2. Nouveau départ, nouvelle proie

[Sam Tinnesz - Savage]

Mes yeux se posent sur ta silhouette, à travers les rayons de lingerie féminine, et mon regard dérive vers le bras que tu tends en direction d'une étagère de petites culottes. Dissimulé derrière une pendrie de nuisettes en coton, je t'observe toucher l'étoffe du bout de doigts avant de la remettre à sa place. À chaque pas que tu fais, tes cheveux bruns fouettent grâcieusement le bas de ton dos ; ce mouvement hypnotique m'empêche de m'arracher à ma contemplation. Je te traque dans cette boutique de centre commercial, sans me priver de reluquer tes fesses rebondies dans ce jean qui met chacune de tes courbes en valeur.

   Mes appétits primitifs s'éveillent, mon instinct de prédateur renaît de ses cendres, mon sang pulse dans mes veines alors que je te chasse. Tu es ma nouvelle obsession. J'éprouve l'irrépressible envie de te soumettre à mes fantasmes, le désir de connaître chaque détail – aussi infimes soient-ils – de ta vie, et la convoitise qui me dévore les entrailles lorsque je te reluque. Je veux te posséder, corps et âme, sans barrières ni limites.

   Ma douce petite brebis, tellement frêle et crédule, bientôt éprise du grand méchant loup...

   Lorsque je frôle de trop près un vêtement, le ceintre se décroche de la barre en fer et tombe sur le sol bruyamment. Je m'empresse de ramasser l'article et une fois le pyjama remit avec les autres, un vide accueille mon regard affamé. Un grognement m'échappe alors que je te cherche parmi les étalages.

    Une petite tape sur l'épaule me fait sursauter.

— On me cherchait ? articule une voix familière avec assurance.

   Mon corps se retourne de lui-même, les membres crispés et le visage marqué par la surprise. Un sentiment de honte m'envahit à l'idée que tu aies remarqué que je te suivais, mais tu ne sembles pas offusquée. Tes lèvres s'étirent en un sourire espiègle.

— Mon collègue m'a dit que tu étais passé au bar hier, et que tu lui avais même demandé mon adresse. Tu comptais me combrioler, dis-moi ?

   Je décèle un brin d'humour dans ta voix tandis que je m'autorise à contempler ton corps de plus près ; le débardeur noir que tu portes dessine la rondeur de tes seins et tes tétons pointent à travers la finesse du vêtement. Tu ne portes pas de soutien-gorge. Est-ce une habitude chez toi ? L'idée de savoir que je n'aurais pas à me débattre avec la dentelle de tes sous-vêtements lorsque je te déshabillerai me plaît...

   Mon attention dérive vers le morceau de tissu rose bonbon qui s'apparente à un string, arborant un petit nœud, greffé à ta main. Un rictus moqueur m'échappe.

— Mignon, dis-je avec un mouvement de tête en direction de l'étoffe.

   Tes joues rougissent légèrement mais bien vite, ton assurance naturelle reprend le dessus. Ton regard se plante dans le mien avec une once de défi. Je tente de déceler tes pensées à travers tes pupilles mordorées, quand tu répliques :

— Tu me suis depuis combien de temps, comme ça ?

   Mes lèvres bafouillent des bribes de réponses maladroites et un rire moqueur s'évanouit de tes lèvres pulpeuses.

— N'essaie pas de me faire croire que tu faisais tes petites emplettes dans un magasin de lingerie pour femme, insistes-tu. À moins que tu n'aies quelque chose à m'avouer, Nathanaël... Un plaisir coupable peut-être ? Un fantasme tordu ?

   Mon prénom dans ta bouche résonne comme une mélodie envoûtante et soudain, mon sang se fige de stupéfaction ; comment le connaîs-tu ? Aurais-tu fais des recherches personnelles de ton côté ? Peut-être qu'en fin de compte, je ne suis pas le seul à percevoir ce lien qui nous unit... La petite brebis se méfie du grand méchant loup. Perçoit-elle danger qui la guette ?

— Une petite amie, peut-être ?

   Je sens une once d'inquiétude te transperçer alors que tu attends de pied ferme ma réponse. Serais-tu jalouse si c'était le cas ?

— Tu as rasion : je te suivais, admis-je finalement tandis que mes lèvres se retroussent malicieusement. Je n'ai pas pu m'empêcher de satisfaire ma curiosité, mais je ne semble pas être le seul à m'être renseigné, Romane.

    Ton corps frissone à l'entente de ton prénom que j'articule délicieusement comme si je récitais les vers d'un poème. Pourtant, tu restes là alors que tu devrais être en train de me fuir. Tu parais déstabilisée par l'aveu que je t'offre, cartes sur table. Néanmoins, le fait d'être traquée n'a pas l'air de te déranger autant qu'il le devrait.

— Espèce de psycopathe, réponds-tu aussitôt sans la moindre once de dégoût – plutôt de l'amusement. Tu suis souvement les filles ? Laisse-moi te dire que c'est étrange comme activité extra-scolaire...

