Chapitre 10 : La terre et les ancêtres
Kira s'élança doucement vers moi et fit décrire un mouvement circulaire à sa lame. Je croisais mon regard dans le reflet de ma propre arme et les larmes au bord des yeux, je luttais contre un haut le cœur pour opposer maladroitement mon arme à la sienne. Le bruit du métal qui chante, résonna dans mes oreilles et perturbait tous mes sens. Ma vue se troubla. Larmes ou vertiges ? La raison m'échappait. Elle allait porter un deuxième coup avec une lenteur calculée.
- Remets-toi en garde Jolan, me cria maitre Anila de l'autre bout du terrain.
Kira était concentrée, plus rien ne semblait exister autour d'elle. Son regard semblait me traverser de part en part. Je me remis en garde pour éviter ce coup en reculant. Dans la lame de Kira, je perçus ma propre terreur. Je lâchais mon épée. Elle fit un pas de plus en avant, avec la légèreté d'une danseuse, tandis que mes jambes, tétanisées, me laissèrent lourdement tomber au sol. Elle posa la pointe de son arme toucher mon torse à l'endroit du cœur.
- J'ai gagné, dis elle simplement avant de ranger sa lame.
Je me laissais tomber sur le dos et recouvrir ma tête avec mes bras. Faire confiance à mon corps ? Kira avait sûrement raison mais mon corps justement me criait de ne pas combattre. La lame de glace avait certes fondu au contact de mes compagnons, mais un autre poids écrasait ma poitrine. J'avais le souffle court et les larmes aux yeux. Je n'avais même pas senti cette énergie dans les jambes comme elle me l'avait expliqué. Ce n'était même plus une question de passé. Les larmes se mirent à perler sur mes joues. S'il m'était impossible de me battre, alors je ne pourrais jamais tenir la promesse que j'ai faite à ma mère. Les questions : quel dragonnier veux-tu devenir et quel dragonnier peux-tu devenir, s'opposait avec force. À quoi servirait un dragonnier aussi vulnérable ?
- Aller, relève-toi, ce n'est rien.
C'était maitre Anila. Elle me releva et fit semblant de ne pas remarquer mes yeux rougis. Je regardais autour de moi pour regarder les autres. Elwin était assis par terre et cachait ses yeux avec sa main. Charlie lui tendit une main qu'il saisit pour se relever. Maitre Anila lui fit signe d'approcher. Charlie lui tendit son épée et Elwin la rangea d'un air las. Kira me tendit l'épée bâtarde que j'avais laissée au sol.
- Merci, murmurais-je.
Maitre Anila lui demanda expressément d'aller entrainer Charlie. Elle lui répondit d'un léger signe de tête. Lui s'éloigna avec un signe de la main et un regard compatissant. De voir côte à côte les deux femmes, certaines similitudes sautaient aux yeux. Leurs longs cheveux blonds, leur peau mate, la silhouette élancée, certaines attitudes quotidiennes, jusqu'à la confiance qu'elles se vouaient mutuellement. Kira s'éloignait le pas léger. Maitre Anila se tourna alors vers nous en se massant les tempes. Elwin regardait en l'air, tandis que je me tortillais nerveusement. Le maitre qui nous observait depuis le début de l'entrainement vint s'immiscer dans les réflexions de notre instructrice.
- Un problème Anila ? demanda-t-il.
- Non aucun, un peu sèche, 'appréciant certainement pas qu'il vienne interrompre son cours.
Elle se tourna vers nous pour nous faire répéter des mouvements de base. Si la forme de nos lames diffère, leur taille était semblable. Très maladroit, j'avais du mal à suivre à rester concentrer. À chaque fois que je croisais mon regard dans le métal de la lame quelque chose se tordait de l'intérieur. L'incompréhension devant cette nécessité d'apprendre à se battre se lisait aussi dans les yeux d'Elwin. Il n'en menait pas large non plus et semblait bien fatigué. À chaque mouvement, je luttais contre des visions d'horreur. Au fur et à mesure, nos mouvements se synchronisèrent, nos respirations également, nous donnant l'impression de partager notre poids. Une bien étrange sensation. Mon cœur compressé dans ma poitrine semblait battre à côté d'un autre. Le fardeau porté à deux, il était plus facile de réprimer les larmes et refouler les visions d'horreur qui ne m'appartenaient pas.
Une éternité s'écoula à mes yeux avant que maitre Anila ne pose ses mains sur nos épaules et nous retira les armes des mains. Ma main s'ouvrit, les lames de cuir collèrent à la paume quand maitre Anila les tira par la lame hors de nos poignes. J'étais à moitié dans la brume, comme détaché de mes propres sensations. Elwin semblait dans le même cas. Notre maitre nous poussa jusqu'au cabanon où nous rangions notre équipement. Elle soupira avant de nous faire face et jeta un coup d'œil pour regarder nos compagnons.
- Il est toujours ardu de former aux combats des zéphyriens. Votre nature pacifiste est profondément ancrée dans votre sang. Même si je ne vous apprends rien, dit-elle en regardant en l'air. Le peuple des vents, libre comme l'air, sans entraves. Cependant messieurs, vous n'êtes plus zéphyriens. Il est dur de lutter contre sa nature. Aujourd'hui, en tant que dragonniers, il vous est nécessaire de savoir vous défendre. Mais maintenant que vous êtes deux, il sera plus facile de vous entrainer ensemble. Allez-vous rafraichir à la grande fontaine, je t'appellerai Elwin quand on passera au tir à l'arc. Vous avez besoin d'un peu de repos messieurs. Vous l'avez bien mérité.
