● 086

On ne se fout pas de la gueule des gens, bordel. Les personnes comme ça, j'ai envie de leur faire du sale. Peu importe la moquerie, on n'en fait pas. Ce doit être très blessant et rabaissant pour ceux qui reçoivent ces moqueries ou qui se font rire à la gueule, donc non. C'est méchant, c'est puéril, c'est digne d'une mauvaise éducation.

Il faut, par moment, savoir se mettre à la place des gens. «Kama tadin tudan wela comme tu fais, on te fera» cette phrase est juste véridique. Combien de choses que j'ai faites et que je me suis toujours reçues à la gueule par la suite. Il ne faut pas tomber dans ces gamineries parce que ça nous retombe toujours dessus à un moment.

Elles m'avaient envahie de haine. Je ne comprenais même pas ce qu'elles faisaient là, sincèrement. Ce n'était pas le moment de s'embrouiller donc je ne leur avais pas porté plus d'attention que ça, j'avais tourné le regard. Mes yeux s'étaient à nouveau posés sur son petit frère Anas. Soubhan'Allah, la ressemblance qu'il avait avec Moad.

Peu de temps après le propriétaire avait ouvert la chambre où se trouvait Moad. La famille y était allée avant les connaissances et les khey. Ils s'étaient enfermés à l'intérieur, puis quelques minutes après qu'ils soient rentrés, la porte s'était ouverte et tous les petits étaient sortis en pleurs, ils avaient tous couru jusque dehors.

Leurs pleurs résonnaient jusque dans le funérarium, ça nous avait tous foutus mal. Ça m'avait serré le gelb, il allait tomber au sol. Mes yeux ne quittaient plus Anas, je n'avais pas réussi à le lâcher du regard. Je n'aurai aucun mot pour exprimer ce que j'avais ressenti sur le moment. Ils m'avaient tous peiné, mais bien plus Anas.

Leur père m'avait tellement fait de peine, yay. Ça s'était ressenti qu'il était très éprouvé et à bout de tout ça. Il courrait de partout pour essayer de calmer la situation. Il allait voir les petits pour les assister, il retournait à l'accueil pour surveiller qui rentrait et il allait à l'entrée de la chambre pour voir ce que les gens faisaient.

Sa souffrance, je la comprenais, celle de perdre un enfant. Comparé à mon cas, lui ça devait être une douleur bien plus forte, par le fait qu'il avait vécu seize années avec lui, qu'il avait eu le temps de s'attacher à la chair de sa chair, qu'il l'avait vu grandir, qu'il l'avait éduqué, etc. Tout ce dont moi, je n'avais pas eu le temps de vivre.

En soit, ça restait la même chose, le fait d'avoir perdu un enfant, mais les deux situations étaient malgré tout, quelque peu opposées. Il était très humble, et même, ils étaient très humbles, hormis celles qui étaient venues pour le paraître. C'était ça qui était beau à voir, le fait qu'on était plus ou moins, tous humbles.

La famille était sortie de la chambre et ils avaient laissé les autres y aller. La chambre était vraiment très petite, il pouvait vraiment y avoir peu de personnes à l'intérieur, genre, dans mes souvenirs, on était toujours une douzaine à l'intérieur, et encore en se serrant les uns les autres. On avait donc laissé les premières personnes y aller.

En plus de ça, il y en avait deux qui étaient restée très présente à l'intérieur, malgré tout, mais c'était très compréhensible. Elles étaient devant la porte de la chambre, enfin dans mes souvenirs, c'était deux femmes de leur famille. Elles surveillaient tous les faits et gestes que chacun de nous pouvait avoir, au moment même où on mettait un pied à l'intérieur.

Elles étaient vraiment très stressées et à bout de nerfs, ça s'était vraiment ressenti en tout cas. Elles ne faisaient que de répéter «Vous ne le touchez pas et vous ne l'embrassez pas. Vous faites des du3as, vous faites une fois le tour et vous sortez.» Leur comportement était très compréhensible, parce qu'il y avait toujours des gens pour forcer.

Il y avait eu beaucoup de monde ce jour-là, en plus de la veille où il y avait déjà des gens qui étaient venus au funérarium. La preuve était là, il était apprécié pour la personne qu'il avait été. Il y avait eu des professeurs, des éducateurs du quartier et tout pleins d'autres, que personnes n'auraient pensé qu'ils seraient venus.

On était resté à l'accueil le temps que les premières personnes rentrent, parce que ça ne servait à rien de faire du forcing. Il était préférable d'y aller vers la fin. Finalement, il restait peu de monde, donc on y était allé, par la suite. En rentrant, on avait essayé de se trouver une place parce que c'était vraiment très serré.