— Et toi, tu enquêtes souvent sur les clients que tu sers ?

    Mon allusion semble te piquer mais tu ne te démonte pas pour autant.

— Parfois, quand un homme me plaît assez pour attiser ma curiosité... Alors, pas de petite copine secrète ?

    Ta question reste en suspens alors que ta voix me communique une certaine forme de jalousie mêlée à de la réticence. Ton audace m'impressionne. Sauf que tu ignores encore tout du chemin sur lequel tu t'engages...

    Que dirais-tu si tu savais que mon précédent amour a perdu la vie, par ma faute ? Qu'elle repose à présent dans une tombe pour les sentiments qu'elle me portait et pour avoir engendré chez moi une obsession sans nom à son égard ?

— Aucune, affirmé-je. Je ne suis pas doué en amour.

    L'étonnement traverse tes pupilles et tes yeux se plissent comme si tu essayais de me sonder, ou déceler mes secrets les plus intimes, enfuis au plus profond de mon être. Ceux que renferme mon âme pervertie et dont je tente en vain de me dépêtre.

— Je pensais qu'une orde de femme seraient prêtes à se jeter à tes pieds, avoues-tu en replaçant une mèche de tes cheveux derrière ton oreille.

    Je suis ton geste hypnotique du regard. Qu'est-ce que j'aimerais caresser tes doux cheveux...

— C'est vrai...

    Mais c'est toi que je veux.

— Tu n'as pas trouvé chaussure à ton pied ?

— Disons que mes sentiments – parfois trop profonds et trop intenses – peuvent en effrayer plus d'une.

    Tu me sondes quelques secondes, un air intrigué placardé sur le visage, avant de croiser les bras sur ta poitrine.

— N'empêche, ajoute-tu en haussant les sourcils, si c'est de cette manière que tu abordes les filles... ça ne m'étonne pas qu'elles aient peur de toi ! Un petit conseil : tu devrais revoir tes méthodes d'approche, Nathanaël.

    La naïveté qui émane de ton corps menu me fais perdre la raison ; si seulement je n'étais qu'en train de te charmer... Malheureusement, une vérité bien plus tordue se cache sous le spectacle qui s'offre à tes yeux. En réalité, cette discussion pourrait bien sceller ta vie d'un destin funèbre. Tu n'es pas seulement une fille sur laquelle j'ai jeté mon dévolu ; tu représentes à la fois le portrait de mon amour perdu, l'espoir de me repantir de mes péchés, et celle pour laquelle mon corps vibre de ce sombre désir. Celui de te posséder. 

    Tu es ma muse.

    L'univers semble me gratifier d'une seconde chance pour réparer mes torts. À travers toi, j'ai l'impression de revoir ces choses qui m'ont été cruellement arrachées. Tu apparais tel un ange parmi l'obscurité qui m'engouffre et se referme autour de moi. Le remède à tous mes maux. Mon oxygène.

    Pour cette raison, je ne peux ignorer cet aimant qui m'attire à toi et me pousse à assouvir mes vilaines pulsions. Mon coté sombre qui sommeil dans les abysses de mon âme pervertie ne cesse de tirer sur cette corde – mon dernier lien qui me relie à ma raison – et qui ne va pas tarder à flancher. Je l'entends gratter comme un insect dans un coin de ma tête, me supplier de m'abandonner à mes tendances démoniaques ; je le sens prendre possession de mon être, progressivement, en dépit de ma résistence.

    L'idée de ton âme soumise à ma volonté, à mes fantasmes frénétiques, décharge une onde d'adrénaline dans mes veines. Cette vision alimente ma soif de pouvoir et mes muscles se mettent à trembler d'excitation.

    Tu as promis de tout arrêter, me rappelle ma conscience.

    Je m'efforce de chasser ces images de mon esprit capricieux. L'assouvissement de mes pulsions demeure un jeu bien trop dangereux – duquel j'en connais déjà la finalité. Par le passé, ma perversion a déjà coûté la vie d'une de mes obsessions et je ne dois pas te laisser devenir la prochaine victime. Car lorsque le jeu commencera, je ne serai plus en mesure de m'arrêter. Il me poussera à continuer en vain, jusqu'à commettre l'irréparable – me haïr pour le sort que je t'aurai infligé. Brûler mon âme pour qu'il n'en reste plus que des cendres.

— Ne t'avises plus de me suivre, Nathanaël, menaces-tu sérieusement.  Sinon, je serai contrainte de porter plainte pour harcelement... Compris ?

    Je hoche de la tête mécaniquement, la mâchoire serrée, et le coeur qui palpite.

    Tu me plaque la petite culotte rose sur le torse, que je rattrape avant qu'elle ne tombe parterre. Puis sans un regard en arrière, tu t'éloignes de moi, m'abandonnant au milieu de cette boutique. Je détaille une dernière fois les courbes de ton corps, capture cette vision dans ma mémoire, avant de quitter cet endroit à mon tour.

    Tu ne te débarrasseras pas de moi aussi facilement, ma petite brebis...

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