Elwin hocha la tête et je lui emboîtais le pas. Arrivé dans la grande cour, il se laissa choir au sol contre la margelle froide. Je me penchais au-dessus de l'eau pour immerger mon visage. Le frais de l'eau apaisait mon mal-être.
- Tu t'en es bien sorti, dit Elwin.
- Ce n'est pas l'impression que j'ai eue.
- Il y'a deux semaines, j'ai vomi lors du premier entrainement, ricana-t-il. On est Zéphyriens jusqu'au bout des ongles.
- Je ne sais même pas ce que sont les zéphyriens, disais-je avant de replonger la tête dans l'eau.
De l'eau s'infiltrait dans mon nez et je ressortis de l'eau en toussant. La margelle était froide à côté d'Elwin, mes cheveux mouillés gouttaient sur mes épaules imbibant mes habits. Il faisait circuler un petit courant vent doux entre ses doigts, et la simple présence de ce vent m'apaisait. J'avais envie de prendre de grandes bouffées d'air à en exploser mes poumons. Ce petit courant d'air semblait si libre, si paisible et bienveillant. Elwin s'amusait de ma réaction un moment. Je ne l'avais jamais connu aussi loquace.
- Zéphyr est le plus petit royaume de Shola. Même si tu n'es pas né dans ce monde, tu es bien un zéphyrien. Il n'y a qu'un zéphyrien qui est apaisé par la seule présence de ce vent et qui voudrait respirer son pacifisme à s'en exploser les poumons.
- C'est exactement ce que j'ai pensé, avouais-je.
- Alors tu es bien un zéphyrien, s'amusa-t-il.
Je posais ma tête contre la margelle froide en souriant. Mes yeux se fermèrent un instant et je baillai. Ma tête se tourna vers Elwin qui avait fermé les yeux.
- Pose ta question, m'incita-t-il.
- Qu'est-ce que ça veut dire exactement « être un zéphyrien » ?
- Les zéphyriens sont les habitants d'un tout petit royaume à l'est du confinement. Ce royaume a été fondé par des habitants venus des quatre coins du continent au fil des années qui avaient tous quelque chose en commun : leur aversion pour la violence, de profonds pacifistes. Au fur et à mesure des générations, leur pacifisme s'est encré de plus en plus dans le sang des habitants du royaume. Ils étaient tellement pacifistes qu'ils furent presque écartés de tous les conflits du continent. Aujourd'hui, se battre ne fait plus partie de nos instincts, cela ne nous inspire que des visions d'horreur et une incompréhension totale. Utopie et naïveté sont sûrement sur la même face de la pièce des zéphyriens, l'autre étant le refus du combat.
- Donc selon toi, je serai un zéphyrien ?
Il rappela le vent et je pris une grande inspiration avec l'envie de me blottir au creux de cette douceur. Il sourit et referma les yeux de bonheur.
- Si je fais erreur, je veux bien être jeté en pâture aux élusims. Plus flagrant encore que notre fatigue, ce qui fait de nous des zéphyriens, c'est ce vent. L'incarnation du pacifisme même, le vent qui donne le nom à notre royaume, c'est le Zéphyr. Ce petit vent chaud qui souffle sur notre royaume, dès leur plus jeune âge, chaque enfant le reconnait, qu'il soit maitre de l'air ou non, avec ou sans maitrise. Ils sont rares dans le royaume d'Helm, nous avons de la chance qu'un Zéphyr souffle aujourd'hui. On ne choisit pas d'être zéphyrien, on nait ainsi.
Je fermai également les yeux avec un profond soupir. La sensation était grisante, comme de flotter dans un morceau de coton.
« Tu es bien serein petit dragonnier. »
« J'ai fait la rencontre du Zéphyr, et du royaume qui serait chez moi. »
« Tu trouves un encrage petit à petit. »
« Tu vas bien mon grand ? »
« Oui, ne te fais pas de soucis pour moi. »
« Si tu avais la taille d'un papillon, je pourrais t'emmener partout avec moi. »
J'entendis Soliane pouffer dans mon esprit.
« Un dragon de la taille d'un papillon, tu en as des idées. »
Quelque chose de chaud vint se lover contre ma poitrine. C'était Braise. Une main sur le petit phénix de feu, le calme de l'instant présent était très reposant. Jusqu'à ce que maitre Anila nous rappelle. Elwin posa sa main sur mon épaule et se recoiffa avec l'autre. Il avait repris des couleurs mais la fatigue se lisait encore sur ses traits.
- On doit retourner s'entrainer Jolan.
Il se leva et tendit une main pour m'aider à me relever. Nous nous dirigions de nouveau vers la cour d'entrainement. Mes jambes me semblaient lourdes au moindre pas. Ma propre fatigue m'avait rattrapé.
« À plus tard mon grand. »
« À plus tard dragonnier de poche. » se moqua Soliane.
