Chapitre 15 - Partie 2

Je regardai Roger piocher des ingrédients dans sa sacoche et les mélanger dans un mortier.

— Est-ce qu'il y a d'autres hospitaliers exorcistes ou guerriers ? questionnai-je.

— Ceux-là, on les appelle des chevaliers et oui, il y en a un peu partout dans les pays culturellement chrétiens.

— Et en France ?

— Il y en a une petite dizaine, je dirais.

— Vous pensez que Nathan est proche d'eux ?

— Difficile à dire. Je ne vois que deux options : soit les autres chevaliers admirent sa différence, soit ils la détestent.

Sa réponse ne me plut pas mais je n'ajoutai rien, préférant réfléchir à tout ce que je venais d'apprendre.

Virginie s'assit à côté de son père et caressa les cheveux de Nathan. Une certaine jalousie me submergea. Je regrettai que Tit ne soit pas là pour l'envoyer promener comme il l'avait fait avec moi.

Roger continuait de préparer sa mixture sous mes yeux de profane. À toutes les plantes réduites en pâte il ajouta un liquide blanchâtre et mélangea le tout.

Une dernière question me vint à l'esprit.

— Dites. Il fait quoi, Nathan, à part des exorcismes ?

— Il régule l'activité des sorciers comme nous, répondit Roger.

— Certains d'entre nous utilisent la magie noire ponctuellement ou quotidiennement, étaya Virginie. Son rôle est de les en empêcher. Lorsque certaines créatures deviennent incontrôlables, son travail consiste aussi à les neutraliser.

— Des créatures ? Genre... petits bonhommes qui vivent dans les cuisines ?

— Les esprits des maisons deviennent rarement agressifs sans raison, mais oui, dans ce genre-là.

Roger ajouta un peu d'eau à sa mixture, la mélangea encore, puis réveilla Nathan pour la lui faire boire. Mon exorciste se plia à ses ordres et, au prix d'un effort important, parvint à tout avaler. Virginie attrapa tous les ustensiles et les lava dans l'évier.

— Ça va le remettre sur pied d'ici quarante-huit heures tout au plus.

— Si vite ?

— Les plantes que j'ai utilisées ont une particularité : plus elles sont vieilles, plus elles sont efficaces. Celles-là avaient dix ans d'âge. Il ira vite mieux.

Roger attrapa ses outils propres et les rangea à leur place avant de se relever. Je l'imitai. Il me tendit une carte de visite que j'attrapai machinalement.

— Si jamais, voici mon numéro. Jour comme nuit, n'hésite pas.

— D'accord mais... Je n'ai pas d'argent pour vous pay...

Roger leva la main pour me faire taire.

— Ce n'est rien.

— Même s'il est sévère, le Saint Exorciste a toujours été juste avec nous, m'expliqua Virginie.

— Sans compter qu'en protégeant l'humanité, il nous protège également, ajouta Roger. Je lui dois bien ça.

Je les raccompagnai jusqu'à la porte et la leur ouvris. Avant de partir, le médecin se tourna vers moi.

— Il faudrait aussi songer à l'installer un peu mieux. Un lit serait idéal, mais un canapé suffira.

— Je vais m'en occuper, promis-je. Ah et au fait, j'ai un dernier truc à vous demander.

— Je t'écoute.

— Est-ce que les démons vont me courir après, maintenant que je connais leur existence ?

Roger se fendit d'un sourire un tantinet moqueur.

Ben quoi ? Elle était légitime, ma question !

— Non. Ce n'est pas parce que tu connais l'existence de ce monde qu'il va se mettre à te courir après. En revanche, si tu te rapproches trop du Saint Exorciste, tu risques de devenir un dommage collatéral.

— C'est pas vraiment plus rassurant.

Cette fois, Roger rit franchement :

— Ne t'inquiète pas, tu n'en es pas encore là et le Saint Exorciste ne te laissera jamais y parvenir.

Ça non plus, ce n'était pas rassurant.

— Allez, nous te laissons. Au revoir.

— Au revoir, docteur.

Ils me saluèrent, puis le vantail se referma sur eux. Lorsque je retournai près de Nathan, Tit avait retrouvé sa place contre son flanc. Je m'accroupis à côté de lui.

— Si on se débrouille pour le mettre sur le canapé, tu pourras aussi le protéger ce soir ?

— Oï ! Moï pvoir grndi. Stoï ou canapé.

— Ça marche !

J'enlevai la couverture et le coussin pendant que Tit tenait sa tête. J'apportai tout vers le divan avant de revenir. Je tentai de réveiller Nathan. J'y parvins à force d'insistance.

— Il faut te mettre sur le canapé, tu seras mieux, mais j'ai besoin que tu m'aides, je n'arriverai pas à te porter.

Il approuva d'un signe de tête. Comme la veille, je passai son bras puissant autour de mon cou et poussai fort sur mes jambes pour l'aider à se lever. Il laissa échapper un long râle de douleur.

— Je suis désolée.

J'avais beau savoir que je n'y étais pour rien, je ne pouvais pas m'empêcher de me sentir coupable de lui faire mal.

Après quelques pas laborieux, je l'aidai à s'allonger sur le canapé où Tit avait posé le coussin. Une fois assurée qu'il était bien installé, je le couvris avec soin. Il attrapa mon poignet sans force.

— Fais manger Tit.

— D'accord. Je lui donne quoi ?

— Moï mntrer toï ! intervint le concerné.

— OK, on va aller voir. Nathan, l'appelai-je avant qu'il se rendorme.
Il rouvrit ses beaux yeux noirs.

— J'ai une soirée chez Michaël, je vais devoir y aller. Tu veux que je revienne après ?

— ... Non.

— Tu es sûr ?

Aucune réponse ; il s'était rendormi. J'accompagnai Tit au frigo et lui donnai tout ce qu'il me montrait avant de regarder l'heure : si je ne partais pas maintenant, je serai définitivement à la bourre.

— Tit, je te le confie, je dois y aller. Je passerai vous voir ce soir.

— Oï.

Je récupérai les clés de Nathan et fermai en partant.Dans l'ascenseur, j'eus la sensation qu'avec tout ce qui était arrivé, j'allais passer à côté de ma soirée.    

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