Chapitre 13 - Partie 2


Nathan – Saint exorciste
Chevalier de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem

Donna se colla au mur et ne bougea plus. Je portai mon attention sur Camille, immobile sur son lit trempé de sueur et taché de sang à cause de ses règles. Elle n'avait pas dû laisser ses parents l'approcher pour la laver et changer ses draps. Le contraire aurait été étonnant, les démons se souciant peu de l'hygiène des humains dont ils prenaient possession. Au moins, cette fois-ci, la gamine était attachée. Ça devrait mieux se passer qu'avec Zozo.

— Ne sois pas aussi prétentieux, fils de pute, articula Camille d'une voix masculine gutturale.

Mon bracelet se mit à vibrer au point de faire trembler ma main. Les runes démoniaques s'illuminèrent quand le rire gras du démon résonna dans la bouche de Camille.

— Ton Dieu et toi avez déjà perdu et tu n'en as même pas conscience, raclure.

— De quoi tu parles ? demandai-je.

— Je parle de la résurrection de mon maître.

J'approchai jusqu'à me trouver à côté du lit. Le visage poupon de la gamine, déformé par la haine, gardait ses yeux rouges braqués sur moi. Un rictus venimeux relevait ses lèvres desséchées.

— Exorcise-moi si tu veux, mais je ne partirai pas seul.

Je fronçai les sourcils, sceptique, avant de comprendre.

Donna !

Camille brisa ses liens d'un coup et se jeta sur elle. Je l'interceptai en plein vol et lui balançai une décharge divine dans les hanches. Le choc les brisa net et propulsa l'enfant contre le mur opposé.

Je me campai devant Donna pour faire bouclier de mon corps et commençais à réciter la formule d'exorcisme pendant que mon esprit matérialisait un pentagramme autour du démon. Hors de question de lui laisser le temps de résister. Je pensais pouvoir compter sur sa blessure pour l'immobiliser, mais je me trompais. Même avec les os en miette, Camille se releva et hurla de rage. Les Ombres recouvrirent les murs, obstruèrent les vitres et montrèrent leurs visages difformes sur les lattes du parquet. Leurs mains désarticulées brisèrent le plancher et saisirent mes chevilles.

Je ne devais pas y faire attention. Je devais me concentrer sur le démon et sur chaque mot qui sortait de ma bouche. Je récitais mon sort sans interruption, même lorsque j'entendis Donna hurler de peur.

— Elle vient avec moi ! tonna le démon.

— Alors viens la chercher, le provoquai-je.

Un rugissement sourd fit trembler le pâté de maisons. Les ongles des Ombres commencèrent à labourer mes mollets quand mon ennemi, à présent guéri, me chargea. J'attendis qu'il soit sur moi pour entrechoquer mes mains avant de les poser sur ses épaules. L'impulsion des deux forces mélangées fut telle que le démon fut projeté hors du corps de Camille qui tomba inerte sur le sol.

Prisonnier de mon pentagramme, le démon se débattait de toutes ses forces, m'obligeant à aller au bout des miennes pour le maintenir dans mon cercle tout en ordonnant l'ouverture des portes de l'Enfer. Je sentais mon nez et mes yeux saigner pendant qu'une fissure grandissait dans le dos du démon. Ses cris de colère se murent en hurlements de terreur quand les âmes des damnés se saisirent de lui. Il me fallut donner tout ce que j'avais pour le pousser vers le brasier infernal.

— Tu mourras bientôt, cracha le démon. Et alors, il renaîtra !

— Ta gueule !

Mon aura explosa et le repoussa pour de bon.

Le choc en retour me frappa avant même que la fissure soit refermée. Des crampes horribles me couchèrent sur le sol d'où les Ombres n'avaient pas encore disparu. Elles me griffèrent le visage jusqu'au sang, arrachant de nouvelles plaintes à Donna.

Mon palpitant commençait à s'arrêter. Chacun de ses battements était douloureux. Ma conscience chuta en une fraction de seconde, me laissant à peine le temps de comprendre que je ne pourrais pas relancer mes muscles cardiaques.

Ma vue devint floue, mon ouïe se brouilla et mon corps s'alourdit.

Mon cœur lâchait.

**

Donna – Étudiante horrifiée

La tête entre mes mains et le visage ruisselant de larmes, je fixais Nathan quand il s'écroula au milieu de ces ombres maléfiques. En voyant leurs ongles s'acharner sur son visage, je hurlai dans l'espoir de leur faire peur, oubliant que mes cordes vocales étaient en feu. Je ne sus pas si je réussis à les faire fuir, mais elles finirent par disparaître quand la lumière revint par la fenêtre dégagée.

Je m'élançai vers Nathan et l'examinai. Je ne sentais plus son pouls !