Nous croisions le reste du groupe qui allait se rafraichir aussi à la fontaine. Charlie demanda à Elwin comment il se sentait et me sourit. Maitre Anila nous attendait, les mains sur les hanches, étudiants nos démarches ou nos expressions. Le membre du conseil, toujours drapé dans sa lourde cape, observai toujours en silence. Elle nous fit combattre à main nue, l'un contre l'autre. C'était moins éprouvant qu'avec une arme entre les mains et ça ressemblait à un jeu. Un flash me traversa de deux enfants se battant sur un lit avant de sentir le sol dur sous mon dos, soulevant un nuage de poussière. Elwin me fit tomber tellement de fois qu'il serait stupide d'essayer de compter. Maitre Anila nous corrigeait sans répit, rectifiant nos gardes ou nous faisant répéter des mouvements inlassablement. Alors qu'on entendait les autres se rapprocher, elle se mit en garde, dégageant ses cheveux blonds au-dessus de son épaule et nous invita à l'attaquer. Je croisais le regard d'Elwin qui haussa les épaules avant de se lancer. Nous attaquions donc notre instructrice de concert mais avant d'avoir eu le temps de comprendre quoique ce soit, mon dos heurta le sol sableux de la cour d'entrainement. L'air sortit brutalement de mes poumons, me coupant le souffle. Elwin n'en menait pas large non plus, complètement immobilisé au sol par Maitre Anila. Son regard nous transperça comme un prédateur au-dessus de sa proie. Ses yeux en amende, couleur de rouille nous étudiaient du regard avant que la pression ne retombe et qu'elle se mette à rire.
- Elwin tu manques trop de souplesse. Et toi Jolan, tu manques un peu de tout à vrai dire. D'expérience surtout, et de force. On remédiera à tout ça. Venez donc chercher un arc et un carquois chacun.
Elle donna à chacun, un arc en bois clair, un carquois avec une petite dizaine de flèche et nous aida à attacher une protection sur notre avant-bras. Le bois de l'arc était témoin des entrainements. On pouvait apercevoir sur toute sa longueur, de petites éraflures différentes zones plus abimés par le passage des flèches. Quand je commençais à l'attacher sur mon bras gauche, en bon dernier de fil, Maitre Anila me saisit le bras pour l'attacher et vite commencer.
- C'est vrai que tu es droitier, c'est plus courant chez les...
Elle fut coupée par Jo qui lui demanda à quelle distance des cibles nous devions nous placer, et ne finit jamais sa phrase. Je me passais la main dans la nuque en cherchant à savoir ce qu'elle avait voulu dire et rejoignis les autres. Espérant m'éloigner de maitre Tom qui semblait me surveiller, je me mis à côté de Camélia à l'extrême droite. Comme confirmation, celui-ci fit le tour pour venir se placer contre le mur de droite. Maitre Anila nous donna quelques conseils avant de nous donner le premier signal pour armer l'arc, et le deuxième pour décocher la flèche. Au premier signal, je fermai mon œil droit et bandit mon arc en direction de la cible. Mais je n'entendis pas le deuxième. Mon corps se souvenait de l'exercice, alors mon esprit trouva pourquoi.
La silhouette de ma sœur se fixa nettement dans mon esprit, tandis qu'elle décochait une flèche dans une cible à une bonne vingtaine de mètres. Nous étions derrière la maison dans le jardin. Ces yeux verts fixaient la cible avec attention, elle souffla tout l'air de ses poumons, et décocha la flèche. L'enfant que j'étais suivis avec admiration le trajet du projectile jusqu'à ce qu'il se plante dans la cible. Laehle se tourna vers moi en souriant.
- Tu vois microbe ? C'est comme ça qu'il faut faire. À toi maintenant.
Elle me tendit l'arc et une flèche. Je devais avoir une dizaine d'année. Plus proche de la cible que ma sœur, j'essayais d'atteindre la cible devant moi. Laehle, derrière moi, reprenait ma posture en ne s'arrêtant jamais de parler. C'était un moment agréable, il faisait beau, et il y'avait une légère brise. La flèche n'atteignit pas la cible et alla se planter plus loin dans l'herbe. Le rire de Laehle emplit le jardin.
- Si tu fermes les deux yeux, tu n'atteindras jamais la cible.
- Jolan qu'est-ce que tu fiches ? me reprit maitre Anila.
Je sursautai et une larme coula le long de ma joue. Où était donc ma sœur ? Je rectifiai ma posture et pris une inspiration avant de tirer. La corde frotta contre mon avant-bras. La flèche alla se figer dans la cible, dans le cercle moyen. Le corps n'oublie pas. Après une expiration, mes muscles se décontractèrent.
« Souvenir ? »
« Oui, avec ma sœur. »
- Désolé maitre Anila, un moment d'absence.
- Il n'y a pas de mal.
Je regardais autour de moi après avoir encocher une nouvelle flèche. Camélia l'avait presque mise au milieu. La flèche d'Elwin s'était fiché en plein centre, après une précision inouïe.
- Elwin, arrête d'utiliser l'air pour corriger ta trajectoire. Kira, c'est bien mais plus souple. Rayan, Ilyès, si vous enleviez cette mèche de devant vos yeux, vous atteindriez peut-être la cible, soupira-t-elle, Charlie c'est pas mal, tu as une bonne marge de progression.
Maitre Anila passait à côté de chacun d'entre nous et corrigea les positions de tout le monde. Elle écarte un peu les pieds à Charlie pour plus de stabilité, encouragea Camélia qui rougit sous les compliments. Je souris en pensant qu'elle est plutôt mignonne quand maitre Anila me fit sursauter.
- Tu es distrait Jolan, concentre-toi un peu. Tu avais déjà fait du tir à l'arc avant aujourd'hui, je présume.
- Oui, avec ma sœur.
