Chapitre 18
Donna – Étudiante en stress
Je m'étais adossée au mur opposé à la chambre en prenant soin d'être un peu décalée par rapport à la porte. Si autre chose que Nathan en surgissait, je ne serai pas dans sa trajectoire directe.
Un heurt étouffé de l'autre côté des parois me fit frissonner de peur. Je sortis le chapelet que Nathan m'avait donné lors de notre premier exorcisme ensemble et le passai autour de mon cou. Je n'avais pas eu le courage de m'en séparer. Je ne croyais toujours pas en Dieu, mais je le voyais comme le plus grand ami de Nathan. Ce fut à lui que je pensais en emprisonnant le crucifix au creux de ma main tremblante. S'il priait pour la paix de tout le monde, je priai pour la sienne et pour que ma chance le prenne sous son aile.
De l'autre côté du battant clos, les heurts se faisaient plus nombreux. J'angoissais tellement que mon cœur se calquait sur eux au point que je crus mourir à chaque silence. Alors que des hurlements me tiraient des larmes d'effroi, je vis de la fumée noire passer sous la porte. Je sentis une urgence soudaine me pousser à aider Nathan. Je m'apprêtai à y aller quand une masse passa au travers du battant.
Je protégeai mon visage de mes bras pour éviter les éclats de bois tout en laissant échapper un cri de surprise. Quand j'osai regarder, je vis Nathan allongé sur le sol, une gamine accroupie sur lui. Ses petites mains étaient en train de compresser la cage thoracique de mon exorciste à l'en faire craquer. Si personne ne l'arrêtait, les côtes de Nathan perceraient ses poumons !
J'enlevai le chapelet de mon cou et le balançai sur la gamine avec un cri de rage. Zoé hurla comme une démente quand le collier heurta sa tête. Le crucifix la brûla instantanément, offrant une diversion dont Nathan profita.
— Retire-toi, Allatou, articula-t-il malgré le sang dans sa bouche.
Le démon hurla avant d'être, comme les autres, emporté en Enfer par des longs bras décharnés.
J'aurais aimé que le calme retombe mais à la place, Nathan hurla à la mort. Je me précipitai vers lui et tombai à genoux pour l'aider. Il me repoussa brutalement. Je me retrouvais sur les fesses à le regarder se tordre de douleur en se tenant le ventre.
Je le vis enlever son manteau, son pull et son tee-shirt à manches longues pour dévoiler, sous mon regard horrifié, sa peau rongée par un feu invisible.
Judith arriva à cet instant mais elle ne comprit pas vraiment ce qu'elle vit. Je me relevai, attirant son attention sur moi.
— Allez chercher de l'aide ! ordonnai-je sur un ton vif et pressant.
Elle fila comme un trait.
Soudain, Nathan arrêta de bouger. Je m'élançai vers lui et l'allongeai sur le dos pendant que le bracelet buvait le sang par terre : son cœur ne battait plus !
— Pas encore, me lamentai-je.
Je commençai un massage cardiaque et je m'aperçus que je pleurais lorsque mes larmes ruisselèrent sur son torse nu. Elles se transformaient en vapeur dès qu'elles touchaient sa peau brûlante.
— Repars. Repars !
Je compressais sa cage thoracique, lui faisais du bouche à bouche, compressais encore mais rien n'y faisait et la chaleur me mordait les mains. Mon ventre était contracté par la terreur et ma vue embuée par mes larmes mais je m'acharnais sur son thorax avec la force du désespoir.
Son cœur ne repartait pas, j'étais en train de le perdre !
— Si tu l'aimes vraiment, Seigneur, c'est le moment de le prouver !
— Par là ! entendis-je alors.
Une seconde après, je vis Judith revenir avec deux hommes. Mon cœur s'envola dans ma poitrine quand je reconnus Dylan et Michaël. La surprise de les voir là passée, je me souvins que Michaël emménageait dans cette rue, dans cet immeuble.
Les garçons se précipitèrent vers moi d'un même mouvement.
— Qu'est-ce qui s'est passé ? demanda Dylan, totalement désemparé face à la situation.
— Son cœur bat plus, geignis-je.
Michaël s'agenouilla à côté de Nathan et voulut lui prendre le pouls au poignet droit. Quand leurs mains se touchèrent, une décharge surprit mon ami.
— Fait chier ! pesta-t-il.
Je crus voir la poitrine de Nathan bouger. Je me penchai sur son visage et positionnai mon oreille au-dessus de sa bouche : un faible souffle caressa ma peau.
