SIXIÈME

HÔPITAL DE CAMBRIDGE — mardi soir.

Je ne sais pas si vous avez déjà connu ce sentiment au fond, si avide d'émotion, qui vous enlevait toute envie de vivre lorsque vous vous retrouviez dans une situation presque devenue phobique.

Par exemple, lorsque je traversais la rue pour rejoindre l'hôpital, je ne priais que pour une chose: que quelqu'un me renverse et m'achève. Que quand vous vous levez le matin et que vous savez très bien que votre journée est fichue d'avance, vous voulez attraper la pire maladie ou avoir le pire accident qui vous épargnerait d'affronter cette horrible journée.

Que mes sentiments aient des répercussions aussi négatives sur moi-même que j'en viens à ne pas me maquiller, ni m'habiller, voir faire exprès de puer de la gueule juste pour emmerder tous les fils de catin qui viendront m'adresser la parole dans cette clinique cauchemardesque.

Cependant je me dis que tout ça fait parti du jeu, que je ne peux pas arriver à mon but sans obstacle. Je devais redoubler d'effort pour à la fin, recevoir la permission de mon supérieur et être transférée à Boston, je serais de nouveau aux côtés de mes proches et je ne vivrais plus dans un appartement aussi petit que l'ithyphalle de mon ex.

N'empêche, je ne pensais décidément pas que cette soirée s'annoncerait mouvementée, quand mes iris hazel tombèrent sur le corps blessé de Luhan qui était nonchalamment assis en salle d'attente, mon cœur faillit me lâcher: Dieu avait entendu mes prières. Je n'aurais pas à supporter mon équipe au moins la première heure de mon service, chaque seconde sans leur présence était une bénédiction.

« Luhan ! M'exclamais-je en me dirigeant vers lui. Suis-moi je vais te prendre en charge.
- Enfin ! Ça fait deux heures que j'attends alors que des patients sont arrivés après moi mais sont passés avant moi ! Se plaint-il.
- En même temps y en a certain qui ont un cancer, toi tu t'es juste cogner le bras. »

En guise de répartie, il haussa les sourcils, un air faussement offusqué sur le visage avant d'attendre qu'un autre infirmier traverse le couloir de devant nous pour m'ébouriffer la tignasse. Décidément il est né pour me faire chier.

Nous étions dans une salle basique d'un hôpital, totalement désinfectée et recouverte de l'odeur nauséabonde des médicaments avec une atmosphère où la mort était omniprésente, il ne risquait pas de mourir de la plaie présente sur son bras seulement, la personne de la chambre d'à côté risquait de ne jamais s'en sortir.

« On doit attendre que le médecin arrive, comment tu t'es fait ça ? Demandais-je en enfilant une paire de gants.
- Je me suis blessé en jouant avec Kris, à un moment je voulais faire un Dunk et il m'a poussé, on est tombé tous les deux.
- Par rapport au match de hier n'est-ce pas ? J'aurais bien aimé y assister juste pour le voir se foutre la honte, me moquais-je.
- Je ne pense pas qu'il a voulu se foutre la honte mais plutôt nous foutre la honte... je suis sûr qu'il l'a fait exprès. »

Ma mémoire flancha un moment, une sorte de film ressurgit violemment de mon esprit, c'était la scène de dimanche soir où je parlais à Yifan, il m'avait justement convaincu que l'amitié de Kris et Luhan était fausse mais tout ça était à cause de Kris.

Si le canadien avait laissé Jessie en dehors de tout ça, ils seraient encore amis. Je veux bien me prêter à la théorie de Yifan qui stipulait que Kris était déjà amoureux de Jessie mais s'il considérait réellement Luhan comme son ami, il aurait pu le laisser toucher au bonheur.

Mais encore une fois, il a tout gâché.

« Vous n'êtes pas meilleurs amis ? Essayais-je.
- Apparemment notre amitié ne marche que dans un sens. Je l'ai pardonné pour Jessie mais rien ne sera comme avant.
- En parlant d'elle, je l'ai vue jouer au basket dans le parc l'autre jour, elle est vraiment douée et super sexy. Ça a l'air d'être votre type à tous les deux.
- Elle sait jouer au basket ? Reprit-il, étonné.
- Euh... oui ? Vous avez été en couple tout de même, tu ne lui as jamais demandé ce qu'elle faisait ? »

Le chinois me lança un sourire un peu bizarre avant de se perdre dans ses songes au point de fixer le mur devant lui pourtant je n'ai rien dit de bien compromettant, il s'est mis en couple avec elle sans même la connaître ? Quel sacré coup de foudre.

En vingt-et-un ans d'existence, si j'ai bien remarqué une chose c'est qu'il y avait deux types de personnes: ceux qui se mettaient en couple juste en se basant sur une simple question de style et ceux qui tombaient amoureux pour de vrai. Je ne me voyais pas faire une grosse déclaration à Junmyeon puis qu'on se regarde embarrassés en lâchant un "bon on est en couple..." et de s'embrasser.

Ce n'était pas ce que je voulais.

Mais à priori certains ne visaient que ça, une sorte d'engagement comme si c'était une contrainte de passer de la vie de célibataire à la vie de couple. Comme si une fois qu'on partageait notre sentiment avec quelqu'un, on n'était plus libre. Je veux continuer à sortir et rentrer à l'heure que je veux, traîner avec qui je veux et continuer à faire ce pour quoi je vis tout simplement parce qu'être amoureux ce n'était pas ce qu'on nous montrait à la télé.

D'ailleurs j'étais contre cette appellation aussi impersonnelle qu'était le mot "amour", chacun à sa propre expérience, son propre ressenti et sa propre vision, aucun sentiment ne devrait avoir de définition car un mot ne devrait pas forger ce que l'on ressent. C'était comme la beauté, la télé vous montre bien qu'un homme beau ne ressemble ni à vous, ni à vos amis, ni à votre copain pourtant la vraie beauté ne se voit qu'à travers les yeux de celui qui la perçoit et non pas sur un écran que tout le monde peut voir.

Kris et Luhan étaient entrain de se détruire juste à cause d'une fille, pathétique. Jessie ne devrait choisir ni l'un ni l'autre franchement, ils étaient trop immature pour aimer quelqu'un.

« J'espère tout de même que vous l'avez gagné votre match, mieux valait changer de sujet.
- Non, Kris s'est tiré au beau milieu de la seconde partie, m'annonça-t-il.
- Quoi ? La seule chose que Kris aime plus que lui-même c'est le basket, pourquoi il a fait ça ?
- Parce que quelqu'un qu'il aimait bien n'était pas venu le voir alors que Jessie était bel et bien dans le public. »

Sa mère avait sûrement autre chose à faire.

21/10/2017; 1115 mots ♡.

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