- D'accord, tu dois avoir besoin de retrouver tes marques. Ton tir et ta posture était pas mal. Adapte juste ton effort, sinon tu t'épuiseras vite.
- D'accord.
Maitre Anila s'éloigna et nous donna le premier signal. Nous armions tous notre arc, prêts à attendre le deuxième signal. Mes épaules étaient crispées, en pensant à ce que notre maitre venait de me dire, je les bougeai un peu pour les détendre. Le deuxième signal retentit, les flèches allèrent chercher les cibles. La vibration de la corde retentit dans mon corps comme si elle chantait. Nous vidions ainsi nos carquois. Soliane et moi échangions distraitement quelques mots alors que nous allions récupérer nos flèches, gardant ainsi le canal ouvert. À côté, Camélia fredonnait un air inconnu et je détournai vite le regard pour ne pas qu'elle se sente regarder.
De retour à nos positions d'origine, de concert au signal de maitre Anila, nous nous mettions en position de tir. En fixant la cible, pour me préparer à décocher, celle-ci semblait alors largement plus nette une fraction de seconde. En clignant des yeux cette sensation disparue. Nous décochions et ma flèche rencontra la cible en plein centre. Mais à la flèche suivante, la sensation persista bien plus d'une fraction de seconde. La cible la plus lointaine était aussi nette que la première. Alors que je ne m'étais jamais senti proche de Soliane, la migraine qui me vrillait le crâne était loin d'être des plus agréable. Le monde était trop net, les couleurs trop vives, et la lumière trop forte. Je clignais des yeux en espérant que cette vue parte aussi vite qu'elle est venue. Ce qui fut le cas. Ma vue redevint normale et paraissait bien flou après ce qu'il venait de se passer. Maitre Anila donna le deuxième signal et ma flèche se planta dans le bord de la cible. Je fermai les yeux quelques secondes, tout semblait flou, comme si nous étions sous l'eau. Un nouveau signal, mais j'étais en retard. Avec des gestes précipités, lorsque je fermai un œil pour viser, la cible n'était quasiment plus visible. J'ignorais ou ma flèche avait atterrit, mais au bruit, elle ne semblait pas avoir atteint le bois dans lequel elle aurait dû se figer. La vue trouble, à moitié perdu, la panique commençait à me gagner. Je laissais tomber l'arc au sol, et mis les mains devant mes yeux. Une main ferme me saisit le bras. La voix de maitre Tom retentit :
- Essaye de regarder le ciel.
La tête tournée vers le haut, je retirai les mains de devant mes paupières closes. La lumière était très agressive, Pris de vertiges et de nausées, je titubais. Une autre main me saisit le bras, et avec plus de douceur, Camélia m'aidait à rejoindre le sol. La main du membre du conseil quitta mon bras et il s'éloigna alors que Maitre Anila criait :
- Jolan, garde bien les yeux fermés, je reviens. Prenez une pause les autres !
Elle allait s'éloigner quand des pas s'approchèrent.
- Tenez maitre Anila.
C'était la voix de Charlie. On attacha une bande de tissu autour de mes yeux. La main de Camélia était toujours sur mon bras.
- Est-ce que ça va ?
Sa voix me fit sursauter et je tournai la tête vers elle en souriant.
- Oui, ne t'inquiète pas.
- Tu peux ouvrir les yeux Jolan, dit maitre Anila.
Je pouvais percevoir à travers une bande de tissu noir un mince filet de lumière sans vertiges ou nausées. Charlie et Camélia m'aidèrent à me relever et je les en remercie. J'entendis les pas légers de Camélia s'éloigner alors que Charlie et maitre Anila me guidaient pour aller m'assoir sur le muret de la cour. Maitre Anila m'enleva carquois et protection et Charlie se proposa d'aller les ranger. J'entendis un profond soupir, et maitre Anila prit la parole.
- Est-ce que tu sais ce que tu as fait ?
Je secouai la tête. Après un nouveau soupir, elle se lança dans les explications.
- Il est possible dans un duo, d'échanger nos sens pour un moment. On nomme cette échange « straji », un mot directement emprunté à la langue des dragons. Tu as dû emprunter la vue et l'acuité visuelle de ton compagnon, l'espace de quelques secondes. Pas vrai ?
- Oui je crois, confirmais-je. Le lien entre nous n'avait jamais eu l'air si fort.
- Écoute moi bien jeune homme. Lors d'un échange, le dragon ou le dragonnier prend possession de l'un des sens de son partenaire avec l'accord de celui-ci. Un dragon aveugle peut ainsi retrouver la vue, mais en contrepartie le dragonnier sera aveugle le temps de l'échange. Bien maitrisée, c'est une manœuvre très utile. Mais elle demeure très risquée, surtout si elle n'est pas encadrée. Si tu n'avais pas été sensible à ce changement d'acuité visuelle soudain et que vous n'aviez pas mis de la distance dans votre lien, ton dragon aurait pu rester coincé avec tes yeux le reste de sa vie.
- Le reste de sa vie ! m'étranglai-je.
- Tu viens de comprendre. Ce qui reviendrait presque à être aveugle pour un dragon. Quant à toi, le changement trop brutal aurait pu te rendre complètement aveugle.
« Soliane ! Ça va ? »
« Très effrayant comme histoire. J'ai écouté ce que maitre Anila disait. »
« Carrément flippant, tu veux dire. Pas de bobos ? »
« Non, pas de problème, par contre ta vue est abominable. »
- Jolan tu m'écoutes ? m'interpella maitre Anila.
