourquoi est-ce que ces putains de sorciers t'aident ?! tempêta Dominique en revenant vers moi, le diable au corps.
De l'énergie infernale grésilla au creux de ses mains. Je l'entendais malgré le vrombissement du feu de l'Enfer. Il arriva sur moi et lança son poing en direction de mon visage. Je le déviai de ma main droite. Les deux énergies contraires explosèrent en entrant en contact. L'onde de choc nous fit reculer de deux mètres chacun.
Je m'écroulai sur le sol au milieu du nuage qui se dissipait. J'entendis Donna hurler mon nom.
Sa voix était si lointaine...
Je ne tiendrais pas.
Tous mes sens se détraquèrent si bien que le pas lourd des chevaliers qui encerclèrent le démon me parut être un concert de basses. Je reconnus à peine leurs voix qui montèrent en une mélopée rythmée et je fus incapable de comprendre le sens de leurs mots.
En revanche, je sentis la chaleur diminuer en même temps que le flot de leurs paroles s'accélérait. La terre craquait en se refermant, couvrant presque les hurlements déments du possesseur de Dominique qu'on renvoyait en Enfer.
Je sentis alors deux hospitaliers m'attraper sous les aisselles et me relever. Ils me secouèrent sans ménagement pour me forcer à rester conscient.
— On a besoin de vous, Saint Exorciste ! Vous devez le bannir ! m'exhorta la voix pressée de Yannick, l'un des chevaliers qui me haïssait le moins.
Je n'arrivais pas à tenir debout. Je n'avais même plus de force dans le cou, ma tête partait en arrière.
Ils me secouèrent encore. Ma conscience sursauta.
— Amenez-moi...
Chacun passa un de mes bras autour de son cou puis ils me traînèrent vers le démon immobilisé sur le sol par d'autres hospitaliers. Dès que je fus à sa hauteur, ils cessèrent de me soutenir. Je tombai à genoux à côté de Dominique. Si je posai mes mains sur son torse, c'était plus pour me retenir que pour l'exorciser.
— Je te conjure, Satan, ennemi du salut des hommes. Reconnais la justice et la bonté de Dieu le Père, commençai-je à réciter.
Les chevaliers reprirent en chœur ma litanie avant d'être obligés de me souffler les paroles car je n'étais plus capable de réfléchir. L'un d'eux me soutenait même pour m'empêcher de tomber. Cette maudite prière ne m'avait jamais paru aussi longue qu'à cet instant.
Arriva enfin le « amen » final qui renvoya le démon en Enfer.
Je m'écroulai à côté d'un Dominique inconscient mais sauf, contrairement à moi.
Mon cœur me lâchait.
— On fait quoi ? demanda Yannick.
— Le gamin là-bas le guérira, informa Yvan. On rentre.
— On pourrait lui amener le Saint Exorciste ?
— Et puis quoi encore...
— Mais le gamin ne peut pas venir, la porte n'est pas encore fermée. Tu crois qu'il tiendra jusque là ?
— Je m'en fous, Yannick. On y va.
Ce fut les derniers mots que j'entendis. Je sombrai dans l'inconscience quand mes fonctions vitales s'arrêtèrent.
**
Donna – Étudiante terrifiée
Le gouffre n'était plus qu'une fine crevasse, pourtant Adid et Clémence, qui étaient revenus vers Michaël et moi, nous tenaient toujours pas l'épaule pour nous empêcher de porter secours à Nathan maintenant. Les quatre jeunes en rollers nous avaient également rejoints. Eux aussi habitaient dans le coin et étaient des sorciers.
Je trouvais ça rassurant que rien ne puisse se passer de grave sans que des personnes n'interviennent. Heureusement qu'ils avaient été là, sinon Nathan y serait sans doute resté.
Les chevaliers s'en allèrent un à un.
— Où ils vont ? demandai-je aux sorciers.
— Ils s'en vont, me répondit Adid.
— Ils n'aident pas Nathan ?! m'indignai-je.
— On dirait que non...
Michaël voulut le rejoindre mais Adid l'en empêcha.
— Lâche-moi ! tempêta mon ami.
— La porte n'est pas fermée.
— C'est plus qu'une fissure, fais pas chier !
— C'est assez pour laisser passer un démon.
Je n'écoutais pas vraiment ce qu'ils disaient. J'étais focalisée sur Nathan allongé sur le sol. Si ça faisait comme les autres exorcismes, son cœur devait s'être arrêté. Si on ne l'aidait pas maintenant il allait mourir !
— Et si Michaël rase les murs de la basilique ? proposai-je.
— Ça ne changera rien, affirma Clémence. Il faut attendre.
— Mais il est en train de mourir ! me récriai-je.
J'étais terrorisée à cette idée. Michaël aussi. Il dégagea la main d'Adid en lui tordant le pouce et fila comme un trait vers Nathan. Le sorcier voulut le rattraper mais il courait trop vite.
Les battements de mon cœur se calquèrent sur sa course. Ils s'arrêtèrent littéralement quand je le vis trébucher à mi-chemin. Il s'arrêta une seconde, secoua la tête et repartit. Quelques longues foulées de plus l'amenèrent jusqu'à Nathan à qui il prit la main. Même de ma position, je vis mon exorciste sursauter quand son cœur repartit.
Un soulagement sans nom me submergea à m'en tirer des larmes de joie.
La fissure se referma totalement dans un craquement sourd et un calme étrange tomba sur le parvis.
L'instant de flottement qui suivit me sembla irréel, mais il me fallut ça pour comprendre que c'était fini et que Nathan était en vie.
On avait gagné !
— Tu peux y aller, me permit Clémence.
— Je vais les aider à le porter, dit Adid à sa compagne. Je m'occuperai de l'autre homme ensuite. Viens, me dit-il.
Je le suivis sans broncher, luttant pour ne pas courir jusqu'à mes amis. Je marchai dans les pas d'Adid avant de m'agenouiller près de Nathan. Son bracelet avait déjà bu le sang qu'il avait vomi, nous n'avions plus qu'à le ramener chez lui.
Tit allait être content !
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