Vers la fin, les gens s'étaient mis à rentrer en masse dans la chambre, donc tous les autres qui étaient à l'intérieur en train de réciter, ils étaient poussés vers la sortie. Il aurait été préférable que ce soit ceux qui ne faisaient pas de du3as, qui sortent aussitôt, mais le stress de tous, avait fait que ça s'était passé comme ça.

Dès que j'avais mis un pied à l'intérieur de la chambre, j'avais eu des frissons dans tout le corps. Une fois que j'avais vu le cercueil et que j'étais arrivé à niveau de celui-ci, mon regard s'était posé sur son visage, ça m'avait piqué les yeux, tellement que j'avais été peiné de tout ça. Il était beau malgré que ses..., bref, il était beau.

Un jour, on est là au quartier avec les khey et le lendemain, on se retrouve inerte dans un linceul, seul, avec ses actions, aussi bonnes que mauvaises. Personne n'y échappera, jamais. Aujourd'hui, demain, dans une semaine, dans un mois, dans dix ans, le rendez-vous il est déjà pris. Allahu 3alem quand ça arrivera.

On était allé se mettre au fond de la chambre, Kamilia, Nouredy, Yacine, Lavinia et moi-même, c'était pour laisser les autres rentrer. La plupart récitaient, faisaient des du3as et lisaient du Quran. Chacun de nous, s'était mis à réciter. Petit à petit, l'ambiance avait commencé à devenir très pesante, je n'avais eu qu'une hâte, sortir.

Je n'ai même pas assez de mes dix doigts pour compter combien de fois j'ai vécu des situations pareilles. J'ai été en contact avec ça, autant en face to face où la personne lâchait son dernier souffle devant nous, que dans des funérariums, ou encore même, les mises sous terre où moi-même je portais le corps, accompagné des proches.

J'en ai vécu plus d'une fois, et pourtant, ça me foutait et ça me fout toujours mal quand je me retrouve dans ces situations-là. Ça rappelle le fait qu'on pourrait être à la place de cette personne dans la seconde à venir, même. C'est toujours un gouffre énorme qui s'installe au niveau du gelb, et ça nous lâche vraiment plus.

Une fois qu'on avait fait plusieurs du3as, on s'était fait signe de sortir, c'était pour laisser la place aux autres. Dès que je m'étais rapproché du cercueil pour sortir, je n'avais pas eu le courage de poser à nouveau mon regard sur lui, la première fois m'avait vraiment fait mal, parce que je ne le pensais pas comme ça. C'était très dur.

On avait quitté la chambre et on était sortis jusqu'au parking. On était resté durant quelques secondes dans la confusion la plus totale, on se regardait sans rien dire, comme si, que c'était le vide. Finalement, Nouredy, Kamilia et moi-même, on avait dit au revoir à Yacine et Lavinia, et tout de suite après j'avais capté Nouredy.

Il s'était mis à me regarder, mais d'une force. Je savais qu'il avait eu envie de me dire quelque chose, vu comment il ne me lâchait pas du regard. Ga3, il aurait voulu me kidnapper et m'emmener avec lui, c'est sûr ça, tellement que je l'avais mis amnése pendant autant de temps et que je n'avais pas redonné suite à nos échanges.

- Nouredy : Alalah, t'es un sacré gars, hein ?
- Moi : Ayayay.
- Nouredy : Bah ouais. Bon, tu viens avec moi ou pas ? On va se poser chez moi avec les frères.
- Moi : Non. Il faut que j'aille chercher mon fils.
- Nouredy : Dans ce cas, vient ce soir in shâ Allah, non ?
- Moi : Je ne sais pas, je te tiendrai au courant in shâ Allah.
- Nouredy : Mais ne fait pas l'aveugle si je t'appelle ou que je t'envoie un message.
- Moi : Non. Bon, à ce soir in shâ Allah.

Il était reparti avec Kamilia, et moi, j'avais repris la route pour retourner à la cité, chercher Zaher. Sur le chemin, je pensais à ce qu'il m'avait dit. Très sincèrement, j'avais pensé qu'il allait m'éviter par le fait que je l'avais mis amnése pendant autant de temps, mais non, il forçait le contact avec moi par tous les moyens possibles.

Je ne savais pas encore si j'allais aller le voir. Ça ne me coûtait rien, je n'allais absolument rien perdre à ça, mais c'est vrai qu'à cette période, je n'avais plus envie de rien du tout, je voulais qu'une chose, c'était qu'on me laisse tranquille. Le simple fait que les gens s'intéressaient à moi, à vouloir m'aider, ça m'insupportait énormément.

Sur le moment, j'avais eu ce besoin de partir, de quitter ce quotidien dégueulasse que j'avais pour aller au pays. Je voulais aller en Algérie pour avoir cette sensation d'être près de ceux que j'avais perdu Allahi rahmoum. Je voulais aller à Tlemcen, passer du temps avec les khey de mon frère Allahi rahmo, ceux avec qui il avait vécu.