- Désolé maitre Anila, je prenais des nouvelles de mon dragon.
- Il n'y a pas de mal. Préviens-moi juste avant que je ne parle pas dans le vent. Tu manques décidément de concentration. Les cours sont terminés pour toi ce matin. Tu vas rester là pour t'habituer à la lumière à travers le tissu. C'est le bandeau de Charlie alors pense à lui rendre. Et à l'avenir pour éviter tout échange, tu vas devoir faire preuve de plus de concentration pour rester centrer sur tes propres perceptions. Compris ?
- Oui maitre.
- Bien, fais travailler tes autres sens en attendant le repas.
Ses pas s'éloignèrent et elle appela les autres que la pause était finie. Bien décidé à faire preuve de plus de concentration pour éviter tout problème éventuel, j'appliquais le conseil de maitre Anila et me focalisa sur mes autres sens. Les autres recommençaient la session de tir sur le signal de notre professeur. La cour sentait la poussière et le chaud, bien que le temps ne le soit pas encore en cette saison. À l'oreille, il était difficile de distinguer combien mettais leur flèche dans la cible, c'était un bon entrainement. Focalisé sur les autres membres du groupe, je ne fis pas attention aux pas qui se rapprochaient. Aussi je sursautai quand le membre du conseil prit la parole.
- Je savais que tu allais nous poser des problèmes quand tu es arrivé. Un straji, non mais ça va être quoi après ? Cinq jours et tu mets déjà le bazar. J'avais mis en garde le conseil que tu étais trop jeune. Tu manques beaucoup de concentration. Comment expliques-tu ça ?
- Je ne l'explique pas maitre.
Il ne répondit rien mais j'avais la sensation que quelqu'un essayait de pénétrer dans mon esprit. La sensation était désagréable mais s'atténua vite.
- Dans mes appartements, ce soir après le dîner. Ne sois pas en retard.
- D'accord maitre.
Braise se posa sur mes genoux et les pas du membre du conseil s'éloignèrent. Caressant ses plumes chaudes, j'essayais de rester concentrer sur l'environnement. Un air me vint en tête et je le fredonnais sans prise de tête.
- Maitre Anila, je vous laisse, bonne continuation, dit maitre Tom.
- Je vous remercie de nous avoir honorer de votre présence, lui répondit-elle
Sa présence s'envola et la pression avec lui. L'air se fit plus respirable. Les paroles de la chanson de ma mère vinrent se superposer sur l'air de la chanson.
Jolan mald oil molie
Ji Soliane mald bil ale nuegea abiol
Mi fente sleice aneo
Yu habs ya tome
Fe altung
Fe will yun dre
Ir wer yu
Crealle wor yu wu
Yun drealmi it ni wo yum
Mut nopt fe drea um crealla
Yi lim mi fente sleice im peci
Immobile, les sens grands ouverts, j'attendais la fin des cours de la matinée. Le soleil tapait de plus en plus fort. Mes cheveux étaient complètement sec à présent. L'air poussiéreux de la cour piquait les poumons lors de grandes inspirations. Ma chemise collait à mon dos à cause de la transpiration. Des pas se rapprochèrent de moi et je me redressai. Les pas de plusieurs personnes s'éloignèrent, le groupe devait aller ranger le matériel. La sensation de faim commençait à se faire sentir.
- Debout ! Le cours est fini.
Je me relevais, Braise toujours dans les bras et senti quelque chose se frotter contre mes mollets. Remus n'avait pu monter sur le muret et venait presque de se faire écraser. Maitre Anila m'attrapa le bras pour me guider et je la laissais faire sans évoquer le fait que Braise, qui s'était échappé de mes bras pour reprendre son poste sur mon épaule tel une vigie, me guidait. Les conversations se rapprochaient, c'était le groupe en entier qui nous avait rejoint. Maitre Anila m'autorisa à retirer le bandeau de mes yeux, une fois entrer dans le bâtiment. La boucle était lâche et facile à enlever. Quand le tissu noir tomba, mes paupières vinrent couvrir mes yeux. La lumière était vive mais indolore à présent. Je papillonnais des yeux un instant avant de réussir à les garder ouvert. Maitre Anila hocha la tête et nous libéra. Remerciant Charlie pour le prêt de son bandeau, j'observais mes compagnons. Nous étions tous plein de poussière et de transpiration. Kira attrapa Camélia et fit signe à Garance qui parlait à voix basse avec son frère.
- Je ne sais pas pour ces messieurs, mais nous nous allons aux bains avant de manger. Histoire de refaire peau neuve et éviter les courbatures. On se retrouve plus tard dans la grande salle.
Les filles s'en vont. Elles ont raison, un bain avant de manger nous fera du bien. Charlie devait être du même avis puisqu'il nous convia tous aux bains. Souhaitant voir Ester avant, je déclinai et Charlie proposa qu'on se rejoigne tous dans la grande salle pour manger ensemble. Les garçons s'éloignèrent aussi et Côme resta sans bouger. Il avait l'air mal à l'aise. Un des princes du désert le héla tandis que l'autre fit un signe de la main.
- Côme, tu viens avec nous ?
- Non merci les gars. Je... Je vais aller voir Ester avec Jolan.
- Pas de problème ! À tout à l'heure.
Je regardai Côme qui haussa les épaules, prit le chemin de l'infirmerie avant de répondre à ma question muette avec une voix crispée.