Une joie immense gonfla mon cœur.
— Il respire ! m'exclamai-je.
— Dylan, aide-moi, intima Michaël.
Chacun passa un bras de Nathan à son cou avant de le soulever. Je me redressai, récupérai les vêtements et les suivis, une main posée sur le dos de mon exorciste comme si ce geste vain pouvait les aider à le porter. Sa peau était rouge, parfois entamée jusqu'au sang. Heureusement qu'il était inconscient.
Je suivis les garçons à l'extérieur jusqu'au monospace de Dylan. Michaël monta le premier à l'arrière où les sièges avaient été rabattus pour son déménagement. Il attrapa Nathan et le tira à l'intérieur. Il s'adossa au siège conducteur et cala mon exorciste dans ses bras. Je grimpai avec eux et fermai la porte pendant que Dylan s'installait au volant et démarrait.
— C'est quel hôpital le plus proche ? demanda-t-il.
— On va chez Nathan, rectifiai-je en entrant son adresse sur le GPS de mon portable.
— Il a besoin de soins, contra Michaël.
— Rue Émile Cartailhac, ordonnai-je à Dylan sur un ton sans appel.
Je lui donnai mon téléphone, il le cala sur son tableau de bord et fila dans les rues de la ville.
— Euh... Donna, m'interpella Michaël.
Quand je reportai mon attention sur lui, ce ne fut pas son air atterré qui me frappa, mais le flux bleuté qui passait de sa main à celle de Nathan.
— Qu'est-ce que c'est, Donna ?
— Je ne sais pas, mais ça le guérit. Regarde son avant-bras.
Envolée la brûlure. Sa peau était intacte comme si rien n'était arrivé.
— Son cœur est reparti quand vous avez pris le jus, me souvins-je. Ça ne peut pas être une coïncidence.
Michaël me fixa, avant de baisser les yeux sur sa main nouée à celle de Nathan. J'aurais imaginé qu'il dirait quelque chose en assistant à un tel phénomène, mais non. Le seul sentiment qui passa sur son visage fut le soulagement de voir le torse de Nathan retrouver sa couleur pâle.
— Donna, dit-il après un instant. Je veux que tu m'expliques.
Je pinçai mes lèvres, embarrassée par sa requête.
— J'aimerais bien, vraiment, mais je ne sais pas si j'ai le droit. Je préférerais que ce soit Nathan qui le fasse.
Il ne dit rien. À la place, il réinstalla Nathan contre lui de sorte que son visage repose au creux de son cou. Je n'aurais jamais pensé que Michaël puisse se montrer aussi protecteur avec Nathan – et j'avouais ne pas comprendre pourquoi – mais je m'en fichais. Tout ce qui m'importait était que Nathan survive. S'il ne devait garder aucune séquelle en prime, c'était parfait.
À un virage, je m'accrochai au siège avant passager pour ne pas être projetée contre la portière. Dylan conduisait un peu plus vite que la limitation de vitesse mais sa conduite était tellement souple et maîtrisée que cela ne se ressentait pas. Je le regardais fixer la route et la seule pensée qui me vint fut celle de me blottir dans ses bras pour évacuer toute la peur que j'avais ressentie. Je voulais qu'il me serre contre lui et qu'il chuchote au creux de mon oreille que tout irait bien.
Que tout irait toujours bien.
Dylan se gara une dizaine de minutes plus tard. Lorsque nous descendîmes de voiture, Nathan était conscient et pouvait parler, mais il fallait encore que Michaël le soutienne pour atteindre l'appartement. Je pris ses clés dans son blouson et voulus ouvrir la porte, mais elle n'était pas fermée. Je baissai la poignée, poussai le battant et entrai à la suite de mes camarades.
À l'intérieur, trois hommes nous attendaient.
Qu'est-ce qu'il se passait, bon sang ?
Un quatrième type referma la porte derrière nous. Le plus vieux des trois premiers fit un pas vers nous, la tête haute, et parla sur un ton grandiloquent qui me fit grincer des dents.
— Nous vous attendions, Nathan.
Tiens, il le vouvoyait.
— Qui êtes-vous ? demandai-je en m'interposant entre lui et mon exorciste.
L'autre me considéra avec mépris. Un sourire ambigu releva le coin de ses lèvres fines.
— Nous sommes des chevaliers de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem, répondit-il comme une évidence. Et nous venons chercher Nathan.
Une lueur de satisfaction passa dans ses yeux marron.
Ça s'annonçait mal.
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