Je n'avais plus goût à rien, je regrettais même d'être encore présent. Ça me tuait plus qu'autre chose d'être encore là, je voyais que dans ma vie ça n'avançait pas, et quand bien même il y avait quelques petits changements, celles qui étaient censées être là pour moi, ne le remarquaient pas et pointaient encore mes défauts.

J'étais enfin arrivé à la cité, sous ces pensées négatives. J'allais être avec la chair de ma chair et c'est tout ce que j'avais attendu. Je voulais être avec lui pour arrêter de penser aux restes, au moins ça m'évitait de me mettre khabat pour oublier, lui, il arrivait à le faire quelque peu. Finalement, j'étais resté dans la gova pendant un moment.

Dès que je m'étais garé et que j'avais tourné la tête, prêt à sortir, j'avais aperçu ma sœur avec des amies à elle. Je ne voulais pas la voir, autant elle que la mama, je ne voulais pas les voir. J'étais resté en attendant qu'elle parte, mais elle n'était pas partie, elle avait juste changé de place, donc j'avais profité pour speedé jusqu'au bloc.

J'étais monté et je n'avais pas perdu de temps. J'avais porté Zaher, j'avais pris ses affaires et j'étais aussitôt parti, je n'avais pas eu le temps pour du blabla, qui plus, allait être du blabla inutile. J'étais sorti du bloc, j'avais speedé jusqu'à la gova, j'avais installé Zaher et je m'étais installé. Je voulais vite partir d'ici et retourner au 93.

Pour sortir de la cité, il avait fallu que je passe devant elle et son groupe d'amies, indéniablement. Quand une gova passe devant nous au quartier, qui en plus, se met à accélérer, on se retourne pour cala qui c'est, c'est évident, donc j'avais accéléré pour vite partir, et elle avait directement regardé la gova.

Elle n'avait pas pu voir qui était au volant, parce que mes vitres étaient teintées, mais elle m'avait déjà vu en possession de la RR depuis, donc c'était sûr qu'elle avait compris, elle savait que c'était moi, mais je n'avais pas plus réagi que ça. J'avais tracé pour sortir d'ici, et j'avais pris la route direction le Sévigné.

J'étais rentré m'installer avec Zaher. J'avais profité avec lui chwiya, puis finalement, je m'étais posé avec le PC et j'avais commencé à chercher pour un billet d'avion. Avant de confirmer l'achat, j'allais en parler à Ines, mais ce qui était sûr, c'est que j'allais partir. Il fallait que je parte sinon j'allais faire des dingueries impardonnables.

J'allais d'abord faire l'Algérie, puis après les Émirats, même si le padre ne voulait pas me voir, au pire, j'aurai pris un hôtel, mais il fallait que je pose mes pieds également aux Émirats. J'allais essayer de faire ça sur tout le mois de mars, comme ça après j'allais rester tranquille auprès d'eux et également pour Lylia.

J'avais trouvé plusieurs dates, mais il fallait que je prévienne Ines avant tout. Elle avait repris son travail ainsi que ses études, donc ça allait être compliqué de se mettre d'accord. Il fallait que je parte, donc peu importe ce qu'elle m'aurait dit, j'allais valider mes billets. C'était à elle de trouver le juste-milieu par rapport à ça.

Dès qu'elle était arrivée, je l'avais laissé faire ses affaires et s'occuper de Zaher. J'avais vraiment attendu qu'elle soit posée tranquillement avant d'entamer le sujet, c'était préférable, en tout cas. Finalement, c'était elle qui était venue me rejoindre, dans la soirée, une fois qu'elle avait fini tout ce qu'elle était en train de faire.