- Les bains sont communs évidemment.
- Alors comment...
- J'y vais quand il n'y a plus personne. Ce que ça peut être agaçant ! Ils sont tous en train de raffermir leurs liens et moi je suis là comme un piquet à éviter ce moment qui m'est inaccessible.
- On ira ensemble quand les autres seront à table si tu veux.
Côme me frappa d'un coup de poing sur l'épaule. Il n'avait pas frappé fort mais la surprise me fit faire un pas sur le côté et j'heurtai quelqu'un avec force. Le choc nous fit tomber au sol tous les deux. Il devait marcher très vite. Me relevant pour voir qui j'avais heurté, un garçon brun me dominait de toute sa hauteur. Je m'excusais précipitamment. En voyant du sang coulé de son nez. Ses yeux mauves me fusillèrent du regard. Il rangea précipitamment une fiole vide sous son vêtement.
- Bande de gamins. Vous êtes vraiment ridicule.
- Hé ! Calme-toi ! Il t'a demandé pardon, s'offusque Côme
- Je m'en fou. Je n'ai pas le temps pour vos enfantillages. Alors ne m'en faites pas perdre. Si vous voulez vous chamailler et faire mumuse comme des bambins, faite ça ailleurs.
- Parce que tu crois que tu as plus de droit que nous, monseigneur « je cours dans les couloirs » ?
Alors que ton était en train de monter dans les tours, le nez de l'inconnu brillait légèrement d'un halo blanc et violet avant de s'arrêter. Je passai la ma main dans ma nuque sous des picotements et il fit de même. Nos regards se croisèrent et il fronça les yeux. Il m'attrapa par le col.
- C'est toi qui m'as fait ça ?
- Je ne sais pas faire ça...
Côme poussa l'individu qui ne me lâcha que par bonne volonté. Jamais Côme n'aurait pu le faire bouger.
- Qu'est-ce que tu veux sérieux. Pourquoi tu cherches les ennuis à Jolan ?
- Jolan, ne m'approche plus jamais. Hors de ma vue.
Je restais interdit devant cette situation lorsque Côme prit mon bras.
- Il ne t'a rien fait bon sang, c'est un maitre du feu ! En plus tu ne saignes plus. Aller vient Jolan, on se tire.
Alors qu'on avançait dans les couloirs, Côme se me demanda en chuchotant si c'était moi qui avais arrêté le saignement. Je ne pus que répondre que je n'en savais rien. Il haussa les épaules et nous arrivons à l'infirmerie. Le doc était en train de manger sur le rebord d'une fenêtre, les yeux fermés au soleil. Ester était allongé dans son lit et discutait avec lui, l'air fatigué. Ses joues s'étaient creusées, sa barbe et ses cheveux avaient poussés. Le bruit de la porte d'entrée lui avait fait tourner les yeux vers nous. De grosses cernes soulignaient ses yeux bleus. Il sourit en nous voyant arriver.
- Bonjour les gars. Vous êtes tout crasseux. Maitre Anila ne vous a donc pas ménager après hier. Elle vous a fait rouler dans la boue ?
Côme se rapprocha du doc qui posa son repas. Il rit néanmoins et répondit que c'était presque la réalité. Il glissa quelques mots au doc en désignant son torse avant que tous deux s'éloignent vers un lit un peu plus loin. Le doc installa un paravent pour nous séparer d'eux. Ester tapota son matelas en se décalant, avec une grimace de douleur.
- Viens t'assoir Jolan.
Je me rapprochai du lit et m'assieds sur le drap. Il avait le teint pâle, ses cernes lui donnait un air de raton laveur, et lui pourtant rasé de ce matin, abordait une barbe de trois jours. J'avais une boule au creux de l'estomac, j'arrivais à peine à respirer. C'était Ester qui avait été le plus mis en danger. La boule confortablement loger dans mon abdomen était remontée dans ma gorge.
- Est-ce que tu savais que nous allions devoir partager ta chambre ?
Je l'enlaçais un peu trop brusquement et il gémit. Le doc passa la tête sur le côté du paravent pour me jeter un regard noir.
- Doucement ! Il est fait en sucre jusqu'à demain.
Ester m'étudiait sous toute les coutures, la réciproque vraie également. Silence qui fut couper par une tentative de blague.
- Tu n'as pas intérêt à ronfler.
- Tu as intérêt à mettre une couverture dans le box de Soliane si les ronflements te dérangent, répliqua-t-il en rien.
Toujours un peu dans le malaise, on ne savait pas trop quoi dire. Je n'osais pas lui demander la raison de son changement physique.
- J'ai grandi, mon corps s'est adapté pour avoir plus d'énergie et pouvoir te protéger dignement.
- Mais...
- Ce n'est rien voyons, rappel toi la longévité de vie des dragonniers. Qu'est-ce que quelques années ? Je ne les aie pas réellement perdus, seul mon corps est la marque du temps passé. D'après le doc, je dois avoir entre vingt et un et vingt-deux ans. D'ailleurs il parait que tu as croisé le regard de l'enchainé. Tout va bien ? La malédiction du peuple de l'ombre t'a-t-elle touché ?
- Non je me sens bien pour le moment.
- Il faut rester vigilant, ça peut arriver à tout moment.