Je l'allongeai sur le dos et me torturai l'esprit pour me souvenir des gestes de premiers secours. Je posai mes mains au milieu de son thorax, gardai les bras bien tendus puis appuyai de tout mon corps. Les consignes passaient en boucle dans ma tête : pas plus de trente compressions consécutives, cent compressions par minute, enfoncer la cage thoracique de trois à quatre centimètres, bien relâcher entre les compressions et continuer jusqu'à l'arrivée des secours même si on s'y prenait comme un manche, sauf que personne n'avait appelé les secours !

Je voulus hurler pour appeler Christine mais ma voix éprouvée refusa net. Je me remis à pleurer de plus belle. La colère, la culpabilité, la peur... Tous ces sentiments bouillaient dans mon ventre. La rage contre moi-même prit bientôt le dessus et je commençai à m'acharner sur Nathan.

— Repars ! Allez, repars, putain !

Une compression plus forte que les autres fit sursauter Nathan. Soulagée, je dégageai mes cheveux trempés de sueur de mon visage et me penchai vers lui. Sa respiration raclait : sa gorge était obstruée. Je m'approchai pour l'aider à respirer quand il me cracha une gerbe de sang dessus. Par réflexe, je le tournai sur le côté afin qu'il ne s'étouffe pas et vu la quantité d'hémoglobine qu'il vomit, j'avais bien fait.

Son bracelet glissa tout seul jusqu'à la flaque purpurine et je le vis avec dégoût se repaître de sang.

Alors tout était vrai !

— Je suis désolée, Nathan, m'excusai-je, toujours en larmes.

Je caressai ses cheveux pour l'apaiser mais il n'avait pas du tout conscience de ma présence. Je compris pourquoi quand je le sentis trembler sous mes doigts.

Non-non-non, pas encore !

Je le rallongeai sur le dos, l'attrapai par le col de son manteau et le secouai avec vigueur.

— Me laisse pas tomber, Nathan. Nathan ! criai-je.

Ma voix était enrouée, ça faisait mal.

La porte s'ouvrit dans mon dos à mon grand soulagement. Je me tournai vers Christine qui s'agenouillait à côté de sa fille.

— Il faut emmener Nathan à l'hôpital !

— Chez moi.

Le murmure me parvint à peine. Je tournai la tête vers Nathan : il était conscient !

— Chez moi...

— Il te faut des soins d'urgence, avançai-je dans l'espoir de le raisonner.

— Chez moi...

— À l'hôpital, insistai-je.

Il me repoussa sans force et tenta de se lever. Je l'aidai sans même chercher à comprendre ce qu'il voulait faire.

— Christine, appelai-je, totalement affolée et désemparée.

— Il doit avoir une raison de vouloir rentrer chez lui, me dit-elle. Je vous ramène.

Elle disparut dans le couloir et revint quelques secondes plus tard avec les clés de sa voiture.

— On y va.

Elle attrapa sa fille inconsciente et la souleva de terre non sans effort, mais l'urgence de la situation décupla ses forces autant que les miennes. Sans savoir comment j'y parvins, je réussis à soutenir la masse musculeuse de Nathan et à l'amener jusqu'à la voiture de Christine garée devant chez elle.


Lorsque Nathan et moi passâmes la porte de son appartement, nous nous écroulâmes dans la pénombre. J'étais à bout de force, je n'en pouvais plus.

À quatre pattes sur le sol, je soufflais comme un bœuf en essayant de reprendre des forces. Nathan parvint à se lever mais au bout de deux pas, il s'écroula de tout son long. Je voulus le rejoindre quand des rires ignobles résonnèrent dans tout l'appartement. Des larmes d'effroi perlèrent de mes yeux quand je vis les ombres bouger.

Non-non-non ! Pourquoi elles étaient là ces salopes ?!

— Cuisine, murmura Nathan.

Je me relevai et le rejoignis en une foulée. Sans chercher à comprendre quelque chose à son histoire, je passai son bras autour de mon cou et poussai fort sur mes jambes pour le remettre debout.

— Avance, le pressai-je. Avance !

Des frottements inquiétants nous suivaient. Ils se rapprochaient. À bout de souffle, les jambes tremblantes et les nerfs à vif, je marchais aussi vite que je le pouvais, avalant les quelques mètres nous séparant de la cuisine en un temps tout à la fois long et rapide. Lorsque je sentis des doigts secs effleurer mes chevilles, je me jetai en avant sur le sol. Nathan étouffa un gémissement avant de se traîner jusqu'au four. Il m'attrapa par la main, m'attira contre lui et me serra dans ses bras où je laissai ma peur s'évacuer en torrents de larmes.

— Ferme les yeux et ne les ouvre pas, me chuchota-t-il.

J'obéis. J'entendis des murmures effrayants avant qu'un vacarme assourdissant n'emplisse l'appartement.

Spéce dé nassoï dombroï encor ! éructa une voix étrange. Sté maï masoï ! Vaaaast !

Et le silence tomba comme une chape de plomb.    

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