- Ines : J'étais en appel avec Lylia tout à l'heure.
- Moi : Ouais et alors ?
- Ines : Elle m'a expliqué.
- Moi : Vas-y me parle plus, ça va me faire monter les nerfs et je vais débarquer à Crl.
- Ines : Mais pourquoi ?
- Moi : Oh ! Elle est obligée de se plaindre à toi à chaque fois qu'on est en embrouille ?
- Ines : Mais je ne parle pas de ça du tout. Je dis juste qu'elle m'a prévenu de ta situation, par rapport à ton khey.
- Moi : Mais pourquoi elle t'en a parlé, putain ?
- Ines : Arrête Emir. On est ensemble oui ou non ? J'ai besoin de savoir ces choses-là moi, pour pouvoir me positionner là où il faut quand tu es dans ces moments-là. On vit ensemble Emir, donc normal qu'on doit se mettre au courant des choses afin que ça se passe bien.
- Moi : Non.
- Ines : Bah si ! J'aurai su la chose dès le départ, je ne t'aurai pas soûlé avec mes questions. Je veux savoir les choses afin d'être là pour toi, et là, tu ne m'avais rien dit donc j'avais forcé. En plus, tu le sais que ce n'est pas par curiosité que je demande ça, parce qu'autant toi que moi, on n'est pas comme ça. Moi, je cherche juste à être au courant, pour juger de moi-même, la gravité des choses, à savoir comment je dois me comporter avec toi après ça. Tu comprends ou pas ?
- Moi : Je le sais bien ça.
- Ines : Alors fait les choses comme ça la prochaine fois, ça m'évitera de te prendre la tête et de te faire monter les nerfs. Avec toi je dois m'adapter, parce que tes réactions sont par moment incompréhensibles, et j'ai souvent du mal à suivre, donc mets-y du tien un petit peu.
- Moi : Je ne sais même pas quoi te dire tellement que tu as raison. 
- Ines : Laisse tomber. En tout cas, je suis là pour toi, peut-être pas pour en parler, mais je reste présente.
- Moi : Ouais je sais. Ce sont les choses de la vie, on n'y peut rien.
- Ines : C'est clair. Maintenant que je sais les choses, ces derniers-jours se retracent dans ma tête, et je comprends mieux le pourquoi du comment, et surtout, je comprends maintenant, pourquoi tu avais parlé de Zian, alors qu'on évite toujours ce sujet habituellement.
- Moi : Je ne sais pas quoi dire, je suis perdu.
- Ines : On est ensemble, on se soutiendra peu importe les épreuves.
- Moi : Toujours, hassoul. Je vais te parler là.
- Ines : Je t'écoute.
- Moi : Il faut que je reparte chwiya.
- Ines : Tu ne peux pas Emir. Il y a Zaher, ne l'oublie pas.
- Moi : J'y ai pensé, mais je ne peux pas rester ici. Il faut que je parte, parce que je risque de faire de sales choses sinon.
- Ines : C'est pour aller où ?
- Moi : Je veux aller en Algérie.
- Ines : Dans ce cas, emmène-le avec toi.
- Moi : Je le veux, ça ne me dérange pas, c'est juste à toi de voir si tu le veux aussi.
- Ines : Évidemment, c'est ton fils aussi, ne l'oublie pas.
- Moi : J'irai avec lui alors. Je vais me poser à Tlemcen avec les khey de mon frère in shâ Allah.
- Ines : Ah bah non alors.
- Moi : 3lach ?
- Ines : Je pensais que tu allais dans la villa à ta mère, si c'est pour aller à Tlemcen, c'est non.
- Moi : Je veux les raisons, pourquoi tu ne veux pas ?
- Ines : Je n'oublierai jamais la fois où tu m'as raconté l'histoire de ton frère. Tout ce qui s'est passé et surtout tous les décès qu'il y a eus par rapport aux altercations, donc non. Je ne veux pas que Zaher soit en contact avec ces gens.
- Moi : Oh ma belle, il y a des années qui sont passées maintenant. C'était il y a longtemps tout ça, on oublie rien, mais les choses ont changées en tout cas.
- Ines : C'est la même chose. Je ne veux pas.
- Moi : Dans ce cas, trouve quelqu'un pour le garder parce que je vais partir là-bas in shâ Allah
- Ines : Tu le sais très bien qu'il y aura personne pour le garder des journées entières.
- Moi : Sah, je ne comprends pas pourquoi tu ne veux pas qu'il vienne. J'ai de la famille aussi à Tlemcen.
- Ines : Qu'est-ce tu me racontes là ? Tu es en froid avec la plupart depuis des années.
- Moi : Fait-moi confiance Ines, laisse-moi y aller avec Zaher. Ça va bien se passer, il va aimer être là-bas avec moi.
- Ines : Je ne dis plus rien moi, fais ce que tu veux. On verra bien.

Je comprenais tout à fait ce qu'elle ressentait par rapport à tout ça. Tlemcen et Wahran, c'était deux délires complètement différents. Elle le savait que quand j'allais là-bas, c'était pour rester avec les khey de mon frère. Donc c'était bien plus différent que quand j'étais à Wahran, posé tranquillement dans la villa de la mama.

Quand j'étais à Tlemcen, c'était la rue à longueur de journée, bien plus que quand j'étais sur Paris, c'était un level au-dessus. Tlemcen pour moi, ça signifiait «la rue», peu importe où on allait, on tenait tous les murs qu'il pouvait y avoir. C'était les voyous made in Algeria, même à trente ans. Ça squattait de partout.

Donc je comprenais la réaction de Ines, mais j'allais savoir gérer les choses. J'allais doser tout ce que j'allais faire, en prenant en considération le fait que j'allais être accompagné de mon petit bébé. Le fait d'être à la rue, c'est moi qui le voulait, donc avec Zaher ça allait être différent, j'allais me poser sous un toit..

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