Côme ressortait avec le doc de derrière le paravent et réajustait ses cheveux. Il me fit signe qu'il était temps de partir si on voulait enlever la crasse et la sueur qui collaient à notre peau. Ester me tendit ses avants bras et je les serrai comme j'avais vu d'autres dragonniers le faire. Puis Côme nous entraine jusqu'au dortoir. Portant régulièrement la main à sa poitrine, il était mal à l'aise sans aucun doute. Aucun mot ne fut prononcé de tout le trajet pas si court jusqu'au dortoirs, il ouvrit sa chambre, au début du couloir pour ressortir avec des vêtements propres et je fis de même lorsque nous arrivions à hauteur de la mienne. Les bains se trouvaient au fond du couloir des chambres à droite.
Nous retirions nos bottes avant d'entrer pour les laisser contre le mur. Aucune autres paire n'ornait ce dernier, signe que les garçons avaient déjà dû rallier la grande salle. L'absence ne serait-ce que d'une libellule dans la pièce nous le confirma. Elle rectangulaire comprenait un grand bain sur la gauche dont l'odeur emplissait la pièce. Un mélange de fleur j'imagine. Nous n'allions peut-être pas sentir la rose mais au moins la pâquerette. Des bassines remplies d'eau sur la droite avec des tabourets en bois, sur une étagère était posée des draps de bain et quelques miroirs étaient accrochés au mur. Côme me jeta un regard et je proposai :
- Vas-y en premier tant qu'il n'y a personne, je ne regarde pas.
- Si tu tournes la tête, je jure par Odin de...
- C'est bon ! dis-je en me retournant. Pas besoin de jurer je ne bougerai pas.
En me retournant pour faire face à la porte, je remarquai le renfoncement derrière la porte où se trouvait une panière surmonter d'un écriteau en bois humide dû à l'air moite de la pièce : « Déposez vos vêtements ici. Ils vous seront remis dans les prochains jours. » Des voix féminines se rapprochaient et entrèrent sûrement dans les bains voisins. L'attente était pénible et je me languissais d'entrer dans le bain pour me débarrasser de la crasse et la poussière qui collaient vêtements et peaux.
- C'est bon, tu peux te retourner.
Côme se séchait les cheveux avec un drap et portait une nouvelle chemise jaune. Le bas de son pantalon était mouillé. Il se détourna et sortit de la pièce en jetant son drap de bain dans la panière, des chaussettes à la main.
- Je t'attends dehors. Bouge j'ai faim.
Je me déshabillai en vitesse avant d'aller me laver près des bassines. Assis sur un tabouret, je versai la moitié d'une bassine sur ma tête. L'eau était froide mais cela faisait du bien. Avec un bout de savon qui trainait sur une étagère, encore mouillé, je me savonnais avant de verser le reste de la bassine d'un geste précipitée et sautai dans le bain chaud. Côme m'attendait, je ne pouvais pas rester longtemps mais savoura quand même cet instant. En sortant, j'en profitai pour m'examiner devant le miroir. C'était la première fois que je contemplais mon reflet. Mes yeux dorés me surprirent comme si je n'étais pas habitué à cette vision, tandis que mes cheveux gris me semblaient bien normaux, quoique plus brillant. J'attrapai une mèche de mon front pour le tenir entre mes doigts avant d'ébouriffer toute ma chevelure avec un drap pour la sécher un minimum. Mon reflet me semblait à la fois étrangement familier et complètement nouveau. Côme ouvrit la porte et me regarda en criant :
- Jolan ! J'ai faim !
Je me cachai dans le drap.
- Oups, je n'ai rien vu.
Sans commentaire et après un habillage rapide, nous rejoignons tous deux la grande salle. Côme qui me devança s'arrêta au tournant du couloir. Il jeta un regard noir à la personne en face de lui. En tournant aussi, je reconnus le garçon brun que nous avions croisé quelques minutes auparavant. Il était en train de ranger la fiole qui pendait à son cou sous son vêtement, maintenant remplie d'un liquide jaune.
- Et si vous dégagiez de mon chemin ?
- Tu te prends pour qui, sérieux ?
- Qui t'as permis de me tutoyer avorton ?
- Tu y vas un peu fort, dis-je en appuyant Côme. On a le même statut.
Il soupira avant de nous dépasser.
- Attends ! Comment tu t'appelles ?
Il ne répondit pas. Côme me regarda les sourcils froncés.
- Tu es sérieux ? Son prénom ? Qu'est-ce qu'on en a à faire ?
J'haussai les épaules et nous entrions dans la grande salle. Charlie nous vit entrer et nous fit signe. Ils finissaient de manger tranquillement alors que nous nous installions. Je m'installai à côté de Jo qui me fit passer une assiette remplie de ragout tiède. Nous discutions à table jusqu'au moment de rejoindre maitre Anila pour les cours de l'après-midi. Kira coiffait les cheveux encore mouillés de Camélia en un chignon tressé sur le haut de son crâne. Je m'étais rapproché d'un des princes du désert, Rayan il me semble, qui lisait un traité de géographie. Ravie que le sujet peu passionnant intéresse quelqu'un d'autre que lui. Il me montrait une carte de Shola pour me familiariser avec les différents royaumes. Si les royaumes portaient des noms de vent, les grands cours d'eau tiraient le nom de pierres. Aucun d'entre eux ne traversai le royaume d'Helm dans lequel nous nous trouvions mais il était bordé par la plus grande forêt de Shola qui porte le sobre nom de « grande forêt ».
- Grande forêt ? demandais-je pour être sûr.
- Oui, c'est la plus grande du continent, elle est tellement étendue qu'on pourrait y faire rentrer le royaume de Zéphyr en intégralité. Avant elle était encore plus étendue il parait et on l'appelait le royaume de Leafa.
- Leafa ?
- La déese des bois, la sœur d'Hana, la déese des plantations et des fleurs. Leafa est toujours vénérée dans le sud d'Helm.
- Des gens y habitent ?
- Peu, se sont surtout des petits hameaux de trappeurs des royaumes voisins, qui partent en expéditions avant l'hiver.
Nous étions complètement absorbés dans notre étude quand Charlie nous ramena à la réalité. Il était l'heure de rejoindre maitre Anila. Le picotement à mon poignet m'indiquait la direction mais je préférais suivre les autres qui semblaient déjà savoir où aller. Nous arrivons dans une salle simple avec des pupitres en bois et quelques étagères bordant les murs. Seul le marteau de porte rond où était attaché un foulard jaune montrait quel groupe occupait actuellement la salle. Chacun s'asseyait distraitement à une place et je me laissais tomber sur une chaise un peu à l'écart. Chacun semblait déjà avoir ses habitudes et ne sachant pas ce qui nous attendait je me contentais de les imiter. Certains avaient amené leur carnet et je me saisis d'un rouleau de parchemin vierge trainant sur le pupitre voisin et d'un bout de charbon. Maitre Anila arriva à grands pas tout en renouant le cordon de cuir autour de ses cheveux à la manière de Kira.
- Bien, aujourd'hui je vais vous parler du premier dragonnier avant de commencer l'apprentissage de la langue de nos amis à écailles.
À l'origine de Shola, quand les hommes étaient moins nombreux et habitaient essentiellement les côtes. Le début de l'histoire des dragonniers remonte il y'a un millénaire. Un roi unique prit le pouvoir sur Shola et sur tous les hameaux, toujours accompagné d'un immense dragon, il clamait être le premier individu d'un nouvel ordre et avait soumis le continent entier disant lui accordé sa protection et brûlait les hameaux qui lui résistait. Mais vite s'est opposé à lui un homme dont le prénom me fit sursauter.
- Oui Jolan, tu dois porter ce prénom en hommage. Tes parents étaient des dragonniers ?
- Non, je ne crois pas...
- Heureuse coïncidence alors.
Cet homme fut le véritable premier dragonnier, l'homme à l'origine du lien qui nous unissait aux dragons. Il vivait reclus du continent sur une île atteignable uniquement à dos de dragon. Il se rendit de plus en plus sur le continent pour s'opposer à ce roi tyrannique. Il souhaitait que d'autres humains se lient avec des dragons pour rompre avec la solitude dans laquelle il s'était enfermé mais la présence du roi empêchait les dragons de créer des liens par peur pour leur futur compagnon. Un affrontement eu lieu entre les deux dragonniers et l'issu du combat tragique, laissa de nouveau le premier dragonnier seul.
La sœur du roi dragon prit place sur le trône et accorda indépendance au premier dragonnier. Elle lui donna des terres au nord de Shola sur lesquels il pourrait enseigner aux nouveaux dragonniers. Pour s'assurer que de tels tyrannies ne se reproduiraient plus, elle donna un rend égale à ce représentant d'un nouvel ordre au sien. Ainsi si l'un vivait dans les airs, il pouvait recadrer le roi terrestre au besoin. Elle éloigna aussi les dragonniers des décisions politiques à cause de leur puissance et leur accorda en échange un droit de libre vie sur le continent. Le premier dragonnier construisit une ébauche de la guilde dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui. Mais après avoir formé un duo de deux dragonniers, le premier dragonnier se retrancha sur son île secrète et ne revint jamais. Un voile passa devant mes yeux un instant comme si je prenais une distance sur la réalité et sur les événements, des informations passaient dans mon esprit sans que je puisse les arrêter. Secouant la tête je revins au moment présent et demanda à maitre Anila :
- Pourquoi le roi Dol et le premier dragonnier ne se sont pas rejoints ? Le premier dragonnier aurait trompé sa solitude et le roi dragon ne serait pas devenu avide de puissance en pensant qu'il était un dieu.
- Et bien disons que... Jolan, je n'ai jamais donné le nom du roi dragon. Comment le sais-tu ?
Je regardais maitre Anila surpris.
- Je n'en sais fichtre rien.
Elle fronça les sourcils et s'approcha pour jeter un coup d'œil à mon parchemin et marqua une surprise. Prenant le rouleau en main, ses sourcils froncés, maitre Anila me toisa.
- Tu as écrit en langue des dragons.
Je me levai de mon banc surpris. Les autres regardaient notre petit manège curieux. Maitre Anila griffonnait un mot sur un bout vierge du parchemin avant de me le tendre.
- On a dû de l'apprendre enfant. Si c'est bel et bien le cas, ce cours ne te sert à rien, on va en apprendre juste les bases.
Elle me tend le mot plié.
- Va prendre l'air tu es tout pâle et va faire un tour à la bibliothèque pour voir ce que tu connais exactement. Si un maitre t'interpelle, donne-lui le mot. File, à demain.
J'allais sortir de la salle, abasourdis et sans un mot quand elle m'interpella :
- Et Jolan ! Si tu as cinq minutes il serait peut-être bon que tu fasses des recherches sur ce qu'est l'Hilma. Ça pourrait surement t'être utile.
- À demain maitre, disais-je en hochant